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28/04/2022 | FRANCE | N°20/008231

France | France, Cour d'appel de colmar, 4s, 28 avril 2022, 20/008231


CF/FA

MINUTE No 22/376

NOTIFICATION :

Copie aux parties

Clause exécutoire aux :

- avocats
- parties non représentées

Le

Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE - SECTION SB

ARRET DU 28 Avril 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 SB No RG 20/00823 - No Portalis DBVW-V-B7E-HJSK

Décision déférée à la Cour : 22 Janvier 2020 par le Pôle social du Tribunal Judiciaire de STRASBOURG

APPELANTE :

URSSAF D'ALSACE (CENT

RE NATIONAL DES FIRMES ÉTRANGÈRES)
[Adresse 2]
[Localité 4]

Comparante en la personne de Mme [N] [B], munie d'un pouvoir

INTIMÉE :

S.A.R.L. INTERI...

CF/FA

MINUTE No 22/376

NOTIFICATION :

Copie aux parties

Clause exécutoire aux :

- avocats
- parties non représentées

Le

Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE - SECTION SB

ARRET DU 28 Avril 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 SB No RG 20/00823 - No Portalis DBVW-V-B7E-HJSK

Décision déférée à la Cour : 22 Janvier 2020 par le Pôle social du Tribunal Judiciaire de STRASBOURG

APPELANTE :

URSSAF D'ALSACE (CENTRE NATIONAL DES FIRMES ÉTRANGÈRES)
[Adresse 2]
[Localité 4]

Comparante en la personne de Mme [N] [B], munie d'un pouvoir

INTIMÉE :

S.A.R.L. INTERIM EST
[Adresse 3]
[Localité 1] (BULGARIE)

Non comparante, non représentée

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 Février 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre,
Mme ARNOUX, Conseiller
Mme HERY, Conseiller
qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme WALLAERT, Greffier

ARRET :
- réputé contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre,
- signé par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre et Mme WALLAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE

Le 7 mai 2015, les services de l'Urssaf Rhône-Alpes et de la DIRECCTE Rhône-Alpes ont effectué un contrôle sur le chantier de construction de la résidence « Le domaine de Jade » à [Localité 5] au cours duquel ils ont constaté la présence de trois salariés bulgares en situation de travail, tous employés par la société de droit bulgare « Intérim Est » et mis à disposition de la société française Gibello par l'intermédiaire de la société française Euro Works.

Un procès-verbal de travail dissimulé par dissimulation d'activité et d'emploi salarié a été dressé par l'Urssaf Rhône-Alpes et l'URACTI (unité de contrôle à compétence régionale chargée de la lutte contre le travail illégal) de la DIRECCTE Rhône-Alpes le 18 novembre 2015 et transmis au procureur de la République de Chambéry.

Par lettre d'observations du 19 juillet 2016, l'Urssaf Rhône-Alpes a notifié à la société Intérim Est sise à Sofia (Bulgarie) un rappel de cotisations sociales, d'assurance-chômage et d'AGS au titre des années 2011 à 2015 d'un montant de 2.231.491 € hors majorations de retard et majoration de redressement complémentaire pour infraction de travail dissimulé au titre des années 2011 à 2015.

Par courrier du 18 août 2016, la société Intérim Est a fait valoir ses observations et l'Urssaf Rhône-Alpes a maintenu le redressement selon courrier du 13 septembre 2016.

L'Urssaf d'Alsace a mis en demeure le 22 décembre 2016 la société Intérim Est d'avoir à payer la somme totale de 3.556.823 € (dont 2.231.491 € de cotisations redressées, 432.736 € de majorations de retard et 892.596 € de majoration complémentaire).

La société Intérim Est a saisi la commission de recours amiable de l'Urssaf d'Alsace laquelle, par décision du 11 septembre 2017, a décidé de rejeter sa requête.

Par courrier du 16 juin 2017, la société Intérim Est a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du Bas-Rhin d'un recours contre la décision implicite de rejet de son recours.

Vu l'appel interjeté par le Centre national des firmes étrangères (CNFE) service de l'Urssaf le 12 février 2020 à l'encontre du jugement du 22 janvier 2020 du pôle social du tribunal judiciaire de Strasbourg auquel le contentieux a été transféré qui, dans l'instance opposant la société Intérim Est à l'Urssaf d'Alsace, a déclaré le recours formé par la société recevable, dit que le travail dissimulé par dissimulation d'activité et dissimulation de salariés commis par la société Intérim Est est caractérisé de sorte que l'Urssaf a procédé à bon droit à un redressement de cotisations au titre des années 2011 à 2015, a annulé la taxation forfaitaire opérée par l'Urssaf, a condamné la société Intérim Est à verser à l'Urssaf d'Alsace la somme de 1.583.658,53 € au titre des cotisations redressées outre les majorations de retard prévues par l'article R243-18 du code de la sécurité sociale et la majoration de redressement complémentaire de 40 % prévue par l'article L243-7-7 du même code, a débouté la société Intérim Est de sa demande tendant à ce que soit opérée la déduction sur les cotisations redressées du montant des cotisations sociales versées par elle en Bulgarie, a condamné la société Intérim Est à verser à l'Urssaf d'Alsace une somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, a condamné la société Intérim Est aux dépens et a débouté les parties pour le surplus de leurs demandes ;

Vu les conclusions en date du 3 novembre 2020, reprises oralement à l'audience, aux termes desquelles l'Urssaf d'Alsace demande à la cour de :

– confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le travail dissimulé par dissimulation d'activité et dissimulation de salariés commis par la société Intérim Est est caractérisé de sorte que l'Urssaf a procédé à bon droit à un redressement de cotisations au titre des années 2011 à 2015 et en ce qu'il a débouté la société Intérim Est de sa demande tendant à ce que soit opérée la déduction sur les cotisations redressées du montant des cotisations sociales versées par elle en Bulgarie ;
– infirmer le jugement en ce qu'il a annulé la taxation forfaitaire et condamné la société Intérim Est à lui verser la somme de 1.583.658,53 € au titre des cotisations redressées outre les majorations de retard et la majoration de redressement complémentaire de 40 % ;
– statuant à nouveau, valider le redressement pour travail dissimulé tant dans son principe que pour son montant ;
– entériner la décision de la commission de recours amiable du 11 septembre 2017 ;
– valider la mise en demeure du 22 décembre 2016 pour un montant total de 3.556.823 € ;
– condamner à titre reconventionnel la société Intérim Est à lui régler cette somme ;
– condamner la société Intérim Est à lui payer la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu la non-comparution de la société Intérim Est à l'audience ;

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions,

MOTIFS

L'Urssaf d'Alsace a fait notifier à la société Intérim Est l'ordonnance fixant l'audience le 25 novembre 2021 et ses conclusions en date du 3 novembre 2020 à la société Intérim Est par acte d'huissier transmis le 20 août 2021 conformément aux dispositions de l'article 4 du règlement (CE) du Parlement européen et du Conseil no1393/2007 du 13 novembre 2007, et les documents transmis ont été notifiés le 4 octobre 2021 à leur destinataire lui-même selon attestation d'accomplissement de la notification du 12 octobre 2021.

Conformément aux dispositions de l'article 14 du règlement susvisé du 13 novembre 2007, la société Intérim Est a par ailleurs été convoquée à l'audience reportée au 10 février 2022 par lettre recommandée avec avis de réception effectivement signé le 27 septembre 2021.

La société Intérim Est ne s'étant ni présentée, ni fait représenter à l'audience de la Cour, il sera en application de l'article 473 du code de procédure civile, statué par arrêt réputé contradictoire.

Interjeté dans les forme et délai légaux, l'appel est recevable.

Il convient de constater au préalable que la régularité de la procédure de contrôle et l'existence du travail dissimulé par dissimulation d'activité et dissimulation d'emplois salariés commis par la société Intérim Est, à la base du redressement opéré, ne sont pas contestées à hauteur d'appel au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2015.

Le recours est dès lors circonscrit à la détermination de l'assiette des cotisations dues et au chiffrage du redressement litigieux.

En application des articles L242-1 et L136-2 du code de la sécurité sociale, et de l'article 14 de l'ordonnance du 24 février 1996, les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail sont soumises à cotisations et contributions sociales.

L'article R242-5 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, dispose que « Lorsque la comptabilité d'un employeur ne permet pas d'établir le chiffre exact des rémunérations servant de base au calcul des cotisations dues, le montant des cotisations est fixé forfaitairement par l'organisme chargé du recouvrement. Ce forfait est établi compte tenu des conventions collectives en vigueur ou, à défaut, des salaires pratiqués dans la profession ou la région considérée. La durée de l'emploi est déterminée d'après les déclarations des intéressés ou par tout autre moyen de preuve. Lorsque l'employeur ou le travailleur indépendant ne met pas à disposition les documents ou justificatifs nécessaires à la réalisation du contrôle engagé en application de l'article L243-7 ou lorsque leur présentation n'en permet pas l'exploitation, le montant des cotisations est fixé forfaitairement par l'organisme chargé du recouvrement, dans les conditions prévues au présent article ».

A la lecture de la lettre d'observations, il apparaît que l'Urssaf d'Alsace a estimé qu'aucun élément probant ne lui permettait de connaître les salaires réellement versés par la société Intérim Est à l'ensemble des salariés exerçant en France au cours des années 2011 à 2015, étant constant que la société bulgare Intérim Est a développé depuis 2010 une activité commerciale lucrative de prêt de main d'oeuvre exclusivement sur le territoire français sans procéder à son immatriculation au registre du commerce et des sociétés en France, ni s'acquitter des charges sociales.

L'organisme a procédé à une taxation forfaitaire sur le fondement de l'article R242-5 du code de la sécurité sociale, à partir, d'une part, du chiffre d'affaires réalisé par la société Intérim Est en France transmis par les services fiscaux et, d'autre part, de la masse salariale moyenne des entreprises de travail temporaire représentant 65,43 % du chiffre d'affaires selon les données de l'INSEE.

Les premiers juges ont annulé la taxation forfaitaire de l'Urssaf d'Alsace et condamné la société Intérim Est à payer à l'Urssaf d'Alsace la somme calculée par la société selon ses propres éléments.

Ils ont notamment reproché à l'inspecteur du recouvrement de ne pas avoir donné d'information sur les documents dont il aurait demandé communication à la société contrôlée, ni d'avoir précisé en quoi les éléments communiqués ne lui auraient pas permis de déterminer le chiffre exact des rémunérations servant de base au calcul des cotisations dues.

Ils ont considéré que les contrats de travail des salariés concernés par le contrôle, les contrats de mise à disposition conclus par la société Intérim Est avec la société Gibello et les documents comptables produits aux débats permettaient de déterminer avec exactitude l'assiette des cotisations.

Au soutien de ses demandes de réformation du jugement et de validation du redressement opéré sur la base de la taxation forfaitaire, l'Urssaf d'Alsace fait valoir que le tribunal ne pouvait recourir à l'évaluation de l'assiette des cotisations au regard des éléments produits par la société Intérim Est non conformes aux normes comptables françaises.

Elle ajoute que les montants des salaires servant de base à la réintégration dans l'assiette des cotisations sont exprimés par la société Intérim Est en net et non en montants bruts.

Elle allègue enfin que la charge de la preuve de la fourniture de documents comptables et sociaux probants reposait sur la société Intérim Est, pendant la phase de contrôle.

La Cour rappelle qu'il appartient à l'employeur de rapporter, lors des opérations de contrôle, les éléments de preuve nécessaires à la détermination de l'assiette des cotisations.

Si la société intimée s'est prévalue des éléments qui, selon elle, permettaient de déterminer l'assiette réelle des cotisations, notamment les contrats de travail des trois salariés bulgares observés en situation de travail lors du contrôle, les bilans annuels des salaires payés et les certificats de travail, ces documents ont été produits pour la première fois devant le tribunal et il ne ressort d'aucun élément du dossier que ceux-ci ont été produits lors des opérations de contrôle.

A cet égard, le courrier par lequel la société Intérim Est a indiqué à l'inspecteur du recouvrement se tenir à sa disposition afin de lui remettre tous les éléments comptables qu'il estimerait nécessaires est daté du 18 août 2016, date postérieure aux opérations de contrôle qui se sont terminées par l'envoi de la lettre d'observations du 19 juillet 2016.

Par ailleurs dans sa réponse du 13 septembre 2016 aux observations de la société Intérim Est, l'inspecteur a précisé que l'entreprise comme toute entreprise établie en France devait être immatriculée au registre du commerce et des sociétés et tenir une comptabilité conformément aux principes comptables français ; qu'elle était également tenue de produire tant auprès du registre du commerce (cf article L232-21 et suivants du code de commerce) qu'auprès de l'administration fiscale, un bilan et une déclaration de résultat, éléments de nature à conférer un caractère probant à une comptabilité.

Aucune de ces obligations n'a été en l'espèce respectée de sorte que l'inspecteur a considéré à bon droit que les éléments apportés par l'entreprise n'étaient pas probants et a fait application des dispositions de l'article R242-5 précité.

Du tout il s'impose, en infirmant partiellement le jugement déféré, de valider le redressement opéré pour travail dissimulé tant dans son principe qu'en son montant, d'approuver la décision de la commission de recours amiable du 11 septembre 2017, de valider la mise en demeure du 22 décembre 2016 pour son montant total de 3.556.823 € et de condamner la société Intérim Est à payer cette somme à l'Urssaf d'Alsace, celle-ci incluant 2.231.491 € de cotisations redressées, 432.736 € de majorations de retard et 892.596 € de majoration complémentaire due par application de l'article L243-7-7 du code de la sécurité sociale.

Les dispositions du jugement déféré sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure seront confirmées.

Partie perdante, la société Intérim Est sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt réputé contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la Loi,

DÉCLARE l'appel interjeté recevable ;

INFIRME le jugement du 22 janvier 2020 du tribunal judiciaire de Strasbourg en ce qu'il a annulé la taxation forfaitaire opérée par l'Urssaf ;

VALIDE le redressement opéré pour travail dissimulé tant dans son principe qu'en son montant ;

DIT fondée la décision de la commission de recours amiable du 11 septembre 2017, et VALIDE la mise en demeure décernée le 22 décembre 2016 à la société Intérim Est pour son montant total de 3.556.823 € ;

CONDAMNE la société Intérim Est à payer la somme de 3.556.823 € à l'Urssaf d'Alsace, celle-ci incluant 2.231.491 € de cotisations redressées, 432.736 € de majorations de retard et 892.596 € de majoration complémentaire due par application de l'article L243-7-7 du code de la sécurité sociale ;

CONFIRME pour le surplus les dispositions du jugement déféré ;

CONDAMNE la société Intérim Est aux dépens d'appel.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de colmar
Formation : 4s
Numéro d'arrêt : 20/008231
Date de la décision : 28/04/2022
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.colmar;arret;2022-04-28;20.008231 ?
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