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07/04/2022 | FRANCE | N°19/053031

France | France, Cour d'appel de colmar, 4s, 07 avril 2022, 19/053031


NH/VD

MINUTE No 22/326

NOTIFICATION :

Copie aux parties

Clause exécutoire aux :

- avocats
- parties non représentées

Le

Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE - SECTION SB

ARRET DU 07 Avril 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 SB No RG 19/05303 - No Portalis DBVW-V-B7D-HHZQ

Décision déférée à la Cour : 20 Novembre 2019 par le pôle social du Tribunal de Grande Instance de STRASBOURG

APPELANTS :

Madame [I] [

N]
[Adresse 2]
[Localité 5]
[H] [N]
[Adresse 2]
[Localité 5]
[A] [N]
[Adresse 2]
[Localité 5]
[S] [N]
[Adresse 2]
[Localité 5]

Représentés par Me Oli...

NH/VD

MINUTE No 22/326

NOTIFICATION :

Copie aux parties

Clause exécutoire aux :

- avocats
- parties non représentées

Le

Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE - SECTION SB

ARRET DU 07 Avril 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 SB No RG 19/05303 - No Portalis DBVW-V-B7D-HHZQ

Décision déférée à la Cour : 20 Novembre 2019 par le pôle social du Tribunal de Grande Instance de STRASBOURG

APPELANTS :

Madame [I] [N]
[Adresse 2]
[Localité 5]
[H] [N]
[Adresse 2]
[Localité 5]
[A] [N]
[Adresse 2]
[Localité 5]
[S] [N]
[Adresse 2]
[Localité 5]

Représentés par Me Olivier SALICHON, avocat au barreau de COLMAR, substitué par Me Nadine HEICHELBECH, avocat à la Cour

INTIMEES :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSSURANCE MALADIE DU BAS RHIN
[Adresse 1]
[Localité 3]

Comparante en la personne de Mme [U] [W], munie d'un pouvoir

S.A.S. TRANSPORTS RENE [K]
[Adresse 7]
[Localité 4]

Représentée par Me Blanche SZTUREMSKI, avocat au barreau de METZ, substituée par Me IKHLEFF, avocat à STRASBOURG

S.A.S. RANDSTAD
Son représentant légal
276 Av. du Président Wilson
[Localité 6]

Représentée par Me Magali LOOS, avocat au barreau de COLMAR

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 Février 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre,
Mme ARNOUX, Conseiller
Mme HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme WALLAERT, Greffier

ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre,
- signé par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre et Mme WALLAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

FAITS ET PROCEDURE

M. [X] [N], salarié au sein de la SAS Randstad, a été mis à la disposition de la SAS Transports [L] [K] (TRM), spécialisée dans le transport frigorifique international, pour occuper un poste de conditionneur dans le cadre d'une mission temporaire du 20 septembre 2016 au 23 septembre 2016.

Le 26 septembre 2016, la société Randstad a établi, à fin de prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Bas-Rhin au titre de la législation professionnelle, en émettant des réserves du fait des problèmes de coeur de la victime, une déclaration d'accident du travail dont M. [X] [N] a été victime le 23 septembre 2016 rédigée comme suit : « Alors que M. [N] avait terminé sa journée et qu'il retournait un lieu à température ambiante, il a ôté sa veste et a été victime d'un malaise. Il est tombé au sol. M. [N] est malheureusement décédé des suites de ce malaise ».

L'accident mortel de M. [N] a été pris en charge par la CPAM du Bas-Rhin au titre du risque professionnel.

Le 3 février 2017, la CPAM a attribué une rente d'ayant droit à Mme [I] [F], épouse du défunt ainsi qu'à chacun des trois enfants de la victime, [H], [A] et [S].

Le 5 avril 2017, Mme [I] [F], en son nom propre et en sa qualité de représentante légale de ses enfants mineurs, a sollicité auprès de la CPAM la mise en oeuvre de la procédure de reconnaissance de la faute inexcusable de la société Randstad dans la survenance de l'accident mortel de M. [X] [N].

La tentative de conciliation ayant échoué, Mme [I] [F], le 1er décembre 2017, a introduit un recours contentieux en reconnaissance d"une faute inexcusable devant le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) du Bas-Rhin.

Par jugement du 20 novembre 2019, le tribunal de grande instance (TGI) de Strasbourg remplaçant le TASS a :

- déclaré que le malaise de M. [X] [N] survenu le 23 septembre 2016 et son décès le 25 septembre 2016 résultent d'un accident de travail ;
- débouté les parties du surplus de leurs prétentions ;
- dit n'y avoir lieu à contribution aux frais irrépétibles des parties ;
- condamné Mme [I] [F] à supporter les dépens.

Mme [I] [F], [H] [N] et [S] et [A] [N] ont formé appel à l'encontre de ce jugement par voie électronique le 9 décembre 2019.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de leurs conclusions transmises par voie électronique le 24 décembre 2020, Mme [F], [H] [N] et [A] et [S] [N] demandent à la cour de :

- les dire et juger recevables en leur appel ;
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit et jugé que le malaise de M. [X] [N] survenu le 23 septembre 2016 et son décès le 25 septembre 2016 résultent d'un accident du travail ;
- infirmer le jugement entrepris pour le surplus ;

statuant à nouveau :

- dire et juger que le malaise de M. [X] [N] survenu le 23 septembre 2016 et son décès le 25 septembre 2016 résultent d'une faute inexcusable de son employeur, ensemble la SAS Randstad et la SAS Transports [L] [K] ;

- dire et juger que la rente versée aux ayants droit de M. [X] [N] sera majorée au maximum légal, avec effet à la date de l'accident, soit le 23 septembre 2016, en proportion des fractions fixées par le code de la Sécurité Sociale pour chacun des ayants droit ;

- fixer l'indemnisation de leurs préjudices moraux de la manière suivante :

* pour Mme [I] [F] : 50.000 euros
* pour [H] [N] : 25.000 euros
* pour [A] [N] : 25.000 euros
* pour [S] [N] : 25.000 euros ;

- dire et juger qu'ils seront renvoyés devant la CPAM du Bas-Rhin tenue de faire l'avance des sommes, pour la liquidation de leurs droits ;

- dire et juger que la majoration de la rente leur sera versée par la CPAM du Bas- Rhin et dit que la caisse pourra exercer son recours subrogatoire contre l'employeur ;
- dire et juger que, conformément aux prévisions des dispositions de l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale, l'employeur sera condamné à rembourser à la CPAM du Bas-Rhin le montant des indemnisations présentement allouées au titre de la réparation des préjudices subis par eux et de la majoration de la rente ;
- dire et juger que les défenderesses seront condamnées, chacune, à leur payer un montant de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions reçues le 24 septembre 2021, la société TRM demande à la cour de :

sur l'appel incident :

- juger recevable bien-fondé son appel incident à l'encontre du jugement du 20 novembre 2019 rendu par le tribunal de grande instance de Strasbourg ;
- en conséquence, infirmer le jugement du 20 novembre 2019 rendu par le tribunal de grande instance de Strasbourg en ce qu'il déclare que le malaise de M. [X] [N] survenu le 23 septembre 2016 et son décès le 25 septembre 2016 résulteraient d'un accident du travail ;
- et statuant à nouveau, dire et juger que l'accident dont a été victime M. [N] n'a pas de caractère professionnel ;
- en toute hypothèse, dire et juger que la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident lui est totalement inopposable ;

sur l'appel principal :

- dire et juger recevable mais subsidiairement mal fondé l'appel partiel interjeté par les ayants droit de M. [X] [N] à l'encontre du jugement du 20 novembre 2019 rendu par le tribunal de grande instance de Strasbourg en ce qu'il n'a pas reconnu la prétendue faute inexcusable de l'employeur ;
- en conséquence, confirmer le jugement du 20 novembre 2019 rendu par le tribunal de grande instance de Strasbourg en ce qu'il a débouté les parties du surplus de leurs prétentions ;
- subsidiairement, si par impossible jugement devait être infirmé et une faute inexcusable devait être retenue en son principe, dire et juger la société Randstad seule responsable des conséquences pécuniaires de la faute inexcusable ;
- débouter la société Randstad d'une éventuelle action récursoire dirigée contre elle ;
- condamner la société Randstad à prendre à sa charge sur son compte employeur la totalité du capital correspondant à l'accident du travail mortel de M. [X] [N];
- débouter Mme [I] [N] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétention formulées à son encontre tant en son nom propre qu'en sa qualité de représentante légale de ses enfants [H], [A] et [S] ;
- plus subsidiairement encore, si sa responsabilité totale ou partielle est retenue dans l'accident de M. [X] [N], dire et juger qu'elle ne sera tenue vis-à-vis de la société Randstad, dans le cadre de l'action récursoire de cette dernière, qu'au remboursement du capital de la rente versée aux ayants droit à l'exclusion de toute autre somme ;
- réduire les demandes de Mme [I] [N] formulées tant en son nom propre qu'en sa qualité de représentante légale de ses enfants [H], [A] et [S], à de plus justes proportions ;

- en tout état de cause, condamner Mme [I] [N] à lui verser la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- la condamner aux entiers frais et dépens.

Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 3 février 2022, la société Randstad demande à la cour de :

sur l'appel incident :

- infirmer le jugement du 20 novembre 2019 rendu par le tribunal de grande instance de Strasbourg en ce qu'il a déclaré que le malaise de M. [X] [N] survenu le 23 septembre2016 et son décès le 25 septembre 2016 résultaient d'un accident du travail ;
- et statuant à nouveau, constater l'absence de caractère professionnel de l'accident de M. [N] [X] ;
- débouter par conséquent les consorts [N] de l'intégralité de leurs demandes ;

sur l'appel principal :

- constater qu'aucune faute ne peut lui être imputée ;
- constater qu'aucune faute ne peut être imputée à la société Transports [L] [K] ;
- confirmer par conséquent le jugement du 20 novembre 2019 rendu par le tribunal de grande instance de Strasbourg en ce qu'il a débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

à titre subsidiaire, dans l'hypothèse de la reconnaissance de la faute inexcusable :

- dire et juger qu'elle n'a commis aucune faute dans la survenance de l'accident de M.[N] [X] ;
- constater qu'elle a respecté les obligations qui lui incombaient ;
- dire et juger que la faute inexcusable éventuelle relève de la seule responsabilité de l'entreprise utilisatrice, la société Transports [L] [K], substituée dans la direction des salariés en application de l'article L.452-1 du code de la sécurité sociale ;
- condamner, en application des articles L.452-1 et L.412-6 du code de la sécurité sociale, la société Transports [L] [K] à la garantir de toutes les condamnations qui seront prononcées au titre de l'éventuelle faute inexcusable, tant en principal qu'en intérêts et frais ;
- dire et juger qu'elle ne fera pas l'avance des frais d'expertise ;
- constater qu'elle ne s'oppose pas à l'organisation d'une expertise médicale judiciaire dans la limite des préjudices indemnisables au titre de la faute inexcusable ;
- débouter les autres parties de toute demande de condamnation qui pourrait être formulée à son encontre au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de toute autre demande formulée à son encontre ;
- et subsidiairement, condamner la société Transports [L] [K] à la garantir des sommes auxquelles elle serait éventuellement condamnée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- déclarer le jugement commun à la CPAM.

Aux termes de ses conclusions reçues le 29 décembre 2020, la CPAM du Bas-Rhin demande à la cour de :

- confirmer purement et simplement le jugement du TGI de Strasbourg du 20 novembre 2019 ;
- constater que la matérialité de l'accident du 23 septembre 2016 de M. [X] [N] est établie et que la présomption d'imputabilité s'applique ;
- constater qu'elle s'en remet à la sagesse de la cour concernant l'appréciation de la faute inexcusable de l'employeur de feu M. [X] [N] ;
- si la faute inexcusable devait être retenue, constater elle s'en remet à la sagesse de la cour concernant l'attribution de la majoration de rente d'ayant droit à Mme [I] [N], [H] [N], [A] [N] et [S] [N] ;
- dans l'affirmative, rappeler que la majoration de rente d'ayant droit due aux trois enfants, [H], [A] et [S] ne pourra leur être versée que jusqu'à leur 20e anniversaire ;
- réduire à de plus justes proportions les montants sollicités par Mme [I] [N] et ses enfants au titre des préjudice moral et d'affection subis suite à l'accident du travail mortel de M. [X] [N] survenu le 23 septembre 2016 ;
- condamner l'employeur ou son assureur à lui rembourser les sommes qu'elle sera amenée à verser au titre de la majoration de rente d'ayant droit et des préjudices ;
- enjoindre à l'employeur de lui communiquer les coordonnées de son assurance couvrant le risque faute inexcusable ;
- mettre à la charge exclusive et directe de la société Randstad les frais au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément, pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions susvisées et soutenues oralement à l'audience du 10 février 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Interjeté dans les formes et délai légaux, l'appel est recevable.

Sur la contestation du caractère professionnel de l'accident de M. [X] [N]

La société Randstad soutient que l'accident dont a été victime M. [X] [N] n'a pas d'origine professionnelle rappelant que les consorts [N] sur qui pèse la charge de la preuve de démontrer avec certitude l'imputabilité directe et certaine de la lésion de M. [X] [N] à son activité professionnelle ne sont pas en mesure de procéder à cette démonstration, étant souligné que le défunt était porteur d'une cardiopathie congénitale rare et avait interrompu son suivi médical.

La société TRM souligne également l'existence de cet état pathologique préexistant du fait d'une cardiopathie congénitale et réfute l'existence d'un rôle causal entre une exposition au froid et le décès.

Elle évoque l'existence du certificat médical du 26 septembre 2016 qui mentionne une mort naturelle ainsi que celui du médecin de la société Randstad qui relate les antécédents de M. [X] [N] à l'origine du décès.

Les consorts [N] indiquent que M. [X] [N], le jour de son décès, avait accompli sa journée de travail dans une zone de conditionnement au froid, son travail consistant à mettre sur palettes des cartons remplis de produits surgelés.

Ils font état de la cardiopathie congénitale rare dont souffrait M. [X] [N] mais signalent que le changement brutal de température lors d'un déplacement en chambre froide peut être une cause favorisant une décompensation cardiaque et un trouble du rythme grave dans le cadre d'une discordance cardiaque et que M. [X] [N] a subi un brusque changement de température puisqu'il a passé sa journée de travail en chambre froide avant de se rendre dans les vestiaires à température tempérée et ambiante pour s'y changer, de sorte qu'il n'est pas exclu que l'exposition prolongée au froid puis le changement de température subi par M. [X] [N] lors de l'exécution de sa mission ait joué un rôle dans la survenance de son malaise cardiaque.

Ils en déduisent l'existence d'une présomption d'accident du travail, le propre expert de la société Randstad reconnaissant qu'il s'agit d'un événement fortuit, dommageable et soudain ce qui caractérise un accident.

La CPAM considère que l'accident a un caractère professionnel tel que cela ressort de l'enquête qu'elle a diligentée, l'employeur ne renversant pas la présomption d'imputabilité.

Il est de principe qu'un employeur peut soutenir, en défense à l'action en reconnaissance de la faute inexcusable introduite par la victime ou ses ayants droit, que l'accident n'a pas d'origine professionnelle.

Selon les dispositions de l'article L.411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.

Il en résulte que constitue un accident du travail un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle, quelle que soit la date d'apparition de celle ci.

L'accident survenu alors que la victime était au temps et au lieu du travail est ainsi présumé accident du travail.

M. [X] [N] ayant été victime d'un malaise des suites duquel il est décédé, ce malaise étant survenu sur son lieu de travail et pendant ses horaires de travail, la présomption d'imputablité de l'accident au travail produit ses effets.

Pour combattre la présomption d'imputabilité, les sociétés Randstad et TRM se prévalent de l'existence d'un état pathologique préexistant. Il leur appartient de démontrer que l'accident mortel dont M. [X] [N] a été victime découle de cet état pathologique préexistant évoluant en dehors de toute relation avec le travail.

A cet égard, intérêt, il n'est pas contesté que M. [X] [N] souffrait d'une cardiopathie congénitale.

C'est avec pertinence que le jugement entrepris a retenu que l'analyse comparée des certificats médicaux des docteurs [Z] et [G] ne permettait pas d'exclure que l'exposition au froid et au changement de température que le salarié a connu lors de l'exécution de sa mission ait joué un rôle quelconque dans la survenance de l'accident cardiaque et en a conclu que la preuve n'était pas rapportée de ce que l'état pathologique préexistant évoluait pour son propre compte sans aucune relation avec le travail et de ce que l'accident en cause avait pour origine une cause totalement étrangère au travail.

La présomption d'imputabilité produisant ses effets, le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a déclaré que le malaise de M. [X] [N] et son décès résultent d'un accident du travail.

Sur la faute inexcusable

Les consorts [N] font valoir que la faute commise par l'employeur et l'entreprise utilisatrice est caractérisée puisque M. [X] [N] travaillait dans un environnement de froid négatif telle qu'en témoigne, d'une part, la remise d'un pantalon, d'une veste grand froid et, d'autre part, la manipulation de produits surgelés.

Ils se prévalent de l'existence du témoignage d'un collègue qui fait état de ce que M. [N] après avoir passé sa journée de travail dans la chambre froide, à température négative entre -10 et -19 oC et est passé directement aux vestiaires.

Ils en déduisent que l'employeur de M. [X] [N] devait avoir conscience du fait qu'il soumettait ce dernier à un risque spécifique nécessitant un examen médical approfondi sans toutefois le signaler à la médecine du travail.

Ils ajoutent qu'en tout état de cause, selon le ministère du travail, des températures supérieures à 30oC ou inférieures à 10oC exposant le salarié pendant six heures par jour fixe une limite pour la définition des critères de pénibilité, ce qui implique que le seul fait de soumettre M. [X] [N], durant plus de six heures par jour, à une température inférieure à 10oC obligeait l'employeur à mettre en oeuvre un examen médical spécifique et approfondi, ce qu'il n'a pas fait puisqu'il s'est abstenu de mentionner cette caractéristique du poste de travail sur le formulaire de demande d'examen médical.

Ils soulignent que M. [X] [N] n'a pas été informé qu'il aurait à travailler des heures durant à un froid négatif extrême, de sorte qu'il n'avait aucune raison objective d'aviser le médecin du travail de sa pathologie puisqu'aucun environnement susceptible d'avoir une influence quelconque sur son état de santé n'avait été signalé et que s'il bénéficiait d'une déclaration d'aptitude, elle concernait un poste occupé antérieurement au sein d'une autre entreprise.

La société Randstad répond que la société TRM est substituée à l'entreprise de travail temporaire dans la direction des salariés qu'elle délègue, cette dernière n'ayant aucun pouvoir de direction sur les salariés, de sorte que l'entreprise utilisatrice, substituée dans la direction de l'entreprise de travail temporaire, peut être jugée responsable d'une faute inexcusable.

Elle se prévaut des dispositions de l'article L.1251-21 code du travail, aux termes desquelles pendant la durée de la mission, l'entreprise utilisatrice est responsable des conditions d'exécution du travail notamment sur la santé et la sécurité et apparaît donc seule en mesure d'apprécier les risques encourus sur le terrain et de prendre les mesures de sécurité adaptées en tenant compte de ses contraintes de travail.

Elle considère avoir rempli son rôle puisqu'elle a mis à la disposition de la société TRM un salarié remplissant toutes les conditions recherchées par cette dernière et jouissant de plusieurs années d'expérience, médicalement apte, des équipements de protection individuelle (EPI) ayant été fournis au salarié et un accueil sécurité ayant été réalisé par la société TRM sur le lieu de travail.

Elle ajoute qu'elle n'avait pas connaissance du danger auquel M. [X] [N] était exposé puisque sa mission concernait des travaux de conditionnement, de gestion de stock, des travaux de chargement et déchargement de camions et le port de charges, la société TRM ayant identifié le poste de M. [X] [N] comme n'étant pas un poste à risque, de sorte qu'une formation spécifique n'était pas nécessaire, le salarié devant travailler dans un environnement de froid positif.

Selon elle, la société TRM ne rapporte pas la preuve de ce que son propre médecin du travail a examiné M. [X] [N] et aucun élément du dossier ne permet d'affirmer que ce dernier avait informé le médecin du travail qu'il était porteur d'une cardiopathie congénitale.

Elle argue de ce que l'existence d'une faute inexcusable de TMR n'est pas rapportée.

La société TRM considère qu'il n'existe pas de faute inexcusable, le poste occupé par M. [X] [N] ne comportant pas de risque particulier puisqu'il évoluait dans un environnement de froid positif sans jamais se rendre en chambre froide ayant été affecté en zone de conditionnement et non de stockage, ce qui ne nécessitait pas de surveillance médicale particulière.

Elle ajoute qu'elle ne pouvait avoir connaissance d'un danger lequel était inhérent à l'état de santé de M. [X] [N] et qui ne lui avait pas été révélé.

Elle souligne que des EPI avaient été fournis à ce dernier et que lui a été remis un livret d'accueil sécurité, une incitation étant faite aux travailleurs afin d'évoquer d'éventuels problèmes cardiaques.

La CPAM s'en remet à la sagesse de la cour.

Aux termes du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, des actions d'information et de formation et la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

Par application des dispositions combinées des articles L.452-1 du code de la sécurité sociale, L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail, le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été l'origine déterminante de l'accident du travail dont a été victime le salarié mais il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que sa responsabilité soit engagée, alors même que d'autres fautes y compris la faute d'imprudence de la victime, auraient concouru au dommage.

Les consorts [N] ne se prévalent pas de la présomption de faute inexcusable prévue par l'article L.4154-3 du code du travail au profit des intérimaires affectés à un poste de travail présentant des risques particuliers pour leur santé.

Il convient, en conséquence, de rechercher si les éléments constitutifs de la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction par application de l'article L.412-6 du code de la sécurité sociale, ce qui est le cas en l'espèce s'agissant de l'entreprise utilisatrice, sont réunis, étant souligné que la charge de la preuve pèse sur les consorts [N].

Selon son contrat de mission signé par M. [X] [N] le 21 septembre 2019, il a été embauché pour une mission allant du 20 septembre 2016 au 23 septembre 2016, décalée du 21 septembre 2016 au 27 septembre 2016, pour des travaux de conditionnement, de gestion de stock, de chargement et déchargement de camions et de port de charges, aucune surveillance médicale renforcée n'étant nécessaire, ni même de formation renforcée à la sécurité, le poste n'étant pas signalé comme étant à risque.

Selon l'analyse de l'accident du travail faite par la société Randstad, M. [X] [N] travaillait dans des températures variant de 0o à 4oC (froid positif) et plus spécialement, le jour de l'accident, dans des températures allant de 0o à 2oC.

Les consorts [N] soutiennent qu'en réalité, M. [X] [N] travaillait à des températures de froid négatif, soit inférieures à 0oC, sans pour autant le démontrer.

En effet, le fait que dans l'analyse de l'accident du travail qu'elle a faite, la société Randstad précise que M. [X] [N] était équipé d'une veste et d'un pantalon grand froid n'implique pas qu'il travaillait dans des températures de grand froid.

De surcroît, l'unique attestation de témoin que les consorts [N] produisent est insuffisante à cet égard puisqu'elle émane de M. [Y] [P], collègue de travail qui indique « nous avons travaillez » [sic] sans pour autant préciser avec qui il travaillait et « nous avons travaillez toutes la semaines » [sic] sans préciser de quelle semaine il s'agissait.

A défaut de démonstration d'une activité professionnelle au grand froid, c'est avec pertinence que le jugement entrepris a retenu qu'aucune faute inexcusable n'existait au regard du descriptif du poste, de la méconnaissance par la médecine du travail et donc de l'employeur de la cardiopathie congénitale dont souffrait M. [X] [N] dont ce dernier n'avait pas fait état, des équipements de protection individuels existants et de la remise du livret d'accueil sécurité incluant une incitation à évoquer l'existence de problèmes cardiaques.

Le jugement entrepris est donc confirmé.

Sur les dépens et les frais de procédure

Le jugement entrepris est confirmé de ces chefs.

A hauteur d'appel, Mme [I] [F] est condamnée aux dépens.

Les demandes d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile sont rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et en avoir délibéré :

DECLARE l'appel recevable ;

CONFIRME dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Strasbourg du 20 novembre 2019 ;

Y ajoutant :

CONDAMNE Mme [I] [F] aux dépens de la procédure d'appel ;

REJETTE les demandes d'indemnités formées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de colmar
Formation : 4s
Numéro d'arrêt : 19/053031
Date de la décision : 07/04/2022
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Strasbourg, 20 novembre 2019


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.colmar;arret;2022-04-07;19.053031 ?
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