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04/02/2008 | FRANCE | N°04/06034

France | France, Cour d'appel de colmar, Ct0239, 04 février 2008, 04/06034


MINUTE No 08 / 0126

Copie exécutoire à :

-Me F. X. HEICHELBECH-Me E. HECKER-FREEMAN

Le 04 / 02 / 2008
Le Greffier
COUR D'APPEL DE COLMAR TROISIEME CHAMBRE CIVILE-SECTION A

ARRET DU 04 Février 2008

Numéro d'inscription au répertoire général : 3 A 04 / 06034

Décision déférée à la Cour : Jugement rendu le 25 Juin 2004 par le TRIBUNAL D'INSTANCE DE STRASBOURG

APPELANTE-INTIMEE SUR INCIDENT : S. A. LA BANQUE POSTALE venant aux droits de LA POSTE dont le siège est 34, rue de la Fédération 75015 PARIS agissant poursuites et

diligences de son Président du Directoire Représentée par Maître François-Xavier HEICHELBECH, Avocat à la Cou...

MINUTE No 08 / 0126

Copie exécutoire à :

-Me F. X. HEICHELBECH-Me E. HECKER-FREEMAN

Le 04 / 02 / 2008
Le Greffier
COUR D'APPEL DE COLMAR TROISIEME CHAMBRE CIVILE-SECTION A

ARRET DU 04 Février 2008

Numéro d'inscription au répertoire général : 3 A 04 / 06034

Décision déférée à la Cour : Jugement rendu le 25 Juin 2004 par le TRIBUNAL D'INSTANCE DE STRASBOURG

APPELANTE-INTIMEE SUR INCIDENT : S. A. LA BANQUE POSTALE venant aux droits de LA POSTE dont le siège est 34, rue de la Fédération 75015 PARIS agissant poursuites et diligences de son Président du Directoire Représentée par Maître François-Xavier HEICHELBECH, Avocat à la Cour Avocat plaidant : Maître Roger JOUBERT, Avocat à NANCY

INTIME-APPELANT INCIDENT : Monsieur Gérold Y... demeurant ... 67370 PFULGRIESHEIM Représenté par Maître Emmanuelle HECKER-FREEMAN, Avocat à STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 10 Décembre 2007, en audience publique, devant la Cour composée de : M. MEYER, Président de Chambre Mme MAZARIN-GEORGIN et M. JOBERT, Conseillers qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. UTTARD

ARRET :-Contradictoire-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile.-signé par M. Bernard MEYER, Président et M. Christian UTTARD, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le Magistrat signataire.

Ouï Monsieur JOBERT, Conseiller, en son rapport.

FAITS ET PROCEDURE

Monsieur Gérold Y... prétend que le 25 juin 2003, il aurait passé un ordre de bourse par l'intermédiaire du service " Allô Poste Bourse " consistant en l'achat de 200 actions de la société UBI SOFT pour un montant de 3500 €.

Il affirme qu'au lieu d'acheter 200 actions, son mandataire en aurait en réalité acheté 2000 pour un prix de 35 000 € et il ajoute que, ne pouvant le régler, il aurait été contraint de revendre ces titres à un prix inférieur à leur cours d'achat d'ou une perte de 2578 €.
C'est pourquoi, par acte introductif d'instance en date du 30 décembre 2003, il a fait citer le Centre Régional des Services Financiers La Poste devant le tribunal d'instance de STRASBOURG en vue d'obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 4000 € de dommages et intérêts.
Par jugement du 25 juin 2004, le tribunal d'instance de STRASBOURG a condamné le Centre Régional des Services Financiers La Poste à lui payer la somme de 1748, 27 € de dommages et intérêts, correspondant à la moins-value subie par le mandant.
Le tribunal a considéré que Monsieur Y..., opérateur profane, ne disposait pas d'une couverture suffisante (20 % du montant de l'achat ordonné) pour passer l'ordre d'achat de 2000 actions de la société UBI SOFT ; il ne disposait en effet que de 2600 € sur son compte, ce qui lui permettait de passer des ordres boursiers que pour un maximum de 13 000 € ; le défendeur aurait dû le prévenir des risques encourus avec un ordre d'achat aussi important eu égard à la faiblesse de la couverture.

Par déclaration reçue le 24 décembre 2004 au greffe de la cour, LA POSTE a interjeté appel de ce jugement.

Selon des écritures récapitulatives reçues le 19 février 2007 au greffe de la cour, l'appelante conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a considéré qu'elle n'avait pas commis d'erreur sur le nombre d'actions UBI SOFT à acheter.

Elle conclut à son infirmation au surplus.
L'appelante demande à la cour de débouter Monsieur Y... de tous ses chefs de demande, de le condamner à lui payer les sommes de 2000 € de dommages et intérêts pour procédure abusive, 2500 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et à supporter les dépens de la procédure.
A l'appui de son recours, la SA BANQUE POSTALE, qui vient aux droits de la Poste, fait valoir en substance que :
-elle n'a pas commis d'erreur sur l'ordre d'acheter des actions de la SA UBI SOFT, en tout état de cause, l'intimé n'a pas formé de réclamation dans les sept jours de bourse qui suivent l'ordre de sorte que conformément à l'article 8 des conditions générales, il a tacitement approuvé l'opération,
-Monsieur Y... avait été averti sur les risques que présentent les ordres d'achat en Service de Règlement Différé (SRD),
-de plus, lors de la passation de l'ordre d'achat du 25 juin 2003, l'intimé a été expressément averti sur son insuffisance de couverture par l'opérateur,
-Monsieur Y... gérait un compte titres depuis 1994 et il procédait régulièrement à des ordres en SRD depuis 2001 dans un but spéculatif, il connaissait donc parfaitement les mécanismes et les aléas de ce type d'opérations,
-Monsieur Y... ne peut se prévaloir à son encontre de son propre défaut de couverture, cette règle ayant été édictée dans l'intérêt de l'intermédiaire et de la sécurité du marché,
-il ne justifie pas du lien de cause existant entre son préjudice et la prétendue poste de la BANQUE POSTALE, il avait l'habitude de revendre immédiatement les actions achetées de cette manière, d'où des pertes tout aussi régulières, son dommage provient de ce procédé.

Selon des écritures récapitulatives reçues le 30 août 2006 au greffe de la cour, l'intimé conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a reconnu le principe de la responsabilité de LA POSTE.

Il conclut à son infirmation au surplus.
L'intimé et appelant incident demande à la cour de condamner LA POSTE à lui payer les sommes de 2578, 95 € au titre de la perte subie du fait de la revente des actions, 29, 75 € à titre de dommages et intérêts correspondant au montant des abonnements dont il n'a pas pu bénéficier, 1500 € au titre du préjudice moral et 2500 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Monsieur Y... expose en substance que :
-il a donné un ordre d'achat de 200 actions de la SA UBI SOFT et non de 2000 et il a contesté l'ordre dans le délai de sept jours de bourse le 9 juillet 2003 quand il a en a eu connaissance, la Poste a détruit l'enregistrement téléphonique par lequel il avait donné son ordre d'achat,
-lorsque l'ordre litigieux a été passé, l'opérateur n'a pas attiré son attention sur ce qu'il n'avait pas la couverture suffisante,
-les règles concernant le défaut de couverture ont aussi été édictées pour prévenir les donneurs d'ordre contre les risques de la spéculation, l'appelante a manqué à son obligation de conseil,
-il a subi une perte de 2578, 95 € à l'occasion de la revente des titres, le service de règlement différé et le service vidéo-bourse ne lui sont plus accessibles depuis le 1er août 2003, son préjudice moral est important.

MOTIFS

Attendu que l'intimé n'apporte pas la preuve que son mandataire ait commis une faute dans l'exercice de son mandat consistant en l'achat de 2000 actions UBI SOFT au lieu de 200 ;
Attendu à cet égard que le fait que l'enregistrement téléphonique de l'ordre d'achat ait été détruit par la Poste au bout de six mois n'est pas un indice de l'erreur du mandataire, cette destruction pouvant s'interpréter aussi bien comme une simple exécution de l'article 7 des conditions générales du mandat liant les parties que comme une volonté délibérée de dissimuler sa faute ;
Attendu que le témoignage unique de Monsieur Roger A..., qui affirme avoir été témoin de l'ordre d'achat téléphonique de 200 actions UBI SOFT, ne peut se voir conférer une quelconque force probante ;
Attendu en effet que ce témoignage est isolé et émane d'une personne dont les liens avec Monsieur Gérold Y... ne sont pas précisés de sorte que son impartialité ne peut être appréciée ;
Attendu par ailleurs, s'agissant d'un éventuel manquement du mandataire à son obligation de conseil, qu'une banque n'est tenue d'informer son client sur les risques encourus dans les opérations spéculatives sur les marchés à terme que dans le cas où celui-ci n'en aurait pas eu connaissance ;
Attendu en l'espèce qu'il ressort des pièces versées aux débats que Monsieur Gérold Y... était un habitué des opérations financières sur les marchés à terme ;
Attendu ainsi que le compte de liquidation de ces opérations, qui retracent les ordres d'achat émis par l'intimé entre le 1er janvier 2003 et le 30 juin 2003, fait ressortir de nombreux et réguliers achats et ventes d'actions sur les marchés à terme ;
Attendu que les mouvements enregistrés sur ce compte révèle que Monsieur Gérold Y... n'était pas un profane mais au contraire un opérateur averti qui connaissait nécessairement par l'expérience acquise les risques attachés à de telles entreprises ;
Attendu dans ces conditions que l'appelante n'était pas débitrice d'une obligation de conseil aussi bien sur les risques inhérents aux opérations spéculatives sur les marchés à terme que sur l'insuffisance de couverture dont il ne pouvait que mesurer, en tant qu'opérateur averti, le danger financier qu'elle présentait pour lui ;
Attendu qu'il s'ensuit que le jugement entrepris doit être infirmé en toutes ses dispositions ;
Attendu que, statuant à nouveau, aucune faute n'étant prouvée à l'encontre du mandataire, Monsieur Gérold Y... doit être débouté de tous ses chefs de demande ;
Attendu que l'équité commande que l'intimé, partie perdante, soit condamné à payer à l'appelante la somme de 600 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Attendu que pour la même raison, l'intimé supportera les dépens de première instance et d'appel ;

PAR CES MOTIFS,
-INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau,
-DEBOUTE Monsieur Gérold Y... de tous ses chefs de demande.
-LE CONDAMNE à payer à la SA BANQUE POSTALE la somme de 600 € (six cents euros) sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens de première instance et d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de colmar
Formation : Ct0239
Numéro d'arrêt : 04/06034
Date de la décision : 04/02/2008

Analyses

BANQUE - Responsabilité - Faute - Manquement à l'obligation de conseil - Exclusion - Cas - // JDF

Un établissement financier n'est pas tenu d'une obligation de conseil vis-à-vis d'un client, habitué des opérations financières sur les marchés à terme, comme le démontrent les nombreux et réguliers achats et ventes d'actions sur les marchés à terme, aussi bien sur les risques inhérents aux opérations spéculatives sur les marchés à terme que sur l'insuffisance de couverture pouvant présenter un danger financier dans la mesure où il n'était pas un profane mais au contraire un opérateur averti des risques attachés à de telles entreprises


Références :

Décision attaquée : Tribunal d'instance de Strasbourg, 25 juin 2004


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.colmar;arret;2008-02-04;04.06034 ?
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