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07/04/2022 | FRANCE | N°19/024441

France | France, Cour d'appel de colmar, 4s, 07 avril 2022, 19/024441


SA/VD

MINUTE No 22/314

NOTIFICATION :

Copie aux parties

Clause exécutoire aux :

- avocats
- parties non représentées

Le

Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE - SECTION SB

ARRET DU 07 Avril 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 SB No RG 19/02444 - No Portalis DBVW-V-B7D-HDAO

Décision déférée à la Cour : 02 Mai 2019 par le pôle social du Tribunal de Grande Instance de MULHOUSE

APPELANTE :

URSSAF ALSACE
TS

A 60003
[Localité 1]

Comparante en la personne de Mme [C] [K], munie d'un pouvoir

INTIMEE :

S.A.S. OPTIQUE UNTERLINDEN
[Adresse 3]
[Localité 2]

Repré...

SA/VD

MINUTE No 22/314

NOTIFICATION :

Copie aux parties

Clause exécutoire aux :

- avocats
- parties non représentées

Le

Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE - SECTION SB

ARRET DU 07 Avril 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 SB No RG 19/02444 - No Portalis DBVW-V-B7D-HDAO

Décision déférée à la Cour : 02 Mai 2019 par le pôle social du Tribunal de Grande Instance de MULHOUSE

APPELANTE :

URSSAF ALSACE
TSA 60003
[Localité 1]

Comparante en la personne de Mme [C] [K], munie d'un pouvoir

INTIMEE :

S.A.S. OPTIQUE UNTERLINDEN
[Adresse 3]
[Localité 2]

Représentée par Me Jean Jacques DIEUDONNE de la SELARL DIEUDONNE, avocat au barreau de COLMAR, substitué par Me Nadine HEICHELBECH, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 Février 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre,
Mme ARNOUX, Conseiller
Mme HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme WALLAERT, Greffier

ARRET :

- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre,
- signé par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre et Mme WALLAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

FAITS ET PROCÉDURE

La société par actions simplifiée Optique Unterlinden a fait l'objet d'un contrôle de l'application des législations de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garantie des salaires portant sur la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016.

A l'issue du contrôle, l'Urssaf d'Alsace a notifié une lettre d'observations du 4 juin 2018 comprenant plusieurs chefs de redressement dont il est résulté un rappel de cotisations et contributions de sécurité sociale, d'assurance chômage et d'AGS d'un montant total de 43.577 € outre les majorations de retard.

L'ensemble des cotisations de sécurité sociale, augmenté des majorations de retard, a été réclamé par une mise en demeure du 7 août 2018 pour un montant total de 47.949 €, dont 43.577 € de cotisations et 4.372 € de majorations de retard.

Par courrier daté du 2 août 2018, la société Optique Unterlinden a saisi la commission de recours amiable de l'Urssaf d'Alsace d'une contestation du chef de redressement no9 de la lettre d'observations.

Par décision du 10 septembre 2018, la commission de recours amiable a maintenu le redressement et a rejeté la requête de la société.

La société Optique Unterlinden a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du Haut-Rhin par courrier du 7 novembre 2018.

Vu l'appel interjeté par l'Urssaf d'Alsace le 27 mai 2019 à l'encontre du jugement du 2 mai 2019 rendu par le pôle social du tribunal de grande instance de Mulhouse, auquel le contentieux a été transféré et qui, dans l'instance opposant la société Optique Unterlinden à l'Urssaf d'Alsace, a :

– dit que le redressement opéré par l'Urssaf au titre de la réintégration dans l'assiette des cotisations de montants afférents aux rémunérations non déclarées de M. [D] [J] devait être annulé pour son montant total de 20.929 € (point no9 de la lettre d'observations) ;
– condamné en conséquence la SAS Optique Unterlinden à payer à l'Urssaf d'Alsace la somme de 22.648 € en principal ;

– invité l'Urssaf d'Alsace à recalculer le montant des majorations de retard dues sur ce montant ;
– dit que chaque partie supportera ses dépens ;
– condamné l'Urssaf d'Alsace à payer à la SAS Optique Unterlinden la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu l'arrêt avant dire droit du 9 septembre 2021 rendu par la présente cour qui a :

– ordonné la réouverture des débats ;
– ordonné le renvoi de l'examen de l'affaire à l'audience de plaidoirie du 10 février 2022 ;
– fixé et organisé les échanges éventuels entre les parties avec les effets de l'article 446-2 du code de procédure civile ;
– dit que la notification de cet arrêt vaut convocation à personne pour l'audience susvisée ;

Vu les conclusions visées le 17 août 2020, reprises oralement à l'audience, aux termes desquelles l'Urssaf d'Alsace demande à la cour de :

– infirmer le jugement entrepris ;
– statuant à nouveau de valider la mise en demeure pour son entier montant de 47.929 € dont 43.577 € de cotisations et contributions et 4.372 € de majorations de retard ;
– condamner à titre reconventionnel la SAS Optique Unterlinden au paiement de cette somme ;
– rejeter les demandes de la SAS Optique Unterlinden ;

Vu les conclusions visées le 3 juin 2020, reprises oralement à l'audience, aux termes desquelles la société Optique Unterlinden demande à la cour de :

– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
– subsidiairement, dire que ne sauraient être réintégrés dans l'assiette des cotisations que les intérêts, calculés par référence au taux légal applicable, dont M. [J] a fait l'économie grâce aux prêts qui lui ont été consentis par M. [Y] ;
– en tout état de cause, condamner l'Urssaf d'Alsace aux entiers frais et dépens, outre une somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions ;

MOTIFS

Interjeté dans les forme et délai légaux, l'appel est recevable.

Conformément à l'article L242-1 du code de la sécurité sociale, toutes les sommes versées aux travailleurs salariés en contrepartie ou à l'occasion du travail sont considérées comme des rémunérations, notamment salaires ou gains, indemnités ainsi que tous autres avantages en argent ou en nature, et doivent à ce titre être soumises à cotisations sociales.

Il résulte de cette disposition que toute déduction de l'assiette des cotisations des sommes versées aux travailleurs salariés en contrepartie ou à l'occasion du travail constitue une exception à la règle d'assujettissement de ces sommes et avantages, de sorte qu'il appartient à l'employeur de produire les justificatifs probants à l'appui de ses affirmations.

En l'espèce, l'inspecteur en charge du contrôle a constaté que la SAS Optique Unterlinden procédait, pour l'un de ses salariés, M. [D] [J], en franchise de cotisations et contributions sociales, d'une part au paiement de sommes supérieures à celles mentionnées sur les bulletins de paie et, d'autre part, à la prise en charge de certaines de ses dépenses personnelles (créances d'huissier, loyer, taxe d'habitation, factures d'électricité, factures téléphoniques?).

La société Optique Unterlinden faisait valoir que les sommes réintégrées dans l'assiette des cotisations et contributions sociales correspondaient en réalité à des prêts consentis à M. [J] par le président de la SAS, M. [S] [Y].

Deux conventions de prêt conclues entre MM. [J] et [Y] les 31 mars 2015 et 31 mars 2016 ont été présentées à l'inspecteur en charge du contrôle.

La société Optique Unterlinden soutenait avoir fait l'avance des sommes consenties par M. [Y] à M. [J] et alléguait que les sommes correspondant au solde débiteur de M. [J] après déduction des salaires dus ont été versées par le président de la société et non par la société elle-même.

L'inspecteur du recouvrement a considéré que ces deux conventions de prêt étaient sans lien avec les rémunérations non déclarées de M. [D] [J] et la prise en charge de dépenses personnelles du salarié par l'employeur.

Il a ainsi procédé à la réintégration, tant des rémunérations non déclarées de M. [D] [J] que des sommes correspondant à la prise en charge de dépenses personnelles du salarié, dans l'assiette des cotisations et contributions sociales.

Le tribunal de grande instance de Mulhouse a jugé qu'il convenait d'annuler ce chef de redressement au motif que le président de la SAS a procédé au versement des sommes litigieuses initialement acquittées par la société, que celles-ci correspondent aux montants des prêts établis entre MM. [J] et [Y], et que l'Urssaf ne démontre pas que les deux conventions de prêt sont sans lien avec les sommes redressées.

En cause d'appel, l'Urssaf d'Alsace fait valoir que :

– les sommes redressées correspondent à des dépenses prises en charge par la société et non par M. [Y] ;
– l'addition des sommes versées à M. [J] n'équivaut pas aux sommes des prêts consentis ;
– si la société Optique Unterlinden a avancé les sommes versées, le salarié a bénéficié de la prise en charge de dépenses personnelles par l'employeur ;
– il n'est pas démontré que les montants correspondant à la prise en charge de frais personnels aient été remboursés ;
– les premiers juges ont inversé la charge de la preuve.

La société rétorque pour l'essentiel que le caractère précaire de la remise des sommes litigieuses était justifié dès la phase de contrôle.

Il résulte des constatations de l'inspecteur du recouvrement que les deux contrats de prêt conclus intuitu personæ entre M. [J] et M. [Y] – dont se prévaut la société – ont été transmis lors des opérations de contrôle.

La société Optique Unterlinden soutient néanmoins à tort que les montants concernés avaient été inscrits au compte courant d'associé du Président de la SAS.

En effet, si la SAS invoque un transfert de crédit depuis le compte-courant d'associé de M. [Y], l'intimée ne vise pas le numéro de compte 455 mais le numéro de compte 467 qui relève, selon le plan comptable général, des « autres comptes débiteurs et créditeurs ».

Bien qu'il existe une parfaite identité entre certains montants perçus par M. [J] et ceux inscrits en débit du compte 467 ayant permis à la société d'équilibrer le compte 421 du salarié en fin d'exercice fiscal – il est toutefois relevé que les extraits produits proviennent du Grand-livre Général provisoire et non définitif alors que ces extraits ont été édités postérieurement aux périodes clôturées –, le débit inscrit au compte 467 constitue une charge pour la société et ne révèle aucune prise en charge personnelle par M. [Y] des sommes versées en franchise de cotisations par la société à M. [J].

A cet égard, aucun crédit des montants transférés sur le compte 421 du salarié ne peut être constaté au compte 467 permettant de retenir un apport de ces sommes par M. [Y] à la société.

Les conditions de la subrogation ne sont pas remplies.

La Cour constate par ailleurs que le redressement opéré ne porte pas sur les sommes concernées par les prêts consentis par M. [Y] à M. [J] mais sur des paiements correspondant à des rémunérations non déclarées sur les bulletins de paie de M. [D] [J] ainsi que la prise en charge de dépenses personnelles du salarié par l'employeur.

A cet égard, les Grands-Livres généraux visés par la société comportent des débits correspondant à des dépenses ponctuelles libellées « CHQ (?) SFR CONTENTIEUX [J] », « ACPTE HUISSIER [J] », « CHQ (?) I.R. [J] », « CHQ (?) LOYER [J] », variant de dix à plusieurs centaines d'euros sur la période contrôlée.

Enfin, les montants retenus par l'inspecteur du recouvrement au titre des années 2015 (22.620 €) et 2016 (23.725 €) sont différents des montants des conventions de prêt.

Il résulte des développements qui précèdent que les sommes ont été prises en charge par la société Optique Unterlinden à l'occasion du travail de M. [J] et qu'elles constituent un complément de rémunération qui doit être réintégré dans l'assiette des cotisations et contributions sociales.

Par voie de conséquence, la décision déférée sera infirmée en toutes ses dispositions.

En l'absence de contestation des autres points du redressement et en l'absence de paiement de la société, la demande reconventionnelle de l'Urssaf est fondée. Ainsi, la SAS Optique Unterlinden sera condamnée à payer à l'Urssaf d'Alsace la somme de 47.949 € correspondant au montant des cotisations et majorations de retard complémentaires mises en recouvrement par l'Urssaf le 7 août 2018.

La SAS Optique Unterlinden, qui succombe en son recours, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et déboutée sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la Loi,

DECLARE l'appel recevable ;

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,

VALIDE la décision de la commission de recours amiable du 10 septembre 2018 ;

VALIDE la mise en demeure du 7 août 2018 pour son entier montant de 47.949 €, dont 43.577 € en cotisations et 4.372 € en majorations de retard ;

CONDAMNE la SAS Optique Unterlinden à payer à l'Urssaf d'Alsace la somme de 47.949 € ;

DEBOUTE la SAS Optique Unterlinden d'Alsace de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SAS Optique Unterlinden aux dépens de première instance et d'appel.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de colmar
Formation : 4s
Numéro d'arrêt : 19/024441
Date de la décision : 07/04/2022
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Mulhouse, 02 mai 2019


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.colmar;arret;2022-04-07;19.024441 ?
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