La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/04/2008 | FRANCE | N°04/05450

France | France, Cour d'appel de colmar, Ct0202, 30 avril 2008, 04/05450


MINUTE No 270 / 2008

Copie exécutoire à :

- Me Claude LEVY
- Me Michèle SENGELEN- CHIODETTI
- la SCP CAHN et ASSOCIES
COUR D'APPEL DE COLMAR DEUXIEME CHAMBRE CIVILE- SECTION A

ARRET DU 30 Avril 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A 04 / 05450
Décision déférée à la Cour : 12 Octobre 2004 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE STRASBOURG
APPELANTE et demanderesse : Madame Emma X... épouse Y..., demeurant ..." SUISSE ",

Représentée par Me Claude LEVY, Avocat à la Cour, Plaidant : Me LABBE, Avocat à FRIBOURG et PA

RIS,

APPELEE EN DECLARATION D'ARRET COMMUN et défenderesse : Madame Marie A..., demeurant ...à 92200 NEU...

MINUTE No 270 / 2008

Copie exécutoire à :

- Me Claude LEVY
- Me Michèle SENGELEN- CHIODETTI
- la SCP CAHN et ASSOCIES
COUR D'APPEL DE COLMAR DEUXIEME CHAMBRE CIVILE- SECTION A

ARRET DU 30 Avril 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A 04 / 05450
Décision déférée à la Cour : 12 Octobre 2004 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE STRASBOURG
APPELANTE et demanderesse : Madame Emma X... épouse Y..., demeurant ..." SUISSE ",

Représentée par Me Claude LEVY, Avocat à la Cour, Plaidant : Me LABBE, Avocat à FRIBOURG et PARIS,

APPELEE EN DECLARATION D'ARRET COMMUN et défenderesse : Madame Marie A..., demeurant ...à 92200 NEUILLY SUR SEINE,

Représentée par Me Michèle SENGELEN- CHIODETTI, Avocat à la Cour, Plaidant : Me Pierre JUNG, Avocat à PARIS,

INTIMEE et défenderesse : LA SA ASSURANCES GENERALES DE FRANCE " AGF ", dont le siège social est 5, Rue des Arquebusiersà 67000 STRASBOURG, représentée par son représentant légal,

Représentée par la SCP CAHN et ASSOCIES, Avocats à la Cour,
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 13 Février 2008, en audience publique, devant la Cour composée de : M. WERL, Président de Chambre, Madame CONTE, Conseiller, Mme DIEPENBROEK, Conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier ad'hoc, lors des débats : Mme WEIGEL,
ARRET :- Contradictoire- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile.- signé par M. Michel WERL, président et Mme Corinne LAEMLE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

- Ouï Mme CONTE, Conseiller, en son rapport.

FAITS ET PROCEDURE :

Le 29 janvier 1971, M. Richard Y... avait épousé- sous le régime de la séparation de biens- Mme Emma X....

Les 3 décembre 1988 et 10 janvier 1989 M. Y... avait souscrit, par le truchement de M. D... agent d'assurance de la Compagnie RHIN et MOSELLE- aux droits de laquelle vient la Société ASSURANCES GENERALES DE FRANCE (AGF)- deux contrats de prévoyance sécurité garantissant en cas de décès chacun le paiement d'une indemnité de 1. 000. 000 F.
Le conjoint de l'assuré- donc Mme Emma Y...- était désigné comme bénéficiaire de ces contrats, mais il est constant que celle- ci n'a jamais transmis aux AGF un acte par lequel elle déclarait expressément accepter le bénéfice de ces contrats.
Suivant testament olographe du 9 octobre 1999, M. Y... léguait la totalité de ses biens à son épouse.
Le 3 octobre 2001, M. Y..., au moyen d'un testament notarié, instituait son épouse légataire universelle de ses biens.
M. Y... est décédé le 29 juin 2002.
A la demande de Mme Y... les AGF vont lui payer le capital garanti par le contrat no 141279 devenu no 08 / 0933, mais s'agissant du contrat no 196869 devenu no 08 / 0934 elles lui feront connaître qu'elles se sont acquittées de leur obligation de paiement entre les mains de Mme A... qui avait été désignée comme bénéficiaire par M. Y... suivant un courrier du 19 mai 2001, puis un avenant du 15 juin et du 26 juillet 2001.

Il est également constant que Mme A... n'avait pas expressément accepté cette désignation.
Mme Y... a par voie de référé sollicité et obtenu la désignation d'un expert en écriture, et Mme A... a reconventionnellement demandé paiement d'un chèque de 1. 000. 000 F émis à son ordre le 11 octobre 2001 par M. Y....
Le 29 juillet 2003 Mme F... était désignée en qualité d'expert.
Les 23 et 29 mars 2004 Mme Y... a fait citer Mme A... et les AGF en référé afin de les entendre solidairement condamnées à lui payer provisionnellement la somme de 1. 000. 000 F, soit 152. 449, 02 € représentant le capital d'assurance vie dont elle se prétendait bénéficiaire, l'expert ayant conclu que la lettre et les avenants ayant procédé au changement de bénéficiaire n'émanaient pas de M. Y....
Le juge des référés a renvoyé l'affaire au fond.
Par jugement du 12 octobre 2004 le Tribunal de Grande Instance de STRASBOURG a débouté Mme Y... de toutes ses demandes dirigées contre les AGF et pour le surplus il a sursis à statuer et ordonné une nouvelle expertise en écriture.
Mme Y... a interjeté appel général de ce jugement le 24 novembre 2004 en intimant toutes les parties.

Par jugement du 6 juin 2006, après que M. G... expert avait déposé son rapport en considérant que les documents soumis à son examen avaient été signés par M. Y... et que ce dernier avait émis le chèque du 11 octobre 2001, le Tribunal de Grande Instance de STRASBOURG a débouté Mme Y... de toutes ses prétentions et il a ordonné la restitution à Mme A... du chèque, la déboutant cependant de ses demandes reconventionnelles en dommages et intérêts.

Le 22 juin 2006 Mme Y... a interjeté appel de ce jugement.
Les affaires ont été jointes.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 31 janvier 2008.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Pour un plus ample exposé, la Cour se réfère expressément aux dernières conclusions déposées par les parties :- le 31 janvier 2008 par Mme Y...,- le 21 décembre 2007 par Mme A...,- le 10 mai 2006 par les AGF.

Par voie d'infirmation des jugements déférés Mme Y... réitère ses prétentions initiales y ajoutant une demande de condamnation solidaire de Mme A... et des AGF à lui payer deux indemnités de 50. 000 € pour procédure abusive et préjudice moral.

* * * * *

Mme A... a conclu à la confirmation des jugements entrepris sauf a relever appel incident pour obtenir la condamnation de Mme Y... à lui payer une indemnité de 100. 000 €.
* * * * *

Les AGF ont sollicité principalement la confirmation du jugement du 12 octobre 2004 les mettant hors de cause et subsidiairement elles dirigent un recours en garantie contre Mme A....

Par note reçue le 8 février 2008 le conseil de Mme A... demande que les conclusions déposées par Mme Y... les 17 décembre 2007 et 30 janvier 2008 soient écartées comme intervenues à d'autres échéances, que celles fixées par le calendrier de mise en état.

Interrogé au seuil de l'audience l'avocat plaidant de Mme A... n'a pas maintenu cette demande. Il n'y a pas lieu de l'accueillir d'autant que les écritures considérées ne font que répéter les moyens et arguments antérieurement soutenus auxquels l'intimée a totalement répondu.

MOTIFS :

Attendu que l'examen des prétentions de Mme Y... impose d'abord de rechercher si elle administre la preuve- dont elle supporte exclusivement la charge- qu'elle aurait, en considération d'actes positifs exécutés par elle dans un contexte précis, implicitement, mais néanmoins formellement accepté la qualité de bénéficiaire du contrat no 196869 ;

Attendu qu'il n'est pas discuté que l'acceptation tacite de la qualité de bénéficiaire s'avère possible et que la preuve peut en être rapportée par tous moyens ;
Attendu que Mme Y... invoque d'abord qu'elle aurait été présente lors de la souscription par M. Y... des deux contrats d'assurance- vie, dont elle était à l'origine désignée comme bénéficiaire, mais elle n'établit pas ce fait autrement qu'au moyen de ses propres affirmations ;
Attendu qu'au nombre des actes positifs exprimant selon elle son intention dépourvue d'ambiguïté d'accepter la qualité de bénéficiaire, Mme Y... excipe de la détention continue par elle des deux contrats considérés à son domicile personnel à MOUGINS ainsi que de la réception en ce même lieu de tous les documents afférents auxdits contrats ;
que Mme A... réplique avec pertinence- ainsi que l'a admis le premier juge- qu'il n'y a là rien de déterminant alors que M. Y... avait souscrit les contrats en y faisant porter l'adresse du domicile de MOUGINS ;
que la circonstance que Mme Y... justifie en produisant le bail que la maison de MOUGINS était louée par elle seule ne remet pas en cause cette appréciation alors que les époux étaient séparés de biens et qu'il résulte des témoignages produits par celle- là- notamment ceux de Mmes H..., I... et de M. J...- que M. Y... voyageait abondamment pour les besoins de ses activités professionnelles et qu'il rejoignait entre ses déplacements son épouse sur " la Côte d'Azur " et donc au domicile de MOUGINS étant observé que le couple ne disposait dans cette région alors d'aucune autre résidence, l'appartement acquis au CANNET peu avant le décès de M. Y... n'ayant pas été habité par lui du fait de sa maladie ;
qu'en outre de l'aveu même de Mme Y..., son mari ne souhaitait pas opérer de confusion entre ses affaires professionnelles et privées, de sorte qu'il faisait adresser les correspondances afférentes à ces dernières au domicile- fût- ce celui loué par son épouse séparée de biens- où il se rendait le plus souvent, et ce constat est corroboré par la circonstance que M. Y... avait choisi pour souscrire les contrats concernant la sphère personnelle et familiale de traiter avec un agent d'assurances exerçant à MONACO, donc à proximité de MOUGINS ;
Attendu que Mme Y... se prévaut surtout des paiements des primes du contrat litigieux effectués par ses soins au moyen de ses fonds propres ;
que le premier juge avait considéré que Mme Y... n'établissait pas cette affirmation ;

qu'à hauteur d'appel Mme Y... fournit à cet égard de nouveaux éléments qui- ainsi que le relève Mme A... ne s'avèrent cependant pas suffisamment probants ;

que d'abord les relevés manuscrits des montants prétendument payés et de leurs dates rédigés par Mme Y... sont dépourvus de valeur s'agissant d'un moyen de preuve que cette dernière se constitue ainsi à elle- même ;
que l'exactitude de l'essentiel des mentions de ces relevés n'est pas confirmée par la production des justificatifs bancaires correspondants et la circonstance qu'elle est dans l'impossibilité d'obtenir la remise par les banques d'archives au- delà de dix ans n'est pas de nature à pallier la carence de Mme Y... dans l'administration de la preuve ;
qu'en définitive il ne résulte des quittances de primes et des relevés bancaires du compte personnel de Mme Y... faisant ressortir des montants égaux à ceux desdites primes que l'appelante aurait effectué les règlements suivants :- au titre du contrat litigieux no 196869 les primes des années 1993- 1996- 1997- 1999,- au titre du contrat no 141279, dont elle est sans conteste bénéficiaire, les primes des années 1994- 1995- 1997- 1998 ;

que de concert avec l'intimée il échet de souligner qu'à l'exception de l'année 1997 où Mme Y... a payé les primes des deux contrats, pour les autres années un doute subsiste quant à l'imputabilité des paiements au contrat no 196869 ;
qu'il ressort en effet des pièces, et de l'aveu de Mme Y..., que les primes appelées pour chacun des contrats avaient un montant identique et que les relevés bancaires sont bien sûr exempts de toute mention- émanant d'une autre personne que de Mme Y...- afférente à l'affectation du paiement, puis que le courrier émanant de l'agent d'assurances en date du 17 janvier 1997, certes libellé à l'intention de Mme Y... pour réclamer une prime de juin 1996 et accuser réception du paiement pour la période de décembre 1996 à juin 1997, ne vise aucune référence permettant d'identifier le contrat concerné ;
que ce n'est que dans un courrier du 19 mars 2001 adressé à Mme Y... que l'assureur évoquait les deux primes des contrats Assurance- Vie souscrits par M. Y... ;
qu'il s'évince donc seulement de ces éléments- même en retenant l'hypothèse la plus favorable à Mme Y... selon laquelle elle aurait bien réglé les échéances sus- énumérées pour le contrat litigieux- qu'au regard de la durée de ce dernier souscrit en 1988, l'appelante n'a effectué que des actes positifs de gestion rares et épars ;
qu'ils ne démontrent au plus que la volonté de Mme Y... de se substituer exceptionnellement à son mari pour assurer le respect des échéances lorsque du fait de ses nombreuses absences il ne se trouvait pas en mesure d'y veiller lui- même ;
que cette appréciation est confortée par la circonstance qu'à compter de novembre 2001 les avis d'échéances de primes des deux contrats ont été émis à l'adresse professionnelle de M. Y... Rue Faubourg Saint- Honoré à PARIS et que si Mme Y... conteste les conditions de survenance de cette mutation, elle n'établit néanmoins pas autrement qu'au moyen de ses propres affirmations que son mari l'aurait mandatée pour faire rectifier cette situation afin de revenir à la pratique antérieure et le fait qu'elles détiennent ces quittances ne révèlent rien de tel, les conditions dans lesquelles elle les aurait obtenues n'étant pas établies ;
qu'il ne résulte donc pas du tout- alors qu'en considération du caractère irrévocable pour le souscripteur de la qualité de bénéficiaire produit par l'acceptation de ce dernier, l'appréciation doit être stricte et rigoureuse- une caractérisation suffisante de l'intention nécessaire et non équivoque de Mme Y... de profiter de la stipulation pour autrui constituée par le contrat no 196869 devenu 08 / 0934 ;

Attendu que la confirmation du jugement entrepris s'impose donc sur ce point, sauf à rectifier l'erreur matérielle contenue dans le dispositif dans la citation du numéro d'origine du contrat " 141279 " au lieu de " 196869 " ;

Attendu que par suite Mme Y... dénie que le courrier du 19 mai 2001 et les avenants au contrat 08 / 0934 (196869) aient été signés par M. Y..., de sorte que la désignation de Mme A... en qualité de bénéficiaire serait privée de validité ;
que sur cette question les parties s'opposent d'abord par le truchement des conclusions contraires des experts intervenus en la cause ;
Attendu que Mme Y... demande au préalable l'annulation du rapport d'expertise de M. G... pour violation des articles 16 et 160 du nouveau Code de procédure civile ;
que contrairement à ce qu'oppose Mme A..., et avec elle le premier juge, cette exception qui avait été soulevée avant toute défense au fond en première instance- la demande tendant à voir écarter l'expertise des débats s'analysant implicitement mais nécessairement comme telle- se trouve recevable ;
qu'à cette fin Mme Y... fait grief à l'expert de ne pas lui avoir transmis personnellement son pré- rapport et d'avoir clôturé ses opérations en lui laissant un délai trop bref pour faire valoir ses observations eu égard à la complexité de l'affaire puis en s'abstenant de répondre au dire qu'elle lui a finalement fait tenir ;
que ces moyens doivent être écartés ;
Attendu en effet que l'article 160 du nouveau Code de procédure civile n'impose à l'expert- et il a satisfait à cette obligation- que de convoquer les parties personnellement, de sorte que le fait d'adresser des pièces à leur avocat n'est pas reprochable ;
qu'il est constant que l'expert a adressé à l'avocat postulant de Mme Y... une note de synthèse de ses opérations reçue par celui- ci le 19 avril 2005 ;
que l'expert est étranger aux modalités de communication entre Mme Y... et ses avocats ;
qu'il avait fixé au 5 mai 2005 la date limite de dépôt des dires, et ce délai ne saurait être considéré comme insuffisant alors qu'il apparaît du rapport que l'expert avait tenu une réunion avec les parties et leurs conseils le 18 février 2005 et qu'en particulier Mme Y... avait alors remis toutes les pièces techniques dont elle se prévaut à savoir le rapport de Mme F..., mais aussi les études réalisées à sa demande par Mme K... et P..., de sorte que les éléments de la discussion scientifique étaient déjà connus ;
que si l'expert a manifesté une irritation certaine- et il la décrit dans son rapport- lorsque le conseil de Mme Y... lui a demandé de rouvrir ses opérations d'expertise, il ne s'en évince cependant pas qu'il aurait fait preuve de partialité, ni violé le principe du contradictoire alors qu'il a néanmoins répondu au dire de celui- ci parvenu tardivement en soulignant qu'il ne contenait pas d'éléments auxquels il n'ait déjà répondu aux termes d'investigations complètes et très approfondies ;
que le rejet de l'exception de nullité de l'expertise de M. G... s'impose en conséquence ;
Attendu qu'au fond Mme Y... excipe des conclusions de Mme F... ainsi libellées : " M. Y... ne peut être considéré comme étant signataire de la lettre du 19 mai 2001, des avenants des 15 juin et 26 juillet 2001, du chèque du 11 octobre 2001. Il ne peut non plus être considéré comme auteur des inscriptions manuscrites figurant sur ce chèque " ;

que Mme A... fait siennes les conclusions de M. G... selon lesquelles :- M. Y... a bien rédigé et signé de sa main le chèque d'un million de francs au profit de Mme A...,- qu'il est l'auteur sur l'avenant du 26 juillet 2001 de la mention de date et de la signature, mais que le mot " PARIS " n'est pas de sa main mais de celle de Mme A..., ce que cette dernière admet,- que M. Y... a signé l'avenant du 15 juin 2001 ainsi que la lettre du 19 mai 2001, cette dernière ayant été rédigée par Mme A... ce qui est constant ;

Attendu qu'en présence de ces avis techniques opposés, respectivement confirmés par les conclusions d'autres experts que chacune des parties a sollicité de manière non contradictoire, et à l'instar de ce qu'a avec pertinence fait le Tribunal, la Cour ne peut se déterminer qu'au moyen des éléments objectifs et exclure tous les moyens tirés des intentions, décisions ou attitudes supposées de M. Y... ;
Attendu qu'à cet égard l'expertise de M. G... doit être créditée d'une pleine valeur probante, ce qui exclut le recours à une nouvelle mesure d'instruction ;
qu'en effet- et sans qu'il y ait lieu à se livrer à une analyse comparée des mérites et titres des experts en présence- seul M. G... intervenu, contrairement à Mme F..., en fin de procédure, après que les parties avaient débattu de l'ensemble du litige et été en mesure de produire tous les documents en leur possession, a pu exécuter une étude complète ;
qu'il a procédé à des investigations très approfondies complétées par des moyens scientifiques- l'utilisations de radiations ultra- violettes- auxquels Mme F... n'avait pas eu recours ;
que M. G... a en exorde de son rapport décrit ses méthodes d'analyses et les caractéristiques auxquelles il est référé pour stigmatiser un faux, excluant ainsi le risque d'une appréciation subjective ;
qu'ayant mis en oeuvre ces méthodes au moyen de tableaux de comparaison il a relevé pour exclure l'imitation de la signature de M. Y... que les caractéristiques générales des quatre signature contestées sont marquées par leur homogénéité et leur aspect très proche ;
que M. G... observe l'évolution des signatures de M. Y..., telles qu'elles apparaissent des pièces de comparaison, ce qu'avait aussi souligné Mme F..., mais si cette dernière en déduisait que les signatures contestées étaient fausses, leur auteur ayant tenté de reproduire les changements attribués à l'affaiblissement physique de M. Y..., M. G... note que se retrouvent dans les signatures contestées un ensemble de caractères des signatures authentiques qui sont " pas trop discrets pour résulter d'une imitation aussi trompeuse qu'elle pourrait éventuellement réussir à l'être " et que la grande lassitude de la main de leur auteur qui se décèle ne peut en aucun cas être confondue avec les stigmates du faux ;
que Mme Y... reproche vainement à M. G... d'avoir admis comme une pétition de principe que la maladie aurait altéré l'aspect de la signature de M. Y... alors qu'elle tire des documents que ce dernier avait encore signé les jours ayant précédé son décès, que tel n'avait pas pu être le cas ;
que M. G... au vu de toutes ces pièces a évoqué les possibles incidences de la gravité de l'état de santé de M. Y... sur l'aspect de sa signature, mais en rejoignant d'ailleurs la thèse de Mme Y..., il met en exergue " la fatigue de la main " mais aussi " un ressaisissement de l'énergie dans la conduite du reste du tracé qui est assez ferme " pour en déduire que cette complexité du graphisme, présente dans les pièces de comparaison et de question, atteste formellement de l'authenticité des signatures litigieuses ;
Attendu que surtout- et là aussi comme l'a retenu le Tribunal ainsi que le faisait valoir Mme A... la pertinence des conclusions de M. G... se trouve corroborée par des éléments extrinsèques objectifs ;
Attendu s'il n'est pas discutable- et cela ressort des témoignages déjà cités et des photos produits par Mme Y...- que les époux Y... menaient une vie conjugale commune et formaient des projets en vue d'une retraite ensemble- M. Y... ayant à cette fin acquis un appartement au CANNET- Mme A... établit que simultanément M. Y... avait noué avec elle une relation sentimentale ancienne et persistante, qui explique que le défunt- en considération de sa situation financière très aisée- ait souhaité faire bénéficier cette dernière de libéralités sans pour autant déposséder son épouse ;
Attendu qu'au moyen de photos, ainsi que de témoignages d'amies- Mmes L..., M..., N..., O...- Mme A... rapporte la preuve que depuis sa rencontre en 1984 avec M. Y... celui- ci séjournait à son domicile à NEUILLY lors de ses venues à PARIS, et qu'ensemble ils ont effectué des voyages (DALLAS- ASSOUAN- SAINT- TROPEZ) et paru dans des réceptions ainsi que pris part à des événements familiaux ;
que Mme T..., kinésithérapeute, atteste avoir dispensé à M. Y... du 15 février 1997 jusqu'en mai 2002 " tous les jours puis trois fois par semaine " des soins de rééducation fonctionnelle au domicile de Mme A...- ...;
que ces témoignages ne sont pas contredits d'une part par le rapport d'enquête privée ABAC du 20 juin 1998 commandé par Mme Y... et dont il appert que si Mme A... vit seule à son domicile, un " Monsieur " lui rend néanmoins visite, ni de deuxième part par les attestations où Mme Q..., tout en relevant que la relation de M. Y... et de Mme A... était troublée par des disputes, relate que celui- là depuis 1984 se rendait habituellement au domicile de cette dernière et qu'à partir de 1997 il y recevait des soins puisqu'elle même s'y trouvait également ;
Attendu que M. R... et Mme O... attestent avoir reçu de M. Y... la confidence qu'il souhaitait gratifier Mme A... ;
que Mme Q... relate qu'au contraire en septembre 2001 M. Y... aurait évoqué avec elle les " deux " contrats d'assurance- vie souscrits au profit de son épouse ;
que cependant- et ainsi que l'a mis en exergue le Tribunal- la contradiction entre ces témoignages est levée par les deux attestations régulières et non arguées de faux émises par Mme S... ;
que celle- ci qui était dépourvue de tout lien d'amitié ou de parenté avec les parties, témoigne en sa qualité d'ancienne salariée du cabinet d'Assurances D... auprès duquel M. Y... avait souscrit les contrats dont s'agit ;
que Mme S...- dont rien ne permet de douter de la sincérité- relate, qu'ayant oeuvré au service de M. D... de 1995 à juillet 2001, elle a été contactée par M. Y... au printemps 2001 en vue de connaître les formalités à accomplir pour changer un bénéficiaire désigné sur un contrat d'assurance- vie et que celui- ci ayant procédé suivant ses conseils lui a retourné la lettre du 19 mai 2001 puis les avenants signés par lui, désignant Mme A... à la place de Mme Y... ;
que Mme S... ajoute qu'elle avait l'habitude de traiter avec M. Y..., M. D... étant absorbé par d'autres activités et que la procédure de changement de bénéficiaire se trouvait la seule possible pour satisfaire à la volonté de M. Y... de gratifier Mme A..., son état de santé obéré faisant obstacle à la souscription de tout nouveau contrat ;
que Mme Y... essaye vainement d'anéantir la valeur probante de cette déclaration en soutenant- non sans se livrer à un procès d'intention- que M. Y... ne se trouvait en contact qu'avec M. D... et non avec Mme S... de sorte que cette dernière ne ferait que servir les intérêts de Mme A... ;
que des propres pièces produites par Mme Y... il résulte que Mme S... était l'interlocutrice habituelle des époux Y... au cabinet D... ;
qu'ainsi la lettre déjà citée du 19 mars 2001 adressée par l'assureur à Mme Y... est signée par Mme S... ;
que concernant la couverture incapacité de travail de M. Y..., Mme Y... écrivait au cabinet D... le 20 décembre 1999 en s'adressant à " Madame "- ce qui devait viser Mme S...- et en tous cas pas M. D... ;
Attendu qu'il appert du tout- conformément à ce qu'a retenu le premier juge- et sans qu'il y ait lieu de rentrer dans le détail de l'argumentation des parties sur la propension qu'aurait pu avoir M. Y... à rédiger le chèque d'un million de francs émis au profit de Mme A... avec des zéros en forme de coeurs, que M. Y... est bien le signataire de cet effet bancaire- dont la période de validité s'avère en tout état de cause expirée- mais surtout de la lettre du 19 mai 2001 ainsi que des avenants des 15 juin et 26 juillet 2001 ayant désigné Mme A... comme bénéficiaire du contrat no 196869 devenu no 08 / 0934 ;
Attendu que Mme A... qui exerçait la profession de chirurgien- dentiste et non celle de docteur en médecine, observe exactement qu'en percevant le capital garanti par le contrat elle n'a méconnu aucune obligation déontologique, M. Y... n'ayant jamais été son patient ;
Attendu que s'il est exact que Mme A... n'a jamais expressément, ni tacitement accepté la qualité de bénéficiaire du contrat dont s'agit- ce qui établit de plus fort qu'elle n'a pas usé de manoeuvres pour s'assurer une gratification de la part de M. Y...- et que partant ce dernier conservait la possibilité de revenir sur cette désignation, Mme Y... prétend à tort que tel aurait été le cas ;
que le testament du 3 octobre 2001 ne contient aucune disposition expresse en ce sens ;
qu'elle commet une erreur de droit en considérant qu'une telle désignation résulterait de sa qualité de légataire universelle des biens de M. Y... dans lesquels seraient inclus les capitaux garantis ;
que Mme A... invoque avec pertinence l'article L. 132- 12 du Code des Assurances, qui s'agissant des contrats d'assurance sur la vie dispose expressément que le capital stipulé ne fait pas partie de la succession de l'assuré, et que le bénéficiaire quelles que soient la forme et la date de sa désignation est réputé y avoir eu seul droit à partir du jour du contrat, même si son acceptation est postérieure à la mort de l'assuré ;
que Mme A... satisfait très exactement à ces conditions ;
Attendu que c'est encore à tort que Mme Y... argue que le contrat d'assurance- vie serait irrévocable au motif qu'il ne constituerait pas une donation entre époux, alors qu'il s'agit d'une libéralité soumise aux causes ordinaires de révocation, le changement de bénéficiaire intervenu s'analysant comme tel ;
Attendu que l'ensemble de ces motifs impose de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme Y... de l'ensemble de ses prétentions ;
qu'elle sera aussi déboutée de l'ensemble de ses demandes additionnelles émises en appel ;
Attendu que Mme A... se trouve en revanche bien fondée en son appel incident, de sorte que le jugement du 6 juin 2006 sera réformé de ce seul chef ;
que s'il est exact, comme l'a relevé le premier juge, que la présente procédure est étrangère à son abstention d'encaisser le chèque émis à son ordre par M. Y... dès le 11 octobre 2001, ce qui exclut donc toute imputabilité à Mme Y... de l'expiration de validité désormais acquise de cet effet bancaire, il est en revanche patent que Mme Y... qui tout au long de la procédure a mis en doute la probité de Mme A... en l'accusant d'avoir commis des faux, d'avoir menti, d'avoir détourné les effets mobiliers de son mari a causé à celle- ci un préjudice moral ;
que celui- ci a été accru par l'obligation dans laquelle s'est trouvée Mme A... de dévoiler des éléments ressortissant à sa vie privée devant les juridictions et les experts, mais aussi auprès de ses amis desquels elle a dû solliciter la remise de témoignages ;
que ce dommage sera intégralement réparé par la condamnation de Mme Y... à lui payer une indemnité de 20. 000 € ;
Attendu que par voie de dépendance nécessaire, il résulte de tout ce qui précède que les AGF ont sans commettre de faute rempli leurs obligations en payant le capital à Mme A... qui était le bénéficiaire valablement désigné par M. Y... souscripteur du contrat ;
que ces motifs suffisent à commander la confirmation du jugement du 12 octobre 2004 ayant débouté Mme Y... de toutes ses demandes dirigées contre les AGF, et ayant là encore nécessairement rejeté le recours en garantie subsidiaire de Mme A... ;
qu'il échet seulement d'ajouter afin d'être complet que Mme Y... semble tenter mais à tort de faire grief aux AGF, d'avoir par le truchement de leur agent M. D..., failli à leur devoir de conseil et d'information tant envers le souscripteur du contrat qu'envers elle- même sur les effets de la désignation d'un bénéficiaire et de l'acceptation par ce dernier quelle qu'en soit la forme ;
qu'en effet, à supposer qu'une telle obligation pèse sur l'assureur seul le souscripteur, à savoir M. Y... aurait eu qualité pour en invoquer l'inexécution ;
que les AGF n'étaient débitrices d'aucun devoir en ce sens envers Mme Y... ;
Attendu que les dispositions des jugements afférentes aux dépens et frais irrépétibles seront confirmées ;
Attendu que Mme Y... qui succombe totalement sera condamnée aux entiers dépens d'appel ainsi qu'au paiement à Mme A...- qui justifie notamment des honoraires d'ores et déjà payés à son avocat ainsi qu'à l'expert qu'elle avait dû consulter afin de motiver une demande de contre- expertise- de la somme de 30. 000 € pour frais irrépétibles d'appel, et au même titre de la somme de 2. 000 € aux AGF ;
que les autres demandes de frais irrépétibles seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME en toutes leurs dispositions les jugements des 12 octobre 2004 et 6 juin 2006 à l'exception de celle ayant débouté Mme A... de sa demande de dommages et intérêts ;

INFIRME le jugement du 6 juin 2006 de ce seul chef ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant :

RECTIFIE l'erreur matérielle contenue dans le dispositif du jugement du 12 octobre 2004 en ce qu'il vise le contrat " L. 141- 279 devenu 8000 / 812 / 0934 " alors qu'il s'agit du no L. 196869 devenu 0820934 ;
CONDAMNE Mme Y... à payer à Mme A... la somme de 20. 000 € (vingt mille euros) en réparation de son préjudice moral et celle de 30. 000 € (trente mille euros) pour frais irrépétibles d'appel ;
CONDAMNE Mme Y... à payer aux ASSURANCES GENERALES DE FRANCE la somme de 2. 000 € (deux mille euros) pour frais irrépétibles d'appel ;
DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes ;
CONDAMNE Mme Y... aux entiers dépens d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de colmar
Formation : Ct0202
Numéro d'arrêt : 04/05450
Date de la décision : 30/04/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Strasbourg, 12 octobre 2004


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.colmar;arret;2008-04-30;04.05450 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award