N° de parquet : 07 / 01499- M
AFFAIRE : X... Carole X... Marie- Madeleine
NATURE : ASSISTANCE EDUCATIVE
CHAMBRE SPECIALE DES MINEURS
Audience en Chambre du Conseil
DANS L'AFFAIRE D'ASSISTANCE EDUCATIVE ENTRE :
X... Carole, née le 07 Février 1991 (CAMEROUN), X... Marie- Madeleine, née le 30 Novembre 2005 à COLMAR,
Mineures,
- concernant X... Carole : mère de la mineure Marie- Madeleine, comparante en personne et assistée de Maître WURTH Laurence, avocat au barreau de Colmar, qui a été entendue en sa plaidoirie ;
- concernant X... Marie- Madeleine : non comparante et non représentée.
ET
Mme X..., demeurant...
mère de la mineure Carole et grand- mère de la mineure Marie- Madeleine, appelante, comparante en personne et assistée de Maître GERRER, substituant Maître PAULUS Jean- Michel, avocat au barreau de Colmar, qui a été entendu en sa plaidoirie.
ET
Association Caroline BINDER Anciennement " LA POUPONNIERE ", 10, rue des Confins-68124 LOGELBACH
établissement gardien, intimé, non comparant et non représenté (convoqué par lettre recommandée avec avis de réception signé le 9 avril 2008), (procédure 07-01499- M).
ET
Direction de la Solidarité du Haut- Rhin- Aide Sociale à l'Enfance, Hôtel du Département-100 avenue d'Alsace- BP 20351-68006 COLMAR CEDEX
organisme gardien, intimé, comparant et représenté par Mme Z..., inspectrice.
ET
ADAF- Hébergement maternel l'Hermitage, 92, avenue de Verdun- BP 163-88100 SAINT DIE CEDEX
établissement gardien, intimé, comparant et représenté par Mme Y..., éducatrice (procédure 08 / 0233- M).
EN PRESENCE DU MINISTERE PUBLIC
Vu la procédure d'assistance éducative suivie par le Juge des Enfants de COLMAR au profit des mineures :
- X... Carole, née le 07 Février 1991 à Eseka (CAMEROUN),- X... Marie- Madeleine, née le 30 Novembre 2005 à COLMAR,
Vu le jugement rendu le 11 Octobre 2007 par le magistrat susvisé qui a :
- confirmé le placement de Carole à la Direction de la Solidarité du Haut- Rhin jusqu'au 6 février 2008 ;
- confirmé le placement de Marie- Madeleine à la Direction de la Solidarité du Haut- Rhin jusqu'au 6 février 2008 ;
- refusé à Mme X... tout droit de rencontre avec ces deux mineures ;
- confirmé la contribution de Mme X... à la somme de 600 € jusqu'au 30 novembre 2007 au titre des frais d'entretien et de placement de Carole ;
- invité l'organisme gardien débiteur des prestations familiales auxquelles Carole et Marie- Madeleine ouvrent droit à les verser au Département ;
- ordonné l'exécution provisoire de cette décision ;
- laissé les dépens à la charge du Trésor public.
Vu l'appel interjeté par Maître PAULUS, Conseil de Mme X..., par lettre recommandée expédiée le 08 novembre 2007, notifiée à cette dernière à une date ignorée (affaire 07 / 01499- M).
Vu le jugement rendu le 7 février 2008 par ce même magistrat qui a :
- prolongé le placement de Carole à la Direction de la Solidarité du Haut- Rhin jusqu'au 7 février 2009 ;
- prolongé le placement de Marie- Madeleine à la Direction de la Solidarité du Haut- Rhin jusqu'au 7 février 2009 ;
- accordé à Mme X... exclusivement un droit de visite médiatisé par l'Aide Sociale à l'Enfance selon des modalités à déterminer en concertation avec le service gardien ;
- dispensé Mme X... de toute contribution aux frais de placement de Carole et Marie- Madeleine ;
- invité l'organisme débiteur des prestations familiales auxquelles Carole ouvre droit à les verser au Département ;
- invité l'organisme débiteur des prestations familiales auxquelles Marie- Madeleine ouvre droit à en maintenir le bénéfice à Carole X... ;
- ordonné l'exécution provisoire de cette décision ;
- laissé les dépens à la charge du Trésor Public.
Vu l'appel interjeté par Maître PAULUS, Conseil de Mme X..., par lettre recommandée expédiée le 19 février 2008 au Greffe de la Cour, à l'encontre de cette décision notifiée à cette dernière à une date ignorée ;
Vu les conclusions d'appel de Maître PAULUS en date du 29 avril 2008 tendant à l'infirmation des jugements, à la dispense de Mme X... de toute contribution aux fins de placement et à la mainlevée du placement des deux mineures ;
Vu les conclusions verbales de Maître Laurence WURTH, Conseil de Carole X..., tendant à la confirmation des deux décisions ;
Vu la note en délibéré de Maître PAULUS reçue le 30 mai 2008 ;
A l'audience du 6 mai 2008, après audition du rapport de M. LAPLANE, Magistrat délégué à la Protection de l'Enfance, des déclarations de Mme X..., de X... Carole, de Mme Y... et de Mme Z..., des observations de Maître GERRER et de Maître WURTH et des réquisitions du Ministère Public,
LA COUR COMPOSÉE DE :
Monsieur LITIQUE, Président de Chambre, Monsieur STEINITZ, Conseiller Monsieur LAPLANE, Magistrat délégué à la Protection de l'Enfance, en présence de Mme MALARA, Substitut Général, assistés de Madame SCHIRMANN, Greffier,
a fixé le prononcé de sa décision au 03 JUIN 2008 ; Monsieur le Président en a avisé les parties.
Ce jour, la Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi,
A STATUE COMME SUIT :
Mme X..., dont le prénom est ignoré, d'origine camerounaise, est la mère de Carole qu'elle a fait venir en France en 2005 dans le cadre d'un regroupement familial.
Les relations entre elles étant difficiles, notamment en raison de l'état de grossesse de la mineure, celle- ci alertait les services sociaux par le biais du Service National d'Appel Téléphonique pour l'Enfance Maltraitée.
Carole X... donnait naissance à une fille, Marie- Madeleine, à Colmar le 30 novembre 2005.
Les relations avec Mme X... restant conflictuelles et cette dernière tendant à s'approprier sa petite- fille, un premier signalement était fait auprès du Juge des Enfants en avril 2006, Mme X... se référant aux coutumes africaines et à une décision de la famille au Cameroun pour prôner le retour de Carole avec sa fille au pays. Ce signalement devait rester sans suite, Carole, sous la pression familiale, démentant les faits devant le Juge des Enfants.
Le 28 juin 2007, Carole et sa fille sont parties au Cameroun avec un ami de Mme X... qui sur place aurait tenté de prendre ses papiers à la jeune fille, laquelle réussissait à rentrer en France avec Marie- Madeleine. Un nouveau voyage étant programmé pour le Cameroun entre la mère et ses deux filles en août 2007, Carole s'adressait au Service Social, bien déterminée à ne pas y aller.
C'est dans ces conditions qu'en urgence le Juge des Enfants de Colmar plaçait provisoirement le 7 août 2007 Carole et sa fille à la Direction de la Solidarité du Haut- Rhin, respectivement au Centre Maternel de l'Hermitage à Mulhouse, puis au Foyer Marie- Madeleine à Illkirch.
Suite à une tentative de suicide, Carole X... était hospitalisée au CHS d'Erstein. Le Juge des Enfants plaçait alors provisoirement Marie- Madeleine le 11 septembre 2007 à la Direction de la Solidarité du Haut- Rhin. Lors de l'audience de ce jour- là, Mme X... maintenait son projet de retour au Cameroun auquel s'opposait Carole, et donnait son accord à une participation de 600 € " pendant deux mois " aux frais de placement de sa fille.
Ainsi par ordonnance distincte du 11 septembre 2007, le Juge des Enfants invitait l'organisme débiteur des prestations familiales auxquelles Carole X... ouvre droit à les verser au Département et fixait la participation financière de la mère aux fins de placement de Carole à la somme de 600 € par mois et ce jusqu'au 30 novembre 2007, date de son départ de France. Mme X... ne devait pas faire appel de cette décision.
Après la confirmation du placement jusqu'au 6 février 2008 et de la contribution de 600 € par le jugement du 11 octobre 2007 dont appel, Carole et sa fille étaient le 15 novembre 2007 orientées vers le Centre Maternel de SAINT DIE L'HERMITAGE (88) où elles se trouvent toujours actuellement.
Dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, il y a lieu de juger ces deux appels ensemble. Il y a donc lieu d'ordonner la jonction des deux procédures.
Dans une note en délibéré, Mme X... a fait parvenir à la Cour divers documents dont un extrait d'acte de naissance. Cette note est irrecevable, en application de l'article 445 du Code de Procédure Civile, n'ayant jamais été autorisée par le Président de la Cour, ni ne répondant aux arguments du Ministère Public (Civ. 12 février 2004).
A toutes fins, il sera observé que l'extrait d'acte de naissance ne comporte aucun prénom de l'enfant né, et la filiation maternelle indiquée (" née de X... Elisabeth ") n'est d'aucun secours, Mme X... ayant précisé à l'audience ne pas connaître son propre prénom.
En conséquence, rien n'indique que cet extrait d'acte de naissance concernerait la mineure Carole.
A) Sur l'appel du jugement du 11 octobre 2007
Celui- ci est recevable mais est partiellement devenu sans objet dès lors que cette décision a été, en ce qui concerne les mesures de placement et les droits de visite consécutifs, remplacée par le jugement du 7 février 2008.
En revanche, l'appel conserve son actualité en ses dispositions relatives à la contribution de Mme X... aux fins de placement de Carole, la nouvelle décision ne l'en dispensant pas rétroactivement.
Cependant cette contribution n'est de loin pas excessive et a été décidée en accord avec la mère ainsi qu'en fait foi le procès-verbal d'audience. Elle correspond aux prestations familiales versées par la Caisse d'Allocations Familiales du Haut- Rhin tant pour Carole que sur un compte de Carole pour Marie- Madeleine, mais sur lequel Mme X... avait procuration, ce qui a permis à cette dernière de financer des billets d'avion pour le Cameroun dont Carole et sa fille ne verront pas le bénéfice. D'ailleurs, pour éviter ce genre de dérive, le Juge des Enfants d'Epinal a ordonné le 7 février 2008 une mesure de Tutelle aux Prestations Sociales au profit de Carole et de sa fille.
Dans ces conditions, Mme X..., qui met en avant sa situation d'allocataire ASSEDIC, est mal venue à demander la dispense de la contribution de 600 € mise à sa charge jusqu'au 30 novembre 2007.
La confirmation du jugement s'impose sur ce point précis.
B) Sur l'appel du jugement du 7 février 2008
Il résulte des débats que Mme X... s'obstine à ne pas entendre l'avis de Carole et à vouloir imposer le retour de sa fille et de sa petite- fille au Cameroun.
S'agissant de Marie- Madeleine, il y a lieu de faire observer à Mme X... que seule Carole exerce les droits de l'autorité parentale sur sa fille que le père, à le supposer identifié avec certitude, n'a même pas encore reconnue. Seule Carole peut donc décider pour sa fille, en l'absence de toute mesure de tutelle ou de décision confiant Marie- Madeleine à sa grand- mère maternelle.
Par ailleurs, il résulte du rapport d'évolution que Carole, tout en menant de front des études, est une mère aimante pour sa fille qui le lui rend bien. Il est donc indispensable de ne pas séparer Marie- Madeleine de sa mère et d'éviter que Mme X..., et au- delà d'elle la famille camerounaise, ne " s'approprie cette enfant ".
S'agissant de Carole, son évolution au Centre Maternel est très positive. Son placement lui procure la sécurité dont elle a besoin pour s'épanouir et lui permettre d'assumer sa fonction de mère.
Il est évident que le conflit opposant à sa fille Mme X... qui, en n'acceptant aucune concession, s'enferme dans un conflit dommageable pour Carole et sa fille, ne pourra se résoudre aussi longtemps que Mme X... continuera d'exiger le retour de sa fille et de sa petite- fille au Cameroun alors que le mandataire de la famille là- bas, faisant état de la tenue d'un conseil de famille le 12 août 2007 à ESEKA, qualifie le comportement de Carole d'" indélicat et déshonorable ", preuve que Carole et sa fille n'y seront pas accueillies chaleureusement quoi qu'en dise Mme X... à la barre de la Cour.
En tout état, il est donc bien établi que la situation de danger, au moins psychologique, dans laquelle se trouve Carole est bien réelle, la détermination de cette dernière pouvant la conduire jusqu'à attenter à ses jours.
Dès lors la confirmation du jugement s'impose en ce qui concerne les dispositions visant Carole, l'appel de Mme X... étant irrecevable en ce qu'il vise les dispositions du jugement concernant Marie- Madeleine faute d'intérêt et de qualité pour agir.
En particulier il y a lieu d'annuler la disposition du jugement dispensant Mme X..., sur le fondement de l'article 375-8 du Code Civil, de toute contribution aux frais de placement de Marie- Madeleine, dès lors qu'elle ne peut être tenue au versement d'une telle contribution, sauf recours du Département en cas de défaillance de la mère dans le paiement de sa contribution, et eu égard à la situation financière précaire de Carole, de dispenser cette dernière de toute contribution aux fins d'entretien et de placement de son enfant.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant en Chambre du Conseil, par arrêt contradictoire à l'égard de Mme X..., de la Direction de la Solidarité du Haut- Rhin- Aide Sociale à l'Enfance et de l'ADAF- Hébergement maternel l'Hermitage et de la mineure Carole X... et par arrêt réputé contradictoire à l'égard de l'Association Caroline BINDER Anciennement " LA POUPONNIERE ", et en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi :
ORDONNE la jonction des deux procédures ;
DECLARE irrecevable la note en délibéré du 30 mai 2008 ;
DECLARE recevable l'appel contre le jugement du 11 octobre 2007 ;
CONSTATE qu'il est devenu sans objet à l'égard des dispositions concernant le placement et le droit de rencontre ;
CONFIRME les autres dispositions de ce jugement ;
DECLARE irrecevable l'appel contre le jugement du 7 février 2008 dans ses dispositions concernant Marie- Madeleine X... ;
ANNULE le jugement en ce qu'il a dispensé Mme X... de toute contribution aux frais de placement de sa petite- fille Marie- Madeleine ;
DISPENSE Carole X... de toute contribution aux fins de placement de sa fille Marie- Madeleine ;
DECLARE recevable l'appel de Mme X... contre le jugement du 7 février 2008 dans ses dispositions concernant Carole X... ;
Le DIT mal fondé et le rejette ;
CONFIRME les dispositions du jugement entrepris ;
LAISSE les dépens à la charge du Trésor Public.
Ainsi jugé et statué par la Chambre Spéciale des Mineurs de la Cour d'appel de COLMAR.
Le présent arrêt a été prononcé en son audience tenue en Chambre du Conseil le 03 JUIN 2008 par Monsieur LITIQUE, Président de Chambre, en présence du Ministère Public et de Madame SCHIRMANN, Greffier.
L'arrêt a été signé par Monsieur LITIQUE, Président de Chambre, et le Greffier présent lors du prononcé.