Copie exécutoire à
-Me Claude LEVY
-Me Anne-Marie BOUCON
COUR D'APPEL DE COLMAR PREMIERE CHAMBRE CIVILE-SECTION B
ARRET DU 20 Juin 2007
Numéro d'inscription au répertoire général : 1 B 06 / 01315
Décision déférée à la Cour : 17 Février 2006 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE A COMPETENCE COMMERCIALE DE STRASBOURG
APPELANTE-INTIMEE INCIDENTE :
SARL KDV FRANCE 101 rue des Jardins 67350 UHRWILLER
représentée par Me Claude LEVY, avocat à la Cour
INTIME-APPELANT INCIDENT :
Monsieur Caesar Y...... 76437 RASTATT (ALLEMAGNE)
représenté par Me Anne-Marie BOUCON, avocat à la Cour
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Mai 2007, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. LITIQUE, Président de Chambre, entendu en son rapport, et M. CUENOT, Conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M. LITIQUE, Président de Chambre M. CUENOT, Conseiller M. ALLARD, Conseiller qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme MUNCH-SCHEBACHER
ARRET :-Contradictoire-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile.-signé par M. Jean-Marie LITIQUE, président et Mme Corinne ARMSPACH-SENGLE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La SARL KDV FRANCE ELECTRICITE (ci-après dénommée la société), dont le premier gérant a été M. A..., a été créée entre la société allemande KDV GMBH (ayant pour deux associés M. B...et M. C...), selon statuts signés le 6 juin 2003 et enregistrés le 11 juin 2003 à la Recette Principale des Impôts de HAGUENAU, aux termes desquels, dans l'article 30, il était prévu la reprise des engagements antérieurs annexés aux statuts, à savoir les baux commerciaux et l'ouverture et le fonctionnement d'un compte bancaire, procuration étant en outre donnée à M. A..., jusqu'à immatriculation de la société, de conclure les contrats commerciaux nécessaires à l'activité de la société, d'acquérir des équipements et des véhicules en propriété ou crédit-bail ou en longue durée et de conclure des contrats de travail.
En l'absence de date d'immatriculation sur l'extrait Kbis, il est admis par les parties que cette société a été immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de STRASBOURG à la date du 5 août 2003.
Selon ordre de virement du 17 juin 2003 donné à sa banque, la SPARKASSE de KARLSRUHE, M. Caesar Y...virait un montant de 30. 000 euros sur le compte ouvert par la société à la Caisse d'Epargne de SAVERNE, l'ordre de virement indiquant pour objet : " prêt pour achat de matériel et paiement des salaires et traitements de KDV FRANCE ".
Ce montant devait faire l'objet d'une inscription en compte courant d'associé à hauteur de 22. 000 euros, le restant de 8. 000 euros étant enregistré au titre de l'apport de la société KDV GMBH dont le chèque initial était revenu impayé le 3 juillet 2003.
Après avoir en vain par l'intermédiaire d'un avocat allemand tenté d'obtenir le remboursement de son prêt, M. Y...mettait en demeure la société par lettre recommandée de son conseil du 1er décembre 2003 (accusé réception 3décembre 2003), laquelle répondait le jour même, sous la plume de son gérant, qu'elle avait bien reçu le virement de 30. 000 euros de M. Y..., " mais agissant pour le compte de KDV GMBH ", qu'elle n'avait jamais eu aucun rapport d'affaires avec M. Y...et que l'action était donc à diligenter contre la société allemande KDV GMBH.
Selon lettre recommandée avec accusé de réception de son avocat allemand en date du 20 octobre 2003, M. Y...procédait alors à la résiliation du prêt, mettant en demeure la société de le rembourser au plus tard le 31 janvier 2004.
S'étant heurté à un refus, c'est dans ces conditions qu'il saisissait, selon assignation du 13 janvier 2004, le Tribunal de Grande Instance de STRASBOURG (Chambre Commerciale) d'une demande tendant à la condamnation de la SARL KDV FRANCE au paiement, avec exécution provisoire, outre les dépens et 3. 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, du montant de 30. 000 euros avec les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 1er décembre 2003.
De son côté, la société KDV FRANCE concluait au rejet de la demande en soutenant essentiellement qu'elle n'avait jamais eu de rapport contractuel avec M. Y....
Par jugement du 17 février 2006, la juridiction saisie, considérant que :
-M. Y...justifiait de la réalité du prêt consenti à la société française avec le gérant de laquelle il avait déjà été convenu une avance de 3. 600 euros pour les salaires de juin et du matériel, celle-ci correspondait à l'objet de son prêt ultérieur, alors que la défenderesse ne justifiait d'aucune façon que l'argent aurait été prêté par lui à la société KDV GMBH et non directement à elle-même, a fait droit à la demande en statuant comme suit :
" CONDAMNE la SARL KDV FRANCE à payer à M. Caesar Y...la somme de 30. 000 euros (trente mille euros), avec les intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 2003 ; ORDONNE l'exécution provisoire du présent jugement ; CONDAMNE la SARL KDV FRANCE aux entiers dépens ; CONDAMNE la SARL KDV FRANCE à payer à M. Caesar Y...la somme de 1. 200 euros (mille deux cents euros) en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. "
A l'encontre de ce jugement la SARL KDV FRANCE a interjeté appel par déclaration déposée le 6 mars 2006 au Greffe de la Cour.
Se référant à ses derniers écrits du 11 décembre 2006, elle conclut à l'infirmation du jugement entrepris, au débouté de l'intimé de l'intégralité de ses prétentions et à sa condamnation au paiement, outre les dépens, d'un montant de 2. 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, en faisant valoir pour l'essentiel que :
-le virement de 30. 000 euros effectué par l'intimé sur le compte de la société a toujours été comptabilisé dans ses livres au nom de son associée, la société KDV GMBH.
-M. Y...n'a jamais apporté un acompte de 3. 600 euros, le document émanant de M. A...n'étant qu'un simple projet d'attestation et le montant de 3. 600 euros n'ayant jamais été comptabilisé comme entrée de fonds dans les pièces de la société.
-un autre projet d'acte de prêt avait été mis en place selon un modèle déjà signé par M. B...et dont M. Y...était le destinataire, confirmant bien ses rapports exclusifs entre KDV GMBH, M. B...et ce dernier.
-l'engagement imputé à tort à la société KDV FRANCE par les premiers juges a été contracté alors qu'elle était en cours de formation, un tel engagement n'ayant pas été repris par l'appelante lors de son immatriculation.
Se référant à ses derniers écrits du 9 octobre 2006, M. Caesar Y...conclut à la confirmation du jugement, sur appel incident à la condamnation de l'appelante au paiement d'un montant complémentaire de 3. 600 euros réglés au titre de l'acompte des salaires du mois de juin ainsi que d'une partie du matériel avec les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 1er décembre 2003 et à la condamnation de l'appelante au paiement, outre les dépens, d'un montant de 3. 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, en soutenant en substance que :
-il a bien prêté à la société française le montant de 30. 000 euros, après qu'il ait versé un acompte de 3. 600 euros à son gérant pour régler les acomptes des salaires du mois de juin ainsi que du matériel.
-le prêt verbal se manifeste par un virement international, MM. D...et B...s'étant présentés à lui comme fondés de pouvoir de la future société, jouissant donc à ses yeux d'un mandat apparent.
-la conclusion d'un tel prêt entre dans le champ d'application de la notion de contrat commercial.
-subsidiairement il entend fonder sa demande sur les règles de la répétition de l'indu.
-il a aussi réglé à l'appelante la somme complémentaire de 3. 600 euros à titre d'acomptes sur les salaires du mois du mois de juin et d'une partie du matériel. Il s'agit là d'une demande annexe et connexe à la demande initiale.
SUR QUOI LA COUR :
Vu la procédure, les pièces régulièrement versées aux débats et les écrits des parties auxquels il est référé pour plus ample exposé de leurs moyens et arguments :
L'appel interjeté dans des conditions de forme et de délai dont la validité n'est pas contestée est recevable.
A) Sur l'existence du prêt :
La charge de la preuve en incombe à M. Y....
Or, celui-ci fournit aux débats la preuve qu'il a versé directement, ce qui est reconnu par l'appelante, la somme litigieuse de 30. 000 euros par l'ordre de virement produit aux débats, sans que l'argent n'ait jamais transité préalablement par l'intermédiaire de la société de droit allemand KDV GMBH. De plus, ce document porte pour objet " prêt pour achat matériel et paiement salaires et traitements de KDV FRANCE ".
De même, comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, par son courrier du 21 novembre 2003 M. B..., pour indiquer que c'est sur la demande de KDV GMBH dont il est le gérant que M. Y...a procédé au virement concerné, n'indique pas pour autant que c'est sa société qui devait être le bénéficiaire initial des 30. 000 euros et qu'elle reconnaît en outre en être redevable envers M. Y...
De plus, les premiers juges ont à juste titre souligné que la répartition du montant de 30. 000 euros en 8. 000 euros " au titre de l'apport " 22. 000 euros " au titre du capital initial " ne correspond pas exactement à ce que prétend l'appelante qui, pour les 22. 000 euros, parle d'un apport en compte courant de la société mère allemande et alors surtout que, en vertu des statuts de l'appelante, à la date de leur signature le 6 juin 2003 les actions avaient déjà toutes été souscrites et libérées.
Enfin, l'intimé verse aux débats un courrier à en-tête de la société KDV FRANCE ELECTRICITE, " SARL en formation ", signé par elle et par M. Y..., au terme de laquelle M. A...son gérant reconnaissait avoir reçu de la part de M. Y...pour régler les acomptes des salaires du mois de juin ainsi que du matériel un acompte de 3. 600 euros, ce qui démontre à l'évidence l'existence de relations contractuelles entre l'appelante et l'intimé.
Dès lors, c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu l'existence d'un contrat de prêt liant les deux parties.
B) Sur la reprise de cet engagement par l'appelante :
Il est constant que le virement a eu lieu avant l'immatriculation de l'appelante au Registre du Commerce et des Sociétés à la date non contestée du 5 août 2003.
Or, et en application de l'article 30 du statut de l'appelante, le virement de 30. 000 euros sur le compte bancaire ouvert par la société en cours de formation concernait bien le fonctionnement dudit compte et, à ce titre, faisait partie des engagements repris par la société immatriculée.
En toute hypothèse, et alors que mandat avait été donné à M. A...jusqu'à l'immatriculation de la société pour conclure des contrats commerciaux nécessaires à l'activité de l'entreprise, la conclusion d'un contrat de prêt pour le lancement de cette société, et tout particulièrement pour le paiement des premiers salaires, des charges sociales et de l'acquisition du matériel destiné à lui permettre le démarrage de son activité entrait bien dans le champ d'application de cette notion de contrat commercial.
En conséquence, et contrairement à ce que soutient l'appelante, elle a, lors de son immatriculation, repris à son compte le prêt que lui avait consenti M. Y....
C) Conséquences :
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a, constatant la déchéance du prêt, condamné l'appelante à verser à l'intimé la somme de 30. 000 euros en remboursement du contrat de prêt accordé.
De même, le courrier signé des deux parties à en-tête de la société KDV FRANCE ELECTRICITE et portant l'intitulé " acompte " établit la reconnaissance par l'appelante du versement par l'intimé de cette somme pour régler " les acomptes des salaires du mois de juin ainsi que du matériel de 3. 600 euros ".
Cette demande, pour être nouvelle, n'en est pas moins recevable dès lors qu'elle se rattache par des liens étroits avec la demande initiale, s'agissant dans les deux cas de sommes prêtées directement par M. Y...à la société appelante pour son démarrage.
En conséquence, il y a lieu de condamner l'appelante à payer à l'intimé le montant de 3. 600 euros. Les intérêts légaux sur cette somme cependant ne sont dus qu'à compter du 9 octobre 2006, date des conclusions de l'intimé, dès lors que ce montant n'était pas visé dans la lettre de mise en demeure du 1er décembre 2003.
D) Pour le surplus :
L'appelante succombant supportera les dépens d'appel et sa demande au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ne saurait prospérer.
En outre, l'équité commande de la faire participer à concurrence de 1. 500 euros aux frais irrépétibles d'appel qu'a dû exposer l'intimé.
Par ces motifs
LA COUR,
DECLARE l'appel régulier et recevable en la forme
Au fond, le DIT mal fondé et le REJETTE
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions
Y ajoutant, CONDAMNE la SARL KDV FRANCE à payer à M. Caesar Y...le montant de 3. 600 euros (trois mille six cents euros) avec les intérêts au taux légal à compter du 9 octobre 2006
DEBOUTE l'appelante de l'intégralité de ses prétentions
La CONDAMNE aux dépens d'appel
La CONDAMNE en outre à payer à l'intimé un montant de 1. 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile pour l'instance d'appel.