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03/07/2008 | FRANCE | N°07/04247

France | France, Cour d'appel de colmar, Ct0107, 03 juillet 2008, 07/04247


MINUTE N° 08 / 01031
COUR D'APPEL DE COLMAR CHAMBRE SOCIALE-SECTION A

ARRÊT DU 03 Juillet 2008

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A 07 / 04247 Décision déférée à la Cour : 20 Septembre 2007 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE STRASBOURG

APPELANTE :

S. A. R. L. ESTUDIA, prise en la personne de son représentant légal, non comparant, 24A rue des Magasins 67000 STRASBOURG Représentée par Me Sylvie MARX remplaçant Me Gérard ALEXANDRE, avocats au barreau de STRASBOURG,

INTIMÉ :

Monsieur Samuel Y..., non comparant, ......

Représenté par Me Emmanuelle POINTET, avocat au barreau de STRASBOURG,

COMPOSITION DE LA COUR : L'affa...

MINUTE N° 08 / 01031
COUR D'APPEL DE COLMAR CHAMBRE SOCIALE-SECTION A

ARRÊT DU 03 Juillet 2008

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A 07 / 04247 Décision déférée à la Cour : 20 Septembre 2007 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE STRASBOURG

APPELANTE :

S. A. R. L. ESTUDIA, prise en la personne de son représentant légal, non comparant, 24A rue des Magasins 67000 STRASBOURG Représentée par Me Sylvie MARX remplaçant Me Gérard ALEXANDRE, avocats au barreau de STRASBOURG,

INTIMÉ :

Monsieur Samuel Y..., non comparant, ...... Représenté par Me Emmanuelle POINTET, avocat au barreau de STRASBOURG,

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 12 Juin 2008, en audience publique, devant la Cour composée de : M. VALLENS, Président de Chambre Mme SCHNEIDER, Conseiller M. JOBERT, Conseiller qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Melle FRIEH, Greffier

ARRÊT :- contradictoire- prononcé par mise à disposition au greffe par M. VALLENS, Président de Chambre,- signé par M. VALLENS, Président de Chambre et Melle FRIEH, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. Y... est entré au service de la société HORIZON le 5 septembre 1995 en qualité d'enseignant d'éducation physique et sportive selon un CDD à temps partiel poursuivi par un CDI à compter du 10 septembre 1998, pour un salaire mensuel de 886 € brut en dernier lieu.
Le 26 mai 2003, la société HORIZON a été mise en redressement judiciaire. Selon un plan de cession arrêté par le Tribunal de Grande Instance de STRASBOURG le 30 juin 2003, elle a été cédée à une nouvelle société dénommée ESTUDIA, la cession prenant effet aussitôt le 1er juillet 2003 avec reprise des contrats de travail.
M. Y... a été convoqué en vue d'un entretien préalable à un licenciement par une lettre du 23 juillet 2003. Après cet entretien, il a été licencié par une lettre du 9 août 2003 pour motif économique, en raison de la suppression de l'activité lycée, moyennant un préavis de deux mois prenant fin le 11 octobre 2003.
M. Y... a fait citer la société ESTUDIA devant le Conseil de Prud'hommes de STRASBOURG en paiement de dommages-intérêts et d'un solde de salaires.
Par jugement du 20 septembre 2007, le Conseil de Prud'hommes a condamné la société ESTUDIA à payer à M. Y... les sommes de :
-6. 500 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,-1. 181, 38 € à titre de rappel de salaire,-1. 476, 83 € à titre de préavis,-250 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et-800 € pour frais de procédure.

Il a également condamné la société ESTUDIA à remettre à M. Y... une attestation ASSEDIC rectifiée sous peine d'une astreinte de 10 € par jour de retard.
La société ESTUDIA a interjeté appel du jugement et conclu au rejet des demandes de M. Y... ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 1. 500 € pour frais de procédure.
Elle expose que postérieurement à sa demande initiale M. Y... avait saisi le Conseil de Prud'hommes d'une nouvelle demande qui a été radiée mais dont le Conseil reste saisi, ce qui aurait dû conduire ce dernier à rejeter la demande en raison du principe de l'unicité de l'instance.
Au fond elle fait valoir que selon la convention collective applicable, soit en l'espèce un accord de branche relatif à l'enseignement privé hors contrat, les heures de travail effectuées sont rémunérées sur la base des heures de cours annuel durant l'année scolaire mais réparties sur douze mois ; qu'elle n'a pas à rémunérer le travail accompli par M. Y... avant la cession de l'entreprise de sorte que ces dettes antérieures incombent au seul cédant et le cas échéant à l'AGS.
En ce qui concerne le licenciement du salarié, elle justifie sa décision par le manque d'effectifs constaté qui a nécessité la suppression de l'activité lycée le 11 juillet 2003.
Elle considère qu'elle n'a pas détourné l'obligation du transfert des contrats de travail et qu'elle ne pouvait pas reclasser M. Y... en l'absence de cours pouvant lui être confiés en tant que professeur d'éducation physique et sportive. À titre subsidiaire elle conteste les montants réclamés par M. Y... à titre de dommages et intérêts.

M. Y... sollicite la confirmation du jugement déféré à l'exception des dommages et intérêts réclamés qu'il porte à la somme de 10. 663 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 500 € pour le préjudice financier causé par la résistance opposée au paiement des salaires de juillet et d'août, et réclame en outre une indemnité de 1. 500 € pour frais de procédure.

Il conteste l'irrecevabilité tirée du principe de l'unicité de la procédure et se prévaut de la Convention collective nationale des professeurs du secondaire de l'enseignement privé pour invoquer le non-respect de la garantie d'emploi prévue par celle-ci.
Il conteste la régularité de son licenciement intervenu dès le mois de juillet et non au début de l'année scolaire, et qualifie la rupture de son contrat de travail de détournement dans la mesure où la société ESTUDIA avait été créée pour reprendre l'activité de la société HORIZON son ancien employeur, avec maintien des 16 contrats de travail dont le sien.
Quant au fond, il conteste le motif économique allégué en raison du caractère temporaire de la suppression de l'activité lycée, qui se rattache plutôt à une réorganisation de l'entreprise, motif qui n'a pas été mentionné dans la lettre de licenciement, et souligne l'absence de proposition de reclassement par rapport aux autres salariés repris.
Il conteste enfin l'affirmation de l'appelante suivant laquelle les salaires de juillet et d'août 2003 incomberaient à la société HORIZON quelle que soit la période de travail rémunérée eu égard à la date d'exigibilité de ses salaires.
Quant aux montants réclamés il présente des arguments qui seront examinés ci-après.
Les parties ont développé oralement leurs conclusions.
Sur ce, la Cour,
Sur la recevabilité de la demande :
Il est constant que postérieurement à l'introduction de sa demande, formée auprès du Conseil de Prud'hommes le 4 juin 2004 (RG 04-00581), M. Y... a présenté au Conseil des demandes complémentaires en date du 29 octobre 2007 portant sur des rappels de salaire et différentes indemnités. Cette demande additionnelle, qui se rattache à la demande initiale aurait dû être jointe à la procédure déjà pendante mais a été enregistrée par le greffe du Conseil comme une affaire nouvelle (RG 04-01097). Cette procédure a été radiée le 16 décembre 2004, soit avant que le Conseil statue sur l'ensemble des prétentions du salarié. Dès lors le principe de l'unicité de l'instance prud'homale découlant de l'article R 1452-6 du code du travail ne fait pas obstacle à la recevabilité de la première demande, qui était toujours pendante, et sur laquelle le Conseil s'est prononcé.
Sur la convention collective applicable :
La Convention collective nationale des professeurs du secondaire de l'enseignement privé du 23 juillet 1967 peut être valablement invoquée par M. Y..., l'employeur ayant à titre essentiel une activité d'enseignement secondaire à titre privé assuré par des enseignants de lycée et des classes du premier et deuxième cycle, et apparaît plus favorable au salarié que l'accord de branche du 3 avril 2001 étendu par arrêté du 24 juillet 2002 et relatif à l'enseignement privé qu'invoque la société appelante. La société ESTUDIA d'ailleurs ne dit pas en quoi l'accord invoqué (qu'elle a fait figurer sur le bulletin de paye de M. Y... après la reprise de son contrat de travail) s'appliquerait à lui au lieu de la Convention collective invoquée, étant observé qu'aucune mention ne figurait à ce sujet sur les anciens bulletins de paye du salarié. Au surplus, le Conseil de Prud'hommes a relevé que le code NAF de la société ESTUDIA (804 C) ne figurait pas dans le champ d'application de cet accord et que l'activité d'enseignement de M. Y... était exercée dans des classes de lycée et se trouvait plus proche que le champ d'application de l'accord de branche, destiné principalement aux enseignants du domaine technique. Ces faits n'ont pas été sérieusement discutés par l'appelante. Dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la Convention collective nationale devait s'appliquer.
Sur la rupture du contrat de travail de M. Y... :
La société ESTUDIA a convoqué M. Y... en vue d'un entretien préalable à son licenciement éventuel le 23 juillet, faisant état du faible nombre d'élèves inscrits dans les classes lycée, ce qui ne permettait pas d'assurer cette activité pour l'année scolaire 2003 2004, motif repris à l'identique dans la lettre de licenciement du 9 août 2003.
Or il apparaît établi que : Dès le 2 juillet 2003, soit le lendemain de la prise de possession de l'entreprise cédée en vertu du plan arrêté par le Tribunal de grande instance de STRASBOURG le 30 juin à son profit, la société ESTUDIA, nouvel exploitant, adressait aux parents d'élèves une lettre circulaire à en-tête de l'ancienne société HORIZON, en les invitant à confirmer l'inscription de leurs enfants avant le 10 juillet, leur laissant ainsi un délai très court pour y procéder, alors que l'année scolaire ne commençait que deux mois plus tard au début de septembre. Dès le 11 juillet 2003, une nouvelle lettre circulaire adressée aux parents leur faisait part de la décision de la société de ne pas ouvrir les classes de lycée. Enfin, le 5 août 2003, lors de l'entretien préalable au licenciement de M. Y..., le dirigeant de la société ESTUDIA l'a informé de la décision de fermer les classes de lycée dès le 11 juillet 2003, selon l'attestation de la salariée ayant assisté M. Y... (attestation de Mme Z...).

Or le plan de cession arrêté le 30 juin 2003 avait entériné une offre détaillée de la société ESTUDIA et l'acte de cession passé ultérieurement entre la société HORIZON en redressement judiciaire représentée par son administrateur judiciaire et la société ESTUDIA (signé par l'administrateur judiciaire plusieurs mois après le 18 mars 2004) prévoyait la reprise de 16 contrats de travail dont un professeur de sport, contrat dont il n'est pas contesté qu'il s'agissait de celui de M. Y..., et que cette liste avait été annexée à l'acte de cession selon l'article 5-2 dudit acte.
En engageant une procédure de licenciement contre M. Y... qui figurait sur la liste des contrats transférés, la société ESTUDIA a méconnu tant ses engagements tels qu'ils avaient été entérinés par le plan de cession de l'entreprise HORIZON que ses obligations légales résultant de l'article L 1224-1 du code du travail.
La société ESTUDIA, qui ne justifie d'ailleurs pas du nombre d'inscriptions reçues ni de leur caractère insuffisant, n'invoque aucun cas de force majeure qui rendait impossible le maintien du contrat de travail de M. Y.... Elle ne démontre pas non plus que les autres enseignements de classes lycée auraient aussi été supprimées. Au surplus, il résulte des éléments de fait ci-dessus rappelés qu'elle avait décidé de mettre fin à ce contrat dans des conditions précipitées sans laisser aux parents d'élèves un délai raisonnable pour décider d'inscrire leurs enfants en classe de lycée, ce qui aurait pu se faire encore au début de l'année scolaire comme l'a relevé le Conseil de Prud'hommes.

En outre, la société ESTUDIA a procédé au licenciement pour motif économique de M. Y... sans justifier d'une quelconque recherche de reclassement ni a fortiori d'une proposition écrite en ce sens, que ce soit sur un autre emploi, sur le même emploi à des conditions et pour une durée de travail différentes. De plus, elle prétend justifier la mesure licenciement « par la suppression temporaire » de l'activité lycée sans avoir envisagé d'affecter provisoirement M. Y... sur un autre emploi, même à des conditions de rémunération inférieures et susceptibles de recueillir son accord.
Enfin, la société ESTUDIA était tenue d'appliquer les dispositions impératives de la Convention collective nationale, dont l'article 13-3 prévoyait que « si le licenciement pour motif économique est lié à une insuffisance d'effectifs constatée en début d'année scolaire, l'entretien préalable doit avoir lieu aux plus tard 15 jours après la rentrée scolaire et la rupture du contrat doit être notifiée avant le 1er décembre », et qu'en dehors de ce cas, la rupture du contrat par démission ou licenciement ne peut intervenir en cours d'année scolaire. L'esprit de ces dispositions est de fixer avec certitude le moment où l'insuffisance d'effectifs peut être constatée, de garantir la continuité de l'emploi des enseignants et de définir la période dans laquelle un licenciement économique peut intervenir. En procédant aussitôt après l'adoption du plan de cession et sans attendre le début d'année scolaire au licenciement de M. Y..., la société ESTUDIA a méconnu ces dispositions.
En conséquence, il apparaît que la société appelante s'est dispensée de respecter les dispositions légales relatives au transfert des contrats de travail, comme l'obligation de rechercher une solution de reclassement en cas de licenciement économique, ainsi que les dispositions conventionnelles applicables au licenciement économique des professeurs de l'enseignement privé et les dispositions impératives du plan de cession arrêté à son profit et opposable à tous.
Sur les conséquences de la rupture :
La société ESTUDIA est seule débitrice des conséquences dommageables du licenciement de M. Y... dont elle a pris l'initiative. Le fait qu'une partie des montants qui luis sont dus puisse se rattacher à une activité d'enseignement antérieure à la cession en raison de l'étalement des salaires alloués sur douze mois et non sur chaque période d'activité est sans incidence sur son obligation : le contrat de travail de M. Y... a été repris avec tous les droits et obligations qui s'y rattachent et les montants dus en vertu de ce contrat incombent à la société cessionnaire, à charge pour elle, si elle s'estime capable de le démontrer, de se retourner contre l'AGS pour le cas où des sommes dues incomberaient en réalité à l'entreprise cédante.
Sur les montants :
Hormis l'obligation de payer les salaires mis en compte par M. Y..., la société ESTUDIA n'a pas contesté les sommes allouées par le Conseil de Prud'hommes et dont l'intimé sollicite la confirmation. Il est ainsi dû à M. Y... le rappel de salaire du mois de juillet 2003 soit 1. 181, 38 € et l'indemnité compensatrice de préavis soit 1. 476, 83 €. M. Y... sollicite en outre une somme de 500 € à titre de dommages et intérêts du fait du non-paiement des salaires de juillet et d'août 2003, au lieu de la somme, qu'il juge symbolique, allouée par le Conseil de Prud'hommes à hauteur de 250 € pour résistance abusive. Il admet cependant avoir été privé de revenus pendant 2 mois, ce qui conduit la Cour à admettre un préjudice limité au montant alloué..
M. Y... sollicite également une somme de 10. 663 € équivalant à un an de salaire, sur la base d'un salaire mensuel de 883 € pour le licenciement sans cause réelle et sérieuse dont il a été victime, au lieu de la somme de 6. 500 € qui lui a été allouée par le Conseil. Eu égard au salaire mensuel perçu par M. Y... et à l'absence de justificatifs quant à des recherches d'emploi postérieures à ce licenciement, la Cour entérinera l'appréciation du préjudice tel que l'ont évalué les premiers juges.
Une indemnité de 1. 000 € lui sera allouée pour les frais de procédure engagés.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement déféré,

CONDAMNE la société appelante à payer à l'intimé la somme de 1. 000 € (mille euros) par application de l'article 700 Code de procédure civile,
CONDAMNE la société appelante aux frais et dépens.
Et le présent arrêt a été signé par Mr VALLENS, Président et Melle FRIEH, Greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de colmar
Formation : Ct0107
Numéro d'arrêt : 07/04247
Date de la décision : 03/07/2008

Références :

ARRET du 20 octobre 2010, Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 20 octobre 2010, 08-44.390, Inédit

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Strasbourg, 20 septembre 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.colmar;arret;2008-07-03;07.04247 ?
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