La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/06/2008 | FRANCE | N°07/02041

France | France, Cour d'appel de colmar, Ct0107, 05 juin 2008, 07/02041


MINUTE No 08 / 0850

NOTIFICATION :

ASSEDIC ()
Copie aux parties
Clause exécutoire aux :- avocats- délégués syndicaux- parties non représentées

COUR D'APPEL DE COLMAR CHAMBRE SOCIALE- SECTION A

ARRÊT DU 05 Juin 2008

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A 07 / 02041 Décision déférée à la Cour : 23 Avril 2007 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE COLMAR

APPELANTE :

LA POSTE, prise en la personne de son représentant légal, non comparant, Direction Grand Public 12 rue Jacques Preiss 68000 COLMAR Représentée par

Me Paul JUNG, avocat au barreau de COLMAR,

INTIMÉE :

Madame Marie Renée X..., comparante en personne, ...... A...

MINUTE No 08 / 0850

NOTIFICATION :

ASSEDIC ()
Copie aux parties
Clause exécutoire aux :- avocats- délégués syndicaux- parties non représentées

COUR D'APPEL DE COLMAR CHAMBRE SOCIALE- SECTION A

ARRÊT DU 05 Juin 2008

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A 07 / 02041 Décision déférée à la Cour : 23 Avril 2007 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE COLMAR

APPELANTE :

LA POSTE, prise en la personne de son représentant légal, non comparant, Direction Grand Public 12 rue Jacques Preiss 68000 COLMAR Représentée par Me Paul JUNG, avocat au barreau de COLMAR,

INTIMÉE :

Madame Marie Renée X..., comparante en personne, ...... Assistée de Mme Sabine Y..., Délégué syndical ouvrier,

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 13 Mai 2008, en audience publique, devant la Cour composée de : M. VALLENS, Président de Chambre Mme SCHNEIDER, Conseiller M. JOBERT, Conseiller qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Melle FRIEH, Greffier

ARRÊT :- contradictoire- prononcé par mise à disposition au greffe par M. VALLENS, Président de Chambre,- signé par M. VALLENS, Président de Chambre et Melle FRIEH, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE :
Par contrat en date du 3 novembre 1988, Madame Marie- Renée X... s'est vu confier par l'administration des PTT la gérance de l'agence postale de PFAFFENHEIM.
Par contrat en date du 6 mars 1991, elle est également devenue la gérante de celle de MERXHEIM.
En 2005, LA POSTE a décidé la fermeture de ces deux agences, celle de MERXHEIM devant fermer le 30 novembre 2005 et celle de PFAFFENHEIM le 2 janvier 2006.
Selon deux actes sous seing privé des 30 novembre et 23 décembre 2005, LA POSTE et Madame X... ont conclu deux accords qualifiés de transactions aux termes desquelles la première s'est engagée à payer à la seconde deux indemnités de respectivement 3. 380 € pour l'agence de PFAFFENHEIM et 6. 760 € pour l'agence de MERXHEIM.
Par acte introductif d'instance en date du 23 août 2006, Madame X... a fait citer LA POSTE devant le Conseil de Prud'hommes de COLMAR en vue de faire annuler ses transactions, d'obtenir sa condamnation à lui payer une indemnité de préavis, les congés payés y afférents, une indemnité pour non respect de la procédure de licenciement, l'indemnité conventionnelle de licenciement et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La demanderesse a fait valoir que les parties étaient liées par un contrat de travail qui avait été rompu par l'employeur sans que celui- ci n'établisse l'existence d'une cause réelle et sérieuse.
LA POSTE a soulevé l'incompétence matérielle du Conseil de Prud'hommes au motif que les parties ne seraient pas liées par un contrat de travail de droit privé. Elle a également invoqué l'exception de transaction.
Par jugement du 23 avril 2007, le Conseil de Prud'hommes de COLMAR s'est déclaré compétent pour statuer sur le litige, dit que Madame X... avait bénéficié d'un contrat de travail de droit privé régi par le Code du travail, " cassé et annulé " les deux transactions des 30 novembre et 23 décembre 2005, dit que la rupture était intervenue le 23 décembre 2005 et condamné LA POSTE à lui payer les sommes de :
- 4. 713, 75 € brut au titre de l'indemnité de préavis,- 471, 37 € brut au titre des congés payés,- 7. 280, 12 € net au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,- 23. 568 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et- 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

LA POSTE a également été condamnée à délivrer à Madame X... l'attestation ASSEDIC et le certificat de travail ainsi qu'à régulariser le paiement des cotisations sociales.
Par déclaration adressée le 5 mai 2007 au greffe de la Cour, LA POSTE a interjeté appel de ce jugement.
Selon des écritures récapitulatives reçues le 29 février 2008 au greffe de la cour et reprises oralement à l'audience, l'appelante conclut à l'infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Elle demande à la Cour de dire et juger que la juridiction judiciaire est incompétente pour connaître du litige, d'inviter l'intimée à se pourvoir devant la juridiction administrative, de la débouter de tous ses chefs de demande et de la condamner à lui payer la somme de 1. 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
A l'appui de son recours, LA POSTE fait valoir en substance que :
• les contrats qui lient les parties ne sont pas des contrats de droit privé mais des contrats de droit public,
• ces contrats s'analysent en des délégations de service public pris dans le cadre du décret 72- 44 du 10 janvier 1972 autorisant LA POSTE à confier à des gérants d'agences postales la gestion d'un service de guichet ou de distribution à domicile,
• en tout état de cause, Madame X... a signé deux transactions qui mettent un terme au litige.
Selon des écritures récapitulatives parvenues le 3 avril 2008 au greffe de la Cour et reprises oralement à l'audience, l'intimée conclut à la confirmation du jugement entrepris sauf sur le montant des dommages et intérêts qui lui ont été alloués.
Elle forme un appel incident à ce sujet et sollicite la condamnation de LA POSTE à lui payer la somme de 10. 371 € de dommages et intérêts, outre celle de 1. 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'intimée, appelante incidente, expose en substance que :
en vertu de l'article 31 de la loi no 90- 568 du 2 juillet 1990, " les exploitants publics peuvent employer, sous le régime des conventions collectives, des agents contractuels " soumis aux dispositions du Code du travail à l'exception de celles relatives au comité d'entreprise,
les contrats conclus en 1988 et en 1991 sont des contrats de travail dans la mesure où il existe un lien de subordination entre les parties,
son contrat de travail est un contrat de droit privé depuis le 6 mars 1991, en effet, à compter du 1er janvier 1991, LA POSTE ne pouvait recruter que des agents de droit privé,
c'est LA POSTE qui est délégataire du service public de la poste, de plus, elle ne disposait d'aucune autonomie pour la tenue des agences et sa rémunération n'était pas liée aux résultats de l'exploitation.

MOTIFS :

Attendu que la délégation de service public est un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion de tout ou partie d'un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé dont la rémunération est substantiellement liée au résultat d'exploitation du service ;
Attendu que les deux conventions rédigées en des termes identiques conclues respectivement le 3 novembre 1988 et le 6 mars 1991, disposent que : " les agences postales sont des établissements institués par l'Etat pour participer à l'exécution du service public... " et ajoute que : " les fonctions exercées par la personne chargée de la gérance de l'établissement ne sont pas susceptibles d'une appropriation... " ;
Attendu que ces règles correspondent bien au fait de confier à un tiers l'exécution d'une partie du service public postal ;
Attendu toutefois que ces conventions ne contiennent aucune disposition aux termes desquelles la rémunération du délégataire serait substantiellement liée aux résultats d'exploitation du service les apparentant aux trois grandes formes de la délégation de service public que sont l'affermage, la concession de service public ou la régie intéressée ;
Attendu de plus que les éléments versés aux débats révèlent que Madame X... percevait une rémunération fixe alors que si celle- ci avait été fonction des résultats de l'exploitation des agences postales qui lui avaient été confiées, elle aurait constamment varié dans le temps ;
Attendu dans ces conditions que les conventions des 3 novembre 1988 et 6 mars 1991 ne peuvent être qualifiées de délégation de service public ;
Attendu par ailleurs que jusqu'au 31 décembre 1990, le service public du courrier sous toutes ses formes et du transport et de la distribution de la presse était un service public administratif (Tribunal des conflits, 24 juin 1968) dont l'Etat assurait l'exécution en régie ;
Attendu ainsi que le contrat de gérance d'une agence postale conclu le 3 novembre 1988 entre l'Etat et Madame X... lui conférait donc la qualité d'agent public en ce qu'elle participait à l'exécution d'un service public administratif ;
Attendu qu'à compter du 1er janvier 1991, en vertu de la loi 90- 568 du 2 juillet 1990, ce service public a été confié à l'établissement public de LA POSTE qui est un établissement public à caractère industriel et commercial (Conseil d'Etat, 13 novembre 1998) ;
Attendu que l'article 44 de cette loi prévoit que LA POSTE est substituée à l'Etat dans les contrats conclus antérieurement au 1er janvier 1991 avec les agents non fonctionnaires relevant respectivement de la direction générale de la poste, ce qui est le cas de Madame X..., et de la direction générale des télécommunications ;
Attendu que cet article précise que : " les intéressés auront, au plus tard le 31 décembre 1991, et six mois après qu'ils ont reçu notification des conditions d'exercice du choix, la faculté d'opter :- soit pour le maintien de leur contrat d'agent public ;- soit pour le recrutement sous le régime prévu à l'article 31 de la présente loi. " ;

Attendu qu'il n'a pas été allégué et encore moins prouvé que Madame X... ait opté pour le recrutement selon cet article, c'est à dire par un contrat de droit privé ;
Attendu qu'il s'ensuit que, nonobstant le fait que LA POSTE, établissement public à caractère industriel et commercial, se soit substituée à l'Etat comme cocontractant de Madame X..., n'a pas fait perdre à cette dernière sa qualité d'agent public ;
Attendu, d'autre part, que la circonstance que postérieurement à cette substitution, celle- ci ait conclu un nouveau contrat de gérance d'agence postale, ne lui a pas non plus fait perdre cette qualité et ce d'autant plus que cette convention, rédigée en des termes identiques à la première, pour des fonctions identiques, s'analyse en un avenant de celle conclue le 3 novembre 1988, ajoutant (ou modifiant ?) le lieu d'exercice de son activité dans des conditions identiques en tous points ;
Attendu que les litiges opposant un agent public à son employeur relèvent de la compétence des juridictions administratives ;
Attendu en conséquence que le jugement entrepris doit être infirmé en toutes ses dispositions ;
Attendu que, statuant à nouveau, il convient de se déclarer incompétent pour connaître du litige opposant LA POSTE à Madame X... et d'inviter cette dernière à mieux se pourvoir ;
Attendu qu'il est équitable de laisser à la charge de LA POSTE les frais irrépétibles exposés dans la procédure ;
Attendu que Madame X..., partie perdante, supportera les dépens de première instance et d'appel ;
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,
INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
DÉCLARE INCOMPÉTENTES les juridictions de l'ordre judiciaire, pour connaître du litige opposant Madame Marie- Renée X... à LA POSTE,
EN CONSÉQUENCE :
INVITE Madame Marie- Renée X... à mieux se pourvoir,
DÉBOUTE LA POSTE de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNE Madame Marie- Renée X... aux dépens de première instance et d'appel.
Et le présent arrêt a été signé par Mr VALLENS, Président et Melle FRIEH, Greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de colmar
Formation : Ct0107
Numéro d'arrêt : 07/02041
Date de la décision : 05/06/2008

Analyses

SEPARATION DES POUVOIRS - Services et établissements publics à caractère industriel et commercial - Personnel - Dirigeant d'entreprise publique - Qualité d'agent public - Portée - / JDF

En vertu de l'article 44 de la loi 90-568 du 2 juillet 1990 en vigueur à compter du 1er janvier 1991, le gérant d'une agence postale, qui n'a pas opté pour le recrutement sous le régime prévu à l'article 31 de la loi mentionnée ci-dessus, c'est-à-dire pour un contrat de droit privé, a la qualité d'agent public. Le fait que la Poste, établissement public à caractère industriel et commercial, se soit substituée à l'Etat comme cocontractant et la circonstance que celle-ci ait, postérieurement à cette substitution, conclu un nouveau contrat de gérance d'agence postale, modifiant le lieu d'exercice de l'activité, n'a pas fait perdre cette qualité au gérant. Dès lors, les juridictions de l'ordre judiciaire ne sont pas compétentes pour connaître des conséquences de la rupture du contrat de gérance d'une agence postale


Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Colmar, 23 avril 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.colmar;arret;2008-06-05;07.02041 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award