PA/CAS
Copie(s) exécutoire(s) à :
Me Frédérique DUBOIS
la SCP G. et T. CAHN - D.S. BERGMANN
le 06.02.2007
Le Greffier RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE 1 A
R.G. No : 06/00414
Minute No : 1M 97/2007
ORDONNANCE du 06 FEVRIER 2007
dans l'affaire entre :
APPELANTE :
Société CLIPSO AG
Lindenmann Treuhand Delsbergerallee 38
CH - 4053 BASEL (SUISSE)
représentée par Me Frédérique DUBOIS, avocat à la cour
INTIMES :
SARL TILT
4 rue de Lingolsheim
67201 ECKBOLSHEIM
Monsieur Hacene X...
...
67201 ECKBOLSHEIM
représenté par la SCP G. et T. CAHN - D.S. BERGMANN, avocats à la cour
Nous, Philippe ALLARD, Conseiller de la cour d'appel de Colmar, chargé de la mise en état,
Après avoir entendu les conseils des parties en leurs explications à l'audience du 30 Janvier 2007 et en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu le jugement rendu le 13 décembre 2005 par le Tribunal de grande instance de Colmar dans une instance opposant la société TILT et M. X... d'une part à la société 3 POINTS et à la société de droit suisse CLIPSO d'autre part,
Vu la déclaration d'appel faite le 16 janvier 2006 par la société CLIPSO,
Attendu que selon requête déposée le 20 septembre 2006, la société TILT et M. X... nous demandent, au visa de l'article 526 du nouveau code de procédure civile, d'ordonner la radiation de l'instance au motif que la décision déférée n'est pas exécutée, quoiqu'elle ait été assortie de l'exécution provisoire ;
Attendu que la société CLIPSO soulève l'illégalité de l'article 47 II du décret no 2005-1678 du 28 décembre 2005 en faisant valoir en substance :
- que le gouvernement a excédé ses pouvoirs au mépris des articles 34 et 37 de la constitution en portant atteinte au droit d'appel,
- que l'article 526 du nouveau code de procédure civile heurte le principe constitutionnel d'égalité devant la justice,
- que ce texte heurte l'article 6-1 de la Convention européenne des Droits de l'homme ;
que très subsidiairement, la société CLIPSO conclut au rejet de la requête en soulignant que sa situation financière ne lui permet pas de s'acquitter des clauses du jugement et en dénonçant les risques d'insolvabilité des intimés ;
Attendu que le 13 décembre 2005, le Tribunal de grande instance de Colmar, tenant les sociétés 3 POINTS et CLIPSO responsables de la violation d'un contrat de licence et de distribution exclusive, a condamné celles-ci à régler diverses indemnités à la société TILT et à M. X... et ordonné l'exécution provisoire de sa décision ;
Attendu que l'article 526 du nouveau code de procédure civile, dans sa rédaction résultant du décret no 2005-1678 du 28 décembre 2005, confère au conseiller de la mise en état, lorsque l'exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le pouvoir de "décider, à la demande de l'intimé et après avoir recueilli les observations es parties, la radiation du rôle de l'affaire lorsque l'appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d'appel ou avoir procéder à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l'article 521, à moins qu'il lui apparaisse que l'exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l'appelant est dans l'impossibilité d'exécution la décision" ;
Attendu qu'en vertu du principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires, il n'entre pas dans les pouvoirs du conseiller de la mise en état de contrôler la constitutionnalité d'une disposition de nature réglementaire et de l'annuler ;
Attendu, par contre, que le principe de la suprématie des traités sur la loi posé par l'article 55 de la Constitution nous impose de vérifier si, comme le soutient l'appelante, l'article 526 du nouveau code de procédure civile est conforme à l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'homme qui consacre le droit à un procès équitable ;
Attendu que la radiation du rôle n'a aucun caractère automatique puisque cette sanction est écartée lorsqu'il apparaît au conseiller de mise en état "que l'exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l'appelant est dans l'impossibilité d'exécution la décision" ; que ce texte ne prive pas l'appelant impécunieux d'un accès effectif à la juridiction d'appel et ne créée pas une discrimination entre plaideurs en fonction de leurs fortunes respectives ; qu'il n'existe aucune disproportion entre l'entrave dénoncée par la société CLIPSO et le souci légitime du législateur d'assurer la protection du créancier et d'éviter les appels dilatoires ;
Attendu qu'aucune violation la Convention européenne des Droits de l'homme n'est caractérisée ;
Attendu que l'article 526 du nouveau code de procédure civile ayant expressément été déclaré applicable aux procédures en cours par l'article 87 du décret no 2005-1678, la circonstance que le jugement litigieux ait été rendu antérieurement à la publication de ce décret et que les premiers juges n'aient "pu intégrer les conséquences liées à une éventuelle radiation" n'est pas un motif légitime pour écarter l'application de cette disposition ;
Attendu qu'il résulte des pièces comptables produites que la société CLIPSO a réalisé au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2005 un chiffre d'affaires de 978.229,80 CHF soit 605.000 € environ, en augmentation de plus de 200.000 CHF par rapport à l'exercice précédent ; que le résultat d'exploitation s'est avéré déficitaire de 49.930 CFF (30.000 € environ) ; que les pertes de 405.289,15 CHF (soit 250.000 €), mises en exergue par l'appelante pour justifier l'inexécution du jugement déféré, résultent de la mise en compte de charges extraordinaires et exceptionnelles d'un montant de 355.358,62 CHF sur lesquelles elle ne fournit aucune explication ; qu'en égard au montant modique des indemnités mises à sa charge (moins de 45.000 €) par rapport à son chiffre d'affaires, il n'apparaît pas que la société CLIPSO serait dans l'impossibilité d'exécuter la décision, ni même que son exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ;
Attendu, s'agissant de la fragilité financière supposée des intimés, qu'il sera noté que l'article 523 du nouveau code de procédure civile donne compétence au conseiller de la mise en état pour prendre les mesures prévues aux articles 517 à 522, notamment pour donner l'autorisation de consigner ;
PAR CES MOTIFS :
Vu l'article 526 du nouveau code de procédure civile,
Ordonnons la radiation du rôle de l'affaire ;
Disons que les dépens de l'incident suivront ceux du fond.
Fait à COLMAR, le 6 février 2007
Le Conseiller de la mise en état,