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10/03/2022 | FRANCE | N°19/005911

France | France, Cour d'appel de colmar, 4s, 10 mars 2022, 19/005911


CF/FA

MINUTE No 22/0208

NOTIFICATION :

Copie aux parties

- DRASS

Clause exécutoire aux :

- avocats
- parties non représentées

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE - SECTION SB

ARRET DU 10 Mars 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 SB No RG 19/00591 - No Portalis DBVW-V-B7D-G74F

Décision déférée à la Cour : 20 Décembre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du HAUT-RHIN

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CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU HAUT-RHIN
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]

Comparante en la personne de Mme [M] [I], munie d'un pouvoir

INTIM...

CF/FA

MINUTE No 22/0208

NOTIFICATION :

Copie aux parties

- DRASS

Clause exécutoire aux :

- avocats
- parties non représentées

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE - SECTION SB

ARRET DU 10 Mars 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 SB No RG 19/00591 - No Portalis DBVW-V-B7D-G74F

Décision déférée à la Cour : 20 Décembre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du HAUT-RHIN

APPELANTE :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU HAUT-RHIN
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]

Comparante en la personne de Mme [M] [I], munie d'un pouvoir

INTIMÉ :

Monsieur [U] [E]
[Adresse 1]
[Localité 3]

Représenté par Me Yasmine HANK, avocat au barreau de MULHOUSE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Septembre 2021, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme FERMAUT, Conseiller, et Mme HERY, Conseiller, chargées d'instruire l'affaire.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme FERMAUT, Conseiller, faisant fonction de Présidente de chambre,
Mme PAÜS, Conseiller
Mme HERY, Conseiller
qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme WALLAERT, Greffier

ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme HERY, Conseiller, en remplacement du président empêché,
- signé par Mme HERY, Conseiller, en remplacement du président empêché, et Mme WALLAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS ET PROCÉDURE

M. [U] [E], conducteur de bus au sein de l'entreprise Soléa, a bénéficié d'un arrêt de travail indemnisé à compter du 3 février 2014.

Suivant avis de son médecin conseil, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Haut-Rhin a fixé la date d'aptitude au travail de M. [E] au 7 août 2014.

M. [E] ayant contesté cette décision, une expertise médicale a été diligentée par le docteur [G] en application de l'article L141-1 du code de la sécurité sociale, dont les conclusions ont été notifiées à l'assuré par courrier du 24 décembre

Le docteur [G] a estimé que M. [E] était apte à la reprise d'une activité professionnelle au 7 août 2014.

Contestant cette décision, le 26 février 2015, M. [E] a saisi la commission de recours amiable de la CPAM du Haut-Rhin qui, par décision implicite, a rejeté sa demande.

Le 8 juin 2015, M. [E] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du Haut-Rhin qui, par jugement du 26 mai 2016, a ordonné la mise en oeuvre d'une expertise médicale, laquelle a été confiée au docteur [S].

Par ses conclusions en date du 24 avril 2017, le docteur [S] a estimé que l'état de santé de M. [E] n'était pas « consolidé » à la date du 7 août 2014 et a fixé la date de « consolidation » de M. [E] au 1er août 2015.

Par jugement du 20 décembre 2018, notifié le 17 janvier 2019, le tribunal des affaires de sécurité sociale du Haut-Rhin a :
- rejeté la demande de contre-expertise formulée par la CPAM du Haut-Rhin,
- dit que M. [E] n'était pas apte à reprendre le travail le 7 août 2014,
- dit que M. [E] était apte à la reprise d'un travail à la date du 1er août 2015,
- en conséquence, condamné la CPAM du Haut-Rhin à verser à M. [E] les indemnités journalières pour la période du 7 août 2014 au 1er août 2015 avec intérêts de retard au taux légal à compter du 7 août 2014,
- rejeté la demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral formulée par M. [E],
- dit n'y avoir lieu à dépens ;
- condamné la CPAM du Haut-Rhin à verser à M. [E] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration adressée au greffe de la cour le 29 janvier 2019, la CPAM du Haut-Rhin a formé appel de ce jugement.

Vu les conclusions du 31 août 2021, visées le 2 septembre 2021, reprises oralement à l'audience, aux termes desquelles la CPAM du Haut-Rhin demande à la cour de :
- infirmer le jugement attaqué,
- dire et juger que c'est à bon droit que la CPAM du Haut-Rhin a considéré que M. [E] était apte à reprendre un travail quelconque à la date du 7 août 2014,
- débouter M. [E] de sa demande de dommages et intérêts,
- débouter M. [E] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouter M. [E] de l'ensemble de ses prétentions,
- à titre subsidiaire, ordonner la mise en oeuvre d'une nouvelle expertise médicale.

Par conclusions du 15 septembre 2021, transmises le 20 septembre 2021, M. [E] demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale du Haut-Rhin le 20 décembre 2018,
- infirmer le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale du 20 décembre 2018 en ce qu'il a débouté M. [E] de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral,
- condamner la CPAM du Haut-Rhin à payer à M. [E] la somme de 2.500 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi,
- débouter la CPAM du Haut-Rhin en toutes ses fins et prétentions,
- condamner la CPAM du Haut-Rhin à payer à M. [E] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la CPAM du Haut-Rhin aux entiers frais et dépens de la procédure.

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions ;

MOTIFS

Interjeté dans les forme et délai légaux, l'appel est recevable.

Sur la date d'aptitude à la reprise de travail

A l'appui de son appel, la caisse primaire fait valoir tout à la fois que l'inaptitude au travail doit être envisagée à travers la seule pathologie mentionnée sur les arrêts de travail, d'autre part que le docteur [S] fait une confusion entre la notion de consolidation et celle d'aptitude à la reprise d'un travail, et enfin soutient qu'il n'existe pas dans le dossier d'éléments permettant de remettre en cause la décision d'aptitude au 7 août 2014.

Il convient de rappeler que la notion d'aptitude à la reprise d'une activité professionnelle quelconque, détermine le caractère médicalement justifié d'un arrêt de travail et conditionne en conséquence, le versement des indemnités journalières.

En effet, selon l'article L321-1 du code de la sécurité sociale, l'assurance maladie assure le versement d'indemnités journalières à l'assuré qui se trouve dans l'incapacité physique constatée par le médecin traitant de continuer ou de reprendre une activité salariée quelconque.

Dès lors que l'état de santé d'un assuré lui permet de reprendre une activité professionnelle, peu important que ce ne puisse être son emploi antérieur, cet assuré

ne se trouve pas dans l'incapacité physique de rependre le travail au sens de ce texte.

De la même façon, la possibilité de reprendre un poste de travail adapté justifie l'arrêt du versement des indemnités journalières.

Il est acquis que la consolidation, qui est le moment où à la suite de l'état transitoire que constitue la période de soins, la lésion se fixe et prend un caractère sinon définitif, tel qu'un traitement n'est en principe plus nécessaire, ne coïncide pas nécessairement avec la date d'aptitude à la reprise d'une activité professionnelle.

La question en litige est celle de savoir si M. [E] était apte à la reprise d'un travail le 7 août 2014, date retenue par le médecin conseil près la CPAM et confirmée par le docteur [G] expert technique, mais contredite par l'expert judiciaire le docteur [S].

Il résulte des éléments de la cause que M. [E] a été placé en arrêt de travail à compter de février 2014 au motif de scapulalgies invalidantes touchant l'épaule gauche sur un membre non dominant ; qu'il souffre par ailleurs de sclérose en plaques dont la première manifestation remonte à 2002 et dont le diagnostic a été confirmé par IRM en 2009 et qu'il a été pris en charge dès le 4 septembre 2014 à la suite de l'apparition de symptôme dépressifs.

Dans son rapport du 16 décembre 2014, le docteur [G], évoque les seules douleurs à l'épaule gauche et conclut que que « ces lésions sont actuellement stabilisées.(...) malgré de nombreux examens complémentaires, aucun n'affirme l'existence d'une pathologie invalidante à la date du 07 08 2014, l'intéressé est donc apte à une activité professionnelle à cette date ».

Seules ces lésions ont ainsi été prise en compte pour considérer que M. [E] était apte à la reprise d'un travail au 7 août 2014.

Or dans son rapport du 24 avril 2017, le docteur [S] relève après avoir reçu M. [E] et étudié son dossier médical que divers éléments cliniques n'ont pas été pris en compte, car ignorés des médecins et du patient lors de la décision de consolidation du mois d'août 2014 et de l'expertise demandée par la suite. Il indique que trois pathologies avérées (douleurs de l'épaule gauche, sclérose en plaques, dépression) évoluent au courant de l'année 2014 et interfèrent, rendant le maintien au poste de travail de M. [E] impossible, et en conclut que « L'état de santé de Monsieur [E] n'était pas consolidé à la date du 7 août 2014. La date d'aptitude à la reprise d'un travail (consolidation) est fixée au 1er août 2015 ».

Contrairement à ce que soutient la CPAM, et ainsi que les premiers juges l'ont à juste titre observé, l'expert peut être amené à prendre en compte des éléments médicaux postérieurs à la date d'aptitude retenue par la caisse si ces éléments sont de nature à éclairer l'état du patient et son évolution au cours de la période concernée.

Si le docteur [S] fait état de consolidation, il conclut clairement en fixant la « date d'aptitude à la reprise d'un travail » au 1er août 2015, excluant qu'elle le soit le 7 août 2014. Il note que l'état de santé de M. [E], concernant les douleurs de l'épaule restait évolutif (le docteur [H] médecin spécialiste de la douleur ayant écrit le 13 mai 2015 « ? est suivi depuis septembre 2014 et encore à ce jour pour une scapulalgie gauche ... ») ; qu'en ce qui concerne la sclérose en plaques, la fatigue et les troubles de la concentration observés par le médecin traitant ainsi que par le docteur [K], neurologue, le 20 janvier 2015, sont souvent associés et

sous-estimés dans la maladie de la sclérose en plaques et que ces éléments contribuent au fait que l'état de santé de M. [E] n'était pas consolidé au 7 août 2014 ; qu'en outre M. [E] a présenté dès septembre 2014 des éléments cliniques qui ont nécessité une prise charge spécialisée et qui n'étaient pas compatibles avec la poursuite d'une quelconque activité professionnelle en particulier l'activité de chauffeur de transport collectif.

Il y a lieu d'ajouter que si M. [E] a finalement été licencié en septembre 2015 à la suite d'une inaptitude médicale prononcée le 31 août 2015 par le médecin du travail, le médecin traitant, dès le 7 octobre 2014, adressait au médecin du travail une demande en vue d'une inaptitude compte tenu de l'impossibilité de reprendre le travail malgré plusieurs tentatives.

Les conclusions du docteur [S] sont claires, précises et sans ambiguïté.

Contrairement à ce que soutient la CPAM, elles s'imposent à la cour. Il est en effet jugé qu'il résulte de la combinaison des articles L141-1, L141-2 et R142-24-1 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige, que lorsque le juge, saisi d'un différend portant sur une décision prise après mise en oeuvre de l'expertise médicale technique prévue par le premier, ordonne, à la demande d'une partie, une nouvelle expertise en application du second, l'avis de l'expert désigné dans les conditions prévues par le troisième s'impose à l'intéressé comme à la caisse.

Par ailleurs l'avis de son médecin conseil en date du 8 novembre 2019 que produit la CPAM pour critiquer les conclusions de l'expert judiciaire -après n'avoir émis aucune observation au pré-rapport de l'expert- ne saurait être retenu quand n'est pas contredite utilement l'incidence de la pathologie de la sclérose en plaques sur l'état général de M. [E].

Du tout il se déduit que le jugement doit être confirmé en ce que, rejetant la demande d'expertise, il a dit que M. [E] était inapte à la reprise d'un travail à la date du 7 août 2014 jusqu'à la date qu'il a fixée du 1er août 2015, et condamné en conséquence la caisse au paiement des indemnités journalières pendant cette période.

Sur la demande de dommages et intérêts de M. [E] pour préjudice moral

M. [E] réclame réparation du préjudice moral qu'il dit avoir subi pour avoir été privé du bénéfice des indemnités journalières pendant un an par la décision de la caisse et de toute rémunération en raison de son inaptitude à reprendre son poste.

Or comme l'ont dit les premiers juges, la caisse a fait une exacte application de la loi et aucune faute de nature à engager sa responsabilité n'est caractérisée.

Par application de l'article L315-1 du code de la sécurité sociale, les praticiens conseils près les caisses sont amenés à donner des avis sur les éléments d'ordre médical qui permettent l'attribution et le service de l'ensemble des prestations de l'assurance maladie, maternité et invalidité ainsi que de celles concernant les accidents du travail et les maladies professionnelles.
Les avis rendus dans ce cadre par le service du contrôle médical s'imposent à l'organisme de prise en charge (cf article L315-2 du code de la sécurité sociale). De même s'impose à l'organisme de prise en charge la décision de l'expert lorsque celui-ci est saisi sur le fondement de l'article L141-1 du code de la sécurité sociale (cf article L141-2 de ce code).
La caisse, légalement tenue de se conformer à l'avis du médecin conseil et du médecin expert, ne saurait se le voir reprocher.

Le rejet de la demande de dommages-intérêts sera donc confirmé.

Sur les dispositions accessoires

Les dispositions du jugement déféré sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile seront confirmées.

Partie succombante, la CPAM du Haut-Rhin supportera les dépens d'appel sans qu'il s'impose de faire application à hauteur de cour des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de M. [U] [E].

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la Loi,

DÉCLARE l'appel interjeté recevable ;

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 20 décembre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale du Haut-Rhin ;

y ajoutant,

CONDAMNE la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin aux dépens d'appel ;

DÉBOUTE M. [U] [E] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier,Pour le Président empêché,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de colmar
Formation : 4s
Numéro d'arrêt : 19/005911
Date de la décision : 10/03/2022
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.colmar;arret;2022-03-10;19.005911 ?
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