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29/04/2022 | FRANCE | N°20/01382

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 29 avril 2022, 20/01382


MINUTE N° 186/2022





























Copie exécutoire à



- Me Guillaume HARTER



- Me Nadine HEICHELBECH





Le 29 avril 2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 29 Avril 2022





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/01382 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HKPN
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Décision déférée à la cour : 27 Février 2020 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG





APPELANTE :



La Société STEF EUROFRISCHFRACHT prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 1]



représentée par Me Guillaume HARTER, a...

MINUTE N° 186/2022

Copie exécutoire à

- Me Guillaume HARTER

- Me Nadine HEICHELBECH

Le 29 avril 2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 29 Avril 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/01382 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HKPN

Décision déférée à la cour : 27 Février 2020 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG

APPELANTE :

La Société STEF EUROFRISCHFRACHT prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 1]

représentée par Me Guillaume HARTER, avocat à la cour.

avocat plaidant : Me BOYER substituant Me LEPEE, avocat à [Localité 3]

INTIMÉ :

L'ETAT, MINISTERE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS représenté par Monsieur le Directeur Général des Douanes

ayant son siège social [Adresse 2]

représenté par Me Nadine HEICHELBECH, avocat à la cour.

avocat plaidant : Me NEZONDET, avocat à [Localité 4]

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 25 Février 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Madame Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Dominique DONATH faisant fonction

ARRET contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Mme Dominique DONATH, faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS des PARTIES

La société Stef Eurofrischfracht est une filiale du groupe Stef SA ayant pour activité le transport et la logistique du froid.

Sur ses trois sites de stockage et de logistique de [Localité 5], la société Stef Eurofrischfracht produit de l'air réfrigéré et le distribue dans les différents locaux de ses sites. Estimant que cette activité qui nécessite une importante consommation d'électricité relevait du champ d'application de l'article 266 quinquies C du code des douanes qui prévoyait, en son paragraphe 8. C. a., dans sa version applicable au litige, un tarif réduit de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE), également appelée contribution au service public de l'électricité (CSPE), pour les personnes exploitant des installations industrielles électro-intensives, la société Stef Eurofrischfracht a transmis à son fournisseur d'électricité, le 3 février 2016, une attestation justifiant du bénéfice d'un tarif réduit pour l'année 2016, conformément aux dispositions de cet article. Le 18 janvier 2017, elle a fait de même pour l'année 2017.

Par courrier du 29 juin 2017, reçu le 4 juillet, la société Stef Eurofrischfracht a transmis à l'administration des douanes son état récapitulatif pour l'année 2016 faisant apparaître un trop versé de taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité de 6 639 euros dont elle a demandé le remboursement.

L'administration des douanes n'a pas répondu à cette demande.

Le 14 mars 2018, l'administration des douanes a procédé au contrôle de la société Stef Eurofrischfracht au titre de la TICFE à compter du 1er janvier 2016, à la suite duquel elle a dressé un procès-verbal de constat.

Suite à la transmission par l'administration des douanes d'un avis de résultat d'enquête du 19 avril 2018, aux termes duquel elle considérait que son activité de stockage et d'entreposage, qui relevait de la section H de la nomenclature des activités et produits française, ne pouvait être assimilée à l'activité de production et distribution de froid classée sous le code NAF 35.30 de la section D, la société Stef Eurofrischfracht a contesté, le 30 avril 2018, la position de l'administration.

Le 23 mai 2018, la société Stef Eurofrischfracht a transmis à l'administration des douanes son état récapitulatif pour l'année 2017 faisant apparaître un trop versé de CSPE à hauteur de 3 301 euros ainsi qu'une demande de remboursement à due concurrence.

Le 31 juillet 2018, l'administration des douanes a rejeté la demande de remboursement de la société Stef Eurofrischfracht pour la taxe versée en 2017, reçue le 4 juin 2018, au motif que la société ne pouvait bénéficier du tarif réduit institué par l'article l'article 266 quinquies C du code des douanes.

Suite au rejet de ses demandes par l'administration des douanes, la société Stef Eurofrischfracht a saisi le tribunal de grande instance de Strasbourg, par assignation du 29 octobre 2018, pour contester la décision implicite de rejet

de la demande reçue le 4 juillet 2017 et de la décision expresse de l'administration des douanes du 31 juillet 2018 et demander le remboursement de la CSPE indûment payée sur les consommations d'électricité 2016 et 2017.

Par jugement du 27 février 2020, le tribunal judiciaire de Strasbourg a débouté la société Stef Eurofrischfracht de l'ensemble de ses demandes, la condamnant aux dépens, ainsi qu'à verser à M. le Directeur régional des Douanes et Droits Indirects de Strasbourg, représentant l'Etat et le ministère de l'action et des comptes publics et la Direction Générale des Douanes et Droits Indirects une somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a d'une part constaté que l'argumentation soutenue par la société Stef Eurofrischfracht qui tendait à voir reconnaître le droit aux sociétés ayant pour activité le stockage et l'entreposage frigorifique, et qui à cette occasion produisaient « en interne » de l'air réfrigéré, avait été rejetée par le Conseil d'Etat dans sa décision du 22 février 2017 qui écartait cette activité industrielle de la liste de celles pouvant bénéficier du tarif préférentiel de l'électricité, et d'autre part a retenu que la production d'air froid réalisée n'était pour la société Stef Eurofrischfracht qu'une sous activité nécessaire à l'exercice de son activité principale, qui est le stockage frigorifique.

Par déclaration transmise par voie électronique le 18 mai 2020, la société Stef Eurofrischfracht a interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions.

Par ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 24 juin 2021, la société Stef Eurofrischfracht demande à la cour d'annuler, sinon réformer, le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Strasbourg le 27 février 2020, en ce qu'il a rejeté ses demandes ; constater que la société Stef Eurofrischfracht est éligible au régime des tarifs réduits de CSPE applicables aux installations industrielles électro-intensives ; respectivement, de prononcer l'illégalité de la décision implicite de rejet de la demande reçue le 4 juillet 2017 par l'administration des douanes et de la décision expresse de l'administration des douanes du 31 juillet 2018, de les annuler et d'ordonner le remboursement de la somme de 6 639 euros correspondant à la CSPE payées sur les consommations d'électricité réalisées par la société Stef Eurofrischfracht sur l'année 2016, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 29 juin 2017, et de la somme de 3 301 euros correspondant à la CSPE payées sur les consommations d'électricité réalisées par la société Stef Eurofrischfracht sur l'année 2017, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 23 mai 2018, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de trente jours suivant la signification de la décision à intervenir ; de condamner l'Etat au paiement de la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile  et aux entiers dépens.

La société appelante demande, in limine litis, une mesure d'instruction afin de procéder, comme le prévoit l'article 179 du code de procédure civile, à la vérification sur place de l'existence d'une installation de production et de distribution de froid éligible selon elle au régime des tarifs réduits de CSPE sur ses trois sites de [Localité 5].

Pour demander l'annulation du jugement du tribunal judiciaire de Strasbourg, la société Stef Eurofrischfracht soutient que sa motivation est erronée en droit et en fait, en ce que :

- la décision du Conseil d'Etat du 22 février 2017 sur laquelle elle s'appuie est inopérante au cas d'espèce puisqu'elle concerne uniquement l'activité de transport et d'entreposage frigorifique qui ne relève pas de l'article 266 quinquies C du code des douanes, alors que la société appelante a demandé à bénéficier du régime des tarifs réduits de CSPE du fait de son activité de production et de distribution d'air réfrigéré relevant de la section D de la nomenclature d'activités et de produits française (ci-après la NAF),

- la décision du Conseil d'Etat ne fait pas obstacle à la possibilité pour une société exerçant plusieurs activités de bénéficier des tarifs réduits de CSPE dès lors qu'au moins une de ses activités relève des sections B à E de la NAF, et qu'aucune disposition légale ou réglementaire n'imposait, avant l'entrée en vigueur du décret n°2018-802 du 21 septembre 2018 qui a restreint le champ d'application de l'article 266 quinquies C, qu'il soit tenu compte de la seule activité principale de la société pour bénéficier du régime des tarifs réduits de CSPE.

La société appelante soutient par ailleurs que le jugement retient à tort que son activité de production et de distribution d'air réfrigéré serait une sous-activité nécessaire à l'exercice de son activité principale de stockage frigorifique et ne constituerait pas une activité relevant de la section D de l'annexe du décret du 26 décembre 2007 portant approbation des nomenclatures d'activités et de produits françaises, alors qu'aucune disposition ne permet d'exclure de la section D de la NAF, les activités de production d'air réfrigéré dès lors que le produit de cette activité serait intégralement consommé par la société, notamment pour les besoins de son activité principale, et qu'au contraire, le guide d'utilisation de la NAF qui admet que plusieurs activités puissent coexister au sein d'une même société, rappelle que la production d'énergie, dont l'énergie frigorifique, est une activité économique « même si la totalité de la production est consommée par l'unité mère ».

Elle soutient enfin qu'aucune condamnation aux dépens ou sur le fondement de l'article 700 ne pouvait être prononcée contre elle, car l'article 367 du code des douanes en vigueur à la date des faits ne prévoyait pas de frais de justice. Cette condamnation ne serait au surplus ni équitablement ni économiquement justifiée s'agissant d'un contentieux de masse.

Pour conclure à l'illégalité de la décision implicite de rejet de la demande reçue le 4 juillet 2017 par l'administration des douanes, et de la décision expresse de l'administration des douanes du 31 juillet 2018, la société appelante soutient que leur motivation est erronée en droit et en fait, en ce que :

- l'administration des douanes interprète à tort la décision du Conseil d'Etat n°401137 du 22 février 2017 comme excluant la société Stef Eurofrischfracht du bénéfice du régime des tarifs réduits de CSPE, alors que cette décision est inopérante en l'espèce ;

- l'administration retient qu'il doit être tenu compte de la seule activité principale de la société Stef Eurofrischfracht pour bénéficier du régime des tarifs réduits de CSPE, et que selon le code de l'activité principale exercée (APE) par la société Stef Eurofrischfracht qui correspond à l'entreposage et au stockage frigorifique et l'activité effectivement exercée par elle, elle n'exercerait pas d'activité industrielle au sens du texte précité, alors qu'aucune disposition légale ou réglementaire n'imposait, avant l'entrée en vigueur du décret n° 2018-802 du 21 septembre 2018, qu'il soit tenu compte de la seule activité principale pour bénéficier des tarifs réduits de CSPE ;

- elle considère que pour bénéficier du régime des tarifs réduits de CSPE, il convient d'exercer cumulativement une activité de production et une activité de distribution d'air réfrigéré, alors que la conjonction 'et' employée dans la NAF est alternative et non pas inclusive, de sorte qu'il suffit de constater qu'elle produit de l'air réfrigéré ; qu'en tout état de cause, la société Stef Eurofrischfracht exerce bien ces activités puisqu'il y a distribution d'air réfrigéré entre ses différents locaux, ce que l'administration aurait pu vérifier ;

- elle estime que la production d'air réfrigéré de la société Stef Eurofrischfracht serait inhérente et indissociable de son activité de stockage et de transport frigorifique alors que ce n'est pas parce qu'une activité est complémentaire d'une autre qu'elles sont nécessairement indissociables et inhérentes l'une à l'autre ; que de surcroît les installations de production et de distribution de froid sont structurellement distinctes d'un point de vue urbanistique et organisationnel de l'entrepôt de stockage, et qu'enfin aucune disposition légale ou réglementaire n'interdit de prendre en compte une activité « inhérente », pour le bénéfice du régime des tarifs réduits de CSPE ;

- elle considère que la référence à la production et à la distribution d'énergie calorifique ou frigorifique impliquerait d'en assurer la livraison ou la distribution à différents clients ou abonnés par un réseau alors qu'une telle affirmation ne repose sur aucun fondement juridique, technique ou factuel ;

- elle retient que les installations de production et de distribution d'air réfrigérée des sites de la société Stef Eurofrischfracht ne pourraient être qualifiées d'installations industrielles parce qu'elles ne seraient pas des unités techniques fixes puisqu'elles ne sont pas autonomes, alors que les textes, antérieurement au 1er juillet 2018, notamment le décret n° 2010-1725 du 30 décembre 2010 ne mentionnent pas cette exigence d'autonomie, qui n'est apparue dans le droit positif qu'au 1er juillet 2018, l'administration faisant une interprétation erronée de la directive européenne 2003/96/CE qui fait référence à la notion d'entreprise alors que l'article 266 quinquies C concerne les tarifs applicables aux installations, la directive laissant une large marge d'appréciation aux membres pour la fixation de taux réduits, et qu'en tout état de cause l'installation de production et de distribution d'air réfrigéré de la société Stef Eurofrischfracht est située dans un local technique dédié séparé structurellement de son entrepôt de stockage et fait l'objet d'une exploitation autonome, pouvant notamment fonctionner ou être mise à l'arrêt indépendamment des autres installations du site.

La société Stef Eurofrischfracht soutient, en conséquence, qu'elle est éligible au régime des tarifs réduits de CSPE en ce qu'elle remplit les conditions de l'article 266 quinquies C du code des douanes, et du décret n°2010-1725 du 30 décembre 2010 dans sa version antérieure à la réforme de 2018, de sorte que la décision critiquée doit être annulée et sa demande de remboursement accueillie, la condamnation prononcée devant être assortie d'une astreinte.

*

Par ses dernières conclusions du 11 mars 2021, la Direction générale des douanes et droits indirects, représentée par le Directeur Régional des douanes et droits indirects de Strasbourg, demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de débouter la société Stef Eurofrischfracht de l'ensemble de ses demandes, de la condamner à payer à l'administration des douanes et droits indirects la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens d'appel.

Au soutien de ses prétentions, l'intimée fait valoir que la mesure d'instruction demandée in limine litis n'est d'aucune utilité dès lors que la cour est en mesure d'appréhender pleinement la situation de fait notamment par les pièces communiquées par l'appelante, et que le seul constat factuel de l'existence d'un local dédié à la production d'air réfrigéré n'est pas suffisant pour apprécier l'éligibilité de l'activité au taux réduit.

Sur la prétendue illégalité des décisions critiquées, l'intimée fait valoir que :

- pour bénéficier du taux réduit toutes les activités exercées par la société doivent relever des sections B, C, D et E de l'annexe du décret n°2007-1888 du 26 décembre 2007 ;

- l'installation ne peut pas présenter un caractère industriel au motif qu'y serait exercée non seulement une activité de stockage mais également une activité de production et de distribution d'air et d'eau refroidis relevant de la section D sous classe 35.30Z de la NAF, la production de froid dans ses installations faisant partie intégrante du processus d'entreposage, de stockage et de transport frigorifique et ne pouvant donc pas être considérée comme une activité distincte de l'activité principale d'entreposage et de stockage,

- la production et distribution d'air réfrigéré (NAF 3530Z) implique d'en assurer la livraison ou la distribution à différents clients ou abonnés par un réseau, or l'activité de la société Stef Eurofrischfracht ne consiste manifestement pas en l'exploitation d'un réseau de conduites en vue de fournir de l'air conditionné à des sites industriels ou résidentiels,

- la production d'air et d'eau refroidis n'est qu'un des éléments du processus de stockage ou de transport frigorifique, et le principe général revendiqué par l'appelante consistant à prendre en compte une activité autoconsommée comme activité économique productive n'est aucunement reconnu par la NAF, qui précise expressément les cas dans lesquels l'autoconsommation peut être prise en compte, ce qui n'est pas le cas de la production de froid ; qu'il ressort du guide d'utilisation de la NAF en son point 5.3.2 qu'une activité secondaire se définit comme toute autre activité de l'unité qui donne lieu à la production de biens ou de services appropriés pour être destinés à des tiers, qu'en l'espèce l'activité invoquée n'est aucunement destinée à des tiers mais réservée aux besoins exclusifs de la société demanderesse, et que, la qualification éventuelle de l'activité de production de froid d'activité auxiliaire ne lui permettrait pas davantage de lui faire bénéficier du taux réduit puisqu'une activité auxiliaire a pour seul objet de servir de soutien aux activités principales et secondaires ; qu'enfin la production de froid destinée à alimenter un entrepôt ne pouvant être assimilée à la production d'énergie.

Sur la notion d'unité technique fixe, l'administration des douanes soutient que, dans la version du décret applicable aux faits, l'installation se définissait comme une « unité technique fixe » ; que le décret 2007-1888 du 26 décembre 2007 portant approbation des nomenclatures d'activités et de produits françaises indique qu'on entend par 'installation industrielle' une unité technique fixe au sein de laquelle sont effectuées une ou plusieurs des activités relevant des sections B, C, D et E ainsi que toute autre activité s'y rapportant directement exercée sur le même site et techniquement liée à ces activités ; que l'unité technique fixe est un concept du droit de l'Union européenne, et que dans sa rédaction antérieure à la loi de finances de 2017 le a du paragraphe C du 8 de l'article 266 quinquies du code des douanes doit être lu à la lumière de l'article 11 de la directive 2003/96/CE primant le droit national, de sorte que l'installation industrielle mentionnée à cet article doit nécessairement s'entendre comme une entité autonome c'est à dire capable de fonctionner par ses propres moyens et être consacrée à la réalisation d'activités principalement industrielles excluant de fait le bénéfice du tarif réduit à une entreprise non industrielle exerçant une activité à titre secondaire, en vertu du principe d'interprétation conforme dégagé par la CJUE.

L'administration des douanes soutient en outre que, contrairement à ce qu'invoque l'appelante, l'évolution législative opérée en 2018 avait pour objectif d'élargir le périmètre du bénéfice des taux réduits, qu'il est inexact de soutenir qu'il ressort des travaux parlementaires que toutes les activités doivent être prises en compte pour caractériser une installation ou un site industriel, y compris les activités secondaires pour bénéficier du taux réduit, alors qu'avant la modification législative de 2018 le législateur entendait réserver le bénéfice des taux réduits à l'unité fixe au sein de laquelle sont exercées exclusivement des activités relevant des sections B à E de la nomenclature, toutes les activités de l'entreprise devant relever de ces sections et que désormais le bénéfice des taux réduits est appliqué à l'activité principale qui doit relever des sections B à E de la NAF.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 7 décembre 2021.

MOTIFS

- Sur la demande de transport sur les lieux

Selon l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion. Il n'y a dès lors pas lieu de statuer sur la demande de transport sur les lieux exposée dans les motifs des écritures de la société Stef Eurofrischfracht, la prétention n'ayant pas été reprise dans le dispositif de celles-ci.

- Sur la demande d'annulation du jugement

La société Stef Eurofrischfracht n'invoque aucun moyen susceptible d'entraîner l'annulation du jugement. Le grief tiré du caractère prétendument erroné en fait et en droit de la motivation du jugement ne peut en effet justifier, le cas échéant, que sa réformation et non son annulation qui ne serait encourue qu'en cas d'absence ou d'insuffisance de motivation. La demande doit donc être rejetée.

- Sur l'éligibilité de la société Stef Eurofrischfracht au taux réduit de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité

Aux termes de l'article 266 quinquies C- 8. a. du code des douanes, dans sa version applicable au litige, les personnes qui exploitent des installations industrielles électro-intensives peuvent bénéficier d'un tarif réduit de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité.

La notion d'installation industrielle est définie à l'article 2 du décret n°2010-1725 du 30 décembre 2010 pris pour l'application de l'article 266 quinquies C du code des douanes, dans sa version en vigueur à la date des faits, comme « une unité technique fixe au sein de laquelle sont effectuées une ou plusieurs des activités relevant des sections B, C, D et E de l'annexe au décret n° 2007-1888 du 26 décembre 2007 portant approbation des nomenclatures d'activités et de produits françaises ainsi que toute autre activité s'y rapportant directement, exercée sur le même site et techniquement liée à ces activités. »

Il n'est pas contestable que l'activité principale de l'appelante qui est le transport et l'entreposage frigorifique, relève du code APE 52.10A « entreposage et stockage frigorifique » et que cette activité non industrielle relève de la section H de l'annexe au décret du 26 décembre 2007 portant approbation des nomenclatures d'activités et de produits françaises et non pas de la section D « production et distribution d'électricité, de gaz, de vapeur et d'air conditionné » de cette annexe, comme l'a retenu le Conseil d'Etat dans sa décision du 22 février 2017 qui a rejeté l'ensemble des moyens soulevés pour contester la légalité de l'article 3 du décret du 6 mai 2016, ayant modifié l'article 2 du décret du 30 décembre 2010.

Ainsi que le soutient l'appelante, cette décision ne peut toutefois être utilement opposée à sa réclamation en ce qu'elle ne s'est pas prononcée sur la question soumise à la cour qui est de savoir si la société Stef Eurofrischfracht exerce une activité distincte de son activité principale susceptible de la rendre éligible au bénéfice du taux réduit.

La société Stef Eurofrischfracht prétend en effet exercer une activité distincte de son activité principale relevant de la section D de la NAF, et plus particulièrement de la sous-section 35.30Z « production et distribution de vapeur et d'air conditionné » qui inclut la production et la distribution d'air réfrigéré.

Si aucune disposition antérieure à l'entrée en vigueur du décret n°2018-802 du 21 septembre 2018 n'imposait expressément qu'il soit tenu compte de la seule activité principale de la société, les textes ci-dessus visés faisant référence à l'exercice d'une ou plusieurs activités, les parties divergent quant à l'interprétation donnée à ces textes.

L'intimée soutient en effet que pour être éligible au taux réduit toutes les activités de la société devaient relever des sections B, C, D et E de l'annexe du décret n°2007-1888 du 26 décembre 2007, et que contrairement à ce que soutient la société Stef Eurofrischfracht, la modification de la définition de l'installation intervenue en 2018 qui vise désormais l'activité principale n'implique pas nécessairement que l'exercice d'une activité secondaire ou auxiliaire pouvait antérieurement rendre l'installation éligible au tarif réduit.

Il convient toutefois au préalable de rechercher si la société Stef Eurofrischfracht peut être considérée comme exerçant une activité relevant des sections B, C, D, et E de la NAF comme elle le soutient, l'administration faisant en effet valoir que le seul fait qu'une production d'air réfrigéré soit effectuée au sein de l'entreprise n'implique pas que cette production soit une activité économique productive distincte, dès lors que la production de froid ferait partie intégrante du processus d'entreposage, de stockage et de transport frigorifique et ne peut donc être considérée comme une activité distincte de l'activité principale de la société.

À cet égard, il peut être fait référence au guide d'utilisation de la nomenclature d'activités française qui vise à classer les différentes activités économiques productives à des fins statistiques.

Selon l'article 5.1.1 de ce guide, il y a activité économique lorsque des ressources - telles que des biens d'équipement, de la main-d''uvre, des techniques de fabrication ou des produits intermédiaires - sont combinées pour produire des biens ou des services spécifiques. Toute activité est caractérisée par une entrée de ressources, un processus de production et une sortie de produits (biens ou services). Une activité ainsi définie peut consister en un processus unique (...), mais peut également comporter différents sous-processus relevant chacun d'une autre catégorie de la classification (...). Si le processus de production est organisé de manière à constituer une série intégrée d'activités élémentaires au sein d'une même unité statistique, la combinaison de toutes ces activités est considérée comme une seule activité. 

En l'occurrence, la production de froid par la société Stef Eurofrischfracht qui est nécessaire à son activité d'entreposage frigorifique et qui lui est exclusivement destinée ne peut être considérée comme une activité indépendante de son activité principale mais, ainsi que le soutient à bon droit l'intimée, comme une activité faisant partie intégrante du processus de stockage frigorifique.

La société Stef Eurofrischfracht ne peut en effet soutenir exercer une activité secondaire qui est définie par l'article 5.3.2 du guide d'utilisation de la NAF comme toute activité de l'unité statistique autre que l'activité principale (qui est elle définie comme celle qui contribue le plus à la valeur ajoutée totale de cette unité statistique) donnant lieu à la production de biens ou de services appropriés pour être destinés à des tiers, puisqu'en l'espèce l'activité de production d'air réfrigéré n'est pas destinée à des tiers, mais à une auto-consommation. Cette activité ne peut donc recevoir la qualification d'activité secondaire, au sens de la nomenclature.

La production d'air réfrigéré ne peut pas davantage recevoir la qualification d'activité auxiliaire qui est définie par l'article précité du guide d'utilisation de la NAF comme une activité ayant pour seul objet de servir de soutien aux activités économiques principales et secondaires d'une unité en fournissant des biens ou des services au seul usage de cette unité, et répondant aux conditions suivantes :

a) desservir uniquement la ou les unités considérées ;

b) concourir aux coûts courants de l'unité ;

c) produire le plus souvent des services ou, exceptionnellement, des biens qui n'entrent pas dans la composition du produit final de l'unité et n'engendrent pas de formation brute de capital fixe ;

d) exister et avoir une importance comparable dans des unités productrices similaires.

En effet, dès lors que la production de froid est un procédé technique indispensable à l'activité de stockage frigorifique, elle ne vient pas au soutien de l'activité principale, mais est intégrée à celle-ci, et conformément à l'article 5.1.1 précité, dès lors qu'elle constitue une activité élémentaire faisant partie intégrante du processus de stockage frigorifique, elle ne peut être considérée comme une activité économique productive autonome. La circonstance que d'autres sociétés du même secteur d'activité fassent appel à des sociétés tierces pour la fourniture d'air réfrigéré n'est pas de nature à remettre en cause cette appréciation, s'agissant en effet uniquement d'un choix de gestion dépourvu d'incidence sur le caractère autonome ou non de l'activité.

La référence faite par l'appelante à l'exception prévue à l'article 5.3.2 du guide d'utilisation de la NAF qui exclut la qualification d'activité auxiliaire pour la production d'énergie (centrale électrique ou cockerie intégrée), même si la totalité de la production est consommée par l'unité mère, est inopérante, ces exceptions d'interprétation restrictive n'étant pas assimilables à la production de froid qui résulte d'un procédé technique indispensable à l'activité de stockage frigorifique.

Il importe peu que la production d'air réfrigéré soit réalisée dans un local indépendant de l'entrepôt de stockage dans la mesure où un tel local ne saurait constituer en lui même une unité technique fixe au sens de l'article 2 du décret n°2010-1725 du 30 décembre 2010 pris pour l'application de l'article 266 quinquies C du code des douanes, seule susceptible de rendre la société éligible au bénéfice d'un tarif réduit. L'administration des douanes soutient en effet, à juste titre, que cette notion, dès avant la réforme entrée en vigueur au 1er juillet 2018, devait être interprétée au regard des dispositions de droit européen, puisque le décret précité vise à transposer la directive 2003/96/CE du Conseil du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité.

En effet, l'article 266 quinquies C du code des douanes met en oeuvre la faculté ouverte aux Etats membres par l'article 17 de la directive d'appliquer, à certaines conditions, des réductions fiscales sur la consommation d'électricité, en faveur des 'entreprises grandes consommatrices d'énergie' telles que définies à l'article 11 de la directive, les États membres pouvant appliquer des critères plus restrictifs tels que des définitions du chiffre d'affaires, de procédé ou du secteur industriel. Or l'article 11 précise : 'Aux fins de la présente directive, on ne peut entendre par « entreprise » une entité d'une taille inférieure à celle d'une division d'une entreprise ou d'une entité juridique qui, du point de vue de l'organisation, constitue une exploitation indépendante, c'est-à-dire une entité capable de fonctionner par ses propres moyens.'

Par voie de conséquence, si 'l'installation industrielle' visée à l'article 266 quinquies C peut être définie en droit interne par référence à des critères plus restrictifs que ceux visés à l'article 17 de la directive, elle ne peut par contre pas concerner des entités qui ne seraient pas autonomes au sens de cette directive. Dès lors, le fait que la société Stef Eurofrischfracht produise de l'air réfrigéré dans un local distinct, séparé des entrepôts de stockage, et que l'installation soit susceptible de fonctionner même lorsqu'il n'y pas d'activité sur le site n'est pas suffisant pour retenir la qualification d'installation industrielle au sens de l'article 266 quinquies C, en l'absence d'exploitation indépendante.

La société Stef Eurofrischfracht ne démontrant pas exercer une activité, au sens des dispositions précitées, la rendant éligible au tarif réduit de TICFE, le jugement entrepris doit être confirmé, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens soulevés.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Si la société Stef Eurofrischfracht soutient, à bon droit, que le tribunal ne pouvait la condamner aux dépens, l'article 367 du code des douanes en vigueur à la date de l'assignation, disposant que la procédure était verbale, sur simple mémoire et sans frais de justice à répéter de part ni d'autre, elle ne demande toutefois pas, dans le dispositif de ses conclusions qui seul saisit la cour en application de l'article 954 du code de procédure civile, l'infirmation du jugement de ce chef.

Il sera au surplus observé, que le fait que la procédure soit sans frais ne fait pas obstacle à l'application des dispositions de l'article 700.

L'article 109-II de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, dispose que l'article 5 (hors 5-II), qui a abrogé l'article 367 du code des douanes, est applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020.

Par voie de conséquence, l'appel créant une nouvelle instance, qui a été introduite en l'espèce par déclaration en date du 18 mai 2020, il y a donc lieu de statuer sur les dépens de cette instance qui seront mis à la charge de la société Stef Eurofrischfracht. Il sera alloué à l'administration des douanes et droits indirects une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en appel la demande formée par la société Stef Eurofrischfracht sur ce fondement devant être rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

REJETTE la demande d'annulation du jugement ;

CONFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Strasbourg en date du 27 février 2020, en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la SAS Stef Eurofrischfracht aux entiers dépens d'appel ;

CONDAMNE la SAS Stef Eurofrischfracht à payer à la direction des douanes et droits indirects la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel ;

DEBOUTE la société Stef Eurofrischfracht de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, La présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 20/01382
Date de la décision : 29/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-29;20.01382 ?
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