COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 28 MARS 2017
RG : 16/ 01231- NH/ VA
SAS SEDAVI INTERMARCHE
C/ Nadine X...
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire-d'ANNECY en date du 26 Mai 2016, RG : F 15/ 00260
APPELANTE :
SAS SEDAVI INTERMARCHE
Avenue Franklin Roosevelt
74150 RUMILLY
Représentée à l'audience par M. Y..., directeur, assisté de Me Martine RUFFIER MONET, avocate au barreau de GRENOBLE
INTIMEE ET APPELANTE INCIDENT :
Madame Nadine X...
...
Représentée à l'audience par Me Jérôme LUCE, (SCP MERMET et associés, avocats au barreau de THONON-LES-BAINS)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue en audience publique le 09 Février 2017, devant Mme Nathalie HACQUARD, Conseiller désignée par ordonnance de Monsieur le Premier Président, qui s'est chargée du rapport, les parties ne s'y étant pas opposées, avec l'assistance de Mme Viviane ALESSANDRINI, Greffier, et lors du délibéré :
Madame Claudine FOURCADE, Présidente,
Madame Nathalie HACQUARD, Conseiller qui a rendu compte des plaidoiries,
Madame Anne De REGO, Conseiller
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FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Nadine X...a été embauchée le 29 mars 2005 par la société SEDAVI INTERMARCHE en qualité de d'employée commerciale niveau IIB de la convention collective nationale du commerce à prédominance alimentaire ;
La durée du travail initialement fixée à 28, 57 heures par semaine était portée à 36, 75 heures par semaine par avenant du 1er mai 2005 ;
Le 16 octobre 2012, madame X...a validé une formation interne concernant la fromagerie à la coupe ;
En février 2014, madame X...a fait l'objet d'un arrêt de travail pour maladie professionnelle ; le 15 septembre 2014, le médecin du travail la déclarait apte avec restrictions relatives à la manutention de charges lourdes et la salariée a repris son poste ;
Le 30 janvier 2015, la salariée était convoquée à un entretien préalable à sanction disciplinaire fixé au 7 février 2015 ; par courrier du 24 février 2015, la société notifiait sa décision de muter la salariée sur un poste d'hôtesse de caisse dans le cadre d'une rétrogradation et laissait à madame X...le choix d'accepter ou refuser la sanction ;
Madame X...refusait cette rétrogradation et était convoquée à entretien préalable au licenciement ; elle a été mise à pied à titre conservatoire le 10 mars 2015 ;
Elle a été licenciée pour faute grave le 27 mars 2015 ;
Le 2 juillet 2015, elle a saisi le conseil de prud'hommes d'Annecy de la contestation du licenciement ;
Par jugement en date du 26 mai 2016, le conseil de prud'hommes a :
- dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- condamné la société SEDAVI à payer à madame X...:
* 3 877, 28 euros bruts au titre de l'indemnité de préavis,
* 387, 72 euros bruts au titre des congés payés afférents,
* 3 877, 28 euros nets au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
* 24. 000 euros nets au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, vexatoire et abusif,
* 591, 68 euros bruts au titre du rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire outre 59, 16 euros bruts au titre des congés payés afférents,
*1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- fixé à 1 938, 64 euros bruts la moyenne des salaires des trois derniers mois,
- débouté madame X...de sa demande au titre du rappel de prime de responsable de rayon,
- débouté la société SEDAVI de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- fait courir les intérêts au taux légal sur les créances à caractère de salaire à compter du jugement,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- dit que toutes les condamnations autres que salariales seront nettes de CSG CRDS, cotisations salariales et patronales ;
La décision a été notifiée aux parties par lettres recommandées avec demande d'accusé de réception le 27 mai 2016 ;
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 7 juin 2016, la SAS SEDAVI INTERMARCHE a interjeté appel de la décision en sa globalité ;
Elle demande à la cour de :
- réformer le jugement déféré,
- dire et juger que le règlement intérieur ne s'opposait pas à ce qu'une rétrogradation soit proposée à madame X...à titre de sanction disciplinaire,
- dire et juger qu'en faisant cette proposition, elle n'a pas méconnu les prescriptions du médecin du travail,
- dire et juger que le licenciement est bien fondé sur les faits fautifs à l'origine de la sanction initialement proposée et non sur le refus de cette sanction,
- dire et juger que madame X...s'est rendue coupable de harcèlement moral de manière continue sur ses subordonnées, de violation de ses obligations en matière commerciale et en matière d'hygiène et de sécurité alimentaire et de dénigrement de son employeur auprès des clients,
- dire et juger que l'ensemble des fautes reprochées justifie son licenciement pour faute grave,
- débouter madame X...de toutes ses demandes,
- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que madame X...ne pouvait prétendre à une prime de rayon,
- condamner madame X...à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Sur la validité de la proposition de rétrogradation à titre de sanction, elle fait valoir :
- que si le règlement intérieur n'a pas été soumis aux délégués du personnel c'est en raison de l'absence de délégués du personnel à cette date dans l'entreprise, les élections du 21 septembre 2014 s'étant soldées par un procès-verbal de carence, faute de candidats ;
- que le règlement intérieur n'interdit pas la rétrogradation en l'absence de sanction antérieure mais prévoit une simple possibilité ;
- que l'énumération de fautes par ce règlement est effectuée à titre simplement indicatif et ne présente pas un caractère contraignant ;
- qu'elle est seule à l'initiative de ce règlement et comme telle seule de nature à pouvoir l'interpréter et qu'en tout état de cause l'article 22-4 doit se lire au regard des dispositions dans lesquelles il s'insère ;
- que cette sanction n'a pas été appliquée et ne peut donc être annulée ;
- que la rétrogradation respectait les avis du médecin du travail aucune manutention de charges lourdes n'étant à effectuer au poste d'hôtesse de caisse ;
- que quand bien même la cour annulerait la proposition de rétrogradation, le licenciement n'en serait pas de facto dépourvu de cause réelle et sérieuse, le licenciement pour faute grave ne requérant aucune sanction antérieure en application du règlement intérieur et les faits n'étant pas prescrits compte tenu d'une part de l'enquête qui a dû être menée, d'autre part de la continuité et de la répétition des faits reprochés ;
Sur le licenciement, elle indique :
- que le refus de la rétrogradation lui faisait recouvrer son pouvoir disciplinaire pour prononcer une nouvelle sanction qui pouvait être plus grave ;
- que pour autant le licenciement n'est pas fondé sur le refus de la rétrogradation mais bien sur les faits fautifs que cette sanction entendait réprimer et qui sont clairement énoncés dans la lettre de licenciement ;
- que le licenciement est justifié au regard :
* des agissements de harcèlement moral que la salariée faisait subir à ses subordonnées qui n'ont pas osé les dénoncer pendant longtemps ;
* de son comportement inadmissible à l'égard de la clientèle ;
* de la mauvaise exécution de son travail et du non respect des règles d'hygiène et de sécurité alimentaire ;
* du dénigrement de l'entreprise ;
- que ces faits constituent une faute grave et justifient le licenciement ;
Madame X...demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a
-dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- condamné la société SEDAVI à lui payer :
* 3 877, 28 euros bruts au titre de l'indemnité de préavis,
* 387, 72 euros bruts au titre des congés payés afférents,
* 3 877, 28 euros nets au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
* 24. 000 euros nets au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, vexatoire et abusif,
* 591, 68 euros bruts au titre du rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire outre 59, 16 euros bruts au titre des congés payés afférents,
*1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- fixé à 1 938, 64 euros bruts la moyenne des salaires des trois derniers mois,
- dit que toutes les condamnations autre que salariales seront nettes de CSG CRDS, cotisations salariales et patronales,
- le réformer pour le surplus,
- dire et juger que le licenciement est également sans cause réelle et sérieuse en raison de la nullité de la rétrogradation, de l'absence d'effet du règlement intérieur de l'entreprise, la motivation du licenciement par le refus de la rétrogradation,
- condamner la société SEDAVI à lui payer :
* 13 000 euros à titre de dommages et intérêts complémentaires pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 2 000 euros bruts au titre du rappel de prime de responsable de rayon outre 200 euros bruts au titre des congés payés afférents,
- faire courir les intérêts au taux légal sur toutes les créances ayant le caractère de salaire à compter du 2 juillet 2015, date de saisine du conseil de prud'hommes,
- condamner la société SEDAVI à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
- débouter la société SEDAVI de ses demandes ;
Sur la nullité de la rétrogradation, elle fait valoir :
- que le règlement intérieur est privé d'effet dès lors qu'il n'a pas été procédé à la consultation des délégués du personnel et que dans ces conditions, la rétrogradation qui n'est prévue par aucun règlement intérieur valide, ne pouvait être proposée ;
- qu'en tout état de cause le règlement intérieur n'a pas été respecté dès lors que la rétrogradation a été mise en oeuvre sans qu'aucune sanction antérieure lui ait jamais été notifiée alors que ce règlement prévoit que cette sanction n'est possible qu'en cas de répétition de faits ayant entraîné un ou plusieurs avertissements ou mises en garde ;
- que la violation des dispositions du règlement intérieur prive le licenciement de cause réelle et sérieuse ;
- que la rétrogradation ne respectait en outre pas les avis du médecin du travail et devait à tout le moins solliciter l'avis de ce dernier sur l'aptitude au poste d'hôtesse de caisse dont rien ne permet de considérer qu'il est exempt de manutention lourde ;
- que la nullité de la rétrogradation a pour effet la prescription des faits fautifs ;
- que la nullité entraîne l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement pris en lieu et place de la précédente mesure, le licenciement n'intervenant que du fait du refus de la rétrogradation ;
Sur le licenciement, à titre subsidiaire, elle indique :
- que le règlement intérieur est privé d'effet et que dès lors les sanctions qu'il prévoit le sont également ;
- qu'il est par ailleurs mal motivé dès lors que la lettre de licenciement vise le refus de la rétrogradation qui n'est pas constitutif d'une faute ;
- que les griefs ne sont pas constitués :
* le harcèlement moral allégué ne repose sur aucun élément probant,
* le comportement prétendu à l'égard de clients est pour partie prescrit et est contredit par les attestations de clients très satisfaits,
* les manquements aux obligation d'hygiène et sécurité ne sont pas démontrés et sont contestés,
* le dénigrement de l'entreprise n'est pas établi et est contredit par divers témoignages ;
- que le choix initial de la rétrogradation démontre que la société estimait non fondés les faits de harcèlement ;
Elle fait encore valoir :
- qu'elle occupait en réalité un poste de responsable de rayon et formait les nouveaux salariés, qu'elle a d'ailleurs perçu une prime de rayon en mars 2010 et septembre 2011 ;
- qu'elle est donc fondée à réclamer ces primes pour les annéds 2012, 2013 et 2014 ;
Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats ;
SUR QUOI
-Sur le licenciement
Madame X...soutient d'abord que son licenciement serait dépourvu de cause réelle et sérieuse pour avoir été pris en lieu et place d'une mesure de rétrogradation refusée par ses soins et dont elle demande à la cour de dire qu'elle est nulle ;
La rétrogradation critiquée a été envisagée par l'employeur qui en a avisé la salariée par courrier du 24 février 2015, elle ne pouvait cependant être effective que sous réserve de l'acceptation de madame X...compte tenu de la modification du contrat de travail qu'elle occasionnait ce que la lettre de notification précisait d'ailleurs à la salariée ;
Cette dernière ayant refusé la modification, la rétrogradation n'a pas été prononcée et n'a donc pas eu d'existence ; ainsi, qu'elle ait été licite ou non, elle ne peut être l'objet d'une annulation et il convient de débouter madame X...de ce chef de demande ;
La lettre de licenciement reprend en première page l'historique des dernières semaines de la relation contractuelle en indiquant que l'employeur a proposé à titre de sanction, une mesure de rétrogradatation, que cette sanction soumise à l'acceptation de la salariée, a été refusée et que dès lors il a " recouvré son pouvoir disciplinaire pour prononcer une nouvelle sanction en lieu et place de la sanction refusée " ; il rappelle la nouvelle convocation à entretien préalable et la tenue de cet entretien puis indique " Nous vous avons exposé de nouveau les faits qui vous étaient reprochés, tels que déjà indiqués dans notre lettre du 24 février 2015 et que nous vous rappelons ci-après (faits que vous avez niés une nouvelle fois lors de notre entretien préalable du 21 mars 2015). " ; s'ensuit une énumération des faits considérés comme fautifs :
" 1o- S'agissant de votre attitude avec vos collègues de travail
2o- Sur votre comportement à l'égard des clients
3o- Vous mettez en péril l'entreprise en exécutant délibérément mal votre travail et sans aucun respect des règles d'hygiène et de sécurité alimentaire ou de la législation économique
4o- Le dénigrement de l'entreprise " ;
Force est de constater que le licenciement n'est pas fondé sur le refus de la sanction initialement proposée mais sur les faits considérés comme fautifs par l'employeur qui se contente de rappeler la sanction initialement choisie est refusée par la salariée mais ne fait pas de ce refus un motif de licenciement ; il ne peut donc être considéré que le licenciement repose sur le refus de rétrogradation, sauf à priver l'employeur, en cas de refus d'une telle sanction, de la possibilité de toute autre sanction, ce qui ne saurait être ;
La validité du licenciement doit dès lors être appréciée par la cour au regard des dispositions des articles L1235-2 et suivants et L1332-4 du code du travail ;
Aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail : " Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales. " ;
En l'espèce, la procédure de licenciement a été initiée par la convocation à entretien préalable et mise à pied conservatoire en date du 10 mars 2015, les faits considérés comme
fautifs ne peuvent dès lors être invoqués par l'employeur que s'il en a eu connaissance ou s'ils ont été commis postérieurement au 10 janvier 2015, la commission d'un fait ou sa connaissance après le 10 janvier 2015 permettant en outre à l'employeur d'invoquer des faits de même nature antérieurs ou dont il avait connaissance antérieurement ;
Les faits concernant le comportement de la salariée à l'égard de ses collègues ont été dénoncés par courrier de madame Z...adressé à l'employeur le 19 janvier 2015 ; la même salariée atteste en décembre 2015 que le comportement de madame X...n'a pas changé malgré la procédure disciplinaire engagée ce qui implique leur continuité après l'envoi de la convocation à l'entretien préalable du 30 janvier 2015 ; ces faits ne sont dès lors pas prescrits ; cette même attestation vise la poursuite du comportement de madame X...concernant le non respect des mesures d'hygiène et le dénigrement de l'entreprise de sorte que le 3ème manquement reproché n'est pas davantage prescrit ; enfin, les deux coupons de réclamations de clients sont datés des 20 janvier et 29 janvier 2015 et le deuxième grief n'est pas plus prescrit ;
Il convient donc d'examiner au fond si ces griefs sont établis et sont constitutifs d'une faute grave ou d'un motif réel et sérieux de licenciement ;
La faute grave qui justifie la cessation immédiate du contrat de travail sans préavis, est définie comme la faute qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du dit préavis ; la preuve de la faute grave incombe à l'employeur ;
S'agissant du comportement à l'égard des autres salariés, il doit d'abord être relevé que la lettre de licenciement qui évoque certes un " véritable harcèlement moral " décrit en réalité sans que la qualification qui en est donnée ne corresponde nécessairement à la définition juridique du harcèlement moral, un comportement répété de dénigrement, réflexions malveillantes, critiques et remarques dévalorisantes ayant généré une souffrance au travail ;
L'employeur produit à cet égard :
- deux courriers du médecin du travail, en date des 10 décembre et 11 décembre 2014, faisant état de la consultation de deux salariées mesdames Z...et A...et de la dénonciation d'une situation relationnelle " dégradée " ou " devenue insupportable " au travail ; si ce médecin n'a pas constaté les faits et prend toutes les précautions rédactionnelles utiles sur ce point, il est néanmoins qualifié pour apprécier l'état de santé des salariées qui l'ont consulté et a jugé utile d'attirer l'attention de l'employeur par deux courriers ;
- la lettre de madame Gwendoline Z...adressée le 19 janvier 2015 à l'employeur qui, si elle ne date pas précisément les faits dénoncés, les place au contraire dans la continuité et jusqu'au jour de la rédaction du courrier puisqu'elle indique qu'ils durent depuis son embauche et utilise le présent de l'indicatif ; cette lettre fait état d'insultes (" elle me traite de pétasse ") de dénigrement (" elle se targue de m'avoir fait pleurer, me rabaisse dans mon travail parfois devant les clients je ne sais pas couper le fromage, je ne sais pas monter le banc de poisson ni enlever la glace... ") ; cette lettre est complétée et confirmée par les attestations de madame Z...en date des 12 mars 2015, 29 décembre 2015 et 28 août 2016 ;
- les attestations de mesdames B...et C...qui confirment le comportement de madame X...à l'égard de madame Z...;
- les attestations de madame A..., la première ne situant pas les faits dans le temps mais la seconde, en date du 4 janvier 2016, indiquant que la salariée " à son retour n'a en aucun cas modifié son comportement " ce qui date des faits notamment après le retour d'arrêt maladie en septembre 2014 ; madame A...décrit un comportement arrogant, " une attitude dénigrante et rabaissante envers ses collègues ", " insulte les collègues de pétasse " ;
- les attestations de mesdames D..., B..., C...et J...qui décrivent les agressions verbales de madame X...envers elles-mêmes (mesdames D...et B...), envers madame Z...et madame E...et l'instauration par la salariée d'un climat tendu au sein du service ;
Ces éléments ne sont pas valablement remis en cause par les attestations produites par madame X...dont il apparaît que sur 8, 5 émanent d'hommes dont il n'a jamais été indiqué qu'ils étaient victimes du comportement de madame X..., qui pour 4 d'entre eux ne travaillaient pas dans le même rayon et qui soit ont cessé de travailler pour la société depuis mai 2012 au plus tard et ne peuvent donc attester du comportement postérieur de madame X..., le 5ème, monsieur F...ne datant pas sa période de collaboration et n'ayant été que stagiaire d'été ; madame G...n'était pas salariée de SEDAVI mais d'un tiers, manifestement fournisseur, elle ne peut donc attester du comportement de la salariée à l'égard de ses collègues ; mesdames H...et K... ont travaillé avec madame X...entre janvier 2005 et juillet 2011 pour l'une et entre juillet 2008 et octobre 2011 pour l'autre ; elles ne peuvent dès lors apporter d'éléments probants concernant le comportement de cette dernière postérieurement à octobre 2011 et sur les faits décrits par mesdames Z...et A...notamment, corroborés par les courriers du médecin du travail ;
Il est dès lors établi par les pièces produites aux débats que madame X...s'autorisait régulièrement à faire des remarques désobligeantes à ses collaboratrices, notamment madame Z..., mettait en cause ses capacités professionnelles, tenait des propos injurieux et a ainsi créé un climat de travail tendu et généré une souffrance au travail ;
Le premier grief de la lettre de licenciement est établi ;
S'agissant du comportement à l'égard des clients, la société SEDAVI produit un formulaire de réclamation daté du 20 janvier 2015 qui décrit l'accueil fort désagréable de la vendeuse du rayon fromagerie, précisément décrite et dont madame X...ne conteste pas que la description lui corresponde, rempli par madame Aurélie I..., cliente du magasin ; cette réclamation est confirmée par l'attestation de madame C...qui indique que le 20 janvier 2015 une cliente lui avait indiqué avoir été " mal reçue par Nadine qui avait refusé de la servir du fait que le fromage était emballé " ; cet incident à l'égard d'une cliente est dès lors suffisamment établi ;
L'autre formulaire produit concernant des faits du 29 janvier, ne comporte pas l'identité de la cliente ou du client concerné mais fait également état d'un refus de servir de la part de la même vendeuse décrite physiquement ;
Le second grief est ainsi établi et n'est pas susceptible d'être remis en cause par les attestations de clients versées en nombre par madame X...qui si elles établissent que cette dernière a adopté à l'égard de leurs auteurs, un comportement des plus serviables, ne remettent pas en cause les plaintes recueillies les 20 et 29 janvier 2015 ;
S'agissant des règles d'hygiène, la synthèse produite par la société SEDAVI correspond à un contrôle opéré le 19 novembre 2013 à réception duquel aucune observation n'a été faite à madame X...dont rien ne permet de retenir qu'elle est à l'origine de la prolongation de date limite de consommation relevée ; par ailleurs les éléments décrits par deux salariées, mesdames Z...qui critique la manière de faire le ménage, et madame A...qui invoque la vaporisation de produits à vitre sans précaution au motif que les produits étaient filmés, ne sont pas corroborés par les autres salariées et, s'agissant du ménage, ne pouvaient pas être ignoré de la direction qui n'a pour autant jamais pris de mesure à cet égard ; ce grief n'est pas suffisamment établi par l'employeur ;
S'agissant enfin du dénigrement de l'entreprise, il n'est invoqué que par mesdames Z..., A...et B..., qui sauf en ce qui concerne la mise en cause de la fraîcheur d'huîtres en décembre 2014 relatée par madame Z..., sont imprécises sur les propos tenus ; leurs attestations sont par ailleurs contredites par celles des divers clients de la société versées aux débats par la salariée ; ce grief n'est dès lors pas suffisamment établi ;
Il apparaît ainsi que les deux premiers griefs invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement sont établis ; compte tenu de l'impact immédiat sur le travail en équipe engendré par le comportement de madame X...à l'égard de ses collègues, et du mécontentement de clients suite à l'attitude de la salariée, ces faits, pris ensemble, présentent une gravité telle qu'elle rendait impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise ; il est à noter que ce maintien ne pouvait s'opérer qu'à son poste, compte tenu du refus opposé à son affectation à un autre poste l'éloignant de ses collègues et ne contraignant pas à déballer des produits déjà emballés en fin de journée, il ne peut être argué de la proposition initiale de rétrogradation pour soutenir que le maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis était possible ;
Madame X...a donc été valablement licenciée pour faute grave ; partant et par infirmation, elle sera déboutée de ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail et de la mise à pied conservatoire ;
- Sur la prime de rayon
Le contrat de travail de madame X...ne prévoit aucun versement de prime ; madame X...ne peut donc invoquer une prime contractuelle ;
Pour arguer d'un usage, elle justifie du versement d'une " prime de rayon " en mars 2010 pour 360 euros et en septembre 2011 pour 400 euros exclusivement ; la prime versée en mars 2012 étant une prime dite d'assiduité ; le versement à deux reprises seulement pendant toute la relation de travail, de sommes de montant variable, sans que soit versé le moindre élément permettant de constater la situation des autres salariés responsables de rayon, ne permet pas de caractériser l'usage et madame X...n'est pas fondée à obtenir paiement de primes de rayon pour les années 2012 et suivantes ;
Le jugement déféré sera confirmé sur ce point ;
- Sur les autres demandes
Madame X...supportera les dépens de première instance et d'appel et ne peut prétendre à une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; il n'y a pas lieu davantage au regard de la situation économique des parties, de mettre à sa charge une indemnité au titre des frais irrépétibles engagés par la société SEDAVI ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Nadine X...de sa demande au titre du rappel de prime de responsable de rayon, et débouté la société SEDAVI de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
L'infirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et ajoutant,
Déboute Nadine X...de l'intégralité de ses demandes ;
Dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Nadine X...aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Ainsi prononcé le 28 Mars 2017 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Claudine FOURCADE, Présidente, et Madame Viviane ALESSANDRINI, Greffier.