MW/SU MINUTE No 232/2006 Copie exécutoire à : - Mes d'AMBRA - BOUCON etamp; LITOU-WOLFF - Me Anne CROVISIER Le 02/03/2006 Le Greffier REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE COLMAR DEUXIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A ARRET DU 02 Mars 2006 Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A 05/03457 Décision déférée à la Cour : 21 Juin 2005 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE STRASBOURG APPELANTE et demanderesse : LA SA WEILL BOUTIQUE, ayant son siège social 74, Avenue des Champs Elysées à 75008 PARIS, prise en la personne de son représentant légal, Représentée par Mes d'AMBRA, BOUCON etamp; LITOU-WOLFF, Avocats à la Cour, Plaidant : Me BERNHEIM, Avocat à PARIS, INTIMEE et défenderesse : LA SCI LES MESANGES, ayant son siège social 17, Rue du Vieux Marché aux Grains à 67000 STRASBOURG, prise en la personne de son représentant légal, Représentée par Me Anne CROVISIER, Avocat à la Cour, Plaidant : Me BRAUN, Avocat à STRASBOURG, COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 17 Novembre 2005, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. WERL, Président de Chambre,
Mme VIEILLEDENT, Conseiller,
Madame CONTE, Conseiller, qui en ont délibéré. Greffier, lors des débats : Mme NEFF, ARRET :
- Contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile.
- signé par M. Michel WERL, président et Mme Nathalie NEFF, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Attendu que selon contrat de bail commercial signé le 18 mars 1994 par les parties, la SNC BERLIOZ et GIRAUDON aux droits de laquelle vient la SCI LES MESANGES, a donné à bail à la SA WEILL BOUTIQUE un local commercial situé 13 rue de la Mésange à STRASBOURG pour y exercer l'activité de vente de prêt à porter et accessoires, le bail étant consenti pour une durée de neuf années à compter du 1er avril 1994 et assorti d'une clause résolutoire en cas de non paiement d'un seul terme du loyer à son échéance ;
Attendu que par acte signifié le 23 janvier 2003 à la SA WEILL BOUTIQUE, la SCI LES MESANGES lui faisait connaître qu'elle refusait de renouveler le bail et lui donnait congé pour le 31 juillet 2003, offrant de payer une indemnité d'éviction de 100.000 euros; que la SCI LES MESANGES assignait par la suite, le 8 août 2003, la Société WEILL BOUTIQUE devant le Tribunal de Grande Instance de STRASBOURG aux fins, notamment, de déterminer l'indemnité d'éviction conformément aux dispositions de l'article L. 145-14 du Code de commerce ;
Attendu que le juge de la mise en état désignait le 7 janvier 2004 un expert avec mission de rassembler les éléments permettant de déterminer l'indemnité susvisée, mais, avant le terme des opérations d'expertises, la SCI LES MESANGES notifiait le 15 avril 2004 à la Société WEILL BOUTIQUE qu'elle exerçait son droit de repentir par application de l'article L. 145-58 du Code de commerce et renonçait en conséquence à son refus de renouveler le bail et consentait le renouvellement de celui-ci à de nouvelles conditions, à savoir un loyer annuel de 54.881,65 euros hors charges et hors taxes ; que la Société WEILL BOUTIQUE dénonçait une manoeuvre frauduleuse de la SCI LES MESANGES et affirmait qu'elle avait signé le 26 novembre 2003 un
nouveau bail destiné à son rétablissement, avant l'exercice du droit de repentir de la demanderesse ; qu'elle demandait au tribunal d'annuler cet acte de repentir et de condamner la SCI LES MESANGES à lui payer une provision de 750.000 euros sur le montant de l'indemnité d'éviction et ce sous astreinte, ainsi qu'une provision de 165.000 euros sur dommages et intérêts, également sous astreinte, en réparation du préjudice causé par un sinistre survenu le 11 décembre 1997, la SCI LES MESANGES constatant pour sa part que l'instance en fixation de l'indemnité d'éviction était éteinte par "l'effet du congé valant rétractation" et que le bail a été renouvelé avec effet au 15 avril 2004 à la suite de l'exercice de son droit de repentir, sans qu'aucun loyer ne soit réglé malgré commandement de payer ; qu'elle demandait en conséquence la condamnation de la Société WEILL BOUTIQUE à lui payer les loyers arriérés assortis des intérêts au taux conventionnels (65.638,45 euros à 1,3 %), 10.000 euros de dommages et intérêts et le rejet des prétentions de la défenderesse, notamment celle relative à sa condamnation au titre du sinistre du 11 décembre 1997 qu'elle a déjà indemnisé ;
Attendu que par jugement prononcé le 21 juin 2005, le Tribunal de Grande Instance de STRASBOURG a :
- dit que le droit de repentir a été valablement notifié à la SA WEILL BOUTIQUE,
- dit que le bail a été renouvelé à effet du 15 avril 2004,
- constaté que le bail a été résolu de plein droit au 26 septembre 2004,
- condamné la SA WEILL BOUTIQUE à payer à la SCI LES MESANGES la somme de 65.638,45 euros avec intérêts au taux de 1,3 % par mois à compter du jour du jugement,
- réservé à la SCI LES MESANGES le droit de réclamer les loyers et accessoires postérieurs au 15 avril 2005 jusqu'à l'évacuation des
lieux,
- débouté la SCI LES MESANGES de sa demande de dommages et intérêts, - condamné la SA WEILL BOUTIQUE à évacuer les lieux dans le délai d'un mois à compter de la signification du jugement, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard passé ce délai,
- débouté la SA WEILL BOUTIQUE de sa demande en provision sur indemnité d'évacuation et en demande de continuation d'expertise,
- condamné la SCI LES MESANGES à payer en deniers ou quittance à la SA WEILL BOUTIQUE la somme de 93.515,33 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
- déclaré le jugement exécutoire par provision,
- débouté les parties de leurs conclusions fondées sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- condamné la SA WEILL BOUTIQUE aux frais et dépens ;
Attendu que par déclaration reçue au greffe le 20 juillet 2005, la SA WEILL BOUTIQUE a interjeté appel contre ce jugement dans des conditions de recevabilité qui apparaissent régulières en la forme ; que l'affaire a été évoquée à l'audience de plaidoirie du 17 novembre 2005 en exécution d'une ordonnance du 3 août 2005 prise en application des dispositions de l'article 910 alinéa 2 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que dans le dernier état de ses conclusions du 14 novembre 2005, la SA WEILL BOUTIQUE demande à la Cour de :
- déclarer la SA WEILL BOUTIQUE recevable en son appel,
- l'y dire bien fondée,
- en conséquence,
- d'infirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné la SCI LES MESANGES à payer 93.515,33 ç à WEILL BOUTIQUE de dommages et intérêts à titre de préjudice matériel et commercial du chef du
sinistre du 11 décembre 1997,
- et statuant à nouveau pour le surplus,
- dire et juger irrecevable et au moins mal fondée la SCI LES MESANGES en ses demandes, fins et conclusions, à quelques fins qu'elles tendent,
- dire et juger qu'à la suite du sinistre du 11 décembre 1997, la SCI LES MESANGES a recomposé les lieux et a fermé le passage qui séparait le magasin lui-même de la réserve pour n'en faire plus qu'un seul lot, sans droit de passage,
- dire et juger que WEILL BOUTIQUE a acquis le contrôle de la totalité du capital de la SàRL MONINGER le 26 novembre 2003 aux termes d'une cession enregistrée, à la suite de laquelle a immédiatement été signé un nouveau bail et un protocole sur une indemnité de déspécialisation,
- dire et juger qu'il est établi tant par les autres éléments produits, que par les attestations de deux avocats, aucun des documents produits n'ayant été critiqué par l'intimée, que le bail des locaux de la rue des Hallebardes a été signé le 26 novembre 2003 avec la SàRL MONINGER 48 heures avant qu'elle ne change de nom pour devenir PHALSBOURG,
- dire et juger que le procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire de MONINGER du 28 novembre 2003, produit par la SCI LES MESANGES, déposé le 26 janvier 2004 au RCS de STRASBOURG, vise d'une part le protocole d'accord du 26 novembre 2003, d'autre part le nouveau bail du même jour,
- dire et juger qu'est ainsi rapportée la preuve de l'antériorité du bail du 26 novembre 2003 signé par MONINGER, représentée par son associé unique, WEILL BOUTIQUE, au droit de repentir du 15 avril 2004,
- dire et juger que WEILL BOUTIQUE a déposé une demande de travaux le
9 février 2004, autorisés par arrêté municipal du 15 avril 2004,
- dire et juger que le bail commercial, qui peut même être verbal, constitue pour la société exploitante un acte de commerce échappant aux exigences de preuve de l'article 1328 du Code civil, et dont la date peut être établie par tous moyens,
- dire et juger rapportée la preuve de la signature par WEILL BOUTIQUE, en sa qualité d'associée unique de la société, devenue PHALSBOURG le 28 novembre 2003 par changement de nom (ex SàRL MONINGER), du bail du 26 novembre 2003, destiné à son rétablissement, - dire et juger que WEILL BOUTIQUE justifie avoir déjà exposé, au 15 avril 2004, 423.808,32ç (quatre cent vingt trois mille huit cent huit euros trente deux cents) HT pour se rétablir le 14 mai 2004, date d'achèvement de son déménagement et de la remise des clés,
- dire et juger établi au 15 avril 2004 le caractère irréversible du rétablissement de WEILL BOUTIQUE résultant de l'acquisition par WEILL BOUTIQUE de la totalité du capital social de la SàRL MONINGER le 26 novembre 2003, des deux actes associés et des démarches subséquentes (notamment paiement de deux acomptes de travaux ; demande d'autorisation de travaux ; arrêté d'autorisation),
- dire et juger que l'acte du 15 avril 2004 contenant droit de repentir, tant par son aspect intrinsèque que par sa concomitance avec l'arrêté municipal du 15 avril 2004 révèle une intention de fraude du bailleur ;
- dire et juger nul et sans effet le repentir signifié le 15 avril 2004 comme postérieur à la date à laquelle les actes nécessaires au rétablissement de WEILL BOUTIQUE étaient devenus irréversibles, le 26 novembre 2003, notamment par la signature du bail,
- dire et juger acquis à WEILL BOUTIQUE le droit à indemnité d'éviction,
- en conséquence,
- condamner la SCI LES MESANGES à payer 32.608,21 ç (trente deux mille six cent huit euros vingt et un cents) au titre du préjudice financier subi par WEILL BOUTIQUE du chef du sinistre du 11 décembre 1997 et des délais mis par la SCI LES MESANGES à l'indemniser,
- dire et juger que c'est de mauvaise foi et de manière abusive que la SCI LES MESANGES d'une part a signifié son droit de repentir le 15 avril 2004, d'autre part, a soutenu que le bail du 26 novembre 2003 n'aurait pas date certaine, imposant ainsi à WEILL BOUTIQUE des délais anormaux d'indemnisation, non couverts, au regard des taux bancaires de prêt, par l'indemnisation financière de son préjudice, et condamner dès lors la SCI LES MESANGES à lui payer 50.000 ç (cinquante mille euros) de dommages et intérêts,
- sauf à homologuer le rapport d'expertise de Mme MOTTER X..., et condamner la SCI LES MESANGES à 771.323 ç (sept cent soixante et onze mille trois cent vingt trois euros) d'indemnité d'éviction, outre les frais de réinstallation (mémoire), inviter l'expert MEICHELBECK à reprendre ses opérations, et, en ce cas, condamner la SCI LES MESANGES à une provision de 500.000 ç (cinq cent mille euros),
- condamner la SCI LES MESANGES 8 (huit) jours après intervention de l'arrêt à une astreinte de 1.500 ç (mille cinq cents euros) par jour pendant 10 (dix) jours, puis 2.500 ç (deux mille cinq cents euros) à compter du 11ème (onzième) jour,
- condamner la SCI LES MESANGES aux entiers frais et dépens et à payer 40.000 ç (quarante mille euros) au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile à WEILL BOUTIQUE ;
Attendu que par ses dernières conclusions du 9 novembre 2005, la SCI LES MESANGES demande à la Cour de :
I. Sur la demande principale :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a : * jugé le droit de
repentir valablement notifié et à ce titre régulier et efficace,
* jugé le bail commercial résolu de plein droit au 26 septembre 2005 par l'effet de la clause résolutoire contenue dans le commandement visant la clause insérée au bail liant les parties, * condamné la SA WEILL BOUTIQUE à payer à la SCI LES MESANGES une somme de 63.638,45 ç avec intérêts de retard au taux de 1,3 % par mois à compter du 21 juin 2005,
* réservé à la SCI LES MESANGES le droit de réclamer les loyers et accessoires postérieurs au 15 avril 2005 jusqu'à l'évacuation des lieux,
* condamné la SA WEILL BOUTIQUE à évacuer les lieux dans le délai d'un mois à compter de la signification du jugement sous astreinte de 1.000,00 ç par jour de retard,
* débouté la SA WEILL BOUTIQUE de sa demande de provision sur indemnité d'évacuation et en demande de continuation d'expertise,
II. Sur la demande reconventionnelle :
- d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SCI LES MESANGES à payer en quittance ou deniers à la SA WEILL BOUTIQUE la somme de 93.515,33 ç avec intérêts de retard au taux légal à compter du 21 juin 2005,
- statuant à nouveau :
- constater que le montant des travaux de remise en état, pour une somme de 158.345,53 F (24.139,62 ç) a été réglé,
- débouter la Société WEILL BOUTIQUE de toutes autres demandes au titre d'un préjudice financier complémentaire,
- en tout état de cause :
- condamner la SA WEILL BOUTIQUE à verser à la SCI LES MESANGES une somme de 10.000,00 ç au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- la condamner aux entiers dépens des deux instances.
Vu les conclusions susvisées, l'ensemble de la procédure et les pièces produites par les parties ;
EN CET ETAT :
Sur l'exercice du droit de repentir et ses conséquences :
Attendu qu'aux termes de l'article L. 145-58 du Code de commerce :
"Le propriétaire peut, jusqu'à l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle la décision est passée en force de chose jugée, se soustraire au paiement de l'indemnité, à charge par lui de supporter les frais de l'instance et de consentir au renouvellement du bail dont les conditions, en cas de désaccord, sont fixées conformément aux dispositions réglementaires prises à cet effet. Ce droit ne peut être exercé qu'autant que le locataire est encore dans les lieux et n'a pas déjà loué ou acheté un autre immeuble destiné à sa réinstallation" ;
Attendu, ainsi que l'a rappelé le premier juge, qu'il n'existe pas de contestation sur la forme utilisée par la SCI LES MESANGES, pour notifier à la Société WEILL BOUTIQUE l'exercice de son droit de repentir alors que l'instance en fixation de l'indemnité d'éviction était en cours ; que le litige porte sur la réunion, ou non, des deux conditions d'exercice de ce droit dont le premier juge a estimé qu'elles étaient alternatives et en tout état de cause réunies, tant en ce qui concerne la présence du locataire dans les lieux loués au moment de la notification du droit de repentir, qu'en ce qui concerne l'absence de réinstallation dudit locataire à cette date ;
que la Société WEILL BOUTIQUE, tout en admettant le caractère alternatif des conditions visées à l'article L. 145-58 susrappelé, soutient que le repentir qui lui a été notifié le 15 avril 2004 était postérieur à la date à laquelle les actes nécessaires à son rétablissement étaient devenus irréversibles, notamment la signature du bail, soit le 26 novembre 2003 ;
Attendu qu'il ressort des dispositions de l'article L. 145-58 susrappelées, que la formulation selon laquelle le droit de repentir "ne peut être exercé qu'autant que le locataire est encore dans les lieux et n'a pas déjà loué ou acheté un autre immeuble destiné à sa réinstallation", ne peut s'interpréter que comme l'exercice d'un droit soumis à des conditions cumulatives ; que la jurisprudence la plus récente admet cette interprétation en retenant qu'il suffit que l'une des conditions ne soit pas remplie pour que le bailleur ne puisse exercer utilement son droit de repentir (C.A. Versailles 22 mars 2005, sur renvoi après cassation par arrêt IIIème chambre du 27 novembre 2002) ;du 27 novembre 2002) ;
Attendu, en l'espèce, qu'il n'est pas discuté que la SA WEILL BOUTIQUE était encore dans les lieux lorsque le droit de repentir lui a été signifié le 15 avril 2004, et qu'elle a poursuivi en ces lieux l'exploitation de son activité jusqu'au 14 mai 2004, date à laquelle elle a procédé à la restitution des clefs par l'entremise d'un huissier de justice et ce, malgré l'opposition de la SCI LES MESANGES qui avait rappelé à son locataire, par lettre du 11 mai 2004, son acte de repentir et, en conséquence, la poursuite du bail ;
Attendu, s'agissant de la condition relative à la réinstallation de la Société WEILL BOUTIQUE à la date de l'exercice du droit de repentir, que celle-ci fait état des actes suivants successivement intervenus :
- le 26 novembre 2003 : cession des parts sociales de deux sociétés de droit allemand (SINNER AG et BRAUEREI MONINGER AG), seules associées de la SàRL Société de Distribution MONINGER sise 24 rue des Hallebardes à STRASBOURG, à la SA WEILL BOUTIQUE,
- le 26 novembre 2003 :protocole d'accord intervenu entre M. et Mme Y... et la SàRL Société de Distribution MONINGER, en présence de la SA WEILL BOUTIQUE devenue associée unique de cette SàRL, par lequel
M. et Mme Y... qui ont donné à bail à la SàRL MONINGER leurs locaux situés rue des Hallebardes à STRASBOURG, autorisent notamment la cession des parts sociales ci-dessus intervenue ainsi que la déspécialisation de l'activité du nouveau preneur pressenti,
- le 26 novembre 2003 : bail commercial convenu par acte sous seing privé entre M. et Mme Y... d'une part, la SàRL Société de Distribution MONINGER d'autre part,
- le 28 novembre 2003 : procès-verbal dressé par l'associé unique (SA WEILL BOUTIQUE) de la SàRL Société de Distribution MONINGER, décidant de modifier l'objet social de la société en commerce de prêt à porter et adoptant une nouvelle dénomination sociale, à savoir "Phalsbourg", le siège social n'étant pas modifié ;
Attendu que la Société WEILL BOUTIQUE déduit de la succession de ces actes qu'elle avait acquis les moyens juridiques de se réinstaller, même si elle n'avait pas encore déménagé, avant la notification du droit de repentir, l'appelante récusant l'exigence de la preuve d'une date certaine du nouveau bail commercial, et considérant qu'elle démontre suffisamment et par tous les moyens l'antériorité de ce bail par rapport à l'exercice du droit de repentir ;
Attendu toutefois que, contrairement à l'argumentation de l'appelante, la jurisprudence relative aux conditions d'exercice du droit de repentir exige, en cas de contestation de l'antériorité de la location aux fins de réinstallation par rapport au repentir, la preuve d'une date certaine de la conclusion de ce bail dans les conditions de l'article 1328 du Code civil pour être opposable au bailleur ;
que la Société SCI LES MESANGES, qui soutient avoir valablement exercé son droit de repentir le 15 avril 2004, est donc fondée à constater que le bail commercial daté du 26 novembre 2003, acte sous seing privé conclu entre M. et Mme Y... et la SàRL Société de
Distribution MONINGER, n'a pas de date certaine, faut d'avoir été enregistré, et à soutenir qu'il importe peu que l'acte de cession de parts sociales intervenu le même jour a été enregistré, la Société WEILL BOUTIQUE ne pouvant utilement tenter de déduire de la cohérence alléguée de l'ensemble des actes réalisés les 26 et 28 novembre 2003 ainsi que de divers éléments extérieurs à ces actes, la certitude que le bail a été conclu avant la notification de l'acte de repentir ;
Attendu qu'il appartient dès lors à la Société WEILL BOUTIQUE, à défaut de date certaine, de démontrer que la SCI LES MESANGES avait connaissance avant l'exercice du droit de repentir de la conclusion d'un bail pour la réinstallation de la demanderesse ; que la SCI LES MESANGES affirme n'avoir jamais eu connaissance de l'existence d'un tel bail avant le 15 avril 2004 et il est constant que l'appelante ne l'a jamais informée par écrit dudit bail, ni n'établit l'avoir informée verbalement, comme elle l'affirme, lors de la réunion organisée par l'expert judiciaire le 29 mars 2004 au cours de l'instance en fixation de l'indemnité d'éviction, l'expert lui-même n'ayant pas reçu une telle information ; qu'il ne peut non plus être déduit de la cession de parts sociales du 26 novembre 2003 et de la publication d'extraits de l'A.G.E. de la Société de Distribution MONINGER le 12 décembre 2003 dans un journal local d'annonces légales, l'information d'un bail conclu par la Société WEILL BOUTIQUE ou par une société "se confondant avec WEILL BOUTIQUE" comme l'indique celle-ci, et il est hasardeux d'évoquer "la fréquentation soutenue des services municipaux" par la SCI LES MESANGES pour suggérer, sans le démontrer, une parfaite connaissance par celle-ci de toutes les démarches entreprises par la Société WEILL BOUTIQUE afin de se réinstaller ;
Attendu qu'il résulte de ce qui précède que les conditions de fond de l'exercice du droit de repentir étaient réunies lorsque la SCI LES
MESANGES l'a notifié à la SA WEILL BOUTIQUE selon des modalités qui ne sont pas elles-mêmes critiquées ; que, par suite, l'appelante ne peut prétendre à une indemnité d'éviction ;
Attendu que la notification de l'exercice du droit de repentir valant engagement irrévocable de renouveler le bail, en conséquence des dispositions de l'article L. 145-59 du Code de commerce, la Société WEILL BOUTIQUE était tenue de régler le loyer à la SCI LES MESANGES au prix convenu par le contrat initial et à compter du 15 avril 2004, date de notification du repentir ; que faute de paiement du loyer depuis cette date, la SCI LES MESANGES signifiait le 27 août 2004 à la Société WEILL BOUTIQUE un commandement de payer une somme de 3.818,18 euros correspondant au loyer et à l'avance sur charges afférents au troisième trimestre 2004, lui indiquant que faute de règlement dans le délai d'un mois, elle entendait se prévaloir de la clause de résiliation de plein droit du contrat de bail (clause no 11) du 18 mars 1994, lequel a été renouvelé aux mêmes conditions le 15 avril 2004; qu'en l'absence de paiement, la résiliation de plein droit du bail était donc acquise le 26 septembre 2004, ainsi que l'a retenu le premier juge, aucun motif ne justifiant toutefois la condamnation à évacuer les lieux sous astreinte alors qu'il est établi que la SA WEILL BOUTIQUE n'occupe plus ces lieux depuis le 14 mai 2004 ; qu'en outre, la SCI LES MESANGES réclame au titre de l'obligation de paiement des loyers pour la période du 15 avril 2004 au 15 avril 2005 une somme de 54.881,65 euros HT et hors intérêts, dont elle justifie en indiquant que "compte tenu du contrat précédent, le prix du bail renouvelé a été fixé à la somme annuelle de 54.881,65 euros hors taxes et hors charges" ; que ce montant correspond toutefois à l'offre de prix contenue dans l'acte de repentir du 15 avril 2004, sans rapport avec le bail initial ni avec le montant réclamé au titre du "bail renouvelé" pour le loyer et les
charges du troisième trimestre 2004 (3.818,18 euros TTC) ou encore l'indemnité mensuelle d'occupation de 1.272,73 euros également réclamée dans le commandement aux fins de résiliation du bail du 27 août 2004, ainsi que dans l'assignation de la Société WEILL BOUTIQUE devant le juge des référés ; que la demande de la SCI LES MESANGES, fondée sur un prix d'un nouveau loyer non accepté et non fixé judiciairement, ne peut en conséquence qu'être rejetée ; que le jugement entrepris sera dès lors réformé de ce chef ;
Sur la réparation du sinistre du 11 décembre 1997 :
Attendu que la SCI LES MESANGES ne conteste pas être débitrice de la réparation des dommages causés à la Société WEILL BOUTIQUE à la suite d'un sinistre survenu le 11 décembre 1997 dans les locaux d'exploitation de l'activité de celle-ci, ayant entraîné, outre des dégâts matériels, l'évacuation des lieux et la fermeture du commerce pendant la période des fêtes de fin d'année ; que ce sinistre avait motivé l'exécution d'une expertise judiciaire confiée à M. Z..., dont le rapport, daté du 2 juin 1998, évalue notamment les différents éléments du préjudice de la Société WEILL BOUTIQUE ; que le premier juge s'est également fondé sur ce rapport pour fixer à 93.515,33 ç le montant total et définitif du préjudice matériel et commercial de la Société WEILL BOUTIQUE que la SCI LES MESANGES a été condamnée à payer "en denier ou quittance", le tribunal écartant la demande d'indemnisation du préjudice financier réclamé par l'appelante faute de précision sur la nature et l'ampleur dudit préjudice ;
Attendu que devant la Cour, la Société WEILL BOUTIQUE demande la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SCI LES MESANGES à lui payer 93.515,33 euros de dommages et intérêts à titre de préjudice matériel et commercial, mais l'infirmation pour le surplus, en ce qu'il n'a pas été fait droit à sa demande au titre du préjudice financier, pour lequel elle réclame 32.608,21 euros ; que
la SCI LES MESANGES, tout en affirmant avoir réglé le montant des travaux de remise en état à hauteur de 24.139,62 euros, conclut au rejet de toutes autres demandes au titre d'un préjudice financier complémentaire ;
Attendu qu'il ressort des propres conclusions de la Société WEILL BOUTIQUE que celle-ci "a encaissé mi février 1999 une indemnisation de 150.568,91 F (22.954,08 euros)", versée par la SCI LES MESANGES ou son assureur au titre du préjudice matériel, ce montant devant dès lors nécessairement venir en déduction de l'indemnisation totale à allouer à l'appelante ; qu'en fixant cette indemnisation à 93.511,33 euros, le premier juge a en fait entériné les éléments du préjudice justifié et vérifié par l'expert qui incluait notamment les travaux de remise en état des locaux commerciaux (24.721,20 euros HT), mais également le préjudice lié à la fermeture du commerce pendant 23 jours ouvrables (coût du loyer, coût des salaires, des frais de nettoyage du stock des vêtements et de remise en état des rayonnages), soit 6.807,14 euros HT, ainsi qu'aux frais générés par le litige consécutif au sinistre (frais d'expertise, d'avocats...), soit 12.291 euros, l'expert ayant par ailleurs fait état du montant estimé de perte du chiffre d'affaires causée par le sinistre, que lui a communiqué la Société WEILL BOUTIQUE, soit 48.772,25 euros, sans pouvoir évidemment vérifier le bien fondé de cette estimation, que le premier juge a admise en l'état ;
Attendu que si la Société WEILL BOUTIQUE reprend devant la Cour la même évaluation concernant la perte de chiffre d'affaires, elle n'en apporte aucune justification et les pièces produites aux débats ne permettent pas de procéder à l'estimation de la perte du chiffre d'affaires liée au sinistre, en l'absence de données comptables susceptibles d'être exploitées, le seul document de cette nature produit par l'appelante (pièce 90) étant une feuille "comptes
d'exploitation" au 31 décembre 1998 dont il n'est pas précisé à quel établissement elle se rapporte et dont il est impossible de tirer la moindre conclusion quant à la perte du chiffre d'affaires imputable au sinistre de décembre 1997 à supposer que cet élément de référence soit pertinent pour apprécier le préjudice commercial allégué ; que cette carence, singulière compte tenu du délai dont disposait la Société WEILL BOUTIQUE pour justifier son préjudice, conduit à rejeter sa demande présentée pour le montant susvisé de 48.772,25 euros et à infirmer le jugement dont appel sur ce point du litige, ainsi qu'à écarter la demande présentée au titre du préjudice financier calculé sur cette somme, chiffré à 20.412,13 euros ;
Attendu, enfin qu'aucune explication n'est fournie par l'appelante sur le préjudice financier estimé à 12.196,08 euros, apparemment calculé sur le coût des travaux de remise en état et le montant du préjudice lié à la fermeture du commerce et aux frais du litige, évalués globalement par l'expert à 43.872,97 euros (287.435,94 francs), mais sans autrement justifier les taux d'intérêts mis en compte et leur point de départ ("du dépôt du rapport de M. Z...") ; qu'il convient dès lors d'écarter l'ensemble de la demande au titre du préjudice financier ;
Attendu en définitive que le montant de l'indemnisation encore due à la Société WEILL BOUTIQUE à la suite du sinistre du 11 décembre 1997, sera fixé à la somme de 20.918,89 euros (43.872,97 ç - 22.954,08 ç) ; Attendu que l'issue du litige conduit à dire, l'appelante succombant pour l'essentiel en son appel, que la Société WEILL BOUTIQUE sera condamnée aux entiers dépens de l'instance d'appel et à payer à la SCI LES MESANGES une somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles qu'elle a exposés et qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge.
PAR CES MOTIFS
DÉCLARE l'appel recevable ;
INFIRME partiellement le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SA WEILL BOUTIQUE à payer à la SCI LES MESANGES une somme de 65.638,45 euros (soixante cinq mille six cent trente huit euros et quarante cinq cents) avec intérêts au taux de 1,3 % par mois, réservé à la SCI LES MESANGES le droit de réclamer les loyers et accessoires postérieurs au 15 avril 2005 jusqu'à l'évacuation des lieux, condamné la SA WEILL BOUTIQUE à évacuer les lieux sous astreinte de 1.000 euros (mille euros) par jour de retard, et en ce qu'il a condamné la SCI LES MESANGES à payer en deniers ou quittance à la SA WEILL BOUTIQUE la somme de 93.515,33 euros (quatre vingt treize mille cinq cent quinze euros et trente trois cents) avec intérêts au taux légal à compter du jour du jugement ;
Statuant à nouveau dans cette limite :
DÉBOUTE la SCI LES MESANGES de ses demandes au titre des loyers réclamés à compter du 15 avril 2004 au 15 avril 2005 à la SA WEILL BOUTIQUE, ainsi qu'au titre de loyers postérieurs au 15 avril 2005 et à l'évacuation des lieux ;
CONDAMNE la SCI LES MESANGES à payer à la Société WEILL BOUTIQUE la somme de 20.918,89 euros (vingt mille neuf cent dix huit euros et quatre vingt neuf cents) portant intérêts au taux légal à compter du jugement du 21 juin 2005 ;
CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus ;
Y ajoutant :
CONDAMNE la Société WEILL BOUTIQUE aux entiers dépens de l'instance d'appel et à payer à la SCI LES MESANGES une somme de 4.000 euros
(quatre mille euros) au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Le Greffier, Le Président,