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05/06/2008 | FRANCE | N°06/05358

France | France, Cour d'appel de colmar, Ct0107, 05 juin 2008, 06/05358


MINUTE N° 08 / 0825
COUR D'APPEL DE COLMAR CHAMBRE SOCIALE-SECTION A

ARRÊT DU 05 Juin 2008

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A 06 / 05358 Décision déférée à la Cour : 24 Octobre 2006 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE STRASBOURG

APPELANTE :

UNION DÉPARTEMENTALE CGT DU BAS-RHIN, prise en la personne de son représentant légal, non comparant, 1 rue Sédillot 67000 STRASBOURG

Monsieur Patrick X..., comparant en personne ......

tous deux représentés par Me Claus WIESEL, avocat au barreau de COLMAR,

INTIMÉE : >
SAS RENAULT TRUCKS STRASBOURG, venant aux droits de la SA RENAULT FRANCE VI, prise en la personne de son représ...

MINUTE N° 08 / 0825
COUR D'APPEL DE COLMAR CHAMBRE SOCIALE-SECTION A

ARRÊT DU 05 Juin 2008

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A 06 / 05358 Décision déférée à la Cour : 24 Octobre 2006 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE STRASBOURG

APPELANTE :

UNION DÉPARTEMENTALE CGT DU BAS-RHIN, prise en la personne de son représentant légal, non comparant, 1 rue Sédillot 67000 STRASBOURG

Monsieur Patrick X..., comparant en personne ......

tous deux représentés par Me Claus WIESEL, avocat au barreau de COLMAR,

INTIMÉE :

SAS RENAULT TRUCKS STRASBOURG, venant aux droits de la SA RENAULT FRANCE VI, prise en la personne de son représentant légal, non comparant, Parc Mail 523 cour du Troisième Millénaire 69800 ST PRIEST

Représentée par Me Alain RIBET, avocat au barreau de LYON,

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 13 Mai 2008, en audience publique, devant la Cour composée de : M. VALLENS, Président de Chambre Mme SCHNEIDER, Conseiller M. JOBERT, Conseiller qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Melle FRIEH, Greffier

ARRÊT :- contradictoire- prononcé par mise à disposition au greffe par M. VALLENS, Président de Chambre,- signé par M. VALLENS, Président de Chambre et Melle FRIEH, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. X... a été embauché le 1er octobre 1980 en qualité de mécanicien APR1 par la société RENAULT FRANCE V. I. aux droits de laquelle vient aujourd'hui la SAS RENAULT TRUCKS STRASBOURG.

Il a bénéficié de deux augmentations d'échelon le 1er janvier 1984 et le 1er juillet 1996, le classant successivement à l'emploi d'agent professionnel de réparation 2 (APR 2) niveau 2 échelon 3 coefficient 205, puis APR 3 échelon 1 coefficient 215.
Depuis 1984, M. X... est titulaire d'un mandat de délégué du personnel.
Il considère que du fait de son activité syndicale, il a subi une discrimination salariale, en ce sens qu'en dépit des formations suivies, et de sa compétence particulière en matière de freinage, il n'a pas eu la promotion au poste de technicien d'atelier qu'il était en droit d'attendre et sa rémunération est inférieure à la moyenne mensuelle du salaire d'un ouvrier qualifié.
Il a attrait la SAS RENAULT TRUCKS STRASBOURG devant le Conseil de prud'hommes de STRASBOURG pour obtenir le paiement de dommages-intérêts chiffrés à 41. 463, 52 €, ainsi que la fixation de son salaire au niveau 12, soit une rémunération mensuelle de 2. 170, 80 €.
L'Union Départementale CGT du Bas-Rhin a formé une intervention volontaire et a demandé le paiement d'une somme de 763 € à titre de dommages-intérêts.
Par jugement du 24 octobre 2006, le Conseil de Prud'hommes statuant en départage, a estimé que M. X... ne justifiait d'aucune discrimination, qu'après 23 ans, parmi les 29 salariés se trouvant dans la même situation, seuls 8 dont M. X... étaient passés APR 3, et seuls 14 dont M. X... avaient bénéficié de deux augmentations de salaire, et que s'il présentait les aptitudes requises pour tenir le poste du niveau revendiqué, encore fallait-il qu'un tel poste existe sur le site de STRASBOURG, ce qui n'était pas le cas.
Le Conseil de prud'hommes a ainsi rejeté les demandes de M. X... et de l'Union Départementale CGT du Bas-Rhin.
L'Union Départementale CGT du Bas-Rhin et M. X... ont interjeté appel de ce jugement.
Vu les dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile,
Vu les conclusions des appelants M. X... et l'Union Départementale CGT du Bas-Rhin reçues au greffe le 7 août 2007 reprises et développées oralement à l'audience, tendant à l'infirmation du jugement déféré, à ce que la Cour condamne la SAS RENAULT TRUCKS STRASBOURG à payer à M. X... la somme 41. 463, 52 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice et ordonne à l'employeur sous astreinte de 457, 35 € par jour de retard de le faire bénéficier d'une rémunération conforme à celle qu'il aurait du percevoir s'il n'avait pas fait l'objet d'une discrimination et d'un poste conforme à celui qu'il aurait du occuper s'il n'avait pas fait l'objet d'une discrimination, à ce que la Cour dise et juge qu'à compter de l'arrêt à intervenir il bénéficiera d'une classification niveau 3 échelon 3 coefficient 240 en percevant une rémunération conforme à cette qualification, et condamne la SAS RENAULT TRUCKS STRASBOURG à leur payer la somme de 1. 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
Vu les conclusions de l'intimée la SAS RENAULT TRUCKS STRASBOURG reçues au greffe le 31 octobre 2007 complétées par conclusions reçues le 6 mai 2008, tendant à la confirmation du jugement déféré,

VU LES PIÈCES DE LA PROCÉDURE ;

Attendu que M. X... soutient avoir subi un retard dans l'évolution de sa carrière à raison de ses activités syndicale et il fonde sa demande sur les dispositions de l'article L. 2141-5 du Code du travail (anciennement L. 412-2) interdisant à l'employeur de " prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière en ce qui concerne l'embauchage, la conduite et répartition du travail, la formation professionnelle, l'avancement, la rémunération et l'octroi d'avantages sociaux... " ;
Attendu qu'il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une atteinte au principe d'égalité de traitement, et à l'employeur d'établir que cette disparité est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur l'appartenance syndicale ;
Attendu qu'il résulte des pièces produites que M. X... embauché le 1er octobre 1980 dans un emploi de mécanicien APR 1, a bénéficié d'une augmentation d'échelon le 1er octobre 1984 au grade d'APR 2 puis le 1er juillet 1996 au grade d'APR 3 et percevait en 2004 un salaire 1. 911, 83 € incluant la prime d'ancienneté ;
Que les tâches qu'il effectue sont d'une grande technicité (réglage et modification de circuits pneumatiques, défaut d'embrayage automatisé, défaut ABS ou EBS, etc.), qu'il a suivi de très nombreuses formations dans le domaine du freinage, et que plusieurs témoins (M Z..., exploitant forestier et M. A..., chauffeur routier) ont attesté de ce qu'il était présenté à la clientèle par sa hiérarchie comme le spécialiste du freinage au sein de l'entreprise et a assumé le rôle de formateur lors de formations internes sur le freinage ;
Qu'il compare l'évolution de sa carrière avec celle des autres ouvriers qualifiés au sein de la société ayant une ancienneté comparable à la sienne et embauchés au même coefficient APR 1 pour en conclure que tous ses collègues ont une qualification et un salaire supérieur au sien, et qu'il se prévaut en particulier d'une situation similaire à celle de ses collègues MM. B..., C..., ou D... tous promus techniciens d'atelier ;
Qu'il résulte du document émanant de la SAS RENAULT TRUCKS STRASBOURG (classement source avril 2004 par classification actuelle) que sur les 34 salariés travaillant au sein de l'atelier, treize sont dans une situation comparable à celle de M. X... (embauché à l'emploi d'APR 1, avec 24 ans d'ancienneté en 2003) dont sept ont connu une meilleure évolution de carrière :
- M. E..., 14 ans d'ancienneté, agent de maîtrise au salaire de 2. 419, 39 €- M. F..., 31 ans d'ancienneté, agent de maîtrise au salaire de 3. 610 €- M. G..., 24 ans d'ancienneté, agent de maîtrise, au salaire de 2. 593, 74 €- M. B..., 25 ans d'ancienneté, technicien d'atelier au salaire de 2. 110 €- M. C..., 24 ans d'ancienneté, technicien d'atelier au salaire de 2. 224, 52 €- M. D... 19 ans d'ancienneté, technicien d'atelier au salaire de 1. 842, 33 €- M. H... 14 ans d'ancienneté technicien d'atelier au salaire de 1992, 43 €

Que seul M. I... ayant 29 ans d'ancienneté, technicien d'atelier présente une situation différente de celle de M. X... puisqu'il a été embauché à la classification APR2 ;
Que la circonstance que M. C... ait exercé son activité successivement sur les sites de BRUMATH et de FEGERSHEIM ou que M. E... soit considéré selon l'employeur comme le meilleur technicien de l'atelier ne permettent pas de justifier un tel retard d'évolution de carrière ;
Attendu que la SAS RENAULT TRUCKS STRASBOURG considère que le panel de comparaison retenu par le salarié n'est pas pertinent alors que la politique salariale est décidée au niveau du groupe de sociétés (cf attestation M. J..., responsable administratif) et que les courbes de salaire produites démontrent que le salaire de M. X... est supérieur à la moyenne des salaires du groupe 2 (APR 2) et largement supérieur au salaire moyen des ouvriers,
Que cependant si les augmentations de salaire sont décidées au niveau du groupe, l'initiative des augmentations individuelles de salaire et des augmentations d'échelon ne peut être prise qu'au niveau de l'entreprise elle-même sur avis des supérieurs hiérarchiques directs du salarié, à charge pour le groupe de valider cette initiative ;
Que par ailleurs, le mandat électif qui selon le salarié constitue le motif réel du frein apporté à son évolution de carrière est exercé au sein de l'entreprise ;
Qu'ainsi l'entreprise constitue le niveau pertinent de comparaison, ce d'autant que le salarié n'a pas connaissance des situations individuelles autres que celles de ses collègues directs ;
Qu'ainsi, la circonstance que, selon l'employeur seuls 5 salariés embauchés en 1980 ou 1981au coefficient APR 1 sur un listing de 47 au sein du groupe aient connu une évolution de carrière plus favorable que celle de M. X... ne suffit pas à justifier la différence de traitement relevée ci-dessus, ce d'autant que l'on ignore tout des situations individuelles des salariés cités ;
Qu'en outre, il est sans incidence que le salaire de M. X... se situe dans la moyenne des salaires des ouvriers du groupe, alors que la discrimination alléguée porte sur l'évolution de carrière et non pas sur le niveau de salaire au sein de sa catégorie ;
Qu'il est sans incidence également que les tâches exercées par M. X... ne présentent pas la polyvalence requise lui permettant de revendiquer la classification de technicien selon les exigences de la convention collective, alors que sa demande ne tend qu'à rétablir une égalité de traitement avec les salariés auxquels il se compare et non à obtenir la classification correspondant aux fonctions exercées ;
Que s'il est admis que sur les treize salariés dans une situation comparable à celle de M. X..., quatre ont un niveau de classification et de rémunération inférieur à celui de M. X... (dont trois salariés mandataires syndicaux qui se plaignent comme lui de discrimination), et deux autres salariés occupent le même poste APR 3, pour autant M. X... est fondé à se prévaloir de la comparaison avec les sept salariés ayant connu un développement de carrière plus favorable, alors que son niveau de compétence technique est reconnu par sa hiérarchie, qu'il a effectué de très nombreuses formations de haute technicité dans son domaine d'intervention, et a même assumé le rôle de formateur pour ses collègues ;
Que la SAS RENAULT TRUCKS STRASBOURG ne fournit aucun élément de preuve objectif et étranger à toute discrimination fondée sur l'appartenance ou l'activité syndicale, permettant d'expliquer que M. X... n'ait pas bénéficié du niveau de classification auquel sa compétence reconnue lui ouvrait droit ;
Qu'il y a lieu d'en conclure que M. X... est fondé à se prévaloir de discrimination syndicale, et infirmant le jugement déféré, de dire et juger que le salarié est fondé à se voir appliquer la classification niveau 3 échelon 3 coefficient 240 à compter de ce jour, ainsi que la rémunération et le poste correspondants, sous astreinte de 100 € par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt, et de condamner l'employeur au paiement de dommages-intérêts correspondant à la différence de salaire (152, 44 € X 12 X 18 : 2 = 16. 463, 52 €) augmentée de dommages-intérêts correspondant au préjudice moral subi, soit un montant total de 25. 000 € ;
Attendu que la recevabilité de l'action de l'Union Départementale CGT du Bas-Rhin pour la défense des intérêts de l'un de ses mandataires élus n'est pas discutée dès lors qu'il est constant que l'entrave apportée par l'employeur au déroulement de carrière de mandataires syndicaux constitue une entrave à l'action syndicale et porte une atteinte aux intérêts même du syndicat ;
Attendu qu'il paraît inéquitable de laisser à la charge de M. X... et de l'Union Départementale CGT du Bas-Rhin la totalité des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Qu'il y a lieu de leur allouer la somme de 800 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

DÉCLARE l'appel recevable,

Au fond le dit bien fondé et y fait droit,
INFIRME le jugement déféré et statuant à nouveau,
CONDAMNE la SAS RENAULT TRUCKS STRASBOURG à payer à M. X... la somme de 25. 000 € (vingt cinq mille euros) à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la discrimination syndicale, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,
ORDONNE à la SAS RENAULT TRUCKS STRASBOURG de faire bénéficier M. X... de la classification niveau 3 échelon 3 coefficient 240 ainsi que la rémunération et du poste correspondants, sous astreinte de 100 € (cent euros) par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt,
CONDAMNE la SAS RENAULT TRUCKS STRASBOURG à payer à M. X... et à l'Union Départementale CGT du Bas-Rhin pris in solidum la somme de 800 € (huit cents euros) en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNE la SAS RENAULT TRUCKS STRASBOURG aux frais et dépens de première instance et d'appel.
Et le présent arrêt a été signé par Mr VALLENS, Président et Melle FRIEH, Greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de colmar
Formation : Ct0107
Numéro d'arrêt : 06/05358
Date de la décision : 05/06/2008

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Strasbourg, 24 octobre 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.colmar;arret;2008-06-05;06.05358 ?
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