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15/02/2022 | FRANCE | N°20/004431

France | France, Cour d'appel de chambéry, 10, 15 février 2022, 20/004431


IRS/SL

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

Chambre civile - Première section

Arrêt du Mardi 15 Février 2022

No RG 20/00443 - No Portalis DBVY-V-B7E-GN46

Décision attaquée : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ANNECY en date du 08 Janvier 2020, RG 16/01423

Appelante

S.A.S. OFFICE FRANCAIS INTER-ENTREPRISES - OFIE, dont le siège social est situé [Adresse 4]

Représentée par la SCP BOLLONJEON ARNAUD BOLLONJEON, avocats postulants au barreau de CHAMBERY
Représentée par la SARL BALLALOUD et ASSOCIES, avocats plaidants au ba

rreau d'ANNECY

Intimés

M. [I] [D], demeurant [Adresse 5]

M. [I] [N], demeurant [Adresse 5]

S.A.R.L. [J] ET...

IRS/SL

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

Chambre civile - Première section

Arrêt du Mardi 15 Février 2022

No RG 20/00443 - No Portalis DBVY-V-B7E-GN46

Décision attaquée : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ANNECY en date du 08 Janvier 2020, RG 16/01423

Appelante

S.A.S. OFFICE FRANCAIS INTER-ENTREPRISES - OFIE, dont le siège social est situé [Adresse 4]

Représentée par la SCP BOLLONJEON ARNAUD BOLLONJEON, avocats postulants au barreau de CHAMBERY
Représentée par la SARL BALLALOUD et ASSOCIES, avocats plaidants au barreau d'ANNECY

Intimés

M. [I] [D], demeurant [Adresse 5]

M. [I] [N], demeurant [Adresse 5]

S.A.R.L. [J] ET FILS, demeurant [Adresse 1]

Représentés par la SELARL HINGREZ MICHEL BAYON, avocats au barreau d'ANNECY

M. [U] [M]
demeurant [Adresse 3]

S.A.R.L. TAKE AWAY, dont le siège social est situé [Adresse 2]

Représentée par Me Christian BROCAS, avocat au barreau d'ANNECY

-=-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l'audience publique des débats, tenue le 07 décembre 2021 avec l'assistance de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,

Et lors du délibéré, par :

- M. Michel FICAGNA, Président,

- Mme Alyette FOUCHARD, Conseiller,

- Mme Inès REAL DEL SARTE, Conseiller, qui a procédé au rapport,

-=-=-=-=-=-=-=-=-

Par acte sous seing privé en date du 15 mars 2013, la société Office Français Inter Entreprise (OFIE) a donné à bail commercial à la société [J] et Fils un local situé à [Localité 6] pour une durée de 9 ans à compter du 1er avril 2013.

Le même jour, M. [M], gérant de la société [J] et Fils s'est porté caution solidaire du paiement des loyers du bail.

Par courrier du 18 juin 2014 la société [J] et Fils faisait savoir à la société OFIE qu'elle entendait céder son fonds de commerce à Mme [R] et l'interrogeait sur l'exercice de son droit de préemption ainsi que sur l'agrément du cessionnaire.

Par courrier du 1er septembre 2014, la société OFIE refusait d'agréer le cessionnaire.

Par acte du 28 novembre 2014, la société Take Away, associée unique de la société [J] et Fils a cédé à MM [I] les parts sociales numérotées 1 à 500 qu'elle détenait dans la société [J] et Fils et représentant la totalité des parts de cette dernière.

Par ordonnance en date du 7 décembre 2015, le juge des référés du tribunal de grande instance d'Annecy a dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes en résiliation du bail commercial formées par la société OFIE.

Par actes en date des 9 et 11 août 2016, la société OFIE a fait assigner la société [J] et Fils, la société Take Away, M. [D] [I] et M. [N] [I] devant le tribunal de grande instance d'Annecy en résiliation du bail commercial.

Par jugement en date du 8 janvier 2020, le tribunal judiciaire d'Annecy a :

?Débouté la société OFIE de l'ensemble de ses demandes,

?Condamné la société OFIE à payer à la société Take Away une indemnité de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

?Condamné la société OFIE à payer à la société [J] et Fils une indemnité de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

?Condamné la société OFIE à payer à MM [I], chacun une somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

?Rejeté les demandes plus amples,

?Condamné la société OFIE aux dépens.

La société OFIE a interjeté appel de cette décision, intimant l'ensemble des parties.

Aux termes de ses conclusions en date du 15 juin 2020, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, la société OFIE demande à la cour de :

Vu les articles 1134 et suivants du code civil,

Infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Requalifier la cession des parts sociales de la société [J] en date du 28 novembre 2014 en une cession de fonds de commerce,

Prononcer la résiliation du bail conclu le 15 mars 2013 aux torts de la société [J] faute par cette dernière d'avoir sollicité l'intervention du bailleur à la cession,

Constater que la société [J] a fait l'objet de deux cessions de parts successives au profit de la société Take Away et au profit de MM [I] sans notification de cette cession à la société OFIE dans le mois de ces dernières,

En conséquence, prononcer la résiliation du bail du 15 mars 2013 aux torts de la société [J],

Ordonner l'expulsion de la société [J], et de tous occupants de son chef, si besoin est avec la concours de la force publique sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé un délai de quinze jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

Condamner la société [J], la société Take Away, MM [I] in solidum à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner la même aux entiers dépens avec application des dispositions de l'article 699 eu code de procédure civile au profit de la SCP Bollonjeon Arnaud Bollonjeon, avocats associés.

Aux termes de leurs conclusions en date du 3 juillet 2020, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, M. [M] et la société Take Away demandent à la cour de :

Confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

Dire et juger n'y avoir lieu à requalification de la cession de parts sociales intervenue en cession de fonds de commerce,

Dire et juger que le retard dans la notification de la cession de parts n'a causé aucun préjudice à la société OFIE,

Débouter la société OFIE de l'intégralité de ses demandes,

Condamner la société OFIE à payer à M. [M] et la société Take Away une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner la même aux dépens.

Aux termes de leurs conclusions en date du 20 juillet 2020, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, la société [J] et Fils, M. [D] [I] et M. [N] [I] demandent à la cour de :

Vu les articles 1134 , 1184 du code civil,
Vu l'article L 145-41 du code de commerce,
Vu les articles 3,13, et 3.16 du bail commercial,

Confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Condamner la société OFIE à payer à la société [J] et Fils la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner la société OFIE à payer à MM [I], chacun la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner la société OFIE aux entiers dépens d'appel.

L'ordonnance de clôture est en date du 8 novembre 2021.

MOTIFS DE LA DECISION

1. Sur la résiliation du bail pour non respect de la clause 3-13 du bail commercial

Le bail commercial stipule en son point 3-13 que « le preneur s'engage à n'autoriser la cession qu'à l'acquéreur du fonds de commerce et encore avec l'agrément du bailleur et, préalablement à la conclusion de toute cession du droit au bail ou du fonds de commerce, à peine de nullité de la cession à faire connaître par acte extra-judiciaire ou lettre RAR au bailleur l'indication du prix, et de l'intégralité des conditions de la cession projetée ainsi que le nom, l'adresse, la qualité et la solvabilité du cessionnaire, en lui faisant parvenir une copie de la promesse de vente. »

Le contrat prévoit que si la cession est conclue sans l'accord et l'intervention du bailleur ou avec un tiers en violation du droit de préemption reconnu par les présentes au bailleur, celui-ci peut, dans un délai d'un mois à compter du jour où il a connaissance de cette violation, résilier le bail de plein droit sans qu'il soit besoin d'autre formalité judiciaire qu'une simple ordonnance de référé pour , si besoin était, contraindre le preneur ou, le cas échéant, le cessionnaire à quitter les lieux.

La société OFIE fait valoir que la cession des parts sociales de la société [J] en date du 28 novembre 2014 constituerait une cession déguisée de fonds de commerce intervenue en contravention avec les termes du bail sus-énoncés et justifiant le prononcé de la résiliation du bail.

Le fonds de commerce est composé des actifs nécessaires à l'exercice d'une activité, de sorte que le vendeur ne cède que de l'actif (clientèle, bail, stock...) mais non les éventuelles dettes.

Le cessionnaire pourra ainsi choisir de ne récupérer que certains contrats avec des fournisseurs à l'exception des contrats de travail et du bail dont le transfert est obligatoire.

Lorsque le fonds est détenu dans une société, le vendeur peut choisir de céder l'intégralité des parts sociales de cette dernière, de sorte que l'acquéreur des parts sera propriétaire du fonds à travers la société.

A la différence de la cession du fonds, la cession des parts entraîne le transfert de l'ensemble de l'actif mais aussi du passif de la société et l'acquéreur de la société devra respecter l'ensemble des engagements contractés par son prédécesseur.

Il est constant qu'une cession de parts sociales, même totale, ne vaut pas, par principe, cession de fonds de commerce et ne vaut pas non plus cession de droit au bail, puisque ne modifiant pas la personnalité juridique du locataire.

Pour qu'il en soit autrement il convient de démontrer l'intention fautive du cédant et du cessionnaire ayant agi en fraude des droits du bailleur, et ainsi que l'ont rappelé les premiers juges, en l'espèce, la charge de cette preuve en incombe à la société OFIE qui l'invoque.

Cette dernière fait valoir d'une part qu'en l'espèce le passif n'a pas été repris d'autre part qu'il n'existe pas de garantie d'actif et de passif par le cédant.

Sur l'absence de passif

S'agissant du passif il résulte de l'acte de cession de parts que ce dernier était subordonné à plusieurs conditions suspensives dont :

L'obtention de l'accord de la Banque CIC EST pour la non exigibilité immédiate du remboursement du prêt consenti à la société [J] et Fils du fait de la cession et l'accord de la Brasserie Météor pour le maintien de son engagement de caution de la société [J] dans le cadre du prêt CIC.

L'obtention de l'accord de la Banque Populaire des Alpes pour la non exigibilité immédiate du remboursement du prêt consenti à la société [J] et Fils du fait de la cession.

Il est mentionné dans l'acte que les conditions suspensives relatives au prêt CIC n'ont pas été réalisées, le prêt de 47 625 euros consenti par cette banque étant devenu immédiatement exigible et représentant un solde de 23 174,09 euros et que les parties ont convenu néanmoins de réitérer de manière définitive la cession des parts.

S'agissant de la Banque Populaire des Alpes, cette dernière a manifestement donné son accord pour la poursuite du remboursement des échéances du prêt puisqu'un emprunt auprès de cette banque figure au bilan détaillé de la société [J] et Fils pour un montant de 39 947,30 euros au 31 octobre 2015 et pour 28 040,19 euros au 31 octobre 2016.

Ce même bilan détaillé fait apparaître un emprunt en cours auprès de la société Générale pour un montant de 64 720,39 euros et rien n'indique que cette somme n'inclue pas l'emprunt qui était en cours lors de la cession de parts.

Il en résulte que la société OFIE ne rapporte pas la preuve que seul l'actif aurait été repris.

Sur la garantie d'actif et de passif

L'article 7 de l'acte de cession de parts rappelle que l'acquisition par la société Take Away de la totalité des 500 parts sociales de la société [J] et Fils détenues par les consorts [J], en date du 29 mars 2013, s'est acompagnée d'une convention de garantie d'actif et de passif intitulée « Déclarations et garanties » signée par acte séparé le même jour.

Il est indiqué que cette garantie octroyée par le gérant associé majoritaire à la société Take Away est assise sur le bilan au 31 décembre 2012 de la société [J] et Fils, qu'elle a été consentie pour une durée de trois années à compter du 29 mars 2013 avec une franchise de 36 000 euros et qu'elle est limitée à montant maximum de 54 000 euros.

Il est précisé qu'elle est assortie d'un engagement de caution de M. [W] [J] et son épouse Mme [X] [E] à concurrence de 18 000 euros jusqu'au 31 janvier 2016.

L'acte de cession de parts, rappelle ensuite les stipulations de la garantie d'actif et de passif qui prévoient que ces garanties sont valables non seulement pour le cessionnaire désigné dans l'acte mais pour tous cessionnaires éventuels des parts sociales de la société, pendant le délai ci-dessus indiqué.

Ainsi le bénéfice de cette garantie a été transféré aux cessionnaires que sont les consorts [I] qui ont reconnu aux termes de l'acte de cession avoir eu communication de cette dernière préalablement à la signature de l'acte.

C'est également du fait de cette transmission de la garantie que l'acte de cession de parts à été signifié à M.[G] [J] cédant et garant.

Sur le maintien de l'engagement de caution de M. [M]

Enfin, il sera relevé comme les premiers juges, que l'acte de cession de parts sociales a maintenu les garanties qui avaient été consenties initialement à la société OFIE, l'article 8 prévoyant que M. [D] [I] contregarantit M. [M] et s'engage solidairement et irrévocablement avec la société [J] et Fils à lui rembourser toutes sommes qui pourraient lui être réclamées au titre de son engagement de caution auprès de la société OFIE.

Ainsi, les garanties dont bénéficiait la société OFIE ont été préservées.

Le jugement, qui a rejeté la demande de requalification formée par la société OFIE, sera confirmé.

2 . Sur la demande de résiliation du bail commercial pour non respect de la clause 3-16 du bail commercial

La clause 3-16 du bail stipule que « le preneur s'engage à notifier au bailleur par lettre recommandée AR toute modification de statuts (transformation, changement de dénomination ou de raison sociale, changement de siège social, de représentant etc...) et tout changement d'assoicés et de répartition du capital de la société preneuse dans le mois de la modification sous peine de résiliation du bail. »

Cette clause ne fait nullement référence à une résolution de plein droit se contentant d'évoquer la possiblité d'une résiliation du bail et elle n'est pas reprise sous l'article 6 relatif aux clauses résolutoires, de sorte que la commune intention des parties était clairement de ne pas sanctionner ce manquement à cette obligation contractuelle par une résolution de plein droit.

En l'absence d'élément nouveau, c'est par une motivation pertinente que la cour adopte expressément, que les premiers juges ont retenu que :

- Il ne pouvait être reproché aucun manquement à cette clause lors de la première cession de parts sociales qui est intervenue antérieurement à la signature d'un nouveau bail entre la société OFIE et la société [J] et Fils représentée par M. [M].

- Si la cession des parts sociales du 28 novembre 2014 est intervenue tardivement le 20 mai 2015, la société OFIE ne justifie d'aucun préjudice alors que M. [M] est toujours caution du paiement des loyers.

Le jugement qui a rejeté la demande de résiliation sera confirmé.

3. Sur les demandes accessoires

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit des intimés.

La société OFIE qui échoue en son appel est tenue aux dépens exposés devant la cour.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la société Office Français Inter-Entreprises à payer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, les sommes de :

- 3 000 euros au profit de la société Take Away
- 3 000 euros au profit de la société [J] et Fils
- 1 000 euros au profit de M. [D] [I]
- 1000 euros au profit de M. [N] [I],

Condamne la société Office Français Inter-Entreprises aux dépens d'appel

Ainsi prononcé publiquement le 15 février 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Michel FICAGNA, Président et Sylvie LAVAL, Greffier.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de chambéry
Formation : 10
Numéro d'arrêt : 20/004431
Date de la décision : 15/02/2022
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : Tribunal judiciaire d'Annecy, 08 janvier 2020


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.chambery;arret;2022-02-15;20.004431 ?
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