MC/FD
MINUTE No 159/2008
Copie exécutoire à
- Me Anne-Marie BOUCON- Me Claus WIESEL
COUR D'APPEL DE COLMARDEUXIÈME CHAMBRE CIVILE - SECTION A
ARRÊT DU 28 Février 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A 06/05047Décision déférée à la Cour : 09 Novembre 2006 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE STRASBOURG
APPELANTE :SAS CORA MUNDOLSHEIM, prise en la personne de son président,RN 8367452 MUNDOLSHEIM CEDEXReprésentée par Me Anne-Marie BOUCON, avocat au barreau de COLMARPlaidant : Me Patrick BARRAUX, avocat au barreau de STRASBOURG
INTIMÉE :UNION DÉPARTEMENTALE CGT DU BAS RHIN, prise en la personne de son représentant légal,1 rue Sédillot67000 STRASBOURGReprésentée par Me Claus WIESEL, avocat au barreau de COLMAR
COMPOSITION DE LA COUR :L'affaire a été débattue le 12 Décembre 2007, en audience publique, devant la Cour composée de :M. WERL, Président de ChambreMadame CONTE, ConseillerMme DIEPENBROEK, Conseillerqui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme LAEMLE, Greffier
ARRÊT :- Contradictoire- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.- signé par M. Michel WERL, président et Mme Corinne LAEMLE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Ouï Martine CONTE, Conseiller en son rapport,
FAITS ET PROCÉDURE :
Après y avoir été autorisée par ordonnance du 7 novembre 2006, L'UNION DÉPARTEMENTALE CGT du BAS-RHIN (ci-après l'U.D CGT) a, ce même jour, fait citer en référé d'heure à heure la SAS CORA aux fins de lui voir décerner sous astreinte interdiction de faire travailler les salariés de l'établissement de MUNDOLSHEIM le 11 novembre 2006 au titre de la journée de solidarité.
Par ordonnance du 9 novembre 2006, le Juge des Référés du Tribunal de Grande Instance de STRASBOURG a déclaré la demande recevable puis bien fondée, et il a accueilli les prétentions de l'U.D CGT sauf à réduire le montant de l'astreinte à 500 € par infraction constatée.
Le 10 novembre 2006 la SAS CORA a interjeté appel général de cette ordonnance.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 18 septembre 2007.
PRÉTENTIONS et MOYENS des PARTIES :
Pour un plus ample exposé la Cour se réfère expressément aux dernières conclusions déposées par les parties :
• le 9 mai 2007 par la SAS CORA,
• le 13 août 2007 par l'U.D CGT.
Par voie d'infirmation de l'ordonnance attaquée, la SAS CORA conclut à l'irrecevabilité comme au mal fondé de la demande, et subsidiairement elle sollicite qu'aucune astreinte ne soit prononcée ou qu'elle soit limitée à l'unique infraction que constituait l'ouverture du magasin le 11 novembre 2006.
l'U.D CGT a demandé la confirmation de l'ordonnance entreprise.
MOTIFS :
Attendu s'agissant d'abord de la recevabilité de l'action de l'U.D CGT, le premier juge a à bon droit retenu que nonobstant le défaut de représentation syndicale dans l'établissement CORA MUNDOLSHEIM, le Syndicat demandeur avait qualité à exercer, en application de l'article L4 11-11 du Code du Travail, l'action syndicale pour la défense des intérêts collectifs de la profession et la SAS CORA ne soutient d'ailleurs aucun moyen d'appel sur ce point ;
Qu'il en est de même de l'absence d'urgence dont se prévalait la SAS CORA et à laquelle le premier juge a pertinemment répondu que cette condition n'était pas exigée alors que l'autorisation d'assigner en référé d'heure à heure avait été consentie par le Président du Tribunal de Grande Instance en vertu du pouvoir souverain qu'il tient de l'article 485 al 2 du code de procédure civile ;
Attendu que la SAS CORA qui prétend que l'U.D CGT aurait malicieusement introduit son action quelques jours avant l'ouverture du magasin litigieuse alors qu'elle avait connaissance de cette décision depuis plusieurs mois, et ceci en vue de bénéficier d'une publicité médiatique et politique au risque de nuire à l'organisation de l'entreprise comme à celle des salariés, s'avère défaillante dans l'administration de la preuve qui lui incombe exclusivement à cet égard ;
Que ses propres allégations, constitutives de suppositions exclusives de tout fondement avéré, selon lesquelles l'U.D CGT aurait de longue date eu connaissance de la décision d'ouverture du 11 novembre 2006 par le truchement des sympathisants qu'elle compterait au sein de l'établissement considéré, sont dépourvues de valeur probante ;
Que toute l'argumentation développée par la SAS CORA pour affirmer que l'U.D CGT n'aurait engagé la présente instance que pour servir son opposition de principe aux dispositions légales ayant instauré la journée de solidarité se trouve sans emport dans le présent débat qui est exclusivement de nature juridique ;
Attendu que le premier juge s'est donc exactement placé dans ce strict cadre en recherchant si la SAS CORA aurait défini les modalités de fixation de la journée de solidarité dans les conditions stipulées par l'article L 212-16 du Code du Travail ;
Qu'il a appliqué ce texte en constatant qu'en l'espèce seul un accord d'entreprise aurait permis de fixer la journée de solidarité sur un autre jour que le lundi de Pentecôte ;
Qu'il a tout aussi pertinemment rappelé que la conclusion d'un tel accord s'avérait possible même en l'absence de représentants syndicaux et d'ailleurs, comme le souligne l'U.D CGT, il en a été conclu un pour l'année 2007 ;
Attendu qu'au titre de l'année 2006 aucun accord n'existait et la SAS CORA ne saurait prétendre que la consultation des salariés qu'elle avait organisée pourrait s'analyser comme tel et ceci quand bien même elle avait offert aux salariés qui travailleraient le jour choisi une compensation par un autre samedi de libre ;
Que ces arguments tirés du caractère "démocratique" de l'expression des salariés et des difficultés d'interprétation de la loi s'avèrent inopérants ;
Attendu qu'il appert du procès-verbal du comité d'entreprise du 29 mars 2006, comme l'a relevé le premier juge, que la SAS CORA a, sans recourir à une négociation en vue de conclure un accord dans les conditions stipulées par le Code du Travail, unilatéralement fixé la journée de solidarité ;
Qu'elle a en effet proposé d'adresser avec le bulletin de paye de mars 2006 un questionnaire à chaque salarié afin qu'il se prononce sur le travail au titre de la journée de solidarité le 25 mai (Ascension) ou 11 novembre 2006 ;
Que pour justifier cette décision l'employeur a affirmé "que la grande majorité du personnel n'approuvait pas l'ouverture du lundi de Pentecôte" mais il n'a fait état d'aucun élément objectif établissant la réalité de cette allégation ;
Que le bulletin réponse à ce questionnaire - qui est produit aux débats - ne proposait le choix qu'entre le 25 mai et le 11 novembre, sans au moins citer aussi le lundi de Pentecôte, de sorte que le premier juge a relevé avec pertinence que la SAS avait ainsi opéré une présélection illicite ;
Qu'enfin, et là encore le premier juge l'a observé, le dépouillement a été opéré dans des conditions excluant toute vérification de sa sincérité, les seules pièces produites à cet égard étant deux feuilles de carnet portant des chiffres de surcroît raturés et aucune mention afférentes aux personnes y ayant procédé, ni aux modalités mises en oeuvre ;
Attendu que l'ensemble de cette analyse commande, en l'absence d'autres moyens d'appel, de confirmer totalement la décision attaquée ; que la violation manifeste de l'article L 212-16 du Code du Travail par la SAS CORA constituait bien un trouble illicite que l'U.D CGT dans l'intérêt collectif de la profession était fondée à faire sanctionner par le Juge des Référés ;
Attendu que la SAS CORA soutient enfin à tort que l'astreinte "de 500 € par infraction constatée de faire travailler les salariés de l'établissement de MUNDOLSHEIM le 11 novembre 2006" ne serait limitée qu'à l'infraction unique et indivisible que constituerait l'ouverture du magasin ;
Qu'à l'évidence, comme le relève l'U.D CGT, une telle interprétation heurte les effets de l'article L 212-16 du Code du Travail qui réglemente les conditions de travail des salariés au titre de la journée de solidarité et non pas l'ouverture des magasins ;
Que c'est à bon droit que le premier juge a considéré qu'il y avait autant d'infractions que de salariés appelés à travailler le 11 novembre 2006 ;
Attendu que la SAS CORA qui succombe sera condamnée aux entiers dépens d'appel ainsi qu'au paiement à l'U.D CGT de la somme de 2.000 € pour frais irrépétibles d'appel ;
PAR CES MOTIFS
CONFIRME en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée ;
Y ajoutant :
PRÉCISE que chaque salarié appelé par la SAS CORA à travailler le 11 novembre 2006 constitue une infraction à l'interdiction faite par l'ordonnance ;
CONDAMNE la SAS CORA à payer à L'UNION DÉPARTEMENTALE CGT DU BAS RHIN la somme de 2.000 € pour frais irrépétibles d'appel ;
CONDAMNE la SAS CORA aux entiers dépens d'appel.