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01/02/2007 | FRANCE | N°05/00852

France | France, Cour d'appel de colmar, Chambre civile 2, 01 février 2007, 05/00852


DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE Section A

MINUTE No 114 / 2007
Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A 05 / 00852

Copies exécutoires à :
Maîtres D'AMBRA, BOUCON et LITOU-WOLFF

Maître SENGELEN-CHIODETTI
Le 1er février 2007
COUR D'APPEL DE COLMAR
ARRET DU 01 février 2007
Décision déférée à la Cour : ordonnance sur requête en matière d'exequatur du 01 février 2005 du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de STRASBOURG
APPELANTE et requérante :
L'A. O. K. CAISSE D'ASSURANCE MALADIE prise en la personne de son représentant légal a

yant son siège social Kolpingstrasse 2 77656 OFFENBURG (ALLEMAGNE)

représentée par Maîtres D'AMBRA, BOUCON et...

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE Section A

MINUTE No 114 / 2007
Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A 05 / 00852

Copies exécutoires à :
Maîtres D'AMBRA, BOUCON et LITOU-WOLFF

Maître SENGELEN-CHIODETTI
Le 1er février 2007
COUR D'APPEL DE COLMAR
ARRET DU 01 février 2007
Décision déférée à la Cour : ordonnance sur requête en matière d'exequatur du 01 février 2005 du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de STRASBOURG
APPELANTE et requérante :
L'A. O. K. CAISSE D'ASSURANCE MALADIE prise en la personne de son représentant légal ayant son siège social Kolpingstrasse 2 77656 OFFENBURG (ALLEMAGNE)

représentée par Maîtres D'AMBRA, BOUCON et LITOU-WOLFF, avocats à COLMAR plaidant : Maître DEVOUCOUX, avocat à STRASBOURG

INTIME et requis :
Monsieur Claude Z... demeurant... 67300 SCHILTIGHEIM

représenté par Maître TASSEL-BENCHABANE, substituant Maître SENGELEN-CHIODETTI, avocats à COLMAR (aide juridictionnelle partielle (40 %) no 2005 / 1941 du 13 / 06 / 2005)

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 26 octobre 2006, en audience publique, devant la Cour composée de :
Michel WERL, Président de Chambre Christine MITTELBERGER, Conseiller Martine CONTE, Conseiller qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : François DOLLE
ARRET :
-Contradictoire-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile.-signé par Michel WERL, Président et Nathalie NEFF, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Ouï Michel WERL, Président de Chambre en son rapport,
Par ordonnance prononcée le 1er février 2005, le Juge chargé du service des exequatur au Tribunal de grande instance de STRASBOURG a déclaré mal fondée la requête en exequatur d'un jugement rendu le 22 octobre 1999 par l'Oberlandesgericht de KARLSRUHE (ALLEMAGNE) ainsi que de l'ordonnance de taxation de frais du 27 janvier 2000 rendue par le Landgericht d'OFFENBURG, ces décisions portant condamnation de Monsieur Z..., domicilié à SCHILTIGHEIM, au paiement d'une somme de 21. 788,14 D. M. et de 6. 571,50 D. M. à la CAISSE D'ASSURANCE MALADIE A. O. K..
Cette décision a été rendue au motif que la Convention de BRUXELLES du 27 septembre 1968 excluait expressément de son champ d'application les décisions concernant la matière de la Sécurité Sociale.
Par déclaration reçue le 15 février 2005 au greffe de la Cour, l'A. O. K. a interjeté appel contre cette ordonnance dans des conditions de recevabilité qui apparaissent régulières en la forme.
Par ses dernières conclusions du 12 décembre 2005, l'A. O. K. demande à la Cour d'infirmer l'ordonnance entreprise et, statuant à nouveau, d'autoriser l'exécution en FRANCE du jugement par défaut rendu par la Cour d'Appel de KARLSRUHE le 22 octobre 1999 et de l'ordonnance de taxation des frais rendue le 27 janvier 2000 par le Tribunal de grande instance d'OFFENBURG, de condamner Monsieur Z... aux dépens ainsi qu'à lui payer 1. 000 € au titre des frais irrépétibles. Au soutien de cet appel, l'A. O. K. fait valoir que :
-le fondement juridique de la décision rendue par la Cour d'Appel de KARLSRUHE le 22 octobre 1999 est celui de la responsabilité délictuelle de Monsieur Z..., qui a été condamné à des dommages et intérêts, en sa qualité de gérant de la société DEUFRA BAU Gmbh, pour ne pas avoir veillé au règlement par ses salariés des cotisations sociales pour un exercice considéré (novembre 1994),
-cette action et le fondement juridique de la condamnation ne relèvent pas de la matière de " la Sécurité Sociale " au sens de l'article 1 de la Convention de BRUXELLES du 27 septembre 1968, cette notion devant s'entendre, selon l'interprétation donnée à un arrêt de la C. J. C. E. du 14 novembre 2002 (arrêt Y...), aux litiges relatifs à l'octroi des prestations sociales, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
La Convention de BRUXELLES est donc applicable à l'exécution de l'arrêt du 22 octobre 1999 de la Cour d'Appel de KARLSRUHE comme à l'ordonnance de taxation des frais du 27 janvier 2000, l'A. O. K. n'ayant pas à produire le jugement de première instance dont l'exécution n'est pas sollicitée. L'A. O. K. rappelle également, en réplique aux conclusions de Monsieur Z..., que le Juge saisi d'une demande d'exequatur n'a pas à apprécier le bien fondé de la décision étrangère, ce qui exclut toute justification quant à la date du point de départ des intérêts qui a été retenue par cette décision, comme aux montants des condamnations.
Par ses dernières conclusions du 15 mai 2006, Monsieur Z... demande à la Cour de rejeter l'appel, de confirmer l'ordonnance entreprise et de condamner l'A. O. K. aux frais et dépens ainsi qu'à lui payer 1. 500 € au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.
Monsieur Z... soutient que l'A. O. K. cherche à entretenir la confusion entre dommages et intérêts et rappels de prestations de cotisations sociales, la somme réclamée par l'A. O. K. correspondant exactement au montant total des cotisations sociales restant dues, augmenté des intérêts de 4 %. L'intimé relève que l'A. O. K. se garde de produire ses conclusions initiales devant la juridiction allemande, lesquelles permettraient de vérifier le fondement juridique de son action, la condamnation de Monsieur Z... ayant été prononcée au seul vu d'un bordereau des cotisations sociales réclamées par l'A. O. K..
Vu l'ordonnance de clôture du 20 juin 2006 ;
Vu les conclusions susvisées, l'ensemble de la procédure et les pièces produites par les parties ;
EN CET ETAT :
Attendu que les dispositions applicables au litige sont celles de la Convention de BRUXELLES du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, les décisions dont la reconnaissance et l'exécution sont sollicitées ayant été rendues avant la date d'entrée en vigueur du règlement C. E. du 22 décembre 2000 révisant la convention susvisée ;
Attendu qu'il n'est en l'espèce pas contesté que les décisions en cause, soit l'arrêt de l'Oberlandesgericht de KARLSRUHE (ALLEMAGNE) prononcé par défaut le 22 octobre 1999 et l'ordonnance de taxation des frais rendue le 27 janvier 2000, par le Landgericht d'OFFENBURG et notifiée le 28 janvier 2000 sont exécutoires, l'arrêt susvisé, exécutoire par provision, ayant été notifié le 29 octobre 1999 à Monsieur Z... qui n'a formé aucun recours contre cette décision ; qu'il n'est également pas discuté que Monsieur Z... avait été régulièrement assigné le 16 septembre 1999 pour comparaître à l'audience du 22 octobre 1999 de la Cour d'Appel de KARLSRUHE, et qu'il disposait ainsi du temps utile pour pouvoir se défendre ; qu'enfin l'arrêt à exécuter, complété par la motivation complète développée par cette Cour dans sa décision du 2 novembre 2004 à la demande de l'A. O. K., conformément aux dispositions du Code de procédure civile allemand, ne révèle aucune contrariété avec l'ordre public national ; que le seul point discuté est d'apprécier si la matière en litige devant la Cour de KARLSRUHE entre dans le champ d'application de la Convention de BRUXELLES du 27 septembre 1968 ;
Attendu qu'aux termes de l'article 1er de cette convention :
" La présente convention s'applique en matière civile et commerciale et quelle que soit la nature de la juridiction. Elle ne recouvre notamment pas les matières fiscales, douanières et administratives.
Sont exclus de son application :... 3. La Sécurité Sociale " ;
Attendu en l'espèce qu'il ressort des pièces produites au dossier et notamment de l'arrêt de la Cour d'Appel de KARLSRUHE du 22octobre 1999 complété par sa motivation, que l'A. O. K. a introduit une action en responsabilité à l'encontre de Monsieur Z..., ancien gérant de la Sàrl DEUFRA, sise à KEHL (ALLEMAGNE) en raison de sa carence, pour n'avoir pas prélevé et reversé à l'A. O. K. la quote part salariale des cotisations sociales dues pour l'année 1994 ; que l'A. O. K., entité chargée du recouvrement des cotisations sociales, demandait donc la condamnation de Monsieur Z..., du fait de ce manquement à ses obligations, au paiement de dommages et intérêts dont le montant correspondait à celui des cotisations non versées ; que la responsabilité de Monsieur Z... recherchée par l'A. O. K. a été reconnue par la Cour d'Appel de KARLSRUHE sur le fondement des articles 823, alinéa 2 du Code civil et 266 a, alinéa 1 du Code pénal, lesquels disposent :
art. 823 du Code civil : " obligation de réparation. (1) Celui qui, par préméditation ou par négligence, porte atteinte de façon illicite à la vie, à l'intégrité physique, à la santé, à la liberté ou à la propriété, ou à tout autre droit d'autrui, lui doit réparation du préjudice ainsi subi. (2) La même obligation de réparation pèse sur celui qui viole une loi visant à protéger autrui. Dans l'hypothèse où les termes de la loi admettent également l'existence d'une atteinte en l'absence de faute, l'obligation de réparer ne joue que s'il y a faute ".

art. 266 a, alinéa 1 du Code pénal allemand " Celui qui, en sa qualité d'employeur, soustrait à l'organisme de recouvrement compétent les cotisations sociales dues par le salariés, y compris celles dues au titre des mesures incitatives à l'emploi, et ce indépendamment du fait qu'une rémunération soit payée, est passible d'une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à cinq ans ou d'une amende ".

Attendu qu'il se déduit de ce qui précède que l'A. O. K. a engagé contre Monsieur Z... une action en responsabilité délictuelle aux fins d'obtenir, en réparation de son préjudice, des dommages et intérêts, et que le juge allemand a fait droit à cette demande ; que l'A. O. K. tire de ce constat, en se référant à l'arrêt de la Cour de Justice des Communautés Européennes du 14 novembre 2002 (arrêt Y...) que la décision de la Cour d'Appel de KARLSRUHE, dès lors qu'elle porte sur une demande de dommages et intérêts, ne relève pas de la matière de la Sécurité Sociale au sens de la Convention de BRUXELLES ;
Attendu cependant qu'il ressort des termes de l'arrêt " Y... " que la C. J. C. E. a dit pour droit que l'article 1er premier alinéa de la Convention de BRUXELLES du 27 septembre 1998 :
« doit être interprété en ce sens que la notion de matière civile englobe une action récursoire par laquelle un organisme public poursuit auprès d'une personne de droit privé le recouvrement de sommes qu'il a versées à titre d'aide sociale au conjoint divorcé et à l'enfant de cette personne, pour autant que le fondement et les modalités d'exercice de cette action sont régis par les règles du droit commun en matière d'obligation alimentaire. Dès lors que l'action récursoire est fondée sur des dispositions par lesquelles le législateur a conféré à l'organisme public une prérogative propre, ladite action ne peut pas être considérée comme relevant de la matière civile » ;
Attendu qu'en l'espèce l'A. O. K. n'a pas agi contre un tiers débiteur d'une obligation alimentaire à l'égard de son épouse et de son enfant, mais contre Monsieur Z... en sa qualité d'employeur, tenu de verser à l'A. O. K., organisme de recouvrement compétent, les cotisations sociales salariales, le manquement à cette obligation résultant de la compétence conférée à l'A. O. K. pour recouvrer lesdites cotisations, étant spécifiquement incriminé par l'article 266 a sus-rappelé et servant de fondement à l'action en responsabilité engagée au visa de l'article 823 (2) du Code civil allemand, laquelle tendait à obtenir la condamnation de Monsieur Z... à payer le montant correspondant très exactement aux cotisations dues ;
Il apparaît, dans ces conditions, que l'action introduite contre Monsieur Z... et les décisions prises à la suite de cette action ne relèvent pas de la matière civile, mais de celle de la Sécurité Sociale qui n'est pas réservée au seul contentieux de l'octroi des prestations sociales comme le soutient l'A. O. K., mais aux actions qui trouvent leur fondement sur des dispositions conférant à cet organisme une prérogative propre, soit, comme en l'espèce, le recouvrement auprès de l'employeur des cotisations sociales des salariés ;
Attendu, dès lors, que l'ordonnance entreprise sera confirmée ;
Attendu que l'issue du litige conduit à dire que l'A. O. K. supportera les entiers dépens de l'instance d'appel ; que l'équité ne commande pas, en revanche, l'application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile en faveur de Monsieur Z... ;
PAR CES MOTIFS = = = = = = = = = = = = = = = =

DÉCLARE l'appel recevable mais mal fondé,
Le REJETTE,
CONFIRME l'ordonnance entreprise,
CONDAMNE l'A. O. K. aux dépens de l'instance d'appel,
DIT qu'il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de colmar
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 05/00852
Date de la décision : 01/02/2007
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Strasbourg, 01 février 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.colmar;arret;2007-02-01;05.00852 ?
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