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29/04/2022 | FRANCE | N°17/02968

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 29 avril 2022, 17/02968


MINUTE N° 195/2022





























Copie exécutoire à



- Me Valérie BISCHOFF - DE OLIVEIRA



- Me Thierry CAHN





Le 29/04/2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 29 Avril 2022





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 17/02968 - N° Portalis DBVW-V-B7B-GQJJ<

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Décision déférée à la cour : 28 Avril 2017 par le tribunal de grande instance de MULHOUSE





APPELANTS et intimés sur incident :



1/ Monsieur [O] [K]

2/ Madame [X] [T]

demeurant tous les deux [Adresse 1]



représentés par Me Valérie BISCHOFF - DE OLI...

MINUTE N° 195/2022

Copie exécutoire à

- Me Valérie BISCHOFF - DE OLIVEIRA

- Me Thierry CAHN

Le 29/04/2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 29 Avril 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 17/02968 - N° Portalis DBVW-V-B7B-GQJJ

Décision déférée à la cour : 28 Avril 2017 par le tribunal de grande instance de MULHOUSE

APPELANTS et intimés sur incident :

1/ Monsieur [O] [K]

2/ Madame [X] [T]

demeurant tous les deux [Adresse 1]

représentés par Me Valérie BISCHOFF - DE OLIVEIRA, avocat à la cour.

INTIMES et appelants sur incident :

1/ Monsieur [C] [S]

2/ Madame [P] [R] épouse [S]

demeurant tous les deux [Adresse 1]

représentés par Me Thierry CAHN, avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 07 Janvier 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Mme Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Dominique DONATH, faisant fonction

ARRET contradictoire

- prononcé publiquement après prorogation du 4 mars 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Mme Dominique DONATH, faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Courant 2006, les époux [Z] ont procédé à la division cadastrale d'une parcelle leur appartenant, située [Adresse 1], à [Localité 5] (68), cadastrée section [Cadastre 3], les deux nouvelles parcelles portant les [Cadastre 6] et [Cadastre 2].

La parcelle [Cadastre 7] a été vendue à M. [C] [S] et Mme [P] [R], épouse [S], par acte notarié du 17 novembre 2006, et la parcelle [Cadastre 6] a été vendue à Mme [T] par acte notarié du 22 février 2011.

L'acte de vente au profit des époux [S]-[R] a également constitué une servitude de passage au profit de la parcelle [Cadastre 6], s'agissant d'un droit de passage « en tous temps et heure à pied et avec tout véhicule ». Il a été prévu que ce droit de passage s'exercerait exclusivement sur une bande de trois mètres de large indiquée sur un plan annexé à l'acte, l'emprise du passage figurant sur ce plan étant approuvée par les parties et ce passage partant de la route d'Altkirch en empruntant le portail existant (desservant les deux parcelles) pour aboutir à la maison [Adresse 1]. Ce passage était « en nature de gravillons ». Il a également été convenu que ce droit de passage profiterait aux propriétaires successifs du fond dominant, à leur famille, ayants droits et préposés, pour leurs besoins personnels et, le cas échéant, pour le besoin de leurs activités. L'assiette de cette servitude devrait toujours rester libre de tout obstacle pouvant grever ou empêcher d'exercer les droits ainsi créés.

Suite à la vente de la parcelle [Cadastre 6] à Mme [T], des difficultés sont survenues dans l'usage de la servitude et des conflits de voisinage sont nés entre cette dernière et les époux [S]-[R].

Après avoir fait appel à un géomètre pour une évaluation non contradictoire de la situation, Mme [T] et son compagnon, M. [K], ont saisi le tribunal de grande instance de Mulhouse qui, par jugement avant-dire droit du 29 septembre 2015, a ordonné une vue des lieux par le juge, en présence des parties et de leurs conseils. Cette mesure s'est déroulée le 2 novembre 2015.

Lors de cette vue des lieux, le juge de la mise en état a constaté que l'ouverture sur la propriété des époux [S]-[R], par laquelle passait Mme [T] pour accéder à la cour arrière de sa propriété, était munie d'un portail d'environ 3,40 mètres de large. Il a constaté, dans le passage, une bande de roulement de 3 mètres délimitée par de petites bordures, un aménagement paysager, et deux appentis abritant du bois de chauffage contre le mur de l'immeuble de Mme [T].

Il a précisé que le portail s'ouvrait auparavant d'environ 1,42 m de plus et que le passage s'effectuait en biais à cause de la présence d'un ancien bunker, lui-même installé de biais. Du poteau de clôture des époux [S]-[R] au petit toit surplombant le bunker a été calculée une largeur de seulement 2,47 mètres.

Par ailleurs, sur la propriété des époux [S]-[R], le premier juge a constaté, entre la maison et le bunker de Mme [T], un « petit triangle » sur lequel étaient posées des poubelles de tri à roulettes, lesquelles ne paraissaient pas gênantes. Enfin, le passage appartenant aux époux [S]-[R] avait été revêtu de macadam et, de ce fait, était légèrement plus haut que le terrain de la cour de Mme [T] qui devait l'être également. Cependant, le premier juge a relevé que l'eau ne devait pas stagner, compte tenu de la pente existant sur les deux propriétés.

A l'issue de la vue des lieux, le juge de la mise en état a invité les parties à réfléchir à une possibilité de transaction consistant à reculer de 50 à 80 cm le poteau de clôture des époux [S]-[R] pour permettre une entrée plus commode dans la cour de Mme [T] et à réduire ou enlever un des deux appentis pour permettre l'entrée à l'immeuble de Mme [T] par la porte en façade latérale.

Après de nouveaux échanges de conclusions entre les parties, le tribunal de grande instance de Mulhouse a, par jugement du 28 avril 2017 :

- dit que les époux [S]-[R] :

* devraient reculer de 70 cm le poteau de leur clôture pour permettre une entrée plus commode dans la cour de Mme [T],

* devraient enlever un des deux appentis pour permettre l'entrée à l'immeuble de Mme [T] par la porte en façade latérale,

- rejeté toutes les autres demandes des parties,

- rejeté les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et dit que chaque partie conserverait la charge de ses dépens, les frais du géomètre restant à la charge de Mme [T] et de M. [K],

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Le premier juge a relevé que la servitude de passage, pour incommode qu'elle fût, était cependant utilisée régulièrement et que rien n'y faisait sérieusement obstacle, mais que le technicien géomètre et le juge qui avait procédé à la vue des lieux avaient proposé des solutions d'amélioration qui allaient partiellement dans le même sens, les époux [S]-[R] n'y étant pas opposés.

C'est dans ces conditions que, selon le jugement déféré, les époux [S]-[R] devraient reculer le poteau de leur clôture, afin de permettre une entrée plus commode dans la cour de Mme [T] et que, dans un souci de conciliation qui avait été remarqué et apprécié, ils devraient reculer un des deux appentis, pour permettre l'entrée à l'immeuble de Mme [T] par la porte en façade latérale.

Pour rejeter les autres demandes des consorts [T]-[K], concernant la servitude de passage, le déplacement des poubelles, l'écoulement des eaux, l'enlèvement d'un grillage, le premier juge s'est fondé sur les constatations effectuées lors de la vue des lieux.

Sur les demandes de dommages-intérêts réciproques des parties, il a retenu d'une part que les consorts [T]-[K] ne justifiaient pas de leur préjudice et qu'aucune faute ne pouvait être reprochée aux époux [S]-[R], et d'autre part que Mme [T] et M. [K] avaient le droit de défendre leurs intérêts en justice.

Mme [T] et M. [K] ont interjeté appel de ce jugement par déclaration datée du 3 juillet 2017.

Après échanges de conclusions entre les parties, la cour a, par un arrêt mixte du 28 novembre 2019, a :

- confirmé le jugement rendu entre les parties le 28 avril 2017 en ce qu'il avait rejeté les demandes de Mme [T] et de M. [K] tendant à la condamnation de M. [S] et de Mme [R], épouse [S], à déplacer leurs poubelles sous astreinte, à mettre en place un caniveau pour empêcher l'écoulement des eaux sur leur propriété et à remettre leur terrain dans l'état antérieur à la pose du macadam ;

- infirmé ledit jugement en ce qu'il avait rejeté la demande de M. [K] et Mme [T] relative à la servitude de passage sur le fonds des époux [S]-[R] ;

- dit que Mme [T], propriétaire du fonds n° 519/135, était bien fondée à solliciter une modification de l'assiette de la servitude conventionnelle de passage sur le fonds n° 520/135 ;

- sursis à statuer sur les modalités de cette modification et sur les autres demandes des parties ;

Avant dire droit sur la détermination de l'assiette de ladite servitude conventionnelle de passage,

- ordonné une expertise, confiée à un géomètre expert, afin notamment, après s'être rendu sur les lieux, les parties et leurs conseils respectifs préalablement convoqués, et avoir entendu les parties et tous sachants éventuels, de :

* déterminer la largeur et l'assiette de la servitude de passage du fonds n° 519/135 sur le fonds n° 520/135, de façon à permettre le passage sans difficulté à un véhicule utilitaire de gabarit moyen, tel qu'un camion de livraison de fuel ; établir un plan précis et poser des bornes en vue de la délimitation de la servitude sur le terrain ;

* indiquer, s'il y avait lieu, quels obstacles devaient être retirés, quelles constructions devaient être démolies, pour permettre l'usage de la servitude de passage ainsi définie ;

* fournir à la juridiction tous éléments techniques et de fait utiles à la décision relative à la modification de l'assiette et au tracé de la servitude de passage en cause ;

* faire, s'il y avait lieu, toute observation utile à la solution du litige ;

- renvoyé l'affaire à une audience de mise en état ultérieure et réservé les dépens et l'application éventuelle de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur la demande relative à la servitude de passage, la cour a notamment relevé que celle-ci avait été créée pour permettre un accès, y compris par les véhicules, à la cour située à l'arrière de la propriété des époux [Z], cédée en 2011 à Mme [T].

Si l'acte de vente à Mme [T] stipulait, ainsi que le soulignaient les intimés, que l'acquéreur déclarait « avoir parfaite connaissance de la servitude de passage et en faire son affaire personnelle, sans recours contre quiconque », d'une part le passage effectif, lors de cette acquisition, excédait la largeur de la servitude convenue, dans la mesure où il n'était pas aménagé, et ce notamment dans son virage, qui bénéficiait d'un angle élargi, et, d'autre part, si la largeur du passage avait été précisée dans l'acte, sa délimitation et son tracé, sur le plan annexé à l'acte de vente, étaient totalement imprécis.

Si ce passage était utilisé depuis l'acquisition du fonds dominant par Mme [T], les difficultés survenues dans son usage apparaissaient réelles, notamment pour les véhicules d'un gabarit excédant une automobile, au vu des constats d'huissier produits par l'appelante et d'un rapport d'intervention d'un géomètre expert du 23 octobre 2013 qui, s'il avait été effectué non contradictoirement, avait été soumis aux débats entre les parties.

Ce rapport concluait que le droit de passage, tel qu'institué par l'acte notarié, ne correspondait pas à une possibilité d'usage normal d'accès à la propriété de Mme [T] et, en tout état de cause, il posait différentes questions. Notamment, du fait de sa largeur fixée à trois mètres, même si, physiquement, l'écart entre les deux tracés au sol était légèrement inférieur, il ne permettait pas un accès normal par tout véhicule, cette restriction étant due en partie à la courbe qui ne permettait pas à des camions de circuler sans encombre. De plus, du fait de ce virage, la largeur de l'ouverture entre les deux terrains, ramenée à 3,08 mètres par le nouveau grillage posé par les époux [S]-[R], ne permettait pas, là non plus, d'assurer un accès correct à la cour de Mme [T].

D'ailleurs, dans un courrier non daté produit par Mme [T], les époux [S]-[R] (pièce n°16) lui proposaient de retourner ensemble chez le notaire afin de modifier le tracé de la servitude, ajoutant « car vous le savez très bien qu'il est impraticable », faisant référence notamment à l'angle du mur de sa construction située près de ce passage. Dans ce courrier, les époux [S]-[R] ajoutaient que cette servitude n'avait jamais été « pratiquée » car un arrangement amiable avait été trouvé avec M. [Z] mais il n'avait plus été possible avec Mme [T]. Ils écrivaient encore « dans la mesure où vous refuseriez de retourner chez le notaire, c'est que vous acceptez la servitude telle qu'elle est tracée sur l'acte notarié donc le tracé serait impraticable, vous ne pourriez pas entrer et sortir de chez vous avec votre véhicule ». La cour a considéré que ce courrier traduisait un aveu, par les époux [S]-[R], de l'insuffisance de l'assiette de la servitude, en particulier de sa largeur, et des difficultés liées à son tracé.

Cependant, s'il y avait lieu d'infirmer le jugement déféré et de dire que Mme [T] était bien fondée à solliciter une modification de l'assiette de la servitude conventionnelle de passage sur le fonds n° 520/135, l'accès à « tout véhicule » prévu dans l'acte de constitution de ladite servitude ne signifiait pas nécessairement un accès à des camions de fort tonnage, mais pouvait être interprété comme l'accès à des véhicules utilitaires d'un gabarit moyen, tels que, notamment, des camions de livraison de fioul. C'est pourquoi une expertise confiée à un géomètre expert apparaissait préalablement nécessaire, pour définir la largeur et l'assiette de la servitude de passage, de façon à ce que celle-ci remplisse l'office prévu par l'acte qui l'avait constituée.

De même, la cour a considéré que l'expertise était susceptible d'avoir un impact sur la décision à prendre sur les demandes relatives au garage et celles tendant à l'enlèvement de clôtures et d'un appentis et au déplacement d'un poteau de clôture. C'est pourquoi, dans l'attente du résultat de l'expertise, il a également été sursis à statuer sur ces demandes.

Il en a été de même de la demande de dommages intérêts des appelants, dont l'issue dépendait notamment de la décision sur les autres demandes des consorts [T]-[K], et de la demande de dommages-intérêts des intimés pour procédure et appel abusifs.

En revanche, il n'était pas démontré que la présence des poubelles constituait un trouble anormal de voisinage et la demande présentée à ce titre par Mme [T] et M. [K] n'était donc pas fondée. Le jugement déféré a donc été confirmé en ce qu'il l'avait rejetée.

Il en a été de même de la demande de mise en place d'un caniveau et de remise en état antérieur au macadam, au motif qu'il n'était pas démontré que la pose de macadam sur le terrain des époux [S]-[R], jusqu'en limite de la cour de Mme [T], aggravait l'écoulement des eaux de pluie sur cette cour.

L'expert désigné a signé son rapport le 29 juin 2020.

Par leurs dernières conclusions récapitulatives datées du 29 novembre 2021, les consorts [K]-[T] sollicitent, au visa des articles 682, 640, 701, 1142, 1382 du code civil, l'infirmation du jugement déféré et la condamnation des époux [S]-[R] à :

- leur octroyer un droit de passage conformément au plan (proposition de modification pour un passage de biais de 4 mètres et une ouverture au minimum telle qu'était faite l'ancienne, soit 4,47 mètres de large) dressé par l'expert, M. [F], en dernière page de son rapport du 23 octobre 2013 (annexe 39),

- démolir le garage, subsidiairement, installer le garage à distance réglementaire du code de l'urbanisme et distances de construction, de la clôture de la limite de leur propriété et des distances de construction dues aux servitudes SNCF et ce, à l'extérieur du droit de passage, moyennant astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt,

- enlever la nouvelle clôture en intégralité, empiétant sur l'ouverture de leur propriété, moyennant astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt,

- procéder à l'enlèvement de la clôture en grillage se situant le long de la route d'[Localité 4], perpendiculaire à cette dernière, conformément à la limite de leur propriété, moyennant astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt, y compris sur les distances de construction suivant PLU et code de l'urbanisme, à cause de la visibilité,

- leur verser la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice d'ores et déjà subi, augmentée des intérêts légaux à compter de la demande,

- leur rembourser les frais de géomètre selon justificatifs produits, augmentés des intérêts légaux, et remettre la borne supprimée par eux, à leurs frais,

- leur verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 pour la première instance et 3 000 euros pour l'instance d'appel ainsi qu'aux entiers dépens.

Ils demandent également le rejet de toutes les conclusions des époux [S]-[R] et notamment de leur appel incident.

Les appelants reprennent les moyens développés initialement, à savoir que le passage conventionnel est insuffisant pour assurer la desserte complète de la propriété [T], en raison de son tracé et de sa largeur, et se fondent sur les propositions de l'expert géomètre intervenu à leur demande, à titre privé, lequel recommande un passage d'une largeur de 4 mètres et un tracé en biais, conduisant à une ouverture de 4,47 mètres de large. Ils rappellent que l'acte de constitution de cette servitude prévoit un droit de passage « avec tous véhicules », ce qui n'est pas le cas actuellement, même si les man'uvres de demi-tour doivent s'effectuer dans la cour de la propriété [T].

Ils ajoutent que cette servitude conventionnelle, dès lors qu'elle est insuffisante à la desserte du fonds dominant, compte tenu de la destination de celui-ci, qui est une ferme, ne dispense pas le propriétaire du fonds servant de respecter les servitudes légales. Ils évoquent l'impossibilité, pour des véhicules de secours, de man'uvrer rapidement, ainsi que l'impossibilité d'accès pour un véhicule de pompiers dans la configuration actuelle, et invoquent les dispositions de l'article 682 du code civil, soutenant que leur fonds est enclavé, ne disposant pas d'accès direct en véhicule sur la route, au vu de la configuration des lieux.

Ils dénoncent un état d'enclave, au motif que l'accès réduit à la voie publique de leur propriété est insuffisant pour permettre le passage de véhicule, rendant la servitude de passage indispensable.

Ils estiment que, dès lors que le premier juge a admis que le droit de passage était incommode, sa décision limitée à un déplacement du poteau par les époux [S]-[R] est insuffisante.

Lorsque les époux [S] ont acquis leur propriété, la largeur du portail donnant sur la route d'[Localité 4] et de la servitude était de 7 à 8 mètres. De plus, le PLU fixe une largeur minimale des voies publiques ou privées de 4 m. pour la desserte de deux logements.

Les appelants rappellent la mission de l'expert et soulignent que ce dernier s'est borné à reprendre les aménagements existants et à constater qu'un camion tel que le camion de livraison de fuel utilisé lors de l'expertise aura toujours des problèmes d'accès, proposant un stationnement sur la rue qui présente en réalité un danger pour la circulation.

Ils ajoutent que la circulation est très dense sur la route d'[Localité 4] et que tout stationnement devant leur maison est considéré comme un stationnement dangereux, d'autant plus si le véhicule transporte des matières dangereuses. Les difficultés vont s'accentuer avec l'installation de commerces et agences en face de leur propriété. En outre, ils souhaitent depuis des années effectuer des travaux de réfection de la toiture qui exigeront l'accès à l'arrière de leur maison.

Enfin, les consorts [T]-[K] soutiennent que l'élargissement de la servitude est réalisable et ne nécessite pas de travaux coûteux mais seulement de déplacer des bordures amovibles des époux [S] et de procéder à quelques aménagements.

À l'appui de leurs autres demandes, les consorts [T] font valoir que l'accès à une porte de la maison de Madame [T], donnant sur la propriété [S], est rendu difficile par la présence d'un grillage à l'avant de la maison, outre un abri pour le bois et des pots de fleurs. Or, cette porte est la seule permettant d'accéder à cette pièce de la maison inaccessible de l'intérieur, alors que la porte existe depuis 100 ans.

De plus, les aménagements et constructions édifiés à la limite ou à proximité du passage rendent celui-ci plus incommode pour les véhicules de tourisme, et encore plus difficile, sinon impossible, pour les véhicules de gros gabarit.

S'agissant de leur demande de dommages-intérêts, les consorts [T]-[K] soutiennent avoir subi un préjudice causé par la violation des lois et conventions par les époux [S]-[R] depuis 2011, caractérisé par la difficulté d'entrer et de sortir normalement de leur propriété avec leurs véhicules, en raison de l'insuffisance de la largeur de la servitude, de l'impossibilité d'ouvrir entièrement leur portail, de l'angle du chemin, de la présence du garage et de l'abri bois édifié près de la servitude, par le surcoût du prix des travaux d'entretien en raison de la difficulté, voire de l'impossibilité d'accès à leur propriété par des véhicules lourds, par le trouble de voisinage constitué par la présence des sacs-poubelle de la famille [S] et du bois entreposé le long de leurs murs.

Enfin, les consorts [T] s'opposent à la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive et appel abusif, comme étant mal fondée en fait et en droit.

Par leurs dernières conclusions récapitulatives datées du 10 novembre 2021, M. [S] et Mme [R], épouse [S], sollicitent le rejet de l'appel principal de M. [K] et Mme [T] et la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions, le rejet de toutes prétentions complémentaires ou contraires au jugement déféré et la condamnation des appelants aux entiers dépens ainsi qu'à leur payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les époux [S]-[R] rappellent les termes de l'acte de vente du 22 février 2011 relatifs à la servitude de passage, d'une largeur de 3 m et telle que figurant sur le plan approuvé par les parties. Ils rappellent également les termes du jugement déféré qu'ils précisent avoir accepté et exécuté, à savoir reculer le poteau de clôture ainsi que l'un des deux appentis pour permettre l'entrée à l'immeuble de Mme [T] par la porte latérale.

Ils reprennent les conclusions de l'expertise, telles que rappelées par les appelants, ajoutant que l'expert indique qu'il lui paraît impossible d'élargir cette servitude sans modifier les conditions d'accès à la propriété [S], ce qui engendrerait selon lui des travaux considérables.

Les intimés font valoir que :

- il existe des camions de fioul d'un gabarit moins important que celui présent lors de l'expertise,

- il est possible de remplir les cuves de fioul à partir d'un camion stationné sur la rue,

- la propriété de Mme [T] n'est pas enclavée, disposant d'un accès direct sur la route et pouvant aménager des places de parking à l'avant de la maison,

- que leur garage serve de local de stockage ne concerne pas Mme [T], le PLU prévoyant en outre 3 places de stationnement,

- l'assiette de la servitude conventionnelle a été étendue par le seul fait de la condamnation à reculer de 70 cm le poteau de la clôture et à l'enlèvement d'un des deux apprentis pour permettre l'entrée à l'immeuble de Mme [T] par la porte latérale.

Ils ajoutent que toute nouvelle augmentation de la servitude serait contraire à la lettre et à l'esprit de la servitude conventionnelle.

*

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 07 décembre 2021.

MOTIFS

I - Sur la demande relative à la servitude de passage

Il convient de rappeler que l'arrêt avant dire droit du 28 novembre 2019 a infirmé ledit jugement en ce qu'il avait rejeté la demande de M. [K] et Mme [T] relative à la servitude de passage sur le fonds des époux [S]-[R] et qu'il a dit que Mme [T], propriétaire du fonds n° 519/135, était bien fondée à solliciter une modification de l'assiette de la servitude conventionnelle de passage sur le fonds n° 520/135, n'ayant sursis à statuer que sur les modalités de cette modification, pour la détermination desquelles il a ordonné une expertise, ainsi que sur les autres demandes des parties.

Il en résulte donc que la cour n'a plus à se prononcer sur le principe d'une modification de l'assiette de la servitude conventionnelle de passage au bénéfice de la propriété de Mme [T], la question ayant été tranchée, mais qu'il ne reste à statuer, s'agissant de cette servitude conventionnelle de passage, que sur son assiette, afin que celle-ci permette que ladite servitude remplisse l'objet prévu par la convention des parties.

Sur ce point, l'expert missionné par la cour admet les difficultés d'accès à la cour de Mme [T] par un camion de livraison de fuel, tel que celui présent lors de la réunion d'expertise contradictoire. Il confirme donc en cela qu'en l'état, l'assiette de la servitude ne permet pas l'accès à de tels véhicules, ce qui avait été reconnu par les époux [S]-[R]. L'expert convient également qu'il est possible d'élargir le passage et ne contredit pas sur ce point la proposition de M. [F], géomètre expert intervenu dans le cadre d'une expertise privée à l'initiative de Mme [T], selon laquelle seul un élargissement du passage peut permettre à la servitude de remplir son objet, compte tenu de sa configuration.

Cependant, l'expert judiciaire n'a exploré aucune solution en ce sens, ayant considéré d'emblée que tout élargissement nécessiterait des travaux qu'il n'a pas estimé opportun d'envisager en raison de leur coût trop élevé. Cependant, pas plus que les époux [S]-[R], il ne fournit des éléments chiffrés sur ce point et son rapport ne permet nullement de confirmer ses allégations, ne contenant pas d'élément démontrant précisément les travaux à réaliser et leur coût.

Dès lors, force est de constater que la seule solution afin de permettre l'effectivité de la servitude de passage établie conventionnellement au profit de la propriété de Mme [T], sur celle des époux [S]-[R], est celle proposée par le rapport d'expertise privée produit par les appelants.

Cependant, l'élargissement de l'assiette de la servitude de passage sur une largeur de 4 mètres n'apparaît pas nécessaire sur toute la longueur du passage, mais seulement à compter du virage conduisant directement à l'entrée de la cour de Mme [T]. Entre la rue et ce virage, un élargissement de l'assiette de cette servitude à 3,50 m apparaît suffisant. Il sera donc statué en ce sens, selon les modalités qui seront détaillées dans le dispositif du présent arrêt, et les époux [S]-[R] seront condamnés à démolir tout ouvrage et enlever tout obstacle se trouvant dans l'assiette de cette servitude. Cette condamnation sera assortie d'une astreinte afin d'en assurer l'effectivité.

II ' Sur les demandes des appelants relatives au garage et aux clôtures

La demande de démolition ou de déplacement du garage au motif du non-respect de dispositions réglementaires devient sans objet dans la mesure où les époux [S]-[R] sont d'ores et déjà condamnés à démolir tout ouvrage et enlever tout obstacle se trouvant dans l'assiette de la servitude de passage définie par le présent arrêt. En conséquence, s'il y a lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté cette demande, il convient de constater qu'elle est devenue sans objet.

Par ailleurs, les appelants ne fournissent aucune explication et ne produisent aucun élément susceptible de fonder leurs demandes d'enlèvement de la nouvelle clôture et de la clôture en grillage se situant le long de la route d'[Localité 4], perpendiculaire à cette dernière. En conséquence, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a rejeté de telles demandes.

III ' Sur la demande de dommages et intérêts

Le déroulement de la procédure et l'instance d'appel ont démontré la nécessité de modifier l'assiette de la servitude conventionnelle de passage liant les fonds des parties et, dès lors, les consorts [T]-[K] ne peuvent se prévaloir d'une faute des époux [S]-[R] en ce qu'ils ont limité l'usage de cette servitude à l'assiette prévue initialement. Ils ne démontrent pas non plus que, dans le cadre de l'assiette de cette servitude, telle que prévue initialement, la présence du garage et de l'abri bois édifiés près de la servitude aient limité davantage l'usage de celle-ci, les époux [S]-[R] n'étant pas responsables de la configuration des lieux, s'agissant de l'angle du chemin.

Par ailleurs, les consorts [T]-[K] ne démontrent pas non plus le surcoût des travaux d'entretien de leur propriété allégué, qui aurait été causé par la difficulté ou même l'impossibilité d'accès à leur propriété par des véhicules lourds. Enfin, la cour a confirmé le rejet de leur demande portant sur les poubelles entreposées par les époux [S]-[R] le long de leur des murs de la maison de Mme [T], au motif qu'il n'était pas démontré que leur présence constituait un trouble anormal de voisinage. Il en résulte que la demande de dommages et intérêts fondée sur le trouble de voisinage constitué par la présence des sacs-poubelle de la famille [S] et du bois entreposé le long de leurs murs n'est pas non plus fondée.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts des consorts [T]-[K].

Par ailleurs, les époux [S]-[R] n'ayant pas repris leur propre demande de dommages et intérêts pour procédure abusive dans leurs dernières conclusions récapitulatives, il n'y a pas lieu de statuer sur l'appel portant sur le rejet de cette demande en première instance.

IV ' Sur la demande relative aux frais de géomètre et à la remise en état d'une borne

Les frais de géomètre engagés par les consorts [T]-[K], dans le cadre de l'expertise privée qu'ils ont confiée à M. [F], constituent des frais exclus des dépens relevant de l'article 700 du code de procédure civile. Il n'y a donc pas lieu de statuer séparément sur ces frais.

Par ailleurs, les appelants ne rapportent pas la preuve de la suppression d'une borne par les époux [S]-[R] et n'apportent aucune précision, dans leur demande, sur la borne en cause. En conséquence, cette demande, nouvelle en appel, doit être rejetée.

V - Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

Le jugement déféré étant partiellement infirmé, notamment en ses dispositions principales relatives à la servitude de passage, il le sera également en celles relatives aux dépens et aux frais exclus des dépens de première instance.

La demande principale des consorts [T]-[K] étant en grande partie accueillie, les époux [S]-[R] seront condamnés aux dépens de première instance et d'appel. De plus, pour les mêmes motifs, les époux [S]-[R] seront condamnés à verser aux consorts [T]-[K] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exclus des dépens engagés en première instance, en ce compris les frais de géomètre expert privé, et le même montant au titre des frais exclus des dépens engagés en appel.

Pour les mêmes motifs, les demandes des époux [S]-[R] présentées sur le même fondement, tant au titre des frais non compris dans les dépens engagés en première instance qu'au titre de ceux engagés en appel, seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

Vu l'arrêt mixte du 28 novembre 2019,

DIT que l'assiette de la servitude de passage grevant le fonds n° 520/135 au profit du fonds n° 519/135, situés tous deux route d'[Localité 4], à [Localité 5] (68), sera fixée sur une largeur de 3,50 m de l'entrée du fonds n°520/135 jusqu'à la grille d'évacuation des eaux traversant le passage, au sol de celui-ci, et sur une largeur de 4,00 m de cette grille jusqu'à l'entrée de la cour se trouvant à l'arrière du fonds n°519/135,

CONDAMNE M. [C] [S] et Mme [P] [R], épouse [S], à démolir tout ouvrage et enlever tout obstacle se trouvant sur l'assiette de cette servitude, et ce dans un délai de six mois, sous astreinte de 100,00 euros (cent euros) par jour de retard pendant une durée de six mois passé ce délai,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a rejeté les demandes de Mme [X] [T] et M. [O] [K] tendant à l'enlèvement de clôtures par M. [C] [S] et Mme [P] [R], épouse [S], ainsi que leur demande de dommages et intérêts et l'INFIRME en ce qu'il a rejeté la demande de démolition ou de déplacement du garage ainsi qu'en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais non compris dans les dépens,

Statuant à nouveau sur ces chefs et y ajoutant,

CONSTATE que la demande de démolition ou de déplacement du garage est devenue sans objet du fait de la condamnation ci-dessus prononcée,

REJETTE la demande de Mme [X] [T] et M. [O] [K] en suppression d'une borne par les époux [S]-[R],

CONDAMNE M. [C] [S] et Mme [P] [R], épouse [S], aux dépens de première instance et d'appel,

CONDAMNE M. [C] [S] et Mme [P] [R], épouse [S], à payer à M. [O] [K] et Mme [X] [T] la somme de 2 500,00 euros (deux mille cinq cents euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exclus des dépens que ces derniers ont engagés en première instance,

CONDAMNE M. [C] [S] et Mme [P] [R], épouse [S], à payer à M. [O] [K] et Mme [X] [T] la somme de 2 500,00 euros (deux mille cinq cents euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exclus des dépens que ces derniers ont engagés en appel,

REJETTE les demandes de M. [C] [S] et Mme [P] [R], épouse [S], présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exclus des dépens qu'ils ont engagés en première instance et en appel.

Le greffier,La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 17/02968
Date de la décision : 29/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-29;17.02968 ?
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