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26/04/2022 | FRANCE | N°21/00709

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 4 a, 26 avril 2022, 21/00709


MINUTE N° 22/356





















































NOTIFICATION :



Pôle emploi Alsace ( )







Clause exécutoire aux :

- avocats

- délégués syndicaux

- parties non représentées



Le



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SEC

TION A



ARRET DU 26 Avril 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/00709

N° Portalis DBVW-V-B7F-HPYR



Décision déférée à la Cour : 14 Décembre 2020 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MULHOUSE



APPELANT :



Monsieur [M] [S]

6 rue Saint-Nazaire

68200 MULHOUSE



Représen...

MINUTE N° 22/356

NOTIFICATION :

Pôle emploi Alsace ( )

Clause exécutoire aux :

- avocats

- délégués syndicaux

- parties non représentées

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

ARRET DU 26 Avril 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/00709

N° Portalis DBVW-V-B7F-HPYR

Décision déférée à la Cour : 14 Décembre 2020 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MULHOUSE

APPELANT :

Monsieur [M] [S]

6 rue Saint-Nazaire

68200 MULHOUSE

Représenté par Me Guillaume HARTER, avocat à la Cour

bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2021/2632 du 26/05/2021

INTIMEE :

S.A. SOLEA

prise en la personne de son représentant légal

97 rue de la Mertzau

68063 MULHOUSE CEDEX

Représentée par Me Thierry CAHN, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 08 Février 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme DORSCH, Président de Chambre

M. EL IDRISSI, Conseiller

Mme ARNOUX, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme THOMAS

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,

- signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

M.[M] [S] né le 29 mars 1976 a été embauché par la société Solea à compter du 23 novembre 2009 en qualité de conducteur (coefficient 200 en contre partie d'une rémunération mensuelle brute de 1.546€ outre les primes de Noël et vacances). La convention collective applicable est celle des réseaux de transports urbains de voyageurs

Par courrier en date du 20 juillet 2018, il a été convoqué à un entretien préalable fixé au 27 juillet 2018, puis licencié le 1er août 2018.

Contestant le licenciement, M.[M] [S] a saisi le 07 mai 2019 le conseil de prud'hommes de Mulhouse, qui suivant jugement en date du 14 décembre 2020 a :

-dit et jugé que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,

-débouté M. [M] [S] de l'ensemble de ses demandes,

-rejeté les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamné M.[M] [S] aux dépens.

M.[M] [S] a interjeté appel le 28 janvier 2021.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 26 avril 2021, M. [M] [S] demande :

-d'infirmer la décision,

-de dire et juger que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

-de condamner la société Solea à lui verser une indemnité de licenciement de 23.190€,

-de condamner la société Solea aux entiers frais et dépens des deux instances et au paiement d'une somme de 2.000€ par application de l'article 700-2 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 15 juillet 2021, la société Solea demande de:

-confirmer le jugement,

-dire et juger que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,

-débouter M.[M] [S] de ses demandes,

à titre subsidiaire

-dire et juger que l'indemnisation maximale s'élève à la somme de 12.368€,

-dire et juger que M.[M] [S] n'apporte pas la preuve de son préjudice ce dernier ne pouvant bénéficier que d'une indemnisation de 4.638€,

-condamner M.[M] [S] à lui régler la somme de 1.500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux frais et dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 novembre 2021.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux dernières conclusions précédemment visées en application de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la rupture du contrat de travail

Si l'article L1132-2 du code du travail fait interdiction à l'employeur de licencier un salarié en raison de son état de santé, ce texte ne s'oppose pas au licenciement dudit salarié dès lors que celui-ci est motivé par la situation de l'entreprise qui se trouve dans la nécessité de pourvoir au remplacement définitif du salarié malade dont l'absence prolongée ou les absences répétées perturbent son bon fonctionnement.

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, doit énoncer expressément la perturbation dans le fonctionnement de l'entreprise et la nécessité de pourvoir au remplacement définitif du salarié malade, dont l'absence prolongée ou les absences répétées perturbent son bon fonctionnement.

La lettre de licenciement en date du 1er août 2018 est libellée comme suit :

« [...]la multiplication, ainsi que la durée de vos absences ne nous permettent pas d'assurer convenablement notre mission et occasionne au mieux des retards dans les services et au pire des suppressions de service.

Ainsi, depuis le 1er janvier 2016 jusqu'à ce jour vous avez fait parvenir 15 arrêts de travail initiaux prolongations pour une durée d'absence totale de 317 jours.

Ces absences perturbent d'autant plus notre entreprise qu'elles sont de durée variable de sorte qu'elles empêchent toute organisation.

De plus, compte tenu de votre poste, il ne nous est pas possible de procéder à votre remplacement temporaire dans des conditions qui permettraient de garantir le bon fonctionnement de l'entreprise;

En effet, outre le fait que le marché de l'emploi de personnes précaires (CDD, Interim) ayant un permis D est peu important, la formation de ces derniers à leur poste est particulièrement longue.

En effet, aucun salarié précaire ne peut être mis en service avant l'expiration minimale d'un délai d'un mois de formation.

En conséquence, nous ne pouvons faire face à vos absences par le recours à des emplois précaires. ['] Ces absences répétées ont de graves conséquences sur l'entreprise qui ne peut assurer totalement sa mission de service public.

Ce mécontentement se matérialise notamment par des courriers reçus par nos services, mais également par les nombreuses remontrances, qui sont faites directement aux salariés de l'entreprise ['] Compte tenu des graves perturbations entraînées par cette situation et des contraintes opérationnelles auxquelles nous sommes confrontés, nous somme dans l'obligation de pourvoir à votre remplacement définitif [...] ».

Ainsi, la Sa Solea fait valoir pour l'essentiel :

-que la multiplication et la durée des absences de M.[M] [S] ne lui permettent pas d'assurer convenablement sa mission,

-que les absences de durée variable perturbent l'entreprise et empêchent toute organisation,

-qu'il est impossible de procéder au remplacement temporaire dans des conditions permettant de garantir le bon fonctionnement de l'entreprise au motif que le marché de l'emploi de personnes précaires ayant un permis D est peu important et la formation longue,

-que les absences entraînent des retards et des suppressions de services occasionnant le mécontentement des usagers.

Il appartient à la cour de vérifier si la Sa Solea apporte la preuve, qui lui incombe, de l'existence et de l'importance de la perturbation engendrée par les absences du salarié, ainsi que de la nécessité, en résultant, de procéder à son remplacement définitif.

En premier lieu, il est constant, comme indiqué dans la lettre de licenciement, que sur la période du 1er janvier 2016 jusqu'au 1er août 2018, M.[M] [S] a été absent pour maladie durant 317 jours (pièce n°4).

En second lieu, pour justifier de la perturbation occasionnée, la Sa Solea verse les « tableaux de bord » (pièce n°6) des mois d'août et octobre 2018, ainsi qu'un listing des réclamations de clients au cours des mois de juin et juillet 2018 (pièce n°12).

Toutefois, force est de constater qu'il est juste indiqué dans les tableaux de bord que les « pertes kilométriques » sont causées pour maladie ou problèmes roulant, sans précision de l'éventuelle part qui serait imputable aux absences de M.[M] [S].

Il en va de même des réclamations des clients, qui concernent plusieurs lignes de bus, et la Sa Solea ne précise pas celles afférentes à M.[M] [S].

Dans ces conditions, la perturbation invoquée et la désorganisation de l'entreprise qui seraient imputables à M. [M] [S] ne sont pas établies, ce d'autant que l'employeur ne justifie pas non plus que le système de réserve mis en place, avec un volant de conducteurs remplaçants, n'ait pas suffi à pallier les absences de celui-ci.

Ainsi, en l'absence de preuve de la perturbation engendrée par les absences du salarié, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a dit que le licenciement de M. [M] [S] repose sur une cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes indemnitaires

Préalablement, M.[M] [S] demande de déclarer inconventionnel le barème mentionné à l'article L1235-3 du code du travail au regard des dispositions de la convention n°158 de l'OIT et de l'article 24 de la charte sociale européenne du 3 mai 1996. Or, il est constant d'une part que les dispositions de l'article 24 de la charte sociale européenne  ne sont pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particulier.

D'autre part, les dispositions de l'article L1235-3 du code du travail, en ce qu'elles prévoient un barème qui lorsqu'il n'est pas écarté pour motif de nullité du licenciement, conduit le juge à fixer une indemnité dans les limites de montants minimaux et maximaux, laissent au juge une marge d'appréciation qui participe de la détermination d'une indemnité adéquate.

Par conséquent, les dispositions précitées du code du travail ne sont pas inconventionnelles.

Par application des dispositions de l'article L1235-3 du code du travail, il est octroyé au salarié une indemnité dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau annexé.

Eu égard à l'ancienneté de M. [M] [S] au sein de l'entreprise (plus de 8 ans) ainsi que son salaire mensuel (1.546€ bruts) il peut réclamer une indemnié comprise en 3 et 8 mois de salaire brut à la société Solea. Aussi celle-ci sera condamnée à lui verser la somme de 12.000€ laquelle assure la réparation adéquate de son préjudice. Il y a donc lieu d'infirmer le jugement entrepris qui a rejeté ce chef de demande.

Sur les demandes annexes

Aux termes de l'article L. 1235-4 du code du travail, dans les cas prévus aux articles L 1132-4, L 1134-4, L 1144-3, L 1152-3, L 1152-4 L. 1235-3, et L 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé';

Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées, ce qui est le cas en l'espèce ;

Il conviendra en conséquence d'ordonner le remboursement des indemnités versées dans la limite de six mois, et de compléter le jugement en ce sens.

Le jugement entrepris doit être infirmé en ce qu'il a condamné M. [M] [S] aux dépens de la première instance et confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes présentées par les parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La Sa Solea, partie succombante, sera condamnée aux dépens d'appel et de première instance, ainsi qu'au paiement de la somme de 2.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile. La demande de la Sa Solea au titre de ce même article sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par mise à disposition de l'arrêt au greffe, contradictoirement et en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a rejeté les demandes présentées par les parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Dit que le licenciement de M. [M] [S] est sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Solea à régler à M.[M] [S] la somme de 12.000€ bruts (douze mille euros) au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

ORDONNE le remboursement par la société Solea à Pole Emploi Grand Est des indemnités de chômage versées à M.[M] [S] dans la limite de 6 mois à compter de la rupture du contrat de travail sur le fondement des dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail ;

Condamne la société Solea à régler à M.[M] [S] la somme de 2.000€ (deux mille euros) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette la demande présentée par la société Solea au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Solea aux dépens de première instance et d'appel,

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 26 avril 2022, signé par Madame Christine Dorsch, Président de Chambre et Madame Martine Thomas, Greffier.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 4 a
Numéro d'arrêt : 21/00709
Date de la décision : 26/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-26;21.00709 ?
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