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29/11/2007 | FRANCE | N°06/02471

France | France, Cour d'appel de colmar, Ct0179, 29 novembre 2007, 06/02471


MINUTE No 07 / 1701
NOTIFICATION :
ASSEDIC ()
Copie aux parties
Clause exécutoire aux :-avocats-délégués syndicaux-parties non représentées

COUR D'APPEL DE COLMAR CHAMBRE SOCIALE-SECTION A

ARRET DU 29 Novembre 2007
Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A 06 / 02471 Décision déférée à la Cour : 25 Avril 2006 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES D'ALTKIRCH

APPELANTE : SAS SAPPEL, prise en la personne de son DRH, comparant 67 rue du Rhône BP 160 68304 SAINT LOUIS CEDEX Représentée par la SCP SIMON-WURMSER-SCHWACH-BOUDIAS-FREZARD (avo

cats au barreau de MULHOUSE)

INTIME : Monsieur Yves Y..., non comparant... 49610 MURS ERIGNE Rep...

MINUTE No 07 / 1701
NOTIFICATION :
ASSEDIC ()
Copie aux parties
Clause exécutoire aux :-avocats-délégués syndicaux-parties non représentées

COUR D'APPEL DE COLMAR CHAMBRE SOCIALE-SECTION A

ARRET DU 29 Novembre 2007
Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A 06 / 02471 Décision déférée à la Cour : 25 Avril 2006 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES D'ALTKIRCH

APPELANTE : SAS SAPPEL, prise en la personne de son DRH, comparant 67 rue du Rhône BP 160 68304 SAINT LOUIS CEDEX Représentée par la SCP SIMON-WURMSER-SCHWACH-BOUDIAS-FREZARD (avocats au barreau de MULHOUSE)

INTIME : Monsieur Yves Y..., non comparant... 49610 MURS ERIGNE Représenté par Me Béatrice BAGUENARD (avocat au barreau de STRASBOURG)

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 23 Octobre 2007, en audience publique, devant la Cour composée de : Mme RASTEGAR, Président de Chambre Mme SCHNEIDER, Conseiller Mme WOLF, Conseiller qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Melle FRIEH, Greffier
ARRET :-contradictoire-prononcé par mise à disposition au greffe par Mme RASTEGAR, Président de Chambre,-signé par Mme RASTEGAR, Président de Chambre et Melle FRIEH, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Monsieur Yves Y... a été engagé par la SAS SAPPEL en qualité de Responsable du Service Export par contrat à durée indéterminée à effet du 28 avril 1997.
La SAS SAPPEL, ancienne filiale de la Générale des Eaux revendue à un groupe allemand, cherchait à développer son activité export au Brésil, or Monsieur Y... y avait fait ses études et était mariée à une Brésilienne.
Cette implantation avait d'abord été envisagée en collaboration avec une société locale, F. A. E, mais celle-ci va rompre ses relations avec SAPPEL au cours de l'année 2000 et il sera donc envisagé la création d'une filiale, SAPPEL DO BRASIL, implantée à RECIFE.
Monsieur Y... va être détaché auprès de cette filiale en qualité de Directeur Général à compter du 1er mai 2002, tout en conservant ses fonctions au siège de la société à SAINT-LOUIS, tous les frais de son installation au Brésil et du maintien de son logement français étant pris en charge par la société, mais sans modification de son contrat de travail. Il va ainsi passer trois semaines au Brésil, une semaine en France pour assumer ses deux fonctions.
Le lancement de la filiale brésilienne va s'avérer difficile et le service export va connaître de mauvais résultats. Un autre responsable sera engagé pour le Brésil et Monsieur Y... va revenir définitivement en France à compter du 1er juin 2004.
Suite à plusieurs différends avec sa hiérarchie, Monsieur Y... s'est alors vu convoquer à un entretien préalable et notifier son licenciement pour faute grave par lettre recommandée avec accusé de réception du 12 octobre 2004, comportant pas moins de sept pages, les principaux reproches faits au salarié étant d'une part son attitude passive face aux mauvais résultats de son service et le refus d'établir comme demandé un plan de sauvetage et une note explicative, soit un grave acte d'insubordination, d'autre part diverses insuffisances professionnelles, à savoir une incapacité à fixer et tenir ses objectifs, une incapacité à gérer son service, une incapacité à assurer le suivi de la clientèle et à négocier avec les partenaires étrangers et une attitude personnelle négative, tous ces points étant illustrés de divers exemples.
Monsieur Y... a saisi le Conseil de Prud'hommes d'ALTKIRCH le 8 novembre 2004 pour contester ce licenciement et réclamer le paiement de diverses indemnités, lequel, par jugement en date du 25 avril 2006 a, par des motifs contradictoires, dit à la fois que les fautes qui lui étaient reprochées reposent sur des causes réelles et sérieuses mais ne peuvent être qualifiées de faute grave et que les effets du licenciement étaient sans cause réelle et sérieuse, ce que retient aussi le dispositif de la décision, qui lui a accordé diverses indemnités, dont six mois de salaire à titre de dommages et intérêts.
La SAS SAPPEL a interjeté appel le 17 mai 2006 et elle demande, par conclusions récapitulatives du 16 janvier 2007 l'infirmation de ce jugement et la condamnation de Monsieur Y... à lui payer 5. 000 euros au titre de l'article 700 du NCPC, en faisant valoir en substance que :-Monsieur Y... n'était pas un simple exécutant mais un cadre dirigeant, qui bénéficiait du troisième salaire de l'entreprise et participait au « stammtisch », les réunions du comité de direction ; que c'est lui qui a estimé qu'il pouvait cumuler ses fonctions au BRESIL, qui lui avaient valu l'octroi d'importants avantages en nature, avec son poste en France, deux personnes ayant été engagées pour renforcer son service et l'assister ;-les motifs de son licenciement ont été largement exposés dans la lettre du 12 octobre 2004 et sont justifiés par les pièces produites aux débats, notamment son indifférence devant la chute du chiffre d'affaires du service export et son absence de réponse à une demande de plan d'action précis et détaillé, ainsi que le non respect des missions qui lui avaient été assignées et résumées dans une fiche de fonctions du 22 février 2002 (cf. les conclusions pour le détail).

Monsieur Y... répond point par point, par de longues explications, aux arguments de l'appelante, estimant en fait avoir été limogé car il ne partageait pas les points de vue du nouveau Président, Monsieur Z..., nommé en avril 2002, qui a peu à peu remplacé l'équipe constitué par l'ancien dirigeant, Monsieur A... ; ainsi il a été dès son retour en France la cible de reproches injustifiés, puis menacé de licenciement avant d'être convoqué à un entretien préalable, puis un entretien informel pour finaliser une rupture amiable qui ne débouchera sur aucun accord, avant d'être dispensé de venir sur son lieu de travail puis licencié pour fautes graves.
L'intimé estime que la SAS SAPPEL ne rapporte pas la preuve de ces fautes, contestant notamment les attestations émanant toutes de salariés de la société et la qualité de Directeur qu'on lui prête alors qu'il n'était que simple responsable.
Il souligne par ailleurs l'impossibilité pour lui d'établir le plan de sauvetage écrit qui ne lui a été demandé que par un courrier de Monsieur Z... en date du 10 septembre 2004, la difficulté d'assumer à la fois ses fonctions en France et au BRESIL, l'impossibilité de faire des prévisions fiables et les difficultés rencontrées tant pour le lancement de la filiale brésilienne que sur d'autres marchés.
Monsieur Y... demande la confirmation du jugement entrepris, sauf sur le montant alloué à titre de dommages et intérêts, il réclame 24 mois de salaire, soit 156. 337,28 euros, ainsi que 5. 000 euros par application de l'article 700 du NCPC.
Vu le dossier de la procédure, les pièces régulièrement versées aux débats et les écrits des parties auxquels il est référé pour un plus ample exposé de leurs moyens et arguments,
-Sur la forme
La recevabilité de l'appel et sa régularité formelle ne sont pas contestées
-Au fond
Pour apprécier le bien fondé ou non du licenciement de Monsieur Y..., il faut se référer à la lettre de licenciement du 12 octobre 2004, d'où il résulte qu'ont été invoqués contre lui d'une part un motif disciplinaire, à savoir un acte d'insubordination grave, d'autre part diverses insuffisances professionnelles.
S'agissant du premier motif, il n'est pas contesté par l'intimé que le PDG de la société SAPPEL, Monsieur Z..., lui avait écrit le 10 septembre 2004 pour lui reprocher son attitude passive lors du dernier « stammtisch », c'est-à-dire lors du dernier comité de direction, lui rappeler que les résultats de SAPPEL étaient menacés par le manque de chiffre d'affaires export et lui demander « d'établir par écrit dans les prochains jours un plan de sauvetage du service export et de son activité », espérant un sursaut de sa part et disant rester à sa disposition pour en parler plus en détail.
L'attitude passive, voire négative, en question avait été relevée par plusieurs participants à ce stammtisch, apparemment celui du 8 septembre 2004, ou déjà lors de précédentes réunions, comme en attestent notamment :-Monsieur B..., directeur du personnel, qui explique que lors des réunions des 2 et 8 septembre, Monsieur Y... passait son temps à regarder le plafond et à faire des petits dessins, et qui avait d'ailleurs envoyé un mail à l'intimé le 8 septembre, que ce dernier a analysé comme une menace voilée de licenciement, mais qui par son objet (« camarade »), sa formule de fin (« un DRH qui n'a pas envie de te licencier ») et son contenu, un reproche sur sa somnolence et son désintérêt lors du stammtisch, puis un encouragement à réagir vite, précédé d'une formule interrogative « veux-tu redresser la barre de l'export ou te faire débarquer du navire ? » tenait davantage du bon conseil ;-Monsieur C..., directeur du marketing, qui rapporte que Monsieur Y... ne manifestait aucun intérêt pour les réunions du comite de direction, regardait souvent ostensiblement le plafond et ne prenait aucune participation active aux discussions ;-Monsieur D..., directeur de production, qui indique que Monsieur Y... trouvait que l'élaboration de prévisions de vente par pays et par famille de produits « était une corvée et tout à fait inutile ».

Il est précisé qu'il n'y a pas lieu à priori, comme le fait Monsieur Y..., qui ne produit lui-même que des attestations d'anciens salariés ou obligés de SAPPEL (E..., K... F..., G...), de douter de la sincérité ou de l'objectivité de ces témoignages bien qu'émanant de subordonnés de l'appelante, à fortiori de l'attestation de Monsieur B..., dont le contenu est conforté par le mail que l'intimé a lui-même produit aux débats.
Il n'est pas non plus contesté par Monsieur Y... qu'il n'a pas établi le rapport que lui demandait Monsieur Z..., considérant dans ses écrits que cette demande ne reposait sur aucun élément tangible, les chiffres n'étant pas si mauvais, ou qu'il n'avait pas eu les moyens matériels de le faire rapidement, avant la réception de la lettre de convocation à l'entretien préalable du 27 septembre 2004, son service étant en effectif réduit ou son emploi du temps trop chargé, ce dont il ne justifie pas.
Cependant, il n'y avait à priori rien d'insurmontable pour un cadre dirigeant (dans l'organigramme de SAPPEL Monsieur Y... apparaît comme membre de la direction commerciale au même titre que le directeur France) supposé bien connaître son service d'établir rapidement, si ce n'est un plan de sauvetage précis, du moins un document, même sommaire, résumant l'activité de ce service et précisant ses perspectives pour l'avenir, et l'absence de tout écrit quelconque, rapportée à son attitude particulière manifestée lors des réunions, telle que décrite par ses collègues de travail, donne plutôt à penser que l'intimé ne se sentait pas concerné par la demande de son employeur, qui était pourtant en droit d'exiger, dans le cadre de son pouvoir de direction, qu'un de ses employés lui rende compte de son travail, surtout que, selon le profil de poste élaboré par SAPPEL et que l'intimé avait signé, le responsable du service export était tenu de faire la synthèse réaliste des prévisions de vente pour l'exportation, d'élaborer et de surveiller les budgets et de rendre compte au Directeur Général.
Il est relevé que la demande n'avait en soi rien d'exceptionnel, puisque déjà le 21 juin 2004, Monsieur Z... avait demandé par mail à Monsieur Y... de « réfléchir à un plan d'action pour mettre le service export sur le droit chemin », et de préparer pour début juillet non pas « un long laïus » mais un certain nombre d'actions assorties de dates butoirs, devant servir de base au budget 2005 et d'un plan à plus long terme.
Suite à cette demande, l'intimé avait sollicité, du moins une personne de son service se trouvant sous son autorité, Madame H..., comme il en justifie lui-même, chaque responsable de zone début juillet 2004 pour obtenir des prévisions de vente précises en termes de quantités / produit / pays et prix de vente pour 2005.
Monsieur Y... était donc déjà en possession d'éléments chiffrés lui permettant, si ce n'est pour fin 2004, du moins pour l'année à venir, d'exposer à son employeur les perspectives de vente à l'export, voire de proposer des plans d'actions pour améliorer ces perspectives.
Il résulte par ailleurs de l'attestation de Monsieur I..., directeur financier, qu'il avait préparé un fichier excel permettant l'établissement d'un tel budget export par pays pour 2005, mais que la veille de la présentation de ce budget, il avait du renvoyer son fichier à Monsieur Y..., qui ne le retrouvait plus, ce que cet employé a qualifié de manque de rigueur et non professionnalisme permanent et qui est pour le moins symptomatique à nouveau de son attitude au travail.
En définitive, l'absence de toute réponse de Monsieur Y... à la légitime demande de l'employeur, constituait bien en soi un acte d'insubordination et par là même une cause réelle et sérieuse pour son licenciement.
Cet acte pouvait en outre être qualifié de faute grave dans la mesure où il était incontestablement de nature à altérer la relation de confiance devant exister entre un employeur et son salarié, à fortiori chargé de responsabilités aussi importantes que Monsieur Y..., puisque le chiffre d'affaires de la société dépendait en grande partie de la réussite des ventes à l'exportation, de sorte qu'il rendait impossible le maintien du lien contractuel même durant le préavis.
S'agissant du deuxième motif du licenciement, les nombreuses insuffisances professionnelles de Monsieur Y..., force est de relever, à titre surabondant, que plusieurs des faits rapportés par la société SAPPEL ont été justifiés par elle, à savoir entre autres :-la baisse constante du prévisionnel de chiffre d'affaires pour l'année 2004, à savoir des chiffres avancés par Monsieur Y... lui-même comme résultat de son service, que ne peut expliquer à lui seul le fait avancé par l'intimé que les chiffres auraient été volontairement surestimés pour coller à un objectif de rentabilité fixé par la direction (attestation de Monsieur E..., ancien directeur financier jusqu'en décembre 2003 et attestation de Monsieur K... F..., démenties par l'attestation de Monsieur J...directeur commercial France) ;-la faiblesse des prises de commande à fin 2004, inférieures de 42 % à l'objectif de l'année et même de 77 % pour la zone dévolue à Monsieur G... (que ne peuvent certainement expliquer à eux seuls des problèmes de prix ou de qualité ou des problèmes conjoncturels – attestation de Monsieur K... F...) ;-le fichier excel de Monsieur I...égaré ;-le manque de pertinence des prévisions 2005 (attestation D...)-les résultats décevants de la filiale brésilienne (attestations L... et I...) ;-le mauvais suivi de la clientèle à La Réunion (attestation J...) ;-l'attitude négative vis-à-vis des personnels techniques et de la logistique (attestation D...).

Ainsi, ce deuxième motif était lui-même amplement démontré, même s'il n'est pas nécessaire de le retenir pour la solution du litige, étant précisé que s'il est concevable que durant un temps Monsieur Y... ait au du mal à concilier ses activités au BRESIL avec son poste en France, auquel il n'a pas pour autant renoncé, l'intimé disposait apparemment de suffisamment de moyens (renfort de son équipe), puis de temps après son retour définitif en France pour suivre son service et améliorer ses performances.
La cause réelle et sérieuse et même la faute grave ayant été retenues, il convient d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de débouter Monsieur Y... de toutes ses prétentions.
L'intimé, qui succombe, gardera la charge des entiers dépens de première instance et d'appel et il n'est pas inéquitable d'accorder à la SAS SAPPEL une somme de 1500 euros pour ses frais non répétibles engagé pour ces deux instances.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,
DECLARE l'appel régulier et recevable ;
Au fond,
INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
DIT que le licenciement de Monsieur Yves Y... reposait sur une cause réelle et sérieuse constitutive d'une faute grave ;
DEBOUTE Monsieur Y... de l'ensemble de ses fins et prétentions ;
CONDAMNE Monsieur Yves Y... aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
LE CONDAMNE à payer à la SAS SAPPEL la somme de 1. 500 euros (mille cinq cent euros) par application de l'article 700 du NCPC pour les deux instances.
Et le présent arrêt a été signé par Mme RASTEGAR, Président et Mlle FRIEH, greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de colmar
Formation : Ct0179
Numéro d'arrêt : 06/02471
Date de la décision : 29/11/2007

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes d'Altkirch, 25 avril 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.colmar;arret;2007-11-29;06.02471 ?
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