MINUTE N° 08 / 01030
COUR D'APPEL DE COLMAR CHAMBRE SOCIALE-SECTION A
ARRÊT DU 03 Juillet 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A 07 / 02394 Décision déférée à la Cour : 15 Mai 2007 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE MULHOUSE
APPELANTE :
SARL SECURITAS FRANCE, prise en la personne de son représentant légal, non comparant, Centre de Vie et des Affaires Aéroparc 90150 FONTAINE Représentée par Me Antoine S. SCHNEIDER, avocat au barreau de COLMAR,
INTIMÉ et APPELANT INCIDENT :
Monsieur Claude X..., non comparant, ...... Représenté par Me Alexis HAMEL, avocat au barreau de MULHOUSE,
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Juin 2008, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. VALLENS, Président de Chambre, et M. JOBERT, Conseiller, chargés d'instruire l'affaire. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M. VALLENS, Président de Chambre, M. DIE, Conseiller, M. JOBERT, Conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Melle FRIEH, Greffier.
ARRÊT :- contradictoire- prononcé par mise à disposition au greffe par M. VALLENS, Président de Chambre,- signé par M. VALLENS, Président de Chambre et Melle FRIEH, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE :
Par contrat en date du 30 mai 2001, Monsieur Claude X... a été embauché par la SARL SECURITAS FRANCE en qualité d'agent de sécurité.
Par arrêté du 23 avril 2004, après un transfert de l'activité sécurité mobile de l'entreprise sur un autre site situé dans le territoire de Belfort, le Préfet de ce département a autorisé l'employeur à y exercer son activité ; par lettre du 26 avril 2004, il a toutefois informé la société SECURITAS que Monsieur X... était frappé d'une incapacité au sens de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 pour avoir commis un des actes mentionnés à son article 6. Le salarié a formé un recours gracieux contre cette décision qui a été rejeté le 22 juin 2004.
C'est pourquoi, l'employeur l'a licencié le 22 juin 2004 pour ce motif.
Monsieur X... a porté l'affaire devant le conseil de prud'hommes de MULHOUSE.
Pendant la procédure de première instance, la décision de refus d'agrément et la décision de rejet du recours gracieux ont été annulées par le Tribunal Administratif de BESANÇON par un jugement du 20 septembre 2005.
Par jugement du 15 mai 2007, le conseil de prud'hommes de MULHOUSE a condamné l'employeur à payer au salarié les sommes de 2. 525, 12 € au titre de l'indemnité de préavis, 252, 51 € au titre des congés payés sur préavis, 1. 663, 46 € à titre de dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement, 9. 980, 76 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Les premiers juges ont considéré qu'aux termes de l'article 18 de la loi du 18 mars 2003 relative aux activités privées de surveillance et de gardiennage, si le défaut d'agrément du salarié peut entraîner son licenciement, l'employeur doit suspendre le contrat de travail pendant six mois et ne peut le licencier qu'à l'issue de ce délai s'il n'a pas été relevé de son incapacité, ce que la SARL SECURITAS FRANCE n'a pas respecté.
Par déclaration faite le 4 juin 2007 au greffe de la Cour, la SARL SECURITAS FRANCE a interjeté appel de ce jugement.
Selon des écritures récapitulatives parvenues le 28 novembre 2007 au greffe de la Cour et reprises oralement à l'audience, elle conclut à l'infirmation du jugement entrepris.
Elle demande à la Cour de débouter le salarié de tous ses chefs de demande.
A l'appui de son recours, l'appelante fait valoir en substance que :
- Le Préfet du Territoire de Belfort ayant refusé d'autoriser le salarié à exercer ses fonctions d'agent de sécurité, elle n'avait pas d'autre solution que de le licencier,
- il s'agissait d'un fait du prince constitutif d'un cas de force majeure privatif des indemnités de rupture,
- le refus du préfet d'accorder son agrément a rompu le contrat de travail de plein droit,
- le jugement d'annulation de cette décision n'a pas fait perdre son caractère réel et sérieux au licenciement dont s'agit,
- la procédure de licenciement, en l'occurrence le délai d'un jour franc devant séparer l'entretien préalable de l'envoi de la lettre de licenciement, a été respectée.
Selon des écritures récapitulatives reçues le 31 octobre 2007 au greffe de la Cour et reprises oralement à l'audience, l'intimé conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a dit et jugé que son licenciement ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a condamné l'employeur à lui payer la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il forme un appel incident et conclut à son infirmation au surplus.
L'intimé, appelant incident, demande à la Cour de condamner l'employeur à lui payer les sommes de 3. 326, 92 € brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 332, 70 € brut au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis, 19. 961, 52 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 1. 823 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Monsieur X... expose en substance que :
- l'arrêté préfectoral refusant son agrément a été annulé par le tribunal administratif de BESANÇON de sorte que cette décision est réputée n'avoir jamais existé,
- l'employeur n'était pas obligé de licencier le salarié a fortiori pendant le délai de recours gracieux et ce d'autant plus qu'il avait été informé de l'exercice de ce recours, l'employeur pouvait rechercher des solutions alternatives,
- la procédure de licenciement n'a pas été respectée dans la mesure où il a été licencié moins d'un jour franc après l'entretien préalable,
- son licenciement lui a causé un préjudice considérable non intégralement réparé par les premiers juges.
L'ASSEDIC d'ALSACE a sollicité la condamnation de l'employeur à lui rembourser la somme de 5. 101, 20 € au titre des indemnités de chômage versées au salarié.
MOTIFS :
Attendu que le bien fondé de la rupture du contrat de travail du salarié s'apprécie au jour où celle-ci intervient de sorte qu'il convient de se placer au mois d'avril 2004 ;
Attendu dans ces conditions qu'il ne peut être tenu compte de ce que par jugement du 20 septembre 2005, le Tribunal Administratif de BESANÇON a annulé et la décision de refus d'agrément du salarié et celle de rejet du recours gracieux formé contre la première ;
Attendu que la Cour ne peut que constater qu'au jour de la rupture du contrat de travail du salarié, le préfet du Territoire de Belfort avait refusé de lui donner son agrément, ce qui signifiait qu'il ne remplissait pas, aux yeux du représentant de l'Etat dans ce département, les conditions posées par l'article 6 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 pour exercer ses fonctions ;
Attendu que par application de l'article 6-2 de la même loi, ce refus d'agrément a entraîné la rupture de plein droit du contrat de travail liant les parties ;
Attendu que cette résiliation est intervenue automatiquement en dehors de toute expression de la volonté des parties ;
Attendu ainsi que la lettre de licenciement du 22 juin 2004 est sans objet et n'a produit aucun effet juridique dans la mesure où elle est intervenue postérieurement à la résiliation de plein droit du contrat de travail intervenu le 22 avril 2004, date de l'arrêté de refus d'agrément du salarié ;
Attendu en conséquence que le jugement entrepris doit être infirmé en toutes ses dispositions ;
Attendu que, statuant à nouveau, il convient de constater que le contrat de travail a été résilié de plein droit le 22 avril 2004, rupture qui ne peut être assimilée à un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu qu'il s'agit d'un mode spécial et dérogatoire au droit commun de rupture du contrat de travail qui produit des effets spécifiques légalement définis ;
Attendu qu'il s'ensuit que le salarié doit être débouté de ses demandes en paiement de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés y afférents et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu toutefois que conformément à l'article 6-2 de la loi du 12 juillet 1983, il a droit à l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement ainsi qu'au revenu de remplacement prévu à l'article L. 351-1 de l'ancien Code du travail devenu l'article L. 5421-1 du nouveau Code du travail ;
Attendu qu'il est équitable de laisser à la charge de la SARL SECURITAS FRANCE les frais irrépétibles exposés dans la procédure ;
Attendu que le salarié, partie perdante, supportera les dépens de première instance et d'appel ;
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,
INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
CONSTATE que le contrat de travail liant la SARL SECURITAS FRANCE à Monsieur Claude X... a été résilié de plein droit le 22 avril 2004,
DÉBOUTE Monsieur Claude X... de tous ses chefs de demande,
CONSTATE qu'il a droit à l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement ainsi qu'au revenu de remplacement prévu à l'article L. 351-1 de l'ancien Code du travail devenu l'article L. 5421-1 du nouveau Code du travail,
CONDAMNE Monsieur Claude X... aux dépens de première instance et d'appel.
Et le présent arrêt a été signé par Mr VALLENS, Président et Melle FRIEH, Greffier.