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28/03/2017 | FRANCE | N°16/01258

France | France, Cour d'appel de chambéry, Chambre sociale, 28 mars 2017, 16/01258


COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY CHAMBRE SOCIALE ARRÊT DU 28 MARS 2017

RG : 16/ 01258 NH/ VA
Jocelyn X...C/ SARL BLUM FRANCE

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANNECY en date du 11 Mai 2016, RG F 15/ 00240

APPELANT :
Monsieur Jocelyn X......

représenté à l'audience par Me Natacha ESTEBANEZ-PRADEL, avocat au barreau d'ANNECY
INTIMEE :
SARL BLUM FRANCE ZAE de Rumilly Sud 14 avenue du Trélod 74150 RUMILLY

Représentée à l'audience par Me Nicolas CHAMBET de la SELARL CHAMBET NICOLAS, avoc

at au barreau d'ANNECY

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 ...

COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY CHAMBRE SOCIALE ARRÊT DU 28 MARS 2017

RG : 16/ 01258 NH/ VA
Jocelyn X...C/ SARL BLUM FRANCE

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANNECY en date du 11 Mai 2016, RG F 15/ 00240

APPELANT :
Monsieur Jocelyn X......

représenté à l'audience par Me Natacha ESTEBANEZ-PRADEL, avocat au barreau d'ANNECY
INTIMEE :
SARL BLUM FRANCE ZAE de Rumilly Sud 14 avenue du Trélod 74150 RUMILLY

Représentée à l'audience par Me Nicolas CHAMBET de la SELARL CHAMBET NICOLAS, avocat au barreau d'ANNECY

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue en audience publique le 09 Février 2017, devant Madame Nathalie HACQUARD, Conseiller désigné par ordonnance de Monsieur le Premier Président, qui s'est chargé du rapport, les parties ne s'y étant pas opposées, avec l'assistance de Madame Viviane ALESSANDRINI, Greffier, et lors du délibéré :
Madame Claudine FOURCADE, Présidente, Madame Nathalie HACQUARD, Conseiller qui a rendu compte des plaidoiries, Madame Anne DE REGO, Conseiller

********
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Jocelyn X...a été embauché par la société BLUM FRANCE en qualité d'informaticien et assistant comptable par contrat à durée indéterminée signé le 5 janvier 2006 avec effet au 1er juillet 2006 ;
Le 17 mars 2014, le salarié s'est vu notifier un avertissement ;
Le 5 mai 2014, il a été licencié pour insuffisance professionnelle ;
Le 26 juin 2015, il a saisi le conseil de prud'hommes d'Annecy de la contestation du licenciement ;
Par jugement en date du 11 mai 2016, le conseil de prud'hommes a :- dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,- débouté monsieur X...de ses demandes au titre du licenciement abusif,- condamné la société BLUM FRANCE à payer à monsieur X...la somme de 150 euros pour irrégularité de procédure,- dit que la société a remis l'attestation " droit individuel à la formation " au salarié et que la demande à ce titre est sans objet,- condamné les parties au partage des dépens ;
La décision a été notifiée aux parties par lettres recommandées avec demande d'accusé de réception le 13 mai 2016 ;

Par déclaration reçue au greffe le 10 juin 2016, monsieur X...a interjeté appel de la décision en sa globalité ;
Il demande à la cour de :- réformer en toutes ses dispositions le jugement déféré,- dire et juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse comme non justifié par une insuffisance professionnelle,- condamner la société BLUM FRANCE à lui payer : * 38 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, * 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement intervenu de manière brutale et vexatoire, * 3 000 euros au titre de l'irrégularité de procédure, * 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,- condamner la société BLUM FRANCE aux dépens ;
Il soutient :- que la lettre de licenciement vise des motifs vagues, imprécis et non vérifiables ; que ces motifs sont en réalité incompréhensibles et ne sont illustrés d'aucun exemple alors que l'avertissement a été délivré sur les mêmes fondements ;- que la société ne rapporte pas la preuve de l'insuffisance qu'elle allègue et qu'elle n'est en mesure de justifier que de 3 erreurs en 8 années, erreurs au demeurant sans conséquence ;- que lui-même n'a reconnu aucune insuffisance mais seulement indiqué les points sur lesquels il pensait pouvoir s'améliorer ;- que la masse de travail qui lui incombait tant dans ses fonctions comptables qu'informatiques, a considérablement augmenté en huit ans et que sur ces dernières au moins, il n'a jamais bénéficié d'entretien individuel jusqu'au début 2014 et donnait entière satisfaction notamment sur les différents projets menés ;- qu'en réalité la société a fait choix de se séparer en une année de trois de ses collaborateurs ;

Il indique en outre :- que son licenciement est intervenu dans des circonstances vexatoires qui justifient sa demande de dommages et intérêts spécifiques ;- que le délai entre la convocation et la date de l'entretien préalable n'a pas été respecté et qu'il est donc fondé à obtenir réparation à ce titre ;
La société BLUM FRANCE demande à la cour de :- confirmer purement et simplement la décision querellée,- débouter monsieur X...de l'ensemble de ses demandes,- le condamner à lui verser la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

Elle fait valoir :- que les éléments visés dans la lettre de licenciement sont concrets et matériellement vérifiables ;- que les insuffisances de monsieur X...sont incontestables, lui ont été rappelées à plusieurs reprises et sont démontrées par les pièces produites et l'absence de contestation de l'avertissement ;- qu'il n'a jamais argué d'une quelconque surcharge de travail et savait qu'il devait vérifier et contrôler son travail ainsi qu'il résulte de ses propres comptes rendus d'entretiens ;- que les erreurs commises ne sont pas ponctuelles mais témoignent d'une incompétence et d'un manque de rigueur total ;- que monsieur X...a bénéficié du temps, de la formation nécessaire et de plusieurs rappels pour s'améliorer, sans résultat ; que de même un avertissement lui a été délivré pour des faits de même nature sans qu'il en tire quelque conséquence que ce soit ;
Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats ;

SUR QUOI
En application de l'article L1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d " instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié ; ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables ;

L'insuffisance professionnelle, sans présenter un caractère fautif, traduit l'inaptitude du salarié à exercer de façon satisfaisante, conformément aux prévisions contractuelles, les fonctions qui lui ont été confiées ; si l'employeur est juge des aptitudes professionnelles de son salarié et de son adaptation à l'emploi, et si l'insuffisance professionnelle peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, elle doit néanmoins être caractérisée par des faits objectifs et matériellement vérifiables ;
Monsieur X...a été licencié par courrier du 5 mai 2014 qui fixe les limites du litige, au motif d'une insuffisance professionnelle ainsi énoncée : " Nous avons le regret de vous notifier votre licenciement pour insuffisance professionnelle et pour les raisons suivantes :- Une application et compréhension dans les tâches de comptabilité (rigueur, écoute).- D'avoir une faculté d'anticipation afin d'éviter de mettre le service comptabilité et informatique dans l'urgence.- D'avoir une communication régulière sur les actions menées afin que vos collègues concernés puissent connaître les états d'avancement. Ces raisons ont déjà été évoquées lors des différents entretiens individuels et notifiées par un avertissement du 17 mars 2014. " ;
Il peut en premier lieu être constaté que les motifs du licenciement, tels que listés par l'employeur, ne sont pas des insuffisances mais des qualités, dont il convient de supposer qu'il est reproché au salarié d'en être dépourvu, ce qui n'est cependant pas précisé et prive la lettre de licenciement de la clarté qui doit être la sienne quant aux motifs justifiant la rupture afin que le salarié puisse s'en expliquer le cas échéant ;

A supposer que monsieur X...ait pu comprendre que lui était reproché un manque en matière d'application et compréhension dans les tâches de comptabilité, en matière d'anticipation pour éviter de placer le service comptabilité et informatique dans l'urgence et en matière de communication sur les actions menées envers ses collègues, ces trois reproches sont dépourvus de la moindre illustration factuelle et il ne peut dès lors être vérifié que les motifs du licenciement soient effectivement avérés de manière objective ;
La lettre de licenciement renvoie à l'avertissement délivré le 17 mars 2014 ; le courrier de notification de cet avertissement est libellé de manière strictement identique à la formulation de la lettre de licenciement et ne permet pas davantage de connaître les faits précis qui pourraient être reprochés au salarié ; il peut en outre être constaté que le 17 mars 2014, la société BLUM FRANCE, pour des faits strictement identiques à ceux qu'elle déplorera un mois et demi plus tard pour licencier monsieur X..., a alors considéré qu'ils ne justifiaient pas la rupture du contrat et n'explique pas en quoi entre le 17 mars 2014 et l'engagement de la procédure de licenciement le 22 avril 2014 suivie du licenciement le 5 mai 2014, le salarié aurait persisté dans les mêmes erreurs et manquements au point qu'elle décide de le licencier pour insuffisance professionnelle ; il peut être constaté à cet égard que l'employeur ne justifie d'aucun fait précis ni d'aucun reproche adressé au salarié postérieurement au 6 mars 2014, soit avant l'avertissement ;
La lettre de licenciement fait en outre référence aux différents entretiens individuels au cours desquels les mêmes remarques auraient été faites au salarié ; l'examen des pièces 7 à 11 dont la société indique qu'elles constituent les comptes rendus d'entretien de 2009 à février 2013, soit pour les années 2009 à 2012, permet de constater qu'aucun de ces documents n'est signé du salarié, qu'à les supposer remplis par ce dernier s'agissant des mentions qui lui sont imputées, seuls les comptes rendus de février 2010, mai 2011 et février 2013, font état de la nécessité de procéder à davantage de vérifications et de contrôles sans qu'il soit possible de déterminer si ces remarques visent une amélioration nécessaire face à des reproches formulés par l'employeur, dès lors que s'agissant de 2013 et 2010, seule la fiche supposément remplie par monsieur X...est produite à l'exclusion des remarques du supérieur hiérarchique, ou si les mêmes engagements concernent de nouvelles tâches à réaliser ; en tout état de cause, aucun de ces comptes rendus ne visent des faits précis permettant d'illustrer les insuffisances du salarié et il peut être constaté que l'entretien de début 2014 pour l'année 2013, n'est pas produit aux débats de sorte que les derniers éléments permettant l'évaluation du travail de monsieur X...remontent à plus d'une année avant la date du licenciement qu'ils ne peuvent justifier, eussent-ils été plus précis ;
Le seul reproche adressé au salarié sur des faits précis, outre ceux visés par le courriel du 6 mars 2014 évoqué ci-avant qui concerne une erreur de compte, l'est au terme d'un courriel du 7 mars 2011 soit plus de trois ans avant le licenciement et est des plus imprécis puisque madame Y...lui indique " j'ai eu des collaborateurs du niveau BEP qui ne m'ont jamais fait ce genre d'erreurs à répétition. Merci de revoir tes cours " sans que les erreurs en question ne soient déterminées ni déterminables et donc vérifiables ; l'autre courriel de madame Y...indiquant qu'elle en a assez des erreurs et lacunes de monsieur X..." I am really fed up of all Jocelyn errors and lack of knowledge in accounting " n'est pas adressé au salarié et date du 9 juin 2011 soit là encore près de 3 ans avant le licenciement ;
Enfin, les attestations de salariés Z... et A...qui indiquent pour l'un que monsieur X...n'était pas compétent en matière informatique et pour l'autre qu'il pratiquait la rétention d'information, sont dépourvues de toute précision quant aux dates des faits constatés et pour ce qui concerne monsieur A..., également quant aux faits eux-mêmes ;
Au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de constater que l'insuffisance professionnelle reprochée à monsieur X...n'est pas démontrée et que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Le salarié est fondé à obtenir une indemnité pour licenciement abusif, d'un montant au minimum égal à 6 mois de salaire compte tenu de son ancienneté et de l'effectif de la société ; compte tenu de l'évolution de sa situation professionnelle qui ne lui procure pas les mêmes revenus ni un contrat à durée indéterminée, outre le préjudice moral lié à la perte d'emploi, il lui sera alloué la somme de 27. 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Il convient de faire application des dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail, qui prévoit que dans les cas prévus à l'article L 1235-3 du dit code, le juge doit ordonner d'office, lorsque les organismes ne sont pas intervenus à l'instance et n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées, le versement par l'employeur fautif de tout ou partie des indemnités chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage, limite retenue en l'espèce par la cour ;
Le courriel diffusé au sein de la société pour informer le personnel du licenciement de monsieur X...et des conditions de son départ et de son remplacement, ne présente pas un caractère vexatoire et l'appelant ne justifie au demeurant pas du préjudice qu'il en aurait conçu ; il sera débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire ;

Monsieur X...dont le licenciement a été déclaré sans cause réelle et sérieuse, ne peut cumuler les dommages et intérêts pour licenciement abusif et une indemnisation au titre de l'irrégularité de procédure et il sera débouté de sa demande de ce chef ;
La société BLUM FRANCE supportera les dépens de première instance et d'appel et versera à monsieur X...la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau et ajoutant,
Dit que le licenciement de Jocelyn X...par la SARL BLUM FRANCE est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Condamne la SARL BLUM FRANCE à payer à Jocelyn X...la somme de 27 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Ordonne d'office le remboursement par la SARL BLUM FRANCE à Pôle Emploi des indemnités chômage versées à Jocelyn X...du jour de son licenciement au jour de la présente décision, dans la limite de six mois d'indemnités ; Déboute Jocelyn X...de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire et procédure irrégulière ;

Condamne la SARL BLUM FRANCE à payer à Jocelyn X...la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la déboute de sa propre demande à ce titre ;

Condamne la SARL BLUM FRANCE aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Ainsi prononcé le 28 Mars 2017 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Claudine FOURCADE, Présidente, et Madame Viviane ALESSANDRINI, Greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de chambéry
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16/01258
Date de la décision : 28/03/2017
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.chambery;arret;2017-03-28;16.01258 ?
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