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20/06/2006 | FRANCE | N°JURITEXT000006950458

France | France, Cour d'appel de colmar, Chambre civile 1, 20 juin 2006, JURITEXT000006950458


MH/KJMINUTE No Copie exécutoire à- Me Valérie SPIESER- Me SCP G etamp; T CAHN - D.S. BERGMANNLe 20 JUIN 2006Le GreffierREPUBLIQUE FRANCAISEAU NOM DU PEUPLE FRANCAISCOUR D'APPEL DE COLMARPREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION AARRET DU 20 Juin 2006Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A 00/04380Décision déférée à la Cour : 13 Juillet 2000 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE STRASBOURG APPELANTE :SA IBR SES DIRIGEANTS LEGAUX 15 rue du Dôme - 67000 STRASBOURG Représentée par Me Valérie SPIESER, avocat à la Cour Avocat plaidant Me Armand MARX, avocat à STRASBOURG INTIMEES :

SA AUCHAN FRANCE VENANT AUX DROITS DE SASM SES DIRIGEANTS LEGAUX ...

MH/KJMINUTE No Copie exécutoire à- Me Valérie SPIESER- Me SCP G etamp; T CAHN - D.S. BERGMANNLe 20 JUIN 2006Le GreffierREPUBLIQUE FRANCAISEAU NOM DU PEUPLE FRANCAISCOUR D'APPEL DE COLMARPREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION AARRET DU 20 Juin 2006Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A 00/04380Décision déférée à la Cour : 13 Juillet 2000 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE STRASBOURG APPELANTE :SA IBR SES DIRIGEANTS LEGAUX 15 rue du Dôme - 67000 STRASBOURG Représentée par Me Valérie SPIESER, avocat à la Cour Avocat plaidant Me Armand MARX, avocat à STRASBOURG INTIMEES :SA AUCHAN FRANCE VENANT AUX DROITS DE SASM SES DIRIGEANTS LEGAUX 200 rue de la Recherche - 59650 VILLENEUVE D'ASQ Représentée par Me SCP G etamp; T CAHN - D.S. BERGMANN, avocat à la CourAvocat plaidant Me ALEXANDRE avocat à STRASBOURG SCI DU RIED, représenté par son liquidateur la SCP LAUREAU JEANNEROT, 26 rue Mademoiselle - 78000 VERSAILLES Représentée par Me Christine LAISSUE-STRAVOPODIS, avocat à la Cour COMPOSITION DE LA COUR :En application des dispositions des articles 786 et 910 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Mai 2006, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. HOFFBECK, Président de Chambre, et M. ALLARD, Conseiller, chargés du rapport.Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. HOFFBECK, Président de Chambre entendu en son rapport

M. CUENOT, Conseiller

M. ALLARD, Conseiller, qui en ont délibéré.Greffier, lors des débats : Mme MUNCH,ARRET :

- Contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile.

- signé par M. Michel HOFFBECK, président et Mme Christiane MUNCH, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Courant 1989, la SASM (Société Alsacienne de Supermarchés) a formé le projet d'implanter un supermarché sur le territoire de la Commune de Herrlisheim. Pour ce faire, elle est entrée en relation avec la SA IBR (société Immobilière du Bassin Rhénan).

Suivant délibération du 5 décembre 1989, le conseil municipal de la commune de Herrlisheim a adopté "le principe de la cession au profit de l'Immobilière du Bassin Rhénan (IBR) d'un lot d'environ 30 ha pour l'implantation d'un hypermarché et de ses annexes assorti d'un centre de loisirs aux conditions de son offre du 3 décembre 1989".

Les discussions et la mise en forme du projet se sont poursuivies au cours des mois suivants et par acte du 17 juillet 1992 a été créée, entre la SNC Breguet Urbanisme Commercial etamp; Cie et la SASM, une "SCI du Ried" dont l'objet était principalement d'acquérir et de vendre, exploiter ou louer après aménagement "des terrains nus, aménagés ou construits (...)sur un site d'environ 30 ha. situés sur la commune d'Herrlisheim".

Par lettre du 5 février 1993, la SASM a confirmé à la SA IBR "son souhait de vous voir obtenir pour le compte de la SCI du Ried, des promesses de vente concernant les différentes parcelles dont nous nous sommes entretenus et plus particulièrement celles propriétés de M. X... (no 179 à 182) et de M. Y... (no 52)", étant précisé que ces promesses devaient "s'entendre aux mêmes conditions de

réalisation et en particulier aux mêmes conditions suspensives que celles de la promesse consentie à notre SCI par la Municipalité de Herrlisheim...".

S'agissant de la rémunération de la SA IBR, il était proposé dans cette lettre :- sur la première partie une rémunération de 440.000 francs HT pour les 10 premiers hectares;- sur la seconde, une rémunération de 200.000 francs HT.

Le 29 septembre 1993, la SA IBR a établi et adressé à la SCI du Ried une note d'honoraires se référant expressément à la lettre du 5 février 1993, d'un montant de 759.040 francs TTC.

Par lettre du 3 novembre 1993, la SCI du Ried a répondu que cette note d'honoraires lui apparaissait "conforme pour ce qui est des montants aux engagements que nous avons pris et qui ont été confirmés par le courrier de M. Z... du 5 février 1993, à l'exception de la parcelle Y... qui n'est à ce jour pas maîtrisée. En revanche, cette rémunération ne sera due et réglée qu'à la suite de la réalisation de l'acte authentique ainsi que cela a été convenu entre nous (...) Cela est du reste conforme aux usages et à la loi en vigueur dans ce domaine."

A quoi, la SA IBR a fait valoir, par lettre du 8 novembre 1993, que "la parcelle Y... était parfaitement maîtrisée par la commune via un échange de terrains", qu'elle ne "contestait pas les usages et la loi en vigueur pour la rémunération", mais qu'au regard des contraintes spécifiques de ce dossier elle pensait "pouvoir espérer une provision pour frais à valoir sur honoraires couvrant nos démarches et frais d'intervention dès lors qu'elles sont et resteront répétitives jusqu'à réalisation (...)"

Aucune suite n'a été donnée à cette demande.

Au début de l'année 1994, la SASM a fait connaître qu'elle abandonnait le projet d'implantation d'un supermarché sur le

territoire de la commune de Herrlisheim.

Par acte signifié le 6 février 1995, la SA IBR a fait assigner la SASM à comparaître devant le tribunal de grande instance de Strasbourg pour obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 749.040 francs avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure, à titre principal, outre 59.300 francs à titre d'indemnité de procédure.

Par acte signifié le 28 octobre 1996, elle a formulé la même demande à l'encontre de la SCI du Ried.

Par ordonnance du 26 novembre 1997, la chambre civile du tribunal de grande instance de Strasbourg - saisie de la procédure dirigée à l'encontre de la SCI du Ried - a constaté le lien de connexité existant entre les deux procédures et a renvoyé la cause devant la chambre commerciale où elles ont été jointes.

Entre-temps, la SCI DU RIED a fait l'objet d'une dissolution amiable à compter du 22 novembre 1996.

Par jugement prononcé le 13 juillet 2000, le tribunal de grande instance de Strasbourg, chambre commerciale, a débouté la SA IBR de sa demande en paiement d'honoraires et les défenderesses de leur demande en dommages et intérêts. Elle a condamné la SA IBR aux dépens et au paiement de la somme de 5.000 francs par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Le tribunal a tout d'abord analysé les relations entre les parties comme un mandat d'agent d'affaires liant la SA IBR à la SCI du Ried , le mandat confié portant sur la négociation de promesses de vente à des conditions déterminées et moyennant une rémunération fixe de 640.000 francs HT.

Il a ensuite considéré que la SA IBR ne pouvait prétendre à cette rémunération dès lors que la demanderesse ne justifiait pas avoir accompli son mandat (maîtrise foncière de la parcelle Y...).

Le tribunal a en outre estimé que la SA IBR avait implicitement admis que la rémunération ne serait due et réglée qu'à la réalisation de l'acte authentique de vente des parcelles, mais a constaté que la demanderesse était revenue sur cette interprétation dans le cadre de la procédure "pour s'en tenir aux termes strict du mandat donné le 5 février 1993".

Suivant déclaration d'appel enregistrée au greffe le 25 août 2000, la SA IBR a interjeté appel de ce jugement.

Par un arrêt mixte du 16 juin 2003, la Cour d'appel de COLMAR a déclaré l'appel régulier et recevable en la forme. Au fond, elle a d'ores et déjà confirmé le jugement entrepris en ce que celui-ci a dit que la loi du 2 janvier 1970 n'était pas applicable au mandat litigieux.

Puis, sursoyant à statuer pour le surplus, elle a ordonné la réouverture des débats et la prise d'un renseignement officiel auprès du Maire de HERRLISHEIM, afin de savoir :

- si un accord avait été conclu, à la demande de la SA IBR, entre la commune de Herrlisheim et M. Y..., en vue d'un échange entre la parcelle no 52 dont ce dernier était propriétaire, et un autre terrain appartenant à la commune ;

- dans l'affirmative, la date à laquelle cet accord était intervenu et la forme sous laquelle il s'était matérialisé ;

- enfin, si ces modalités de régularisation était suffisantes pour qu'il en soit fait état dans le cadre du dépôt d'une demande d'implantation d'un Hypermarché devant la Commission Départementale d'équipement commercial.

Par ses dernières conclusions déposées le 20 mai 2005, la Société IBR a demandé à la Cour de :Vu l'arrêt avant-dire-droit du 10 juin 2003,Vu les conventions passées entre les parties,Vu l'article 1999 du Code Civil,Infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau,

- condamner la SCI du Ried à payer à la SA IBR la somme de 759.040 francs TTC, soit 115.714,90 Euros), avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception du 5 mai 1994 ;

- condamner la SA Auchan France venant aux droits de la SASM, prise en sa qualité d'associée à 50% de la SCI du Ried, à garantir la SA IBR à hauteur de la moitié des montants dus par la SCI du Ried, tant en principal qu'en intérêts et frais, si celle-ci s'avérait insolvable.Dans tous les cas :

- condamner la SCI du Ried aux entiers dépens et à payer à la SA IBR la somme de 3000 Euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Au soutien de son appel, la Société IBR a fait valoir :

- qu'en application de l'article 1999 du Code Civil, la concluante, qui a exécuté la mission qui lui avait été confiée, a droit à la rémunération convenue ;

- qu'en l'occurrence, la Société IBR avait intégralement rempli sa mission ;

- qu'en effet, elle avait obtenu une promesse directe de cession des terrains communaux, qui représentaient la majeure partie de l'assise foncière, au bénéfice de la SCI DU RIED, ainsi qu'une promesse de vente de la parcelle X... .

- que s'agissant de la parcelle Y..., s'il est constant qu'elle n'a fait l'objet d'aucune promesse de vente proprement dite, une telle promesse n'était pas nécessaire ; qu'en effet, la maîtrise foncière était acquise à la suite des interventions conjointes de la concluante et du maire de la commune de Herrlisheim ; que la preuve en résulte de la présentation du dossier d'implantation commerciale à la Commission Départementale de l'Urbanisme Commercial du Bas Rhin,

puisqu'en l'absence de maîtrise foncière sur la totalité des parcelles destinées à l'implantation de l'hypermarché, la demande de la SCI du Ried n'aurait pu qu'être déclarée irrecevable ;

- que si la note d'honoraires du 29 septembre 1993 ne vise pas expressément la maîtrise de la parcelle Y..., c'est parce que, contrairement aux autres parcelles, celle de Monsieur Y... n'avait fait l'objet d'aucune promesse de vente, sa maîtrise foncière résultant d'un échange de terrains ;

- qu'en tout état de cause, la mesure d'instruction diligentée par le tribunal a établi que même la parcelle Y... (d'une surface limitée) a été réalisée au plus tard en 1998, date de signature de l'acte d'échange avec la Commune de HERRLISHEIM, étant précisé qu à ce jour, la concluante n'a jamais été destinataire d'un quelconque écrit mettant fin à son mandat; que la Société IBR a par conséquent intégralement rempli sa mission ;

- que par lettre du 3 novembre 1993, la SCI DU RIED a reconnu que la note d'honoraires de la Société IBR est conforme aux engagements pris ;

- que si dans ce courrier, elle a rajouté curieusement une condition supplémentaire tenant à la régularisation de l'acte authentique, cette condition a été unilatéralement ajoutée après l'accord du 5 février 1993 et n'a jamais été acceptée, même implicitement, par la concluante SA IBR ; qu'il ne s'agissait pour elle que d'accepter un règlement échelonné dans le temps des honoraires dus ;

- que si aucun acte authentique n'a été réalisé, c'est tout simplement parce que le projet d'implantation du centre commercial à HERRLISHEIM a été suspendu, suite à la restructuration de la SACM, les nouveaux actionnaires ne souhaitant pas poursuivre le projet;

- que le projet n'a donc pas abouti parce que la SASM y a renoncé, et ce pour des raisons propres, qui sont sans incidence sur les droits

de la SA IBR ;

- qu'à partir du moment où elle a rempli sa mission et qu'aucune faute ne lui est imputable, la concluante a droit à la rémunération convenue.

S'agissant plus précisément de ses prétentions dirigées contre la SA AUCHAN France venant aux droits de la SACM, la société appelante a fait valoir :

- qu'il résulte tant des dispositions légales que de l'article 13 des statuts de la SCI DU RIED que les associés sont tenus au passif social sur tous leurs biens en proportion de leurs droits sociaux ;

- que la solvabilité de la SCI DU RIED étant sujette à caution, la SA AUCHAN France venant aux droits de la SACM devra au moins être condamnée à garantir la moitié de la note d'honoraires du 29 septembre 1997 ;

- que dans un premier temps, la Société IBR tentera d'obtenir de la SCI DU RIED, prise en sa qualité de mandant, les montants que la Cour pourrait lui attribuer ;

- qu'elle demande à ce que la SA AUCHAN France garantisse les montants susceptibles de luis revenir si la SCI DU RIED était condamnée et incapable de faire face à ses obligations.

Par ses dernières conclusions déposées le 11 juillet 2005, la SA AUCHAN France venant aux droits de la SACM a demandé à la Cour de déclarer l'action exercée à son encontre irrecevable, subsidiairement mal fondée, de confirmer le jugement entrepris et de condamner la Société IBR au paiement d'une somme de 3000 Euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, outre une somme de 30.000 Euros à titre de dommages-intérêts pour appel abusif.

Elle estime que l'action de la Société IBR est irrecevable, dans la mesure où elle a été assignée non comme débitrice des commissions, mais comme associée de la SCI DU RIED, et puisque l'associé d'une SCI

ne peut être assigné et condamné que si préalablement ladite société a été condamnée à payer et que l'exécution des poursuites s'est révélée vaine.

Sur le fond, elle a maintenu :

- que le paiement de la commission d'IBR était subordonné à l'obtention des promesses de vente conformes et à la confirmation effective par acte notarié ;

- qu'aucune provision pour IBR n'avait été évoquée et que, si elle avait été versée comme le souhaitait la partie adverse, elle aurait été remboursable en cas de non réalisation de l'opération.

Sur les résultats de la mesure d'instruction ordonnée par la Cour, elle a précisé :

- que l'échange de terrain entre Y... et la Commune ne constitue pas la vente d'un terrain par Monsieur Y... à la SCI ; que cet échange prouve au contraire que Monsieur Y... était resté propriétaire et n'a pas signé la vente à la SCI ;

- que l'échange invoqué date du 20 novembre 1998, soit 5 ans après la fin du mandat consenti à la Société IBR ; que ce fait explique que de 1995 à 2003, la Société IBR n'avait jamais invoqué cet échange réalisé en 1998, en-dehors du mandat ;

- que l'opération envisagée entre la Société IBR et la SCI DU RIED était au demeurant totalement abandonnée depuis 1994 ;

- qu'en janvier 1994, le Préfet du Bas-Rhin, en sa qualité de secrétaire de la Commission Départementale d'Urbanisme Commercial, avait été avisé du retrait de la demande d'autorisation, car le projet ne pouvait se réaliser, faute de maîtrise foncière des terrains ;

- que l'échange de terrain intervenu en 1998 n'a donc aucun lien avec la commission facturée 5 ans plus tôt.

Par ses dernières conclusions déposées le 19 novembre 2004, la SCI DU

RIED a demandé à la Cour de déclarer l'appel de la Société IBR irrecevable et en tout cas mal fondée, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, subsidiairement de réduire sensiblement le montant de la rémunération due à la Société IBR, et de condamner l'appelante aux dépens et au paiement d'une indemnité de 20.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Elle a fait observer en réplique :

- que la SA IBR n'a pas accompli le mandat qui lui avait été confié, de sorte qu'elle ne peut prétendre à la moindre rémunération ;

- qu'en effet, non seulement elle ne démontre pas, comme elle l'affirme, que la parcelle Y... était "maîtrisée", mais en outre le mandat donné à la Société IBR soumettait le règlement de la commission à la signature des actes authentiques ;

- que dans la mesure où l'intégralité des parcelles n'avait pas pu faire l'objet d'une promesse de vente, la SCI DU RIED a retiré la demande d'autorisation CDUC ;

- que le fait de n'avoir pas obtenu la promesse de vente Y... est constitutif de l'inexécution du contrat ;

- que la Société IBR avait pour mission d'obtenir deux promesses de vente et son salaire était soumis à cette obtention ;

- que si elle avait obtenu les deux promesses, elle aurait droit à son salaire, et ce indépendamment du fait que le projet d'implantation commerciale était menée à son terme ou non;

- qu'en tout état de cause, si par impossible la Cour devait estimer que la Société IBR doit obtenir une rémunération, il conviendra de réduire très sensiblement les prétentions de l'appelante;

- que les juges du fond peuvent déterminer souverainement le salaire dû à un mandataire en tenant compte des circonstances de la cause, et

réduire le cas échéant la rémunération contractuellement convenue.SUR CE, LA COUR

Vu le dossier de la procédure, les pièces régulièrement versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles la Cour se réfère pour plus ample exposé des faits et moyens ;

Attendu que, dans son arrêt du 10 juin 2003, la Cour a définitivement jugé que l'appel formé par la Société IBR était recevable et que la loi du 2 janvier 1970 n'était pas applicable au mandat litigieux ; qu'il n'y a donc pas lieu de revenir sur ces points ;

Attendu ensuite que l'article 1999 du Code civil dispose que :

"Le mandant doit rembourser au mandataire les avances et frais que celui-ci a faits pour l'exécution du mandat et lui payer ses salaires lorsqu'il en a été promis.

S'il n'y a aucune faute imputable au mandataire, le mandant ne peut se dispenser de faire ce remboursement et payement, lors même que l'affaire n'aurait pas réussi, ni faire réduire le montant des frais et avances sous prétexte qu'ils pouvaient être moindres."

Attendu ainsi que, comme la Cour l'a déjà relevé dans son arrêt précédent, le mandant ne peut s'opposer au règlement des "salaires", frais et avances engagés par le mandataire qui a exécuté sa mission, qu'en rapportant la preuve d'une faute imputable à ce dernier, peu important que "l'affaire n'ait pas réussi";

Attendu toutefois que, lorsque l'exécution par le mandataire n'a été que partielle sans faute de sa part, les juges du fond, dans l'exercice de leur pouvoir d'appréciation, peuvent librement déterminer le salaire dû à un mandataire en tenant compte des circonstances de la cause, et réduire le cas échéant la rémunération contractuellement convenue ;

Attendu qu'il ressort de la lettre du 5 février 1993, dont les termes sont sus-rappelés, que la SCI DU RIED a donné mandat à la Société IBR

afin qu'elle obtienne pour son compte l'obtention de promesses de vente concernant différentes parcelles nécessaires à l'implantation d'un centre commercial et d'un centre de loisirs sur le ban de la commune de HERRLISHEIM (Bas-Rhin), d'une surface de 32 hectares, et concernant plus particulièrement quelques parcelles appartenant à Monsieur X... (39 ares) et à Monsieur Y... (43 ares) ;

Attendu qu'il était spécifié dans cet engagement du 5 février 1993 que les promesses devaient s'entendre aux mêmes conditions de réalisation, et en particulier aux mêmes conditions suspensives, que celles de la promesse consentie à la SCI par la Municipalité de HERRLISHEIM (obtention d'un permis de construire et obtention d'une autorisation administrative d'implantation) :

Attendu qu'il était en outre spécifié que la Société IBR recevrait au titre de sa rémunération une somme de 440.000 Francs HT pour les dix premiers hectares, puis une somme de 200.000 Francs HT pour la seconde partie ;

Attendu que la SCI DU RIED, qui ne conteste pas sa qualité de mandante, admet que la Société IBR avait d'ores et déjà assuré la maîtrise immobilière de la plus grande partie des terrains nécessaires à la finalisation de son projet ; qu'elle devait cependant encore obtenir la maîtrise de quelques parcelles privées, d'une surface résiduelle, soit celles de Monsieur X... et de Monsieur Y... ;

Attendu qu'il est constant que la Société IBR a obtenu la promesse de vente de la part de Monsieur X... et que cette promesse répondait aux exigences de la mandante ; que dans une lettre du 23 novembre 1993, la SCI DU RIED la remerciait d'ailleurs pour ses diligences relatives au terrain X... ;

Attendu que, s'agissant de la parcelle Y..., la société appelante admet que ladite parcelle n'avait pas fait l'objet d'une promesse de

vente à la date de sa note d'honoraires du 29 septembre 1993 ; que fort logiquement d'ailleurs, en l'absence de promesse relative à cette parcelle, la note d'honoraires ne se référait pas au terrain Y..., mais uniquement à la "fourniture de compromis de vente de terrains avec la Commune de HERRLISHEIM" et avec "Monsieur X...";

Attendu que, sur la réclamation de la SCI DU RIED, la Société IBR a indiqué à la mandante que "la parcelle Y... est parfaitement maîtrisée par la Commune via un échange de terrains";

Attendu que les éléments versés aux débats (lettre du 26 février 1993 de la Société IBR adressée au Maire de HERRLISHEIM l'informant de l'accord de principe de Monsieur Y... pour un échange de terrains avec la Commune - Attestation du Maire du 24 juillet 2003 évoquant les démarches réellement effectuées par la Société IBR à cet égard pour parfaire le projet d'implantation d'un hypermarché - présentation du projet à la Commission Départementale d'Urbanisme Commercial) laissent effectivement penser que la Société IBR avait obtenu un accord de principe de la part de Monsieur Y... ;

Attendu en tout état de cause que, si la mesure d'instruction ordonnée par la Cour a révélé qu'un acte d'échange de terrains entre la Commune et Monsieur Y... a été signé le 20 novembre 1998, et ce en-dehors du projet initialement menée par la SCI DU RIED, cela ne veut évidemment pas dire que la Société IBR n'aurait pas obtenu rapidement satisfaction dans ses démarches à l'égard de Monsieur Y... si la SCI DU RIED avait maintenu en 1994 son projet d'implantation d'un centre commercial ;

Attendu toutefois que, la Société IBR avait-elle toutes les chances d'obtenir dans un proche délai un acte d'échange de terrains entre Monsieur Y... et la Commune, ainsi qu'une promesse de vente subséquente, il n'en demeure pas moins qu'à la date d'établissement de sa note d'honoraires, elle n'avait pas entièrement exécuté son

mandat ;

Attendu certes qu'elle a été un peu rapide dans l'établissement de sa note d'honoraires, puisqu'il ressort des pièces versées aux débats que c'est par une lettre du 26 janvier 1994 que la SCI DU RIED a informé le Préfet du Bas-Rhin que "en accord avec la Mairie d'Herrlisheim", elle avait "décidé de suspendre son projet" ;

Attendu cependant que, contrairement à ce soutiennent les intimées, rien ne démontre que la "suspension" du projet (en réalité un vrai retrait, puisqu'il est constant que le projet n'a pas été repris) avait pour cause le fait que la Société IBR n'avait pas obtenu une promesse de vente pour la parcelle Y..., dont la surface était tout à fait résiduelle par rapport au 30 hectares nécessaires au projet ;

Attendu au contraire qu'un article de presse produit aux débats fait ressortir, comme le soutient l'appelante, que le retrait du projet d'implantation d'un hypermarché à HERRLISHEIM avait pour unique cause une nouvelle étude qui avait été diligentée à l'initiative des actionnaires de la SACM ;

Attendu ainsi qu'en dépit de l'empressement dont a fait preuve la Société IBR dans l'établissement de sa note d'honoraires qui aurait dû logiquement parvenir entre les mains de la SCI DU RIED postérieurement à l'abandon du projet, il apparaît que la demanderesse et appelante avait exécuté une grande partie de la mission qui lui avait été confiée, et que c'est sans faute de sa part si elle ne l'a pas finalisée par l'obtention de la promesse de vente Y... ;

Attendu que la Cour dispose d'éléments suffisants pour fixer à la somme de 79.554 Euros TTC (440.000 Francs HT) le montant des honoraires qu'il y a lieu d'allouer à la Société IBR, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure par lettre recommandée du 5 mai 1994;

Attendu qu'il serait en outre inéquitable de laisser à la Société IBR la charge de ses frais relevant de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile à hauteur de la somme de 2000 Euros ;

Attendu que, s'agissant de l'action en garantie dirigée à l'encontre de la SACM (aux droits de laquelle vient la SA AUCHAN France), en sa qualité d'associée à 50% de la SCI DU RIED, cette action est effectivement irrecevable, comme le soutient l'intimée ;

Attendu en effet qu'en vertu de l'article 1858 du Code Civil, les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement de dettes sociales contre un associé d'une société civile qu'après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale ;

Attendu en l'occurrence que la société appelante indique dans ses conclusions qu'elle se borne à réclamer à la SACM, en sa qualité d'associée de la SCI DU RIED, la garantie de sa créance au cas où la SCI DU RIED s'avérerait insolvable ; qu'il en résulte qu'elle admet que l'insolvabilité de la société civile n'est pas encore avérée, de sorte que son action ne peut être reçue en l'état ;

Attendu que cette motivation sera substituée à celle des premiers juges sur appel incident implicite de la SA AUCHAN France ;

Attendu enfin qu'il serait inéquitable de laisser à la SA AUCHAN France la charge de ses frais relevant de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile à hauteur de la somme de 1200 Euros ;

Attendu par contre que l'appel intimant la SACM n'apparaît pas manifestement abusif, de sorte que la demande de dommages-intérêts formée à cet titre sera rejetée ;PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Vu l'arrêt du 16 juin 2003 de la Cour d'appel de COLMAR ;

Réformant le jugement rendu le 13 juillet 2000 par la Chambre commerciale du Tribunal de Grande Instance de STRASBOURG et, statuant à nouveau :

Condamne la SCI DU RIED représentée par son liquidateur amiable à payer à la Société IBR la somme de 79.554 Euros (soixante dix neuf mille cinq cent cinquante quatre euros) TTC, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 5 mai 1994, outre une somme de 2000 Euros (deux mille euros) sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

La condamne aux dépens de première instance et d'appel de l'action introduite par la Société IBR ;

Déclare irrecevable la demande formée par la Société IBR à l'encontre de la SACM, aux droits de laquelle vient la SA AUCHAN France ;

Condamne la Société IBR à payer à la SA AUCHAN France une somme de 1200 Euros (mille deux cent euros) sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile;

Déboute par contre la SA AUCHAN France de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour appel abusif ;

Condamne la Société IBR aux dépens de première instance et d'appel de son action dirigée contre la SACM, aux droits de laquelle vient la SA AUCHAN France ;

Le Greffier :

Le Président :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de colmar
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006950458
Date de la décision : 20/06/2006
Type d'affaire : Civile

Analyses

MANDAT - Mandataire - Rémunération - Preuve - Appréciation souveraine des juges du fond.

Lorsque l'exécution partielle de son mandat par le mandataire résulte du retrait du projet par le mandant, sans faute de la part du mandataire, les juges du fond dans leur pouvoir souverain d'appréciation, peuvent librement déterminer le salaire dû au mandataire en tenant compte des circonstances de la cause, et réduire le cas échéant la rémunération contractuellement convenue. Il en est ainsi de l'agent d'affaire, chargé d'obtenir des promesses de vente concernant différentes parcelles nécessaires à l'implantation d'un centre commercial et d'un centre de loisirs, qui avait exécuté une grande partie de la mission qui lui avait été confiée lorsque le mandant avait décidé d'abandonner son projet immobilier.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : M. Hoffbeck, président

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.colmar;arret;2006-06-20;juritext000006950458 ?
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