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30/05/2006 | FRANCE | N°JURITEXT000006950589

France | France, Cour d'appel de colmar, Chambre civile 1, 30 mai 2006, JURITEXT000006950589


MH/SDMINUTE No Copie exécutoire à- Me Anne-Marie BOUCON- Me Valérie SPIESERLe Le GreffierREPUBLIQUE FRANCAISEAU NOM DU PEUPLE FRANCAISCOUR D'APPEL DE COLMAR PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION AARRET DU 30 Mai 2006Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A 05/04869Décision déférée à la Cour : 26 Septembre 2005 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE A COMPETENCE COMMERCIALE DE STRASBOURG APPELANTES :SOCIETE DE DROIT SUISSE OCTAPHARMA AGSeidenstrasse 2 88530 LACHEN (SUISSE)SAS OCTAPHARMA 72 rue du Maréchal Foch 67380 LINGOLSHEIM représentées par Me Anne-Marie BOUCON avocat à la C

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MH/SDMINUTE No Copie exécutoire à- Me Anne-Marie BOUCON- Me Valérie SPIESERLe Le GreffierREPUBLIQUE FRANCAISEAU NOM DU PEUPLE FRANCAISCOUR D'APPEL DE COLMAR PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION AARRET DU 30 Mai 2006Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A 05/04869Décision déférée à la Cour : 26 Septembre 2005 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE A COMPETENCE COMMERCIALE DE STRASBOURG APPELANTES :SOCIETE DE DROIT SUISSE OCTAPHARMA AGSeidenstrasse 2 88530 LACHEN (SUISSE)SAS OCTAPHARMA 72 rue du Maréchal Foch 67380 LINGOLSHEIM représentées par Me Anne-Marie BOUCON avocat à la Cour Plaidant : Me LANG, avocat à STRASBOURG INTIMEE :SAS PIERRE GUERIN 179 grand'rue 79210 MAUZE SUR LE MIGNON représentée par Me Valérie SPIESER, avocat à la Cour Plaidant : Me VERGNE-BEAUFILS, avocat à PARIS COMPOSITION DE LA COUR :L'affaire a été débattue le 11 Avril 2006, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. HOFFBECK, Président de Chambre, entendu en son rapport

M. CUENOT, Conseiller

M. ALLARD, Conseiller, qui en ont délibéré.Greffier, lors des débats : Mme MUNCH, GreffierARRET :

- Contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile.

- signé par M. Michel HOFFBECK, président et Mme Christiane MUNCH, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La société OCTAPHARMA AG est une société suisse spécialisée dans le développement, la fabrication et la vente de dérivés du plasma.

Elle a cédé à sa filiale française, la société OCTAPHARMA SA devenue OCTAPHARMA SAS, les droits pour fabriquer les produits dérivés du

plasma, qui restaient toutefois sa propriété.

Le 13 septembre 2000, la société OCTAPHARMA SA a commandé auprès de la SAS PIERRE GUERIN, pour les besoins de son activité, un ensemble de 4 cuves de 80 litres sur pieds, isolées et climatisées.

Ces cuves ont été livrées à la société OCTAPHARMA SA au mois de décembre 2000.

Deux incidents afférents à l'étanchéité de ces cuves se sont produits au mois d'octobre 2001.

Le 26 novembre 2004, la société OCTAPHARMA AG a fait assigner la SAS PIERRE GUERIN devant le Tribunal de Commerce de NIORT en réparation du préjudice qu'elle a subi consécutivement à ces incidents.

Selon une requête déposée le 21 juillet 2005, estimant que les incidents étaient en réalité dus à une mauvaise manipulation du matériel par son client, la société OCTAPHARMA SA, et faisant valoir qu'il lui était impossible d'obtenir autrement la preuve irréfutable de cette manipulation défectueuse, la SAS PIERRE GUERIN, avant tout procès dirigé contre la filiale française de la société suisse, a sollicité au visa des articles 145 et 249 du Nouveau Code de Procédure Civile la désignation d'un huissier de justice aux fins de procéder aux constatations s'imposant auprès de la société OCTAPHARMA SA à LINGOLSHEIM.

Il était précisé que le constat rédigé par l'huissier de justice devra notamment établir les modalités d'utilisation des cuves no 853 et 854 concomitantes, antérieures et postérieures aux incidents des 2 et 10 octobre 2001.

Par une ordonnance du 21 juillet 2005, le président de la Chambre commerciale du Tribunal de Grande Instance de STRASBOURG, complétant le modèle préparé par la requérante, a désigné Maître X..., huissier de justice, pour se rendre au siège social de la société OCTAPHARMA SA à LINGOLSHEIM, avec pour mandat de :

- "entendre les techniciens de ladite société, leur poser les questions ci-dessous et recueillir les réponses" y afférentes (liste de 21 questions),

- se faire remettre tous documents utiles,

- de façon générale, faire toutes observations utiles pour la solution du litige,

- établir le constat dans les 15 jours suivant la réception de l'avis adressé par le greffe.

Une ordonnance complémentaire intervenait le 28 novembre 2005.

Le 9 septembre 2005, la société de droit suisse OCTAPHARMA AG et la SAS OCTAPHARMA ont fait assigner la SAS PIERRE GUERIN en la forme des référés aux fins d'obtenir la rétractation de l'ordonnance sur requête du 21 juillet 2005 et l'annulation du rapport de l'huissier en cas d'intervention de celui-ci.

Par une ordonnance du 26 septembre 2005, le président de la Chambre commerciale du Tribunal de Grande Instance de STRASBOURG a rejeté la demande de rétractation, motif pris que le constat dont il est demandé rétractation a été réalisé le 1er septembre 2005.

Selon une déclaration enregistrée au greffe le 10 octobre 2005, la société de droit suisse OCTAPHARMA AG et la SAS OCTAPHARMA ont interjeté appel de cette décision.

Par leurs dernières conclusions déposées le 14 février 2006, elles ont demandé à la Cour d'infirmer l'ordonnance entreprise et, statuant à nouveau, de rétracter l'ordonnance sur requête en date du 21 juillet 2005 avec toutes les conséquences de droit et de fait, de déclarer nul et de nul effet le rapport de Maître X... rédigé en exécution des ordonnances des 21 juillet et 28 novembre 2005, de condamner la SAS PIERRE GUERIN à payer à chacune des appelantes une somme de 2500 Euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Par des conclusions déposées le 20 janvier 2006, la SAS PIERRE GUERIN a demandé à la Cour de :

- déclarer irrecevables et mal fondées les appelantes de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,En conséquence,

- constater le défaut d'intérêt et de qualité à agir de la société OCTAPHARMA AG;

- déclarer irrecevables et mal fondées la société OCTAPHARMA SA et la société OCTAPHARMA AG en leur demande de rétractation ;

- déclarer irrecevables et mal fondées la société OCTAPHARMA SA et la société OCTAPHARMA AG en leur demande subsidiaire tendant au prononcé de la nullité du procès-verbal établi par Maître X... ;

- confirmer l'ordonnance entreprise ;

- condamner solidairement les demandeurs à verser à la SAS PIERRE GUERIN la somme de 3000 Euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile;

- les condamner solidairement aux dépens.SUR CE, LA COUR

Vu le dossier de la procédure, les pièces régulièrement versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles la Cour se réfère pour plus ample exposé des faits et moyens ;

Attendu préalablement que la SAS PIERRE GUERIN n'a pas contesté la recevabilité de l'appel formé par la société OCTAPHARMA AG et la SAS OCTAPHARMA contre l'ordonnance rendue le 26 septembre 2005 par le Président de la Chambre commerciale du Tribunal de Grande Instance de STRASBOURG statuant en la forme des référés ;

Attendu qu'elle a par contre soulevé l'irrecevabilité de la société OCTAPHARMA AG à agir en rétractation sur le fondement de l'article 496 du Nouveau Code de Procédure Civile, motif pris que la société de droit suisse n'aurait pas la qualité de tiers touché par l'ordonnance sur requête du 21 juillet 2005, et dans la mesure où l'ordonnance prise sur requête ne visait que la société OCTAPHARMA SA ;

Attendu que l'article 496 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile dispose que s'il a été fait droit à la requête, "tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance" ;

Attendu en l'occurrence que l'ordonnance sur requête était susceptible de faire grief tant à la société OCTAPHARMA AG, qui était d'ores et déjà opposée à la SAS PIERRE GUERIN dans le cadre d'un litige pendant devant le Tribunal de Commerce de NIORT, qu'à la société OCTAPHARMA SA directement concernée par la mesure d'enquête ordonnée ;

Attendu que les deux sociétés appelantes doivent donc être considérées comme intéressées au sens du texte sus-visé ; qu'elles ont donc qualité pour agir en rétractation;

Attendu en second lieu que, même si la mesure faisant l'objet de l'ordonnance entreprise a déjà été exécutée, les appelantes ont un intérêt manifeste à agir en rétractation dans la mesure où, si le bien-fondé de leurs prétentions est reconnu, elles pourront demander à ce que le rapport dressé par l'huissier en exécution d'une ordonnance anéantie soit écarté des débats dans toute instance les opposant à la SAS PIERRE GUERIN ;

Attendu au fond que la SAS PIERRE GUERIN estime que sa requête initiale était parfaitement fondée par référence aux dispositions des articles 249 et 145 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Attendu que l'article 249 du Nouveau Code de Procédure Civile dispose que "le juge peut charger la personne qu'il commet de procéder à des constatations" ;

Attendu cependant que, dans son ordonnance du 21 juillet 2005, le Président de la Chambre commerciale du Tribunal de Grande Instance de STRASBOURG n'a pas mandaté Maître X... pour effectuer des constations, mais l'a chargé de la mission ainsi libellée: "entendre les techniciens de ladite société, leur poser les questions

ci-dessous et recueillir les réponses", c'est-à-dire de recueillir les réponses des techniciens de la société OCTAPHARMA SA à des questions pré-établies, particulièrement précises et pointues, concernant l'utilisation des cuves, les deux incidents du mois d'octobre 2001, les accessoires montés sur les cuves et l'indication des procédures techniques suivies sur place (en tout 21 questions représentant près de deux pages dactylographiées) ;

Attendu qu'il ne pouvait donc s'appuyer sur les dispositions de l'article 249 pour ordonner une véritable enquête, prévue par des dispositions spécifiques du code de procédure civile, et ce alors que l'huissier de justice commis n'était pas statutairement compétent pour procéder à de telles auditions ;

Attendu en effet que, habilité statutairement "à effectuer des constations purement matérielles" (article 1er de l'ordonnance du 2 novembre 1945), l'huissier ne peut procéder à des interpellations destinées à recueillir les propos de tiers, ce qui relève d'une procédure d'enquête ou d'expertise ;

Attendu que, se rendant compte de l'inanité de son argumentation, la SAS PIERRE GUERIN a encore invoqué les dispositions générales de l'article 232 du Nouveau Code de Procédure Civile, aux termes desquelles "le juge peut commettre toute personne de son choix pour l'éclairer par des constatations, par une consultation ou par une expertise sur une question de fait qui requiert les lumières d'un technicien" ;

Attendu cependant que ce texte est en l'occurrence inopérant ; qu'en effet, l'intimée ne saurait sérieusement assimiler un huissier de justice, qui doit procéder à de simples constations matérielles, à un technicien susceptible de venir éclairer le juge sur des questions de fait ;

Attendu enfin que, seules les mesures légalement admissibles étant

susceptibles d'être ordonnées en application de l'article 145 du Nouveau Code de Procédure Civile, la décision du président de la Chambre commerciale ne peut se trouver légitimée pour les motifs sus-développés ;

Attendu en définitive qu'il convient d'accueillir l'appel et de rétracter l'ordonnance sur requête en date du 21 juillet 2005 ;

Attendu par contre que la Cour, dont la saisine est strictement limitée à la rétractation, n'est pas compétente pour annuler le rapport établi par l'huissier de justice en exécution de cette ordonnance ; qu'il appartiendra aux sociétés appelantes, si elles l'estiment utile, de demander que ce document soit écarté des débats dans toute instance les opposant à la SAS PIERRE GUERIN ;

Attendu enfin qu'il serait inéquitable de laisser aux appelantes la charge de leurs frais relevant de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile à hauteur de 1200 Euros pour chacune ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Déclare l'appel régulier en la forme et recevable ;

Au fond :

Infirmant l'ordonnance entreprise et statuant à nouveau,

Rétracte l'ordonnance sur requête rendue le 21 juillet 2005 par le Président de la Chambre commerciale du Tribunal de Grande Instance de STRASBOURG ;

Condamne la SAS PIERRE GUERIN à payer à chacune des sociétés appelantes une somme de 1200 Euros (mille deux cents euros) sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Déboute la SAS OCTAPHARMA et la société OCTAPHARMA AG de leurs prétentions complémentaires ;

Condamne également la SAS PIERRE GUERIN aux dépens de première

instance et d'appel.

Le greffier :

Le Président :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de colmar
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006950589
Date de la décision : 30/05/2006
Type d'affaire : Civile

Analyses

OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS - Huissier de justice - Compétence matérielle

Un huissier de justice, habilité statutairement à effectuer des constatations purement matérielles, ne peut procéder à des interpellations destinées à recueillir les propos de tiers, ce qui relève d'une procédure d'enquête ou d'expertise. En conséquence une ordonnance sur requête par laquelle un huissier de justice a été chargé de la mission de recueillir les réponses des techniciens de la cliente sur des questions établies par la venderesse concernant l'utilisation des cuves vendues, doit être rétractée.


Références :

Nouveau code de procédure civile article 249

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : M. Hoffbeck, Président

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.colmar;arret;2006-05-30;juritext000006950589 ?
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