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15/02/2022 | FRANCE | N°20/000801

France | France, Cour d'appel de chambéry, 10, 15 février 2022, 20/000801


AF/SL

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

Chambre civile - Première section

Arrêt du Mardi 15 Février 2022

No RG 20/00080 - No Portalis DBVY-V-B7E-GMT4

Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Grande Instance de THONON LES BAINS en date du 15 Novembre 2019, RG 16/01414

Appelante

S.A.R.L. AZAT LOCATION, dont le siège social est situé [Adresse 4]

Représentée par Me Christian FORQUIN, avocat postulant au barreau de CHAMBERY
Représentée par la SELARL JACK CANNARD, avocats plaidants au barreau de THONON-LES-BAINS

Intimées


Mme [J] [D] épouse [I]
née le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 5] (HAITI), demeurant [Adresse 3]

Représentée par Me...

AF/SL

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

Chambre civile - Première section

Arrêt du Mardi 15 Février 2022

No RG 20/00080 - No Portalis DBVY-V-B7E-GMT4

Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Grande Instance de THONON LES BAINS en date du 15 Novembre 2019, RG 16/01414

Appelante

S.A.R.L. AZAT LOCATION, dont le siège social est situé [Adresse 4]

Représentée par Me Christian FORQUIN, avocat postulant au barreau de CHAMBERY
Représentée par la SELARL JACK CANNARD, avocats plaidants au barreau de THONON-LES-BAINS

Intimées

Mme [J] [D] épouse [I]
née le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 5] (HAITI), demeurant [Adresse 3]

Représentée par Me Sylvie DUMONT, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS

S.A.S. ENTORIA, dont le siège social est situé [Adresse 1]

Représentée par Me Jennifer BOULEVARD, avocat postulant au barreau de CHAMBERY
Représentée par la SELARL ASTREE AVOCATS, avocats plaidants au barreau de HAUTS-DE-SEINE

S.A.R.L. MSI ASSURANCES ET REASSURANCES, dont le siège social est situé [Adresse 6]

Représentée par Me Anne sophie PESCHEUX, avocat postulant au barreau de THONON-LES-BAINS
Représentée par Me Frédéric ENSLEN, avocat plaidant au barreau de PARIS
Compagnie d'assurance FOCUS INSURANCE COMPANY LTD, dont le siège social est [Adresse 6]

Représentée par Me Anne sophie PESCHEUX, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS

-=-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l'audience publique des débats, tenue le 07 décembre 2021 avec l'assistance de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,

Et lors du délibéré, par :

- M. Michel FICAGNA, Président,

- Mme Alyette FOUCHARD, Conseiller, qui a procédé au rapport,

- Madame Inès REAL DEL SARTE, Conseiller,

-=-=-=-=-=-=-=-=-

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [J] [D], épouse [I] était propriétaire d'un appartement à [Adresse 4] (Haute-Savoie), pour l'acquisition duquel elle a souscrit un emprunt auprès du Crédit Foncier de France selon acte du 21 janvier 2013.

Par acte sous seing privé du 14 mars 2014, Mme [I] a donné à la SARL Azat Location (agence Guy Hoquet) un mandat exclusif de location de cet appartement. Aux termes de ce mandat, Mme [I] a «souscrit à l'assurance loyers impayés de l'agence».

Il s'agissait alors d'une assurance de groupe souscrite par la société Azat Location par l'intermédiaire de Verspieren, courtier d'assurance.

Selon bail en date du 23 mai 2014, l'appartement de Mme [I] a été donné en location à Mme [O] moyennant un loyer mensuel de 965 €, outre 65 € de provision pour charges.

Le 19 décembre 2014, la société Azat Location a, par l'intermédiaire de la société Axelliance Business Services (Axelliance), souscrit un nouveau contrat d'assurance de loyers impayés auprès de l'assureur Focus Insurance Company Ltd (Focus), représentée en France par son mandataire général MSI Assurances et Réassurances (MSI).

La locataire a cessé de payer régulièrement le loyer, de telle sorte qu'une procédure de résiliation du bail et expulsion a été engagée à son encontre par assignation du 29 mars 2016, précédée d'un commandement de payer du 20 octobre 2015.

Par jugement rendu le 29 juillet 2016, le tribunal d'instance d'Annemasse a constaté la résiliation du contrat de location conclu entre Mme [I] et Mme [O], ordonné l'expulsion de cette dernière et l'a condamnée à payer à la bailleresse la somme de 11.266,92 € au titre des loyers et indemnités d'occupation dus au 11 juin 2016, outre une indemnité d'occupation jusqu'à la libération des lieux.

Entre temps, la société Azat Location a sollicité de la société Axelliance le bénéfice de la garantie des loyers impayés pour le compte de Mme [I] selon courrier du 26 octobre 2015. La société Axelliance a opposé un refus de garantie au motif que le solde de la locataire était déjà débiteur au moment de la souscription du contrat d'assurance.

C'est dans ces conditions que, par acte délivré le 9 juin 2016, la société Azat Location a fait assigner la société Axelliance Business Services devant le tribunal de grande instance de Thonon-Les-Bains pour obtenir la mise en oeuvre de la garantie des loyers impayés, et subsidiairement faire retenir la responsabilité de la société Axelliance pour manquement à son devoir de conseil.

La société Axelliance ayant, entre autres, soulevé l'irrecevabilité de la demande en ce qu'elle n'est pas formée contre l'assureur mais contre son courtier, par actes délivrés le 21 mars 2018, la société Azat Location a fait assigner en intervention forcée l'assureur, la société Focus, devenue Acasta European Insurance Company Ltd, et son mandataire général MSI.

Dans le dernier état de ses demandes, la société Azat Location sollicitait la condamnation in solidum de tous les défendeurs à lui payer la somme de 15.582,67 € au titre de l'indemnité de loyers impayés, et subsidiairement sur le fondement de la responsabilité contractuelles.

La société Axelliance a conclu à l'incompétence du tribunal de grande instance au profit du tribunal d'instance, à l'irrecevabilité de l'action et, au fond? à son caractère non fondé.

La société MSI a demandé à être mise hors de cause et a conclu également à l'incompétence du tribunal de grande instance et à l'irrecevabilité des demandes.

La société Focus Insurance Company Ltd a constitué avocat mais n'a pas conclu devant le tribunal.

Par jugement contradictoire rendu le 15 novembre 2019, le tribunal de grande instance de Thonon-Les-Bains a :

déclaré irrecevable l'exception d'incompétence,

déclaré irrecevables les demandes de la société Azat Location au titre de l'indemnité des loyers impayés à l'égard de la société Axelliance, de la société MSI et de la société Focus,

déclaré recevables les demandes de la société Azat Location au titre de la responsabilité contractuelle à l'égard de la société Axelliance, de la société MSI et de la société Focus,

rejeté les demandes de la société Azat Location fondées sur la responsabilité contractuelle contre ces trois sociétés,

rejeté la demande de dommages et intérêts de la société MSI sur le fondement de la procédure abusive,

condamné la société Azat Location à payer à la société Axelliance la somme de 2.000 € et à la société MSI la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné la société Azat Location aux dépens.

Par déclaration du 17 janvier 2020 la société Azat Location a interjeté appel de ce jugement.

Mme [I] est intervenue volontairement à l'instance d'appel.

L'affaire a été clôturée à la date du 8 novembre 2021 et renvoyée à l'audience du 7 décembre 2021, à laquelle elle a été retenue et mise en délibéré à la date du 15 février 2022.

Par conclusions notifiées le 2 novembre 2020, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, la société Azat Location demande en dernier lieu à la cour de :

Vu les articles 32 et 117 du code de procédure civile,
Vu les articles 1231-2, 1134 et 1147 du code civil,

?recevoir la société Azat Location en son appel et l'en dire bien fondée,

?réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

?dire et juger non écrite la clause d'exclusion de garantie,

?à titre principal, condamner in solidum la société Axelliance, la société MSI et la société Focus à payer à la société Azat Location la somme de 15.582,67 € au titre de l'indemnité de loyers impayés,

?à titre subsidiaire, condamner la société Axelliance, la société MSI et la société Focus à payer la somme de 15.582,67 € au titre de la responsabilité contractuelle,

?en tout état de cause, condamner la société Axelliance, la société MSI et la société Focus à payer la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

?condamner les mêmes aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ces derniers à payer à Me Forquin en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées le 27 octobre 2020, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, la société Entoria, venant aux droits de la société Axelliance Business Services, demande en dernier lieu à la cour de :

Vu les articles 32 et 122 du code de procédure civile,
Vu l'article 1964 du code civil et les articles 1231 et suivants du code civil,
Vu l'article L. 113-8 du code des assurances,

confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

déclaré irrecevables les demandes formées par la société Azat Location au titre de la garantie des loyers impayés à l'égard de la société Axelliance, devenue Entoria, de la société MSI et de la société Focus,

rejeté les demandes de la société Azat Location fondées sur la responsabilité contractuelle de la société Axelliance, devenue Entoria, de la société MSI et de la société Focus,

condamné la société Azat Location à payer à la société Axelliance, devenue Entoria, la somme de 2.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de l'instance,

débouter la société Azat Location de toutes ses demandes, fins et conclusions à l'égard de la société Axelliance, devenue Entoria,

débouter Mme [I] de toutes ses demandes, fins et conclusions à l'égard de la société Axelliance, devenue Entoria,

condamner in solidum la société Azat Location et Mme [I] à payer à la société Entoria, venant aux droits de la société Axelliance, la somme complémentaire de 5.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Par conclusions notifiées le 25 septembre 2020, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, la société MSI Assurances et Réassurances demande en dernier lieu à la cour de :

Vu les articles 32 et 122 du code de procédure civile, L. 113-8 du code des assurances,

infirmer la décision dont appel en ce qu'elle n'a pas mis hors de cause la société MSI,

mettre hors de cause la société MSI,

confirmer la décision dont appel pour le surplus,

dire irrecevable la société Azat Location en ses demandes,

débouter la société Azat Location de l'ensemble de ses demandes,

débouter Mme [I] de l'ensemble de ses demandes,

condamner la société Azat Location à verser à la société MSI une somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

condamner la société Azat à verser à la société MSI une somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner Mme [I] à verser à la société MSI une somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

condamner Mme [I] à verser à la société MSI une somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner la société Azat Location et Mme [I] en tous les dépens.

Par conclusions notifiées le 29 juillet 2020, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, Mme [I], intervenante volontaire, demande en dernier lieu à la cour de :

Vu l'article 325 du code de procédure civile,

dire et juger Mme [I] recevable en son intervention volontaire,

vu le jugement rendu le 29 juillet 2016 par le tribunal d'instance d'Annemasse,

constatant que Mme [I] a adhéré au contrat d'assurance de groupe pour loyers impayés souscrit par la société Azat Location,

constatant que Mme [I] n'est pas souscripteur du contrat conclu par l'intermédiaire de la société Axelliance et n'a même pas été informée du changement d'assureur intervenu en décembre 2014,

dire et juger inopposable à Mme [I] la clause d'exclusion de garantie,

en conséquence condamner in solidum la société Entoria, anciennement Fuji Acquisitions, venant aux droits de la société Axelliance Holding, venant elle-même aux droits de la société Axelliance Business Services, la société MSI et la société Focus à payer à Mme [I] la somme de 15.582,67 € au titre de l'indemnité de loyers impayés outre intérêts légaux sur cette somme à compter du 17 juillet 2018 date de la mise en demeure de Mme [I],

subsidiairement, condamner la société Azat Location à payer à Mme [I] la somme de 15.582,67 € au titre de l'indemnité de loyers impayés outre intérêts légaux sur cette somme à compter du 17 juillet 2018 date de la mise en demeure de Mme [I],

En tout état de cause,

condamner in solidum la société Entoria, la société MSI, la société Focus et la société Azat Location à la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée,

condamner in solidum les mêmes à lui payer la somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner les mêmes aux entiers dépens d'appel dont distraction est requise au profit de l'avocate de la concluante en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La société Focus Insurance Company Ltd, devenue Acasta European Insurance Company qui a constitué avocat devant la cour, n'a jamais conclu.

MOTIFS ET DÉCISION

1/ Sur la recevabilité de la demande de la société Azat Location au titre de la garantie des loyers impayés

La société Azat Location demande l'infirmation de la décision déférée en ce qu'elle l'a déclarée irrecevable en sa demande fondée sur la garantie des loyers impayés, mais ne développe pour autant aucun moyen sur ce point, sauf à indiquer que Mme [I] intervient volontairement en cause d'appel.

Toutefois, l'intervention volontaire de Mme [I] n'a pas pour effet de rendre recevable la demande de la société Azat Location qui n'a jamais prétendu avoir payé à sa mandante le montant des loyers impayés par la locataire, alors que le contrat d'assurance qui fonde la demande prévoit dans son titre 1 - «Définitions» que l'assuré ou le bénéficiaire est «le propriétaire des lots immobiliers dont le souscripteur assure la gestion. L'assuré est le seul bénéficiaire des garanties des contrats»

Ainsi, la demande en paiement formée par la société Azat Location pour son propre compte de mise en oeuvre de cette garantie est irrecevable, faute pour l'appelante de justifier de sa qualité à agir.

C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal déclaré la société Azat Location irrecevable à agir sur ce fondement, et le jugement sera confirmé sur ce point.

2/ Sur la demande de la société Azat Location sur le fondement de responsabilité contractuelle

La décision déférée n'est pas critiquée en ce qu'elle a déclaré la société Azat Location recevable en sa demande fondée sur la responsabilité contractuelle des sociétés Axelliance, devenue Entoria, MSI et Focus.

Sur le fond la cour ne peut que constater que la société Azat Location ne justifie pas plus qu'en première instance du préjudice qu'elle prétend avoir subi du fait du refus de garantie qui lui a été opposé, puisque seule Mme [I] a subi la perte de loyers.

En tout état de cause, la société Azat Location échoue à rapporter la preuve d'une faute commise par l'une des parties intimées, alors qu'il apparaît que, lors de la souscription du nouveau contrat d'assurance, l'ensemble des informations nécessaires lui a bien été fournie par la société Axelliance laquelle a précisé, dans un mail du 29 octobre 2014, les conditions d'éligibilité des lots dans ces termes :
«Dans le cas d'une reprise de portefeuille de lots précédemment assurés, la solvabilité du locataire est acquise, vous devez cependant veiller à respecter à minima les conditions suivantes :
pas d'incidence de paiement à la date de mise en garantie et ceci sur les 6 derniers mois
le solde débiteur doit être inférieur à 300 €uros
un contrat de bail comprenant une clause résolutoire
la copie de la carte d'identité de chaque locataire».

Les conditions générales du contrat précisent au demeurant (Titre 3 - conditions préliminaires à l'exercice de la garantie, paragraphe D article 3) que «en cas de reprise d'un portefeuille précédemment assuré, il est convenu que la garantie sera acquise si au moment du transfert le solde débiteur du compte locataire est inférieur à 300 € (tous postes confondus c'est-à-dire loyers, charges, frais). Pour les lots dont le solde débiteur est supérieur à 300 €, l'acceptation de la prise en garantie sera soumise à l'étude de l'historique complet du compte locataire par l'assureur ou son délégataire qui notifiera, par écrit, le cas échéant, l'acceptation de la mise en garantie».

L'information de la société Azat Location était donc complète sur les conditions dans lesquelles les garanties pouvaient être acquises au profit de l'un des lots dont elle a la gestion et qui étaient précédemment assurés. Or il est constant que, à la date de la souscription du nouveau contrat d'assurance, le compte de la locataire de Mme [I] était débiteur de 962,80 €, de sorte qu'elle ne pouvait ignorer que ce lot ne correspondait pas aux conditions posées par l'assureur pour octroyer sa garantie.

Par ailleurs, c'est en vain que la société Azat Location invoque l'absence d'examen par l'assureur de la situation individuelle de chaque lot, alors qu'il apparaît que la liste des lots dont la société Azat Location a sollicité la garantie a été transmise à l'assureur sans aucune indication relative à la situation comptable de ceux-ci (pièce no 12 de la société Entoria), contrairement à ce qui était requis, de sorte que l'assureur ne pouvait deviner que la locataire de Mme [I] était déjà, au 1er janvier 2015, en défaut de paiement de ses loyers.

Seule la société Azat Location était en mesure de fournir ces éléments, qu'elle ne justifie pas avoir transmis à l'assureur au moment de la souscription du contrat alors que son attention avait été amplement attirée sur cette condition essentielle à la prise de garantie.

La société Entoria (anciennement Axelliance) invoque au demeurant l'article L. 113-8 du code des assurances qui prévoit la nullité du contrat en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré ayant changé l'objet du risque ou en diminuant l'opinion pour l'assureur.

Il résulte de ce qui précède que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande formée par la société Azat Location sur le fondement de la responsabilité contractuelle.

3/ Sur les demandes formées par Mme [I]

La recevabilité de l'intervention volontaire de Mme [I], propriétaire bailleur du lot pour lequel la garantie des loyers est réclamée, n'est pas discutée, elle sera donc accueillie.

Mme [I] sollicite à titre principal la condamnation de la société Entoria, de la société MSI et de la société Focus sur le fondement de la garantie prévue par le contrat d'assurance.

Toutefois, et comme il a déjà été dit ci-dessus, le lot de Mme [I] ne remplissait pas les conditions posées par l'assureur pour que la garantie lui soit acquise, de sorte que la demande de Mme [I] ne peut prospérer, étant souligné que si les dispositions de l'article L. 113-8 du code des assurances sont invoquées par la société Entoria, celle-ci ne sollicite pas formellement l'annulation du contrat.

Par ailleurs, il convient de rappeler qu'aucune des parties ne produit aux débats le contrat d'assurance antérieurement souscrit par la société Azat Location pour la garantie des loyers impayés, et les termes des échanges intervenus entre les parties démontrent qu'il s'agit incontestablement d'un nouveau contrat souscrit par l'agence immobilière, et non d'un avenant à un précédent contrat (dont le nom de l'assureur est au demeurant inconnu de la cour). Aussi, c'est en vain que Mme [I] prétend que la clause d'exclusion de garantie litigieuse lui serait inopposable, puisque le mandat donné à la société Azat Location comprenait la souscription d'une assurance de garantie des loyers impayés pour son compte.

La demande ne peut donc qu'être rejetée, sans qu'il soit nécessaire d'examiner la qualité de chacune des parties intimées.

A titre subsidiaire Mme [I] sollicite la condamnation de la société Azat Location à lui payer la somme correspondant à la perte de loyers qu'elle a subie, sur le fondement de la responsabilité contractuelle.

La société Azat Location n'a pas répondu sur ce point.

Or il résulte des éléments produits que la société Azat Location, qui avait fait adhérer Mme [I] à une assurance de garantie des loyers, a changé de contrat d'assurance au cours du mandat sans en avertir sa cliente.

L'historique des échanges permet de constater que la société Azat Location, bien que parfaitement avertie des conditions à remplir pour que la garantie soit acquise pour les lots déjà assurés antérieurement, n'a pas procédé à la déclaration complète qui lui incombait, de sorte que l'assureur n'a pas pu invoquer, dès la souscription, l'absence de garantie pour le lot de Mme [I].

Le contrat souscrit par la société Azat Location par l'intermédiaire de la société Axelliance prévoit (titre 3, paragraphe A) que «le souscripteur s'engage à proposer les garanties, objet du présent contrat, à tous les propriétaires dont il gère les lots immobiliers, et ce afin d'éviter tout phénomène d'anti sélection. Le souscripteur s'engage à délivrer aux bénéficiaire, par tous les moyens appropriés, une information complète sur l'étendue et les limites du présent contrat».

Or la société Azat Location ne justifie d'aucune information délivrée à Mme [I] telle que prévue par le contrat, de sorte qu'elle n'a pas permis à celle-ci d'avoir connaissance du changement de contrat et des conséquences éventuelles de ce changement.

En ne remplissant pas complètement ses obligations à l'égard de sa mandante, à laquelle elle avait fait souscrire la garantie et qui a d'ailleurs payé toutes les cotisations dues à l'assureur, la société Azat Location a manqué à ses obligations et a engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard de Mme [I], en lui faisant perdre le bénéfice de la garantie initialement souscrite.

Cette faute a entraîné pour Mme [I] un préjudice certain puisqu'elle n'a jamais obtenu le paiement des loyers restés impayés par sa locataire, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté par la société Azat Location.

Aussi, il convient de condamner la société Azat Location à lui payer la somme de 15.582,67 € en réparation de son préjudice, somme qui correspond, selon les propres explications de l'appelante, à l'arriéré impayé par la locataire.

4/ Sur les demandes de dommages et intérêts

Mme [I] sollicite la condamnation des autres parties à lui payer la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts en faisant valoir que, du fait de l'absence de garantie des loyers impayés, elle n'a pas pu faire face au remboursement de son prêt immobilier et que l'appartement a fait l'objet d'une saisie immobilière par la banque, d'où une vente amiable consentie par elle à un prix inférieur au solde de son prêt.

Cette prétention ne peut prospérer à l'encontre des sociétés Entoria, MSI et Focus dès lors que les demandes formées à leur encontre sont rejetées.

Par ailleurs, concernant la demande à l'encontre de la société Azat Location, s'il est exact que Mme [I] a fait l'objet d'une procédure de saisie immobilière, il convient de souligner que celle-ci est postérieure de près de trois ans au sinistre concernant sa locataire Mme [O], et que la lecture des décisions du juge de l'exécution ne prouvent pas l'existence d'un lien de causalité entre la défaillance de sa locataire et le défaut de paiement du prêt.

Aussi le préjudice allégué n'est pas prouvé et la demande sera rejetée.

La société MSI réclame également des dommages et intérêts pour procédure abusive.

Toutefois, l'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas en soi constitutive d'une faute, et l'exercice d'une action en justice ne dégénère en abus que lorsqu'elle révèle une faute ou une erreur grave dont la commission a entraîné un préjudice pour le défendeur.

En l'espèce, la multiplicité des intermédiaires pour la souscription du contrat d'assurance de groupe a conduit la société Azat Location et Mme [I] à former leurs demandes à l'encontre de toutes les parties qu'elles pouvaient identifier, sans faute de leur part. Par ailleurs l'existence du contrat d'assurance n'est pas contestée, de sorte qu'aucun abus du droit d'agir en justice n'est établi.

De surcroît la société MSI, qui ne produit aucune pièce aux débats, ne rapporte pas la preuve d'un quelconque préjudice qu'elle aurait subi du fait de la présente procédure, autre que les frais irrépétibles qu'elle a du engager.

5/ Sur les autres demandes

Il serait inéquitable de laisser à la charge de Mme [I], de la société Entoria et de la société MSI la totalité des frais exposés, et non compris dans les dépens. Il convient en conséquence de condamner la société Azat Location à leur payer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile :
- à la société Entoria la somme de 1.000 €,
- à la société MSI la somme de 1.000 €,
- à Mme [I] la somme de 2.000 €.

La société Azat Location, qui succombe, supportera les entiers dépens de l'appel, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me Sylvie Dumont, avocat.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Reçoit l'intervention volontaire de Mme [J] [D], épouse [I] en cause d'appel,

Confirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Thonon-Les-Bains le 15 novembre 2019 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la société Azat Location à payer à Mme [J] [D], épouse [I] la somme de 15.582,67 € outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 17 juillet 2018,

Déboute Mme [J] [D], épouse [I] du surplus de ses demandes,

Condamne la société Azat Location à payer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile :
- à la société Entoria la somme de 1.000 €,
- à la société MSI Assurances et Réassurances la somme de 1.000 €,
- à Mme [J] [D], épouse [I] la somme de 2.000 €,

Condamne la société Azat Location aux entiers dépens de l'appel, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me Sylvie Dumont.

Ainsi prononcé publiquement le 15 février 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Michel FICAGNA, Président et Sylvie LAVAL, Greffier.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de chambéry
Formation : 10
Numéro d'arrêt : 20/000801
Date de la décision : 15/02/2022
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains, 15 novembre 2019


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.chambery;arret;2022-02-15;20.000801 ?
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