MINUTE N° 08 / 0895
COUR D'APPEL DE COLMAR CHAMBRE SOCIALE-SECTION A
ARRÊT DU 26 Juin 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A 07 / 01809 Décision déférée à la Cour : 30 Mars 2007 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE MULHOUSE
APPELANTE :
Madame Muoy X... exploitant sous l'enseigne CAFÉ DE LA RÉUNION, non comparante, ...68100 MULHOUSE
Représentée par Me Henri-Paul STUCK, avocat au barreau de MULHOUSE,
INTIMÉS :
Madame Monique Y..., comparante en personne, ...68110 ILLZACH
Assistée de Me Jean-Luc ROSSELOT, avocat au barreau de MULHOUSE,
Monsieur Mariano A..., Madame Sara B...épouse A..., non comparants, ...68350 BRUNSTATT
Tous deux représentés par Me Anne MORGEN-STOLL, avocat au barreau de MULHOUSE,
Monsieur Jean Paul C...C / Mme Sabine D......68100 MULHOUSE Non comparant, non représenté.
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Juin 2008, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. VALLENS, Président de Chambre et M. JOBERT, Conseiller, chargés d'instruire l'affaire. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
M. VALLENS, Président de Chambre Mme SCHNEIDER, Conseiller, M. JOBERT, Conseiller qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Melle FRIEH, Greffier
ARRÊT :- réputé contradictoire-prononcé par mise à disposition au greffe par M. VALLENS, Président de Chambre,- signé par M. VALLENS, Président de Chambre et Melle FRIEH, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Mme Y...a été embauchée comme aide de bar par M. C...à compter du 1er février 1999 par un contrat à durée indéterminée conclu verbalement.
M. C...son employeur exploitait une activité de café sous l'enseigne « Café de la Réunion », dans le cadre d'un contrat de location-gérance portant sur un fonds de commerce propriété des époux A....
À la fin de l'année 2005, ce contrat de location-gérance été résilié et le fonds donné en location-gérance à de nouveaux exploitants les époux X..., suivant un contrat du 3 janvier 2006.
Le contrat de location-gérance conclu au profit de ces nouveaux exploitants par les époux A...propriétaires du fonds, mentionnait qu'il n'existait pas de personnel salarié dans le fonds.
Le 19 janvier 2006, les époux X... ont proposé à Mme Y...un « contrat nouvelle embauche », ce qu'elle a refusé.
Le 20 janvier 2006, Mme Y..., déclarant avoir été licenciée verbalement à la suite de ce refus a fait citer devant le Conseil de Prud'hommes de MULHOUSE Mme X... en sa qualité d'employeur, laquelle a appelé en garantie les époux A... .
Ceux-ci ont à leur tour appelé en garantie la société Brasserie Fischer et M. C..., respectivement locataire gérant du fonds à titre principal et premier employeur de Mme Y....
Par un jugement du 30 mars 2007, le Conseil de Prud'hommes a mis hors de cause les époux A..., la société Brasserie Fischer et M. C...et dit que Mme X... était bien l'employeur de la salariée.
Il a condamné Mme X... à lui payer les sommes de :
-2. 611, 80 € à titre d'indemnité de préavis,-261, 18 € au titre des congés payés y afférents,-2. 593, 67 € à titre d'indemnité légale de licenciement,-898, 67 € à titre de rappel de salaire pour le mois de janvier 2006,-1. 356, 77 € à titre d'indemnité de congés payés pour la période de mai 2005 à janvier 2006 et-26. 118 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le Conseil a en outre condamné Mme X... à remettre à Mme Y...un certificat de travail et une attestation destinée à l'ASSEDIC sous peine d'une astreinte de 100 € par jour de retard en se réservant la liquidation de cette astreinte.
Mme X... a interjeté appel de ce jugement en intimant Mme Y..., les époux A...et M. C....
Elle demande à la Cour de constater qu'elle n'a pas embauché Mme Y...et de rejeter sa demande.
À l'égard des époux A..., elle réitère son appel en garantie et subsidiairement en cas d'incompétence de la juridiction saisie, sollicite le renvoi devant la juridiction civile.
Elle demande enfin à la Cour de constater que le Conseil de Prud'hommes n'a pas statué sur les autres recours.
À l'audience de la Cour, le conseil de l'appelante a donné acte à Mme Y...de ce qu'il ne contestait pas l'application du principe du transfert de son contrat de travail et qu'il limitait ses prétentions à l'appel en garantie dirigé contre les époux A....
Mme X... expose que l'emploi de Mme Y...lui avait été dissimulé et qu'elle lui avait proposé en conséquence un nouveau contrat ; que le Conseil de Prud'hommes ne s'est pas prononcé sur l'appel en garantie dirigé contre les propriétaires du fonds, que son recours est fondé sur leur responsabilité en droit commun, à raison de la fraude commise à son égard, que M. C...après s'être fait radier du registre du commerce a cessé son activité et obtenu le bénéfice d'une procédure de faillite civile.
Les époux A...sollicitent la confirmation du jugement et le paiement d'une indemnité de 2. 000 € pour frais de procédure.
Ils font valoir qu'ils n'avaient pas été eux-mêmes avisés de la présence de Mme Y...dans le fonds, que M. C...en sa qualité de sous locataire du fonds a cédé le petit fonds aux époux X..., qui connaissaient la présence de Mme Y...dans l'établissement ; que M. C...leur a présenté les époux X... pour prendre sa succession comme locataire gérant du fonds, après la résiliation du contrat de location-gérance ; que Mme Y...a travaillé au début du mois de janvier 2006 dans le fonds et que Mme X... connaissait sa présence.
Mme Y...conclut à la confirmation du jugement.
La société Heineken, venant aux droits de la société Brasserie Fischer n'a pas été intimée devant la Cour.
Les parties ont développé oralement leurs conclusions, avec les précisions apportées par le conseil de l'appelante qui reconnaît le transfert du contrat de travail de Mme Y...à l'égard de l'appelante.
Sur ce, la Cour,
Sur le transfert du contrat de travail de Mme Y... :
Une modification dans la situation juridique de l'employeur telle que la mise d'un fonds de commerce en location-gérance emporte transfert de l'entité économique et la poursuite des contrats de travail qui y sont attachés en application de l'article L. 122-12 al. 2 (aujourd'hui L. 1224-1) du Code du travail.
Il est établi qu'à la suite de la résiliation du contrat de sous location-gérance conclu entre le précédent locataire gérant la Brasserie Fischer et M. C..., le fonds de commerce que ce dernier exploitait sous l'enseigne Café de la Réunion à MULHOUSE a fait l'objet d'un nouveau contrat de location-gérance conclu directement le 3 janvier 2006 entre les époux A...et les époux X... dont il n'est pas contesté par les autres parties que seule Mme X... est titulaire des droits et des obligations qui s'y attachent.
Il est constant que Mme Y..., qui bénéficiait d'un contrat de travail à durée indéterminée conclu le 1er février 1999 avec M. C..., travaillait dans le fonds depuis lors et qu'elle a poursuivi son activité après le changement de locataire gérant.
Mme X... a reconnu elle-même qu'elle lui a proposé la signature d'un nouveau contrat dit « contrat nouvelle embauche ».
Il est certain que Mme Y...ne pouvait que refuser cette offre, sous peine de perdre les droits et avantages attachés au contrat de travail à durée indéterminée dont elle bénéficiait. La présence de Mme Y..., attestée par M. C..., l'ancien exploitant, est aujourd'hui reconnue par Mme X....
Dans ces conditions, il y a lieu de constater que le contrat de travail de Mme Y...a été transféré à l'appelante.
Sur le licenciement de Mme Y...:
Il est affirmé par Mme Y...que Mme X... l'a licenciée verbalement en lui disant, selon l'attestation de M. C..., présent sur les lieux : « Je ne peux pas vous garder si vous ne signez pas ce contrat. S'il vous arrivait quelque chose vous ne seriez pas assurée. Rentrez chez vous ». Ces propos qui n'ont pas été contestés par Mme X... s'analysent en un licenciement, lequel n'a pas été notifié ni précédé d'une procédure régulière conforme aux exigences des dispositions des art. L. 122-14 (aujourd'hui L. 1232-3) et suivants du Code du travail.
Les premiers juges ont accordé à Mme Y...les montants ci-dessus rappelés en prenant en compte le salaire mensuel qu'elle percevait (1305, 90 €), son ancienneté (près de 16 ans) et son âge (55 ans). Ils lui ont ainsi alloué une indemnité compensatrice de préavis de deux mois (2611, 80 €), les congés payés y afférents (283, 66 €), une indemnité légale de licenciement (2593, 67 €), une indemnité égale à 20 mois de salaire eu égard à son ancienneté et à son âge (26. 118 €), un rappel de salaire pour les 19 jours de janvier 2006 (898, 27 €) et un rappel de congés payés (1. 356, 77 €).
L'appelante n'a pas contesté le calcul des sommes ainsi allouées ni les dommages intérêts estimés en réparation du préjudice subi. Ces montants seront donc entérinées par la Cour.
Sur l'appel en garantie :
Contrairement aux dires de l'appelante, le Conseil de Prud'hommes a statué sur les appels en garantie, en estimant devoir mettre hors de cause les époux A..., après avoir considéré que l'irrégularité éventuelle de l'acte ne relevait pas de sa compétence.
La Cour saisie de l'appel doit statuer sur cet appel en garantie en raison de sa plénitude de juridiction, peu important la juridiction de première instance pouvant en connaître. L'appel en garantie formé contre les époux A...est fondé sur les mentions du contrat de location-gérance conclu entre ces derniers et les époux X..., qui précisait que « le présent fonds de commerce est loué sans charge de personnel, libre de tout contrat de travail », alors que Mme Y...était salariée de M. C...jusqu'au 31 décembre 2005 en vertu d'un contrat de travail à durée indéterminée et se trouvait dans l'établissement lors du transfert du fonds aux époux X....
A titre préliminaire, la Cour observe qu'aucune somme éventuellement due à Mme Y...ne concerne la période antérieure au transfert.
L'appelante reproche aux propriétaires du fonds de l'avoir trompée, en formant à leur égard un appel en garantie de droit commun fondé sur la fraude que ceux-ci auraient commise.
Il n'est cependant pas établi que la mention erronée figurant dans le contrat location-gérance, par une clause de style préimprimée sur un document établi à l'avance soit le fait des propriétaires du fonds : ceux-ci n'exploitaient pas ce fonds directement, mais par l'intermédiaire de la brasserie Fischer et de son sous locataire gérant M. C....
Il n'est pas non plus établi que la présence de Mme Y...aurait été dissimulée aux nouveaux exploitants par M. C...ni par les époux A...eux-mêmes. De plus, l'acte par lequel ils avaient acquis le fonds de son précédent propriétaire M. G...le 30 octobre 2002 ne mentionnait aucune indication relative au personnel dudit fonds, de sorte que ceux-ci peuvent soutenir devant le Conseil de Prud'hommes comme devant la Cour qu'ils ignoraient jusqu'à l'existence d'un personnel salarié dans le fonds.
Dans ces conditions, la preuve d'une faute commise par les appelés en garantie n'est pas rapportée par l'appelante.
Le comportement de M. C..., que l'appelante qualifie de manoeuvres ne caractérise non plus une faute qui serait imputable aux appelés en garantie.
À l'égard de M. C..., également intimé, aucune conclusion n'est d'ailleurs prise par l'appelante.
Le jugement sera donc confirmé.
Il n'est pas inéquitable de laisser aux époux A...les frais engagés, dans la mesure où l'erreur affectant le contrat de location-gérance a pu inciter Mme X... à les mettre en cause devant le Conseil de prud'hommes et la Cour d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,
CONFIRME le jugement déféré,
CONDAMNE l'appelante aux dépens,
DÉBOUTE les époux A...de leur demande d'indemnité pour frais de procédure.
Et le présent arrêt a été signé par Mr VALLENS, Président et Melle FRIEH, Greffier.