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24/06/2010 | FRANCE | N°278

France | France, Cour d'appel de colmar, Ct0002, 24 juin 2010, 278


No 278/2010 (RV/MM) CHAMBRE DE L'INSTRUCTION DE LA COUR D'APPELDU 24 juin 2010CH.INSTR. 2010/00139 DE COLMARAFFAIRE :SA AIR FRANCE Arrêt rendu en chambre du conseil à l'audience du 24 juin 2010
recours en matière de taxe
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VU le mémoire de frais présenté le 29 décembre 2009 par la :
SA AIR FRANCE, représentée par son représentant légal Monsieur X..., ayant son siège social 45 rue de Paris à 95747 ROISSY CHARLES DE GAULLE CEDEX ;
par lequel cette société a sollicité d'être rémunérée de 931.190,02 € au titre de frais de gardiennage (01.02.1992 au 31.12.2

008) ;
VU l'ordonnance du 02 mars 2010 du magistrat-taxateur de la Cour d'appel de C...

No 278/2010 (RV/MM) CHAMBRE DE L'INSTRUCTION DE LA COUR D'APPELDU 24 juin 2010CH.INSTR. 2010/00139 DE COLMARAFFAIRE :SA AIR FRANCE Arrêt rendu en chambre du conseil à l'audience du 24 juin 2010
recours en matière de taxe
* * *
VU le mémoire de frais présenté le 29 décembre 2009 par la :
SA AIR FRANCE, représentée par son représentant légal Monsieur X..., ayant son siège social 45 rue de Paris à 95747 ROISSY CHARLES DE GAULLE CEDEX ;
par lequel cette société a sollicité d'être rémunérée de 931.190,02 € au titre de frais de gardiennage (01.02.1992 au 31.12.2008) ;
VU l'ordonnance du 02 mars 2010 du magistrat-taxateur de la Cour d'appel de COLMAR ;
VU le recours en date du 11 mars 2010 à 11:50 contre cette ordonnance sus-visée ;
VU les réquisitions écrites de Monsieur le Procureur Général du 12 mai 2010, le mémoire de Maître PRADON, avocat au barreau de PARIS, conseil de la SA AIR FRANCE, déposé le 27 mai 2010 à l'audience ;
VU les articles 191 et suivants du Code de procédure pénale, ensemble les articles R.213-1 222 et suivants du même Code ;
APRES AVOIR, à l'audience réunie en chambre du conseil du 27 mai 2010, entendu Monsieur VIGNES, Président, en son rapport, le Ministère public en ses réquisitions orales, puis, Maître PRADON, en ses observations, la COUR, composée de Monsieur VIGNES, Président de la Chambre de l'Instruction, Madame JOVET Conseiller, Assesseur titulaire et Monsieur STEINITZ, Conseiller, Assesseur suppléant, en présence de Monsieur SEILLE, Substitut Général et de Monsieur RAUL, Greffier, a mis l'affaire en délibéré et fixé le prononcé à l'audience du 24 juin 2010 ;
A cette audience, la COUR, qui en a délibéré conformément aux dispositions de l'article 200 du Code de procédure pénale, a rendu l'arrêt suivant en chambre du conseil :

EN LA FORME
Le recours formé par le procureur général dans les forme et délai légaux, est recevable ;
Les prescriptions de l'article 197 du Code de procédure pénale ont été observées ;
AU FOND
EXPOSÉ DES FAITS :
La SA AIR FRANCE a présenté le 29 décembre 2009 un mémoire aux fins de taxation comme frais de justice correctionnelle, des frais occasionnés par le gardiennage, dans un hangar loué à cet effet à Rungis (93) pour un montant de 931 190,02 € pour la période du 1er février 1992 au 31 décembre 2008, des pièces de l'épave de l'Airbus A 320 immatriculé F-GGED, placées sous scellés, appartenant alors à la compagnie Air Inter, aux droits de laquelle vient Air France, qui s'est écrasé le 20 janvier 1992 sur le mont Sainte-Odile, commune de BARR (67).
Le Procureur général, invoquant la prescription quadriennale des créances contre l'État et le fait que l'épave dont s'agit doit être considérée comme un véhicule automobile de plus de 3,5 tonnes relevant du tarif forfaitaire prévu à l'article R 147 du code de procédure pénale, a requis, le 4 février 2010, la taxation du mémoire à la somme de 9 991,80 €.
Par ordonnance du 2 mars 2010, le magistrat taxateur de la cour d'appel de COLMAR a taxé le mémoire de frais à la somme de 620 793,35 € aux motifs que :
- la créance de la société requérante ne pouvait être déterminée avant la remise des scellés constatée par procès-verbal du 26 juin 2008, que les obligations nées de la désignation comme gardien des scellés étaient aléatoires en raison de la multiplicité des opérations d'expertise, de leur complexité ainsi que de l'existence de nombreux recours exercés tout au long de cette procédure exceptionnelle, de sorte qu'aucune prescription ne peut être opposée à la requête en taxation datée du 29 décembre 2009,
- l'épave constituée de 213 éléments d'un aéronef accidenté ne peut être assimilée à un véhicule automobile de plus de 3,5 tonnes,
- les frais de gardiennage doivent être appréciés par rapport au coût de la location du hangar supporté par le gardien pour la période du 31 janvier 1992 au 1er janvier 2009, date où la résiliation du bail du hangar a pu prendre effet, à l'exception d'une partie " bureaux" avec entrée séparée, qui doit être déduite à due concurrence, outre impôts fonciers et charges afférents.
Le Ministère public a relevé appel à l'encontre de ladite ordonnance le 11 mars 2010.
À l'appui de son recours, le procureur général invoque, en premier lieu, l'article 1 de la loi no 68-1250 du 31 décembre 1968 aux termes duquel sont prescrites au profit de l'État toutes les créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis.
Il estime que dès lors que la restitution de l'épave entreposée dans les locaux est intervenue le 26 juin 2008 et qu'aucune demande de paiement antérieure au 29 décembre 2009 n'a été formulée, toute demande afférente à une période antérieure au 1er janvier 2004 est prescrite et que la période de référence n'est que de quatre ans et 178 jours, soit 1638 jours.
Il considère en outre que l'avion doit être assimilé à un véhicule automobile dont le poids est supérieur à 3,5 tonnes, relevant du tarif journalier de 6,10 €, et que pour la période postérieure au 1er janvier 2004, la somme due à AIR FRANCE s'élève à 6,10 x 1638 = 9991,80 €.
La SA AIR FRANCE a déposé auprès du greffier de la chambre de l'instruction le 27 mai 2010 à 10 h 10 , soit le jour de l'audience avant que l'affaire ne soit appelée, un mémoire aux termes duquel elle fait valoir que le point de départ de la prescription quadriennale est le jour du prononcé de l'ordonnance du juge taxateur et que sa réclamation n'est pas prescrite ; qu'en outre, les éléments de l'épave de l'aéronef ne peuvent être assimilés à un véhicule automobile de plus de 3,5 tonnes. Elle sollicite la confirmation de l'ordonnance déférée et que soit ordonné le paiement de la somme de 620 793,35 € en frais de justice conformément aux dispositions de s articles R 222 à R 234 du code de procédure pénale.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la recevabilité du mémoire :Attendu qu'il est de jurisprudence que les dispositions de l'article 198 du Code deprocédure pénale doivent être interprétées en ce sens que devant la chambre de l'instruction, les mémoires des parties doivent être produits au plus tard la veille de l' audience ; qu'ainsi est tardif et doit être déclaré irrecevable le mémoire déposé par l' avocat de la SA AIR FRANCE le jour même de l' audience à laquelle la cause doit être débattue ;
Sur la prescription :
Attendu qu'invoquant l'article 1 de la loi 68-1250 du 31 décembre 1968, le Ministère public demande à la chambre de l'instruction de juger prescrite, au profit de l'État, la créance alléguée par la SA AIR FRANCE pour la période antérieure au 1er janvier 2004 dès lors que la restitution de l'épave et des locaux est intervenue le 26 juin 2008 et qu'aucune demande de paiement antérieure au 29 décembre 2009 n'a été formulée ;
Mais attendu que la prescription au profit de l'Etat des créances qui n'ont pas été payées dans le délai de quatre ans ne commence à courir qu'à partir du jour où les droits ont été acquis, soit en l'espèce le 2 mars 2010 , date de l'ordonnance rendue par le juge taxateur ;
Qu'il s'ensuit qu'aucune prescription de la créance ne peut être opposée à la SA AIR FRANCE ;
Sur le fond :
Attendu que la société Air Inter, aux droits de laquelle vient la SA AIR FRANCE, a été instituée gardienne le 31 janvier 1992 des scellés constitués des éléments de l'épave de l'Airbus A 320 immatriculé F-GGED ;
Que selon procès-verbal du 31 janvier 1992, la société Air Inter a été requise par l'officier de police judiciaire agissant sur commission rogatoire délivrée par le juge d'instruction du tribunal de grande instance de COLMAR de fournir un local pour y entreposer les pièces provenant de l'aéronef et que, selon procès-verbal de dépôt d'objets saisis en date du 7 février 1992, les scellés constitués de 198 pièces (et non 213) énumérées sur inventaires joints (PV 29/1992 cotes D 1570 à 1573 et D 1591 du dossier d'instruction) ont été remises au représentant de la compagnie aérienne qui en a été instituée gardienne ;
Que les scellés ont été levés et les pièces saisies restituées suivant procès-verbal du 26 juin 2008 ;

Attendu que la SA AIR FRANCE expose, par l'intermédiaire de son avocat présent à l'audience, avoir été amenée à louer un hangar sis à Rungis (93) auprès de la société SILIC selon contrat de bail du 31 janvier 1992, partiellement modifié par deux avenants en date des 4 novembre 1993 et 6 janvier 2003, et produit un décompte du coût de la location constitué des loyers réglés et des charges et impôts payés pour un montant de 944 768,18 € pour la période du 1er février 1992, date de prise d'effet du bail, au 31 décembre 2008, date d'effet utile du congé délivré à la suite de la levée des scellés ;
Qu'il est à noter que la SA AIR FRANCE n'a pas relevé appel incident de l'ordonnance de taxation des frais de gardiennage qui a limité sa créance à 620 793,35 € ;
Attendu que la taxation des frais de justice criminelle, correctionnelle et de police ne peut être fondée sur le critère de la juste rémunération qu'en l'absence de dispositions réglementaires applicables ;
Que les articles R 91, R 92-5o et R 147 du code de procédure pénale fixent le montant des indemnités pour la garde des scellés ;
Qu'ainsi, l'article R 147 dispose qu'il n'est accordé une indemnité pour la garde des scellés que lorsqu'il n'a pas été jugé à propos de confier cette garde à des habitants de l'immeuble où les scellés ont été apposés ; que dans ces cas, il est alloué pour chaque jour, pendant le premier mois, au gardien nommé d'office :- à Paris, 0,46 €, - dans les autres localités : 0,30 euros ; que le premier mois écoulé, ces indemnités sont réduites de moitié ;
Que lorsque les scellés sont apposés sur des véhicules automobiles, les tarifs des frais de garde journalière sont fixés pour les véhicules poids-lourds d'un poids total autorisé en charge supérieur à 3,5 tonnes à 6,10 € ;
Attendu, en l'espèce, qu'il résulte de l'inventaire des pièces déposées à la compagnie Air Inter que les scellés ont été apposés sur 198 éléments séparés provenant de l'épave de l'aéronef accidenté, lesquels comme l'a justement retenu le premier juge, ne peuvent être assimilés à un véhicule automobile poids-lourd de plus de 3,5 tonnes au sens de l'article précité ;
Qu'en revanche doit être appliquée l'indemnité de gardiennage, non pas fixée en considération de la valeur marchande des scellés ni des coûts réels de garde, mais de manière forfaitaire selon l'article R 147 dans ses dispositions ci-dessus rappelées ne concernant pas les véhicules automobiles ;
Attendu qu'en l'état des documents soumis à la chambre de l'instruction, l'inventaire des pièces déposées à la compagnie Air Inter mentionne 198 scellés, mais que, parmi ceux-ci, les pièces à conviction numérotées 143/F sont subdivisées en 9 éléments et les pièces numérotées 144/F sont subdivisées en 11 éléments et constituent deux lots de scellés, de sorte que l'indemnité de gardiennage doit s'appliquer sur un total de 178 scellés ;
Qu'en outre, s'agissant d'un indemnité journalière, celle-ci cesse au jour de la levée des scellés ;
Attendu qu'en fonction des principes ci-dessus rappelés, la taxation des frais occasionnés par le gardiennage des éléments de l'épave de l'Airbus A 320 placés sous scellés à RUNGIS (93) s'établit comme suit pour la période du 1er février 1992 au 26 juin 2008, soit 5991 jours :
- 1er mois du 1er février au 29 février 1992 :29 x 0,30 x 178 = 1 548,60 €
- mois suivants du 1er mars 1992 au 26 juin 2008 :5 962 x 0,15 x 178 = 159 185,40 €
Soit un total de 160 734 € ;
Attendu, en conséquence, qu'il y a lieu, en infirmant l'ordonnance entreprise, de taxer le mémoire de frais à la somme ci-dessus mentionnée ;
- PAR CES MOTIFS -LA COUR,
DÉCLARE irrecevable le mémoire déposé par la SA AIR FRANCE le 3 juin 2010,
INFIRME l'ordonnance entreprise,
Statuant à nouveau,
TAXE le mémoire de frais de gardiennage des scellés présenté par la SA AIR FRANCE le 29 décembre 2009 à la somme de cent soixante mille sept cent trente quatre euros (160 734 €),
ORDONNE que ladite somme sera payée comme frais de justice criminelle, correctionnelle et de police conformément aux dispositions des articles R 222 et suivants et R233 et suivants du Code de procédure pénale,
Ainsi jugé par la Chambre de l'Instruction de la Cour d'Appel de COLMAR, composée de Monsieur VIGNES, Président de la Chambre de l'Instruction, Madame JOVET Conseiller Assesseur titulaire et Monsieur STEINITZ, Conseiller, Assesseur suppléant,
Et prononcé en chambre du conseil le 24 juin 2010, par Monsieur VIGNES, Président de la Chambre de l'Instruction, en présence du Ministère Public et du Greffier ;
Il a été donné lecture du présent arrêt par Monsieur le Président qui l'a signé avec le Greffier présent au prononcé.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de colmar
Formation : Ct0002
Numéro d'arrêt : 278
Date de la décision : 24/06/2010

Analyses

FRAIS ET DEPENS - Frais à la charge de l'Etat - Prescription quadriennale - Point de départ -

La prescription au profit de l'Etat des créances qui n'ont pas été payées dans le délai de quatre ans, prévue à l'article 1 de la loi nº 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics, ne commence à courir qu'à partir du jour où les droits ont été acquis, soit, en matière de frais de justice, à la date de l'ordonnance rendue par le juge taxateur. Les article R. 91, R. 92 5º et R.147 du code de procédure pénale fixant le montant des indemnités pour la garde des scellés, la taxation des frais de garde des scellés constitués par les éléments provenant de l'épave d'un aéronef accidenté ne peut être fondée sur le critère de la juste rémunération. L'indemnité de gardiennage ne doit pas être fixée en considération de la valeur marchande des scellés, ni des coûts réels de garde, mais de manière forfaitaire selon l'article R. 147 du même code dans ses dispositions ne concernant pas les véhicules poids lourds d'un poids total autorisé en charge supérieur à 3,5 tonnes, auxquels ces éléments ne peuvent être assimilés


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 02 mars 2010


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.colmar;arret;2010-06-24;278 ?
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