MINUTE No 08 / 0042
NOTIFICATION :
ASSEDIC ()
Copie aux parties
Clause exécutoire aux :-avocats-délégués syndicaux-parties non représentées
COUR D'APPEL DE COLMAR CHAMBRE SOCIALE-SECTION A
ARRET DU 10 Janvier 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A 07 / 00212
Décision déférée à la Cour : 19 Décembre 2006 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE MULHOUSE
APPELANTE :
SARL BOULANGERIE PAUL, prise en la personne de son gérant, non comparant, 2 place de la Gare 59110 LA MADELEINE Représentée par Me Véronique HENDI (avocat au barreau de PARIS)
INTIME et APPELANT INCIDENT :
Monsieur Raphaël X..., non comparant, ...68260 KINGERSHEIM Représenté par Me JUILLERAT-RICHTER (avocat au barreau de COLMAR) substituant Me André CHAMY (avocat au barreau de MULHOUSE)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Novembre 2007, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme RASTEGAR, Président de Chambre, chargé d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme RASTEGAR, Président de Chambre, Mme SCHNEIDER, Conseiller, Mme WOLF, Conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Melle FRIEH, Greffier
ARRET :-contradictoire-prononcé par mise à disposition au greffe par Mme RASTEGAR, Président de Chambre,-signé par Mme RASTEGAR, Président de Chambre et Melle FRIEH, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M. X... a été embauché le 27 janvier 2003 en qualité de responsable de magasin, agent de maîtrise niveau 4 échelon 1 par la société BOULANGERIE PAUL. Il était affecté au magasin Cour des Maréchaux à MULHOUSE.
Le 21 mai 2003 il a bénéficié d'une augmentation de salaire et par avenant du 27 novembre 2003 il a été classé agent de maîtrise, niveau 4 échelon 2.
Le 21 avril 2004 il a fait l'objet d'une mise à pied disciplinaire d'un jour.
Le 06 juillet 2004, la société BOULANGERIE PAUL lui proposait une mutation au magasin de THIONVILLE en raison des dysfonctionnements du magasin de MULHOUSE.
Il a été licencié le 29 juillet 2004 en raison de son refus de mutation.
Contestant le bien fondé de ces sanctions et revendiquant le statut cadre et le paiement d'heures supplémentaires, il a saisi le Conseil des Prud'hommes de MULHOUSE d'une demande tendant à l'octroi de différentes sommes.
Par jugement rendu le 19 décembre 2006 le Conseil a annulé la mise à pied, et à condamné la société BOULANGERIE PAUL au paiement de :-112, 15 € et 11, 21 € au titre du salaire et des congés payés afférents,-25. 426, 28 € et 2. 542, 63 € au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents,-16. 053, 64 € au titre du repos compensateur pour l'année 2003,-2. 873, 87 € et 287, 38 € au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents,-672, 91 € au titre du repos compensateur pour l'année 2004,-800 € au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile, mais a rejeté la demande de M. X... au titre du licenciement et de sa classification au statut cadre.
La SARL BOULANGERIE PAUL, a interjeté appel de cette décision.
Vu l'article 455 du Nouveau code de procédure civile,
Vu les conclusions récapitulatives de l'appelante en date du 27 novembre 2007 reprises oralement à l'audience tendant au rejet des demandes de M. X... et à la condamnation de celui-ci au paiement de 1. 500 € au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ;
Vu les conclusions de M. X..., intimé et appelant incident, en date du 05 octobre 2007, reprises oralement à l'audience tendant à la confirmation du jugement déféré sur la mise à pied et les heures supplémentaires, à son infirmation pour le surplus et à l'octroi de :-2. 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,-11. 109, 38 € au titre du rappel de salaire pour 2003,-1. 110, 94 € au titre des congés payés afférents,-1. 611, 62 € au titre du rappel de salaire pour 2004,-161, 16 € au titre des congés payés afférents,-3. 000 € au titre de ses frais irrépétibles ;
Vu la procédure et les pièces produites aux débats
Les appels sont recevables en la forme.
Au fond,
Il convient d'examiner successivement les sanctions infligées à M. X..., et ses demandes au titre du salaire et des heures supplémentaires.
La mise à pied disciplinaire :
Le 21 avril 2004 M. X... a fait l'objet d'une mise à pied d'un jour aux motifs qu'il ne respectait pas les procédures d'encaissement et de commande, les règles de droit, qu'il n'avait pas déclaré un accident du camion de livraison à l'assurance et qu'il n'effectuait pas l'ouverture et la fermeture du magasin de manière régulière.
Le premier grief concerne une commande passée le 26 janvier 2004 par Madame Z....
Contrairement à l'opinion de l'appelante le ticket établi le même jour correspond à la commande passée par la cliente, seul le mode de paiement diffère, sur la commande le paiement aurait été effectué en espèce, ce qui paraît logique puisque la cliente avait été livrée alors que le ticket de caisse mentionne un paiement par carte bleue. Cette différence de mode de paiement ne suffit pas à établir que M. X... n'aurait pas respecté les procédures que la société BOULANGERIE PAUL ne démontre pas lui avoir notifiées.
L'intimé était absent pour maladie du 09 février au 23 mars 2004. L'appelante ne peut se borner à affirmer que les commandes de chocolat auraient dû être passées avant le 09 février sans justifier des usages en la matière.
Il ne résulte d'aucune pièce que les plannings qui étaient effectués par M. X... devaient être signés par les salariés.
S'il bénéficiait d'une délégation de pouvoir en ce qui concerne l'embauche et la médecine du travail, il n'est pas sérieusement contredit par l'appelante sur ses pouvoirs réels en ce qui concerne le personnel dont la visite médicale d'embauche était gérée par le responsable des ressources humaines. M. A... qui l'a remplacé n'a pas pallié aux déficiences alléguées, pas plus que Mme B..., moniteur service, qui est intervenue du 16 au 20 février 2004.
La société BOULANGERIE PAUL ne justifie pas de la date de l'accident du camion et donc de l'imputabilité de l'absence de déclaration à l'assurance à M. X....
Enfin à défaut de règlement intérieur ou de tout autre document sur la présence du responsable du magasin à l'ouverture ou à la fermeture, le grief n'est pas fondé.
Contrairement à l'opinion de l'appelante, M. X... a protesté contre cette sanction au moins par l'intermédiaire de son conseil auquel elle a répondu par courrier du 04 juin 2004 justifiant la sanction dans le but " de le faire réagir grâce à l'importance des règles et procédures à respecter ".
En conséquence, c'est à bon droit que le Conseil a annulé la mise à pied.
Cependant, c'est à tort que le Conseil a alloué au salarié le salaire correspondant à cette mise à pied ; il résulte des bulletins de paie que M. X... n'a subi aucune retenue sur son salaire.
Le jugement déféré sera réformé sur ce point.
Le licenciement :
M. X... a été licencié pour avoir refusé sa mutation au magasin de Thionville. Il soutient qu'il n'était pas soumis à une clause de mobilité et à titre subsidiaire que celle-ci n'aurait pas été mise en oeuvre dans l'intérêt de l'entreprise.
Le contrat initial du 27 janvier 2003 contient une clause de mobilité ainsi rédigée : " votre affectation n'est pas obligatoirement définitive, suivant les nécessités de notre groupe nous pouvons vous muter dans l'un de nos magasins de la région ou du groupe ".
L'avenant du 27 novembre 2003 indique " Pour des raisons touchant à l'organisation de l'entreprise vous pouvez être amené à effectuer sans que cela constitue une modification de votre statut ou contrat de travail, tout autre tâche ou fonction existante ou à venir au sein de votre magasin ou d'un autre magasin du groupe Holder. Votre affectation pourra être modifiée en fonction des nécessités. Vous pourrez être muté dans un autre magasin du groupe, cette clause étant un élément substantiel de ce contrat. Dans le cas où vous refuseriez l'application de cette clause, ceci entraînerait la rupture de votre contrat de travail ".
Si la première partie de la clause contenue dans l'avenant du 27 novembre 2003 constitue une clause d'affectation, tel n'est pas le cas du deuxième paragraphe et de la clause prévue par le contrat initial qui indiquent que le salarié peut être muté dans un autre magasin du groupe Holder. Ces dispositions, et notamment l'alinéa deux de la clause prévue le 27 mars 2003 qui prévoit qu'il s'agit d'un élément substantiel du contrat de travail, ne peuvent être interprétées que comme une clause de mobilité géographique indépendamment des fonctions exercées par le salarié.
L'avenant du 27 novembre 2003 faisant clairement la distinction entre les fonctions et le lieu de travail ne peut constituer une clause d'affectation.
M. X... ne peut invoquer une modification du contrat de travail pour justifier son refus. Cependant la mise en oeuvre de la clause de mobilité ne doit pas avoir été dictée par un abus de droit ou un détournement de pouvoir, elle doit avoir été décidée dans l'intérêt de l'entreprise.
La mauvaise foi ne se présume pas et il appartient au salarié d'établir que sa mutation n'était qu'un prétexte pour le licencier.
M. X... avait succédé à un responsable qui était resté peu de temps et avait trouvé une situation difficile en raison de l'opposition de deux salariés, soulignée par Mme B... dans sa note du mois de mars 2003.
S'il n'est pas contesté par la société BOULANGERIE PAUL que le salarié avait augmenté le chiffre d'affaires et qu'un client, M. C..., atteste que la qualité du service du magasin s'était améliorée, ces éléments ne suffisent pas à établir la mauvaise foi de l'employeur dans la mise en oeuvre de la clause de mobilité.
Il en est de même de l'incident qui aurait opposé M. X... à M. D..., directeur du Réseau Nord, le 26 mars 2004 et qui ne saurait être démontré par une attestation courageusement anonyme, une lettre d'une " cliente " offusquée par la représentation théâtrale à laquelle elle avait assisté alors que l'altercation alléguée s'est déroulée dans l'atelier et que la cliente ne pouvait déterminer la qualité de celui qui proférait des insultes ni celle de celui qui les subissait.
Les attestations de Mmes E... et F..., outre qu'elles ne répondent pas aux exigences du Nouveau code de procédure civile, ne sont pas plus crédibles. La première n'a pas entendu " les dires " mais était choquée par " la véracité du langage de M. D... ", la deuxième n'a pas compris tous les propos.
S'il résulte du compte rendu de cette inspection que M. D... avait constaté plusieurs dysfonctionnements notamment au niveau de l'hygiène, il avait cependant admis que M. X... n'était pas responsable de l'intégralité de ceux-ci en raison de son arrêt de travail pour maladie.
Par contre il résulte de la comparaison du chiffre d'affaires 2003-2004 qu'à l'exception des mois de mars, avril et décembre 2003, M. X... n'avait pas atteint les objectifs qui lui avaient été fixés.
D'autre part, le rapport d'intervention de Mme B... fait état de points négatifs dans le magasin qui n'ont pas pu survenir depuis le début de l'arrêt de maladie de Monsieur X... huit jours auparavant notamment au niveau du " facing " et de l'accueil.
Si le 02 octobre 2003 M. D... notait que le magasin était accueillant, il attirait l'attention de M. X... sur la propreté des vitrines, du fournil et la nécessité de changer les spots et les abats jours.
Manifestement M. X... n'avait pas la capacité de diriger le magasin de MULHOUSE, celui qui lui était proposé était de taille plus réduite et ne connaissait pas les mêmes difficultés de personnel tel que Mme G....
En conséquence le licenciement motivé par le refus de mutation est fondé.
Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
Le statut de M. X... :
Il revendique le statut cadre ce qui entraîne une revalorisation de son salaire.
Il a été embauché en qualité d'agent de maîtrise et en dernier lieu était classé niveau 4 échelon 2.
Selon l'article 1 de l'annexe 5 de la convention collective applicable " sont considérés comme cadres les collaborateurs répondant à la fois aux deux conditions suivantes :
1) posséder une formation technique, administrative, juridique, commerciale ou financière résultant :-soit d'études sanctionnées par un diplôme de l'enseignement supérieur,-soit d'une expérience professionnelle équivalente.
2) occuper dans l'établissement :-soit un emploi comportant des pouvoirs de décision et de commandement de toute nature,-soit un emploi où ils mettent effectivement en oeuvre les connaissances qu'ils ont acquises ".
Selon son acte de candidature, M. X... est titulaire d'un CAP vente action marchande et d'un BAC PRO commerce, ce qui ne constitue pas un diplôme de l'enseignement supérieur et n'avait comme seule expérience que celle de serveur-cuisine.
La première condition pour bénéficier de statut de cadre n'est pas remplie et ne saurait être suppléée par les stages de formation dont il a bénéficié après son embauche.
S'il assurait la responsabilité du magasin de MULHOUSE, il ne disposait pas d'une délégation de pouvoir en ce qui concerne le personnel et toutes les décisions disciplinaires étaient prises par la direction des ressources humaines.
Enfin les contrôles effectués par M. D... ou Mme B... démontrent qu'il disposait d'un pouvoir d'initiative limité, ce qui n'est pas contredit par la définition du poste de responsable d'unité.
Les attributions qui lui étaient confiées correspondent à la définition prévue par la convention collective pour les agents de maîtrise niveau 4 échelon 2 selon lequel il assure la direction du travail du personnel sous ses ordres.
Le jugement déféré sera confirmé.
Les heures supplémentaires :
Si la preuve des heures supplémentaires n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre partie, il appartient au salarié de produire au préalable les éléments étayant sa demande.
Le fait que le salarié n'aurait jamais réclamé le paiement d'heures supplémentaires ne constitue pas un motif suffisant pour prétendre que sa demande est infondée, cet argument est d'ailleurs contredit par le courrier du conseil de M. X... du 04 mai 2004 et par courrier du salarié adressé à MM. D... et H....
Contrairement à ce que soutient l'intimé aucune clause de forfait n'est invoquée par l'appelante. En tout état de cause tant le contrat de travail initial que l'avenant du 27 novembre 2003 ne prévoient une telle clause.
M. X... produit un agenda où il a noté lui même ses heures de présence, cependant ce document établi par lui même et contesté par la société BOULANGERIE PAUL n'est étayé par aucun autre élément.
L'amplitude horaire qu'il invoque n'est pas crédible car il ne démontre nullement qu'il devait assurer la fabrication des différents produits ou même être présent avant l'ouverture du magasin au public.
Il lui était d'ailleurs reproché lors de la mise à pied de ne pas assurer la fermeture ou l'ouverture du magasin même si ce fait ne pouvait pas constituer un grief en raison de l'absence de directives prouvées, M. X... n'était pas dispensé de pointer. La liste des incidents dément les annotations de son agenda.
En outre, il met en compte des heures supplémentaires dès le dépassement de 35 heures hebdomadaires alors que le calcul des heures supplémentaires ne pouvait se faire qu'à partir de la 38e heure en raison de l'accord de réduction du temps de travail signé le 05 avril 2000.
Le décompte du salarié est contredit par les bulletins de paye de mars et décembre 2003 qui font état du paiement d'heures supplémentaires dont il ne tient pas compte.
Le décompte d'heures effectué manifestement a posteriori et qui est contredit tant par les relevés de pointage que par le reproche qui lui avait été fait de ne pas assurer alternativement l'ouverture et la fermeture, ne suffit pas à démontrer l'accomplissement d'heures supplémentaires autres que celles qui lui ont été payées.
Le jugement déféré sera infirmé sur ce point et M. X... débouté de sa demande et de celle au titre du repos compensateur qui en découle.
Succombant en appel M. X... sera condamné aux dépens de cette instance.
Aucune considération d'équité n'impose de faire bénéficier la SARL BOULANGERIE PAUL d'une indemnité au titre de ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, après en avoir statuer conformément à la loi,
Déclare les appels recevables en la forme ;
Au fond,
Déclare l'appel incident mal fondé et le rejette ;
Déclare l'appel principal bien fondé ;
Infirme le jugement déféré sur le rappel de salaire pendant la mise à pied, les heures supplémentaires et le repos compensateur et statuant à nouveau,
Déboute M. X... de ses demandes à ce titre ;
Confirme pour le surplus ;
Condamne M. X... aux dépens d'appel ;
Rejette la demande de la SARL BOULANGERIE PAUL au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Madame RESTEGAR, Président, et Mademoiselle FRIEH, Greffier.