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16/01/2008 | FRANCE | N°05/02611

France | France, Cour d'appel de colmar, Ct0014, 16 janvier 2008, 05/02611


Copie exécutoire à
- Me Joëlle LITOU- WOLFF
- Me Anne CROVISIER
COUR D' APPEL DE COLMAR PREMIERE CHAMBRE CIVILE- SECTION B

ARRET DU 16 Janvier 2008
Numéro d' inscription au répertoire général : 1 B 05 / 02611
Décision déférée à la Cour : 01 Février 2005 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE SAVERNE
APPELANT- INTIME INCIDENT :
Monsieur Daniel X... ...

représentée par Me Joëlle LITOU- WOLFF, avocat à la Cour
INTIMEE- APPELANTE INCIDENTE :
Société Coopérative CREDIT MUTUEL DE LA REGION DE SAVERNE 8 rue de la Gare 67700 SAVERNE <

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représentée par Me Anne CROVISIER, avocat à la Cour Avocat plaidant : Me HUFFSCHMITT, avocat à STRASBOURG...

Copie exécutoire à
- Me Joëlle LITOU- WOLFF
- Me Anne CROVISIER
COUR D' APPEL DE COLMAR PREMIERE CHAMBRE CIVILE- SECTION B

ARRET DU 16 Janvier 2008
Numéro d' inscription au répertoire général : 1 B 05 / 02611
Décision déférée à la Cour : 01 Février 2005 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE SAVERNE
APPELANT- INTIME INCIDENT :
Monsieur Daniel X... ...

représentée par Me Joëlle LITOU- WOLFF, avocat à la Cour
INTIMEE- APPELANTE INCIDENTE :
Société Coopérative CREDIT MUTUEL DE LA REGION DE SAVERNE 8 rue de la Gare 67700 SAVERNE

représentée par Me Anne CROVISIER, avocat à la Cour Avocat plaidant : Me HUFFSCHMITT, avocat à STRASBOURG

Maître Gérard Y... ès qualités de liquidateur de la SARL SECONDE MAIN ...

non représenté, assigné par voie d' huissier à personne le 07. 10. 2005
COMPOSITION DE LA COUR :
L' affaire a été débattue le 10 Octobre 2007, en audience publique, devant la Cour composée de : M. LITIQUE, Président de Chambre, entendu en son rapport M. CUENOT, Conseiller Mme MAZARIN- GEORGIN, Conseiller qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme MUNCH- SCHEBACHER
ARRET :- réputé contradictoire- prononcé publiquement par mise à disposition de l' arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l' article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile.- signé par M. Jean- Marie LITIQUE, Président de Chambre, et Mme Corinne ARMSPACH- SENGLE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Saisie par M. Daniel X... qui dans le cadre de la création de sa société EURL ALDA en cours de formation avait conclu un contrat de franchise avec la SARL SECONDE MAIN le 16 mars 1999 en vue de l' exploitation d' un commerce de dépôt- vente de particuliers et professionnels sous l' enseigne " ABC DEPOT VENTE " et avait obtenu de la Caisse du Crédit Mutuel de SAVERNE, banque de cette société, deux prêts de 175. 000 frs et 250. 000 frs pour lesquels il s' était porté caution solidaire de sa future société à hauteur de 510. 000 frs et ayant signé un ordre de transfert de fonds de 37. 615, 27 euros en faveur de la SARL SECONDE MAIN dans des conditions qu' il contestait, et qui sollicitait la résolution judiciaire du contrat de franchise et le remboursement des montants versés à cette SARL par la banque, enfin la condamnation de cette dernière pour manoeuvres dolosives de son préposé A... lors de l' ouverture du compte courant et pour avoir engagé sa responsabilité professionnelle à son égard, la SARL SECONDE MAIN ayant fait l' objet d' une liquidation judiciaire par jugement du 12 septembre 2000, soit quelque temps après l' opération litigieuse, le Tribunal de Grande Instance de SAVERNE (Chambre Commerciale), par jugement du 1er février 2005, a fixé à 38. 609, 24 euros la créance du demandeur sur la société SECONDE MAIN, mais l' a débouté pour le surplus et, sur demande reconventionnelle de la banque tendant au remboursement en principal, intérêts et indemnité forfaitaire de 5 % pour chacun des deux prêts, l' a condamné à payer à cette dernière 9. 983, 05 euros et 32. 982, 25 euros au titre des deux prêts, outre les intérêts conventionnels et les cotisations d' assurance- vie, et l' a condamné aux dépens.
Par déclaration déposée le 17 mai 2005 au Greffe de la Cour, M. Daniel X... a interjeté appel en intimant la SARL SECONDE MAIN en liquidation judiciaire et le Crédit Mutuel de la Région de SAVERNE.
Par ordonnance du 13 octobre 2006 le magistrat de la mise en état a ordonné sous astreinte la production par la Caisse de Crédit Mutuel de la Région de SAVERNE de la lettre de démission ou de licenciement de M. A... et de la déclaration de créance faite dans le cadre de la liquidation judiciaire de la SARL SECONDE MAIN, mais a rejeté la demande de communication de pièces et notamment la demande de communication de l' original de la convention de compte courant.
Se référant à ses derniers écrits du 8 février 2007, M. X... demande à la Cour de :
" SUR APPEL PRINCIPAL, Vu les articles 1108 et suivants du Code civil, spécialement l' article 1116, DIRE l' appel recevable et bien fondé, DIRE que la Caisse du Crédit Mutuel de la Région de SAVERNE, agissant pour son préposé Monsieur A..., s' est rendue coupable de manoeuvres dolosives à l' égard de Monsieur X... et a contrevenu à la loi bancaire, DIRE en l' occurrence que son nuls tous actes passés par Monsieur X... pour le compte de la société ALDA en voie de formation et la Caisse du Crédit Mutuel de la Région de SAVERNE, ainsi que tous actes accessoires à ces engagements, en outre, DIRE que la Caisse du Crédit Mutuel de la Région de SAVERNE a engagé sa responsabilité à l' égard de Monsieur X... en libérant les fonds prêtés à la société en constitution avant la formation du contrat de prêt, à l' insu de l' emprunteur, en effectuant des opérations non autorisées sur un compte courant non régulièrement approvisionné et, surabondamment, en manquant à son devoir général d' information et de conseil alors que les circonstances de la cause lui imposaient un devoir de vigilance renforcé, CONSTATER, DIRE et JUGER que la Caisse du Crédit Mutuel de la Région de SAVERNE a causé un préjudice à Monsieur X...,

CONDAMNER la Caisse du Crédit Mutuel de la Région de SAVERNE à payer à Monsieur X... à titre de dommages et intérêts la somme de 44. 988, 96 euros représentant le montant alloué par le premier juge au titre du remboursement des prêts professionnels et du débit du compte courant et perçu par la banque dans le cadre de l' exécution provisoire du jugement entrepris outre la somme de 13. 000 euros au titre du préjudice matériel et moral causé à Monsieur X... du fait des manoeuvres de la banque, et ORDONNER en tant que de besoin la compensation des montants, CONDAMNER la Caisse du Crédit Mutuel de la Région de SAVERNE aux entiers frais et dépens de la procédure de première instance et d' appel et à payer 7. 000 euros au titre de l' article 700 du nouveau code de procédure civile. SUR L' APPEL INCIDENT, Le DIRE irrecevable, la Cour n' étant pas saisie d' un appel en suite du jugement du 28 juin 2005, Subsidiairement, le DIRE mal fondé, DEBOUTER la Caisse du Crédit Mutuel de la Région de SAVERNE de l' intégralité de ses fins, demandes et conclusions, La CONDAMNER aux frais de l' appel incident. "

Il fait valoir en substance que :
- la banque s' est rendue coupable de manoeuvres dolosives par l' intermédiaire de son préposé A... et a contrevenu à la loi bancaire.
- tous les actes passés par lui pour le compte de sa société EURL ALDA en voie de formation avec la banque ainsi que tous les actes accessoires à ses engagements sont nuls.
- la banque a engagé sa responsabilité en libérant les fonds prêtés à sa société en formation alors même que le contrat de prêt n' était pas formé, effectuant des opérations non autorisées et à son insu sur un compte courant non régulièrement provisionné.
- la banque était de connivence avec la SARL SECONDE MAIN, étant la banque en titre de cette société. Elle a donc manqué à son égard à son devoir d' information et de conseil et à son devoir de vigilance.
- son préjudice est important.
- l' appel incident est irrecevable, subsidiairement mal fondé, compte tenu du jugement du 28 juin 2005 rejetant une requête en omission de statuer.
Se référant à ses derniers écrits du 4 avril 2007, la Caisse du Crédit Mutuel de la Région de SAVERNE demande à la Cour :
" STATUANT SUR APPEL PRINCIPAL ET SUR OMISSION DE STATUER OU SUR APPEL INCIDENT STATUER ce que de droit sur la recevabilité de l' appel. Au fond, CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement entrepris, sauf en ce qu' il n' a pas fait intégralement droit aux demandes de la banque. DECLARER irrecevables en tout cas mal fondées les conclusions de M. Daniel X..., LES REJETER, ET, STATUANT A NOUVEAU, ET DANS CETTE LIMITE CONDAMNER M. X... à payer en outre à la Caisse du Crédit Mutuel de la Région de SAVERNE :

- le montant de 1. 649, 11 euros (mille six cent quarante neuf euros onze centimes) (10. 817, 46 FF) au titre de l' indemnité forfaitaire de 5 %, avec les intérêts légaux à compter du 14. 07. 2000- le montant de 499, 15 euros (quatre cent quatre vingt dix neuf euros quinze centimes) (3. 274, 22 FF) au titre de l' indemnité forfaitaire de 5 %, avec les intérêts légaux à compter du 14. 07. 2000- le montant de 3. 703, 67 euros (trois mille sept cent trois euros soixante sept centimes) (24. 294, 46 FF) avec les intérêts conventionnels, en tout cas les intérêts légaux à compter du 26. 06. 2000. EN TOUT ETAT DE CAUSE, CONDAMNER M. X... au paiement d' un montant de 7. 000 euros (sept mille euros) au titre de l' article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu' aux frais et dépens de première instance et d' appel. "

Elle soutient en substance que :
- l' appelant était gérant de l' EURL ALDA en voie de formation et, à ce titre, est tenu des engagements pris par cette société qui n' a jamais été immatriculée.
- l' appelant ne prouve nullement les manoeuvres dolosives dont il prétend avoir été victime de la part de la banque.
- l' appelant était le gérant de L' EURL ALDA, avec toutes les conséquences quant à l' étendue de l' obligation de conseil de la banque et, en sa qualité de co- contractant de la société SECONDE MAIN, devait prendre toute précaution pour prendre la mesure de son projet d' entreprise.
- la Cour est compétente pour statuer sur l' indemnité forfaitaire de 5 %.
Maître Y... ès qualités de liquidateur de la SARL SECONDE MAIN a été régulièrement assigné par exploit d' huissier signifié à sa personne le 7 octobre 2005, mais n' a pas constitué avocat. Il avait d' ailleurs écrit à la Cour le 24 juin 2005 pour dire qu' il n' était pas en mesure de constituer avocat.
SUR QUOI LA COUR :
Vu la procédure, les pièces régulièrement versées aux débats et les écrits des parties auxquels il est référé pour plus ample exposé de leurs moyens et arguments :
L' appel interjeté dans des conditions de forme et de délai dont la validité n' est pas contestée est recevable.
I) Sur l' appel principal :
Il convient d' observer que, dans le dernier état de la procédure, M. X... ne prend plus aucune conclusion contre les dispositions concernant la SARL SECONDE MAIN en liquidation judiciaire.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu' il a fixé à 38. 609, 24 euros la créance de M. X... à l' encontre de la société SECONDE MAIN, augmentée des intérêts légaux à compter du 24 janvier 2000, date de l' assignation, mais l' a débouté de sa demande de dommages et intérêts et de celle au titre de l' article 700 du nouveau code de procédure civile.
S' agissant de la demande dirigée à l' encontre du Crédit Mutuel, il ressort du dossier de la procédure et des pièces qu' après avoir conclu le 16 mars 1999 un contrat de franchise avec la société SECONDE MAIN, M. X... a été mis en relation avec la banque de celle- ci, la Caisse du Crédit Mutuel de la Région de SAVERNE afin qu' elle lui accord les prêts nécessaires au financement de son projet d' entreprise qui devait être porté par la société qu' il créait, l' EURL ALDA.
Le 7 avril 1999, la Caisse du Crédit Mutuel de la Région de SAVERNE répond à la demande de financement de celui- ci par un courrier adressé à " M. X...- EURL à créer- ABC DEPOT VENTE 90000 BELFORT ". Ce courrier déclarait faire suite à " notre " entrevue et détaillait deux prêts qu' elle lui accordait, à savoir :
- un crédit à moyen terme de 175. 000 frs (26. 678, 58 euros) pendant 60 mois au taux de 5, 50 % l' an payable par échéances mensuelles- un crédit à moyen terme de 250. 000 frs (38. 112, 25 euros) d' une durée de 60 mois au taux de 4, 90 % l' an, net de commission, et stipulé variable et remboursable par échéances mensuelles et le tout moyennant le cautionnement solidaire de M. X..., son adhésion à une assurance groupe au titre des garanties incapacité temporaire de travail- invalidité- décès.

Le 8 avril 1999 est signée une ouverture du compte courant de la société ALDA EURL en formation représentée par M. X....
Le 9 avril 1999, M. X... signe également les conditions générales des prêts professionnels et le 16 avril 1999 un ordre de transfert de fonds pour un montant de 37. 615, 27 euros en faveur de la société SECONDE MAIN.
Le 21 avril un fax de la société SECONDE MAIN est adressé à M. A..., préposé du Crédit Mutuel de SAVERNE, au terme duquel il lui est demandé de créditer le solde par le bordereau déjà signé par M. X... sur le compte du franchiseur (la société SECONDE MAIN).
C' est ainsi que le même jour, les sommes de 38. 112, 25 euros et 26. 678, 58 euros sont versées sur le compte courant de la société en formation ALDA EURL, puis l' ordre de transfert portant la date du 16 avril 1999 est utilisé pour virer la somme de 37. 615, 27 euros sur le compte de la société SECONDE MAIN, le prêt de 26. 678, 58 euros ayant été décaissé à concurrence de 14. 757 euros selon les extraits de compte.
Le 23 avril 1999 sont signés les deux contrats de prêts professionnels selon acte sous seing privé dont toutes les pages sont paraphées par M. X... et qui y appose la mention : " bon pour cautionnement solidaire dans les termes ci- dessus à hauteur d' un montant de 510. 000 frs cinq cent dix mille francs toutes sommes comprises. " Cet acte est enregistré à SAVERNE le 23 avril 1999.
A) Sur les manoeuvres dolosives de la banque :
L' appelant soutient que la banque aurait agi de connivence avec la société SECONDE MAIN et l' aurait poussé à souscrire des prêts tout en sachant que la solidité financière de la société SECONDE MAIN était douteuse.
Certes il est acquis à présent que M. A... était le préposé de la Caisse du Crédit Mutuel, laquelle, par son intermédiaire, entretenait des relations privilégiées avec la société SECONDE MAIN, et que celui- ci a démissionné par lettre recommandée du 29 octobre 1999, à compter du 1er janvier 2000.
Il n' en demeure pas moins qu' au moment de la conclusion du contrat M. X... était gérant de l' EURL ALDA en formation et caution de sa société et qu' il lui appartient de démontrer que la banque aurait eu des informations que lui- même aurait ignoré en particulier sur la prétendue situation financière irrémédiablement compromise de la société SECONDE MAIN.
Or, M. X..., qui était commerçant, avait fait part de son intention de contracter avec la Caisse du Crédit Mutuel afin de financer son projet d' entreprise en rencontrant M. A....
D' autre part, les indicateurs financiers à l' époque de la conclusion des prêts étaient rassurant sur cette société, la Banque de France cotant cette entreprise sous " G37 " (le 3 signifiant opinion favorable concernant la quote de crédit et le 7 absence d' incident ou incidents de peu d' importance ne traduisant pas de réelles difficultés de trésorerie au titre de la quote de paiement) entre octobre 1998 et décembre 1999, les premières difficultés apparaissant à compter de janvier 2000 avec une cotation G58 (le 5 signifiant entreprise dont la situation motive des réserves au titre de la quote de crédit et le 8 signifiant que les difficultés de trésorerie constatées ne paraissent pas mettre en cause sérieusement le crédit de l' entreprise au titre de la quote de paiement), soit 10 mois après la conclusion des contrats de prêts.
En outre, le motif du jugement de liquidation judiciaire fixait la date de cessation des paiements au 1er juillet 2000 et le bilan pour l' année du 1er octobre 1998 au 30 septembre 1999 faisant apparaître un résultat d' exploitation de 4. 329. 454 frs, un résultant courant avant impôts de 3. 970. 798 frs et un bénéfice de 2. 407. 319 frs et un impôt sur le bénéfice de 1. 541. 191 frs, soit près du triple de celui de l' année précédente. L' entreprise était donc in bonis au moment de la conclusion des prêts.
Par ailleurs, M. X... conteste l' ordre de transfert des fonds de la société EURL ALDA vers la société SECONDE MAIN en date du 16 avril 1999, prétendant notamment ne pas en avoir été informé.
Or, M. X... a bien signé le 8 avril 1999 une convention d' ouverture de compte courant et le 16 avril 1999 un ordre de virement comportant incontestablement sa signature au regard des autres pièces signées par lui au dossier. En outre, il est tout de même à noter que cet ordre de virement porte la même date que le " contrat d' assistance permanente au développement " signé par M. X... avec la société SECONDE MAIN.
Il convient en outre d' ajouter que les modalités de rupture du contrat de travail de M. A... n' apportent rien de plus, celui- ci ayant démissionné dans en exprimer le motif, comme s' était son droit, sans que l' on sache véritablement, selon la thèse défendue par l' appelant ou l' intimée, s' il s' agit d' une démission forcée ou d' un départ volontaire sans lien avec la présente affaire.
En conséquence, comme l' ont relevé à juste titre les premiers juges, l' ensemble de ces éléments, rapprochés du fait que la société SECONDE MAIN, dont les difficultés financières ne se sont révélées qu' en juillet 2000, était à l' époque in bonis, exclue que la Caisse du Crédit Mutuel ait agi de concert avec le franchiseur aux fins de dissimuler au franchisé la véritable situation de son co- contractant.
Dès lors, il n' y a ni erreur ni manoeuvre dolosive caractérisée de la part de la Caisse du Crédit Mutuel de la Région de SAVERNE à l' égard de l' appelant.
B) Sur la responsabilité de la banque quant au déblocage du prêt :
Contrairement à ce que soutient l' appelant, l' existence d' un écrit n' est pas requis en matière de contrat de prêt, sinon pour en faire la preuve. Simplement, si le taux d' intérêt ne fait pas l' objet d' un écrit, seul le taux légal s' applique. La seule exception concerne le TEG des prêts soumis à la loi sur l' usure, ce qui n' est pas le cas en l' espèce.
Dès lors, le déblocage des fonds antérieurs à la signature du contrat ne constitue pas un motif d' annulation de ce dernier et n' engage pas la responsabilité de la banque dès lors que l' accord des parties sur les deux prêts résulte du courrier du 7 avril 1999 susvisé, adressé à M. X... " suite à notre entrevue ".
Or le prêt de 250. 000 frs n' a été débloqué que le 21 avril 1999, soit après que l' accord entre les parties soit intervenu et le premier versement au titre du prêt de 150. 000 frs n' a eu lieu que le 1er juin 1999, soit après l' accord du 7 avril 1999 et après la signature du contrat de prêt le 23 avril 1999.
Enfin, les conditions générales des crédits professionnels, pourtant signées par l' appelant, précisent en leur préambule qu' elles s' appliquent à tout crédit professionnel dont l' emprunteur bénéficie ou dont il pourra bénéficier auprès de l' établissement de Crédit Mutuel, même en l' absence d' un contrat ou d' un accord écrit.
Par ailleurs, il appartient au professionnel recourant à un crédit pour les besoins de son activité de s' assurer que les conditions de succès de l' opération qu' il entreprend sont réunies.
M. X... était gérant de l' EURL ALDA en formation, il s' est présenté en tant que tel à la banque intimée et a pris des engagements au nom de sa société en formation. Dès lors qu' il n' est nullement établi qu' au mois d' avril 1999 le Crédit Mutuel, déjà en partenariat avec de nombreux franchisés de la SARL SECONDE MAIN, disposait d' informations concernant la situation financière compromise de cette dernière et laissant à penser qu' elle ne pourrait tenir ses engagements à l' égard de ses nouveaux franchisés, il ne saurait être reproché à la banque le non- respect d' un devoir de vigilance accrue.
Bien plus, comme l' ont relevé à juste titre les premiers juges, M. X..., qui s' est présenté comme un dirigeant de l' EURL ALDA en voie de formation alors même qu' il n' a jamais finalisé son projet d' entreprise, ne peut se prévaloir de sa méconnaissance des obligations contractées envers le Crédit Mutuel qui, compte tenu de l' existence d' un réseau de franchisés auquel il prêtait déjà son concours, a légitimement pu croire en l' existence de l' EURL ALDA.
En conséquence, la responsabilité de la banque n' est pas engagée et le jugement sera confirmé sur ce point.
C) Conséquences :
La demande en dommages et intérêts de M. X... a à juste titre été rejetée par les premiers juges.
S' agissant de la demande reconventionnelle, il résulte des articles 1843 du Code civil et L. 210- 6 du Code du commerce que les personnes qui ont agi au nom d' une société en formation avant l' immatriculation sont tenues des obligations nées des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits et sont alors réputés avoir été dès l' origine contractés avec elle.
Il est constant que la société EURL ALDA n' a jamais été immatriculée et n' a donc pu régulièrement prendre les actes passés en son nom durant la période de formation.
Dès lors, l' appelant, qui a conclu lesdits actes et était le gérant de cette société en formation est seul tenu au remboursement des prêts consentis par la banque intimée.
Au vu des décomptes versés aux débats, et compte tenu des conditions générales des prêts, c' est à juste titre que les premiers juges ont condamné M. X... à payer à la banque intimée la somme de 9. 983, 05 euros majorée des intérêts conventionnels de 8, 50 % et cotisations d' assurance- vie de 0, 50 % et une somme de 32. 982, 25 euros majorée des intérêts au taux conventionnel de 7, 90 % et cotisations d' assurance- vie au taux de 0, 50 %, lesdits intérêts prenant effet à compte du jour du jugement en l' absence de mise en demeure préalable.
II) Sur l' appel incident :
Il résulte de la procédure que, suite à une requête en omission de statuer, le Tribunal de Grande Instance de SAVERNE (Chambre Commerciale) a rendu un jugement en date du 28 juin 2005 rejetant la requête.
Or, ce jugement a été rendu un moment où la Cour était déjà saisie de l' appel du jugement du 1er février 2005.
Il résulte des énonciations de ce dernier jugement que, sur demande reconventionnelle, la Caisse de Crédit Mutuel de la Région de SAVERNE sollicitait la condamnation de M. X... à lui payer notamment les montants de 1. 649, 11 euros au titre de l' indemnité forfaitaire de 5 %, avec les intérêts légaux à compter du 14 juillet 2000 et celui de 499, 15 euros au titre de l' indemnité forfaitaire de 5 % avec les intérêts légaux à compter du 14 juillet 2000, et ce au titre des deux prêts litigieux.
Les premiers juges ont manifestement omis de statuer sur cette demande si bien que, par l' effet dévolutif de l' appel, la Cour est seule compétente pour statuer sur cette omission.
En conséquence, l' appel incident est recevable.
Compte tenu des conditions générales des crédits professionnels, et notamment en leur article 4. 3, il est prévu que, si la banque est amenée à se prévaloir des exigibilités immédiates de ses concours financiers pour quelque cause que ce soit, l' emprunteur aura à payer une indemnité de 5 % des montants dus.
En conséquence, il y a lieu de réparer l' omission des premiers juges en condamnant M. X... à payer à la banque intimée les montants de 1. 649, 11 euros et 499, 15 euros au titre des indemnités forfaitaires de 5 %, mais avec les intérêts légaux à compter du jugement à défaut de mise en demeure préalable.
De même, la demande reconventionnelle telle que résultant du jugement sollicitait la condamnation de M. X... à payer à la Caisse de Crédit Mutuel de SAVERNE la somme de 3. 703, 67 euros avec les intérêts conventionnels, en tout cas légaux à compter du 26 juin 2000 au titre du solde débiteur de compte courant de l' EURL ALDA.
Or, les premiers juges ont manifestement omis de statuer sur cette demande.
Il résulte des pièces produites que le compte courant de la société EURL ALDA faisait apparaître un débit de 24. 294, 46 frs (soit 3. 703, 67 euros). En conséquence, cette somme est due, mais avec les intérêts légaux à compter du jugement à défaut de mise en demeure préalable.
III) Pour le surplus :
L' appelant succombant pour l' essentiel supportera les dépens d' appel et sa demande au titre de l' article 700 du nouveau code de procédure civile ne saurait prospérer.
En outre, l' équité commande de le faire participer à concurrence de 2. 500 euros aux frais irrépétibles d' appel qu' a dû exposer l' intimée.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
- DECLARE tant l' appel principal que l' appel incident réguliers et recevables en la forme
- DIT le premier mal fondé et le second bien fondé
- CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions
- CONDAMNE en outre M. X... à payer à Caisse de Crédit Mutuel de la Région de SAVERNE les sommes suivantes :
*1. 649, 11 euros (mille six cent quarante neuf euros onze centimes) au titre de l' indemnité forfaitaire de 5 %, avec les intérêts légaux à compter du jugement, *499, 15 euros (quatre cent quatre vingt dix neuf euros quinze centimes) au titre de l' indemnité forfaitaire de 5 %, avec les intérêts légaux à compter du jugement, *3. 703, 67 euros (trois mille sept cent trois euros soixante sept centimes) au titre du solde débiteur de compte courant de l' EURL ALDA, avec les intérêts légaux à compter du jugement,

- Le DEBOUTE de sa demande au titre de l' article 700 du nouveau code de procédure civile
- Le CONDAMNE aux dépens d' appel
- Le CONDAMNE en outre à payer à la banque intimée un montant de 2. 500 euros (deux mille cinq cents euros) au titre de l' article 700 du nouveau code de procédure civile pour l' instance d' appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de colmar
Formation : Ct0014
Numéro d'arrêt : 05/02611
Date de la décision : 16/01/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Saverne, 01 février 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.colmar;arret;2008-01-16;05.02611 ?
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