La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/05/2011 | FRANCE | N°11/00432

France | France, Cour d'appel de chambéry, 1ère chambre, 17 mai 2011, 11/00432


COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
1ère Chambre
Arrêt du Mardi 17 Mai 2011
dossier communiqué au ministère public le 29 mars 2011
RG : 11/ 00432
Décision attaquée : Ordonnance du Tribunal de Grande Instance de CHAMBERY en date du 01 Février 2011, RG 10/ 272

Appelante

L'ORDRE DES AVOCATS DU BARREAU DE CHAMBERY, demeurant 200 Avenue Maréchal Leclerc-Maison de l'Avocat-73000 CHAMBERY
représentée par la SCP DORMEVAL-PUIG, avoués à la Cour assistée de la SCP PEREZ ET CHAT, avocats au barreau de CHAMBERY

Intimée

Mme Saliha X... exerçant s

ous l'enseigne A2A CONSULTANT née le 17 Décembre 1966 à CHAMBERY (73000), demeurant ...

représentée par...

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
1ère Chambre
Arrêt du Mardi 17 Mai 2011
dossier communiqué au ministère public le 29 mars 2011
RG : 11/ 00432
Décision attaquée : Ordonnance du Tribunal de Grande Instance de CHAMBERY en date du 01 Février 2011, RG 10/ 272

Appelante

L'ORDRE DES AVOCATS DU BARREAU DE CHAMBERY, demeurant 200 Avenue Maréchal Leclerc-Maison de l'Avocat-73000 CHAMBERY
représentée par la SCP DORMEVAL-PUIG, avoués à la Cour assistée de la SCP PEREZ ET CHAT, avocats au barreau de CHAMBERY

Intimée

Mme Saliha X... exerçant sous l'enseigne A2A CONSULTANT née le 17 Décembre 1966 à CHAMBERY (73000), demeurant ...

représentée par la SCP FORQUIN-RÉMONDIN, avoués à la Cour assistée de Me Raphaël GAUVAIN, avocat au barreau de PARIS

- =- =- =- =- =- =- =- =-
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de l'audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, le 04 avril 2011 par Monsieur Billy, Président de Chambre, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Monsieur Leclercq, Conseiller, avec l'assistance de Madame Bernard, Greffier,
Et lors du délibéré, par :
- Monsieur Billy, Président de chambre,
- Monsieur Leclercq, Conseiller
-Madame Zerbib, Conseiller.
Attendu que l'Ordre des avocats du barreau de Chambéry reproche à madame X... d'exercer sous l'enseigne A2A consultant, une activité juridique et de représentation réservée aux avocats ; Que, sur leur demande de condamnation à cesser cette activité, le président du tribunal de grande instance de Chambéry, par ordonnance du 1er février 2011, a, sur le fondement de l'article 47 du code de procédure civile, renvoyé l'affaire devant monsieur le président du tribunal de grande instance de Grenoble ; Que l'Ordre des avocats du barreau de Chambéry en a interjeté appel par déclaration du 21 février 2011 ; Attendu que, soutenant que l'article 47 n'est pas applicable à un organisme professionnel sans porter atteinte à l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme, que l'Ordre intervient par un ancien bâtonnier pour la défense, non de ses intérêts propres, mais propres aux avocats en général et aux justiciables, que madame X... exerce son activité aussi sur les autres ressorts, que madame X... ne conteste pas exercer son activité à titre habituel et rémunéré, ni avoir plusieurs dossiers en cours d'indemnisation du préjudice corporel de victimes d'accidents de la circulation, et exercer la négociation pour plusieurs clients, qu'elle reconnaît utiliser des arguments juridiques dans cette négociation, qu'elle se présente comme spécialisée dans le droit d'indemnisation des victimes, et comme conseil spécialisé dans la résolution amiable des litiges opposant les assurés aux compagnies et mutuelles d'assurances, qu'elle étudie la situation personnelle des clients, qu'elle agit dans un cadre délictuel, qu'elle exerce la consultation juridique à titre habituel et rémunéré, qu'elle n'est pas titulaire d'une licence en droit et a maintenant une maîtrise en AES, qu'elle est intervenue avant d'être immatriculée au RCS avant d'avoir la qualité de courtier en assurance, que cette qualité ne lui permet pas de délivrer des consultations juridiques, qu'elle ne justifie d'aucun contrat de courtage, que cette activité constitue un trouble manifestement illicite, l'Ordre des avocats du Barreau de Chambéry demande de dire l'article 47 du code de procédure civile inapplicable, de constater l'illicéité de l'activité de madame X..., de dire qu'elle exerce illicitement la profession d'avocat, de la condamner à cesser son activité dans un délai de 8 jours sous astreinte, d'ordonner la publication du dispositif de l'arrêt dans le Dauphiné libéré à ses frais et de la condamner à lui payer 2. 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Attendu que, expliquant qu'elle a été employée de 1995 à 2008 dans plusieurs grands groupes d'assurance comme rédactrice production et production-sinistres, agent technique rédactrice sinistres spécialisée dans le transport et chargée de recouvrement dans un service juridique, qu'elle a obtenu en 2001-2002 une licence d'administration économique et sociale, puis a suivi une formation de courtier en assurance, qu'elle a créé le 1er janvier 2009 son entreprise de consultant spécialisé en évaluation des risques et dommages, qu'elle a conclu une convention d'honoraires avec sa première cliente, mademoiselle Z..., pour la résolution amiable du litige l'opposant à son assureur sur l'indemnisation d'un accident de la circulation de 1995, que le 16 novembre 2009 elle a transformé son activité en conseil et courtier en assurance, qu'elle a conclu des conventions de courtage avec divers assureurs, qu'elle a obtenu une proposition d'indedmnisation de mademoiselle Z... qui l'a acceptée puis l'a dessaisie en refusant de verser les honoraires dus, qu'elle l'a fait assigner devent le tribunal d'instance de Chambéry et que l'Ordre des avocats est intervenu à cette procédure, que l'article 47 est bien applicable à la procédure en cohérence avec la jurisprudence de la CEDH, que l'appelant invoquait la loi du 30 décembre 1971 en première instance et seulement la loi du 3 avril 1942 en appel, qu'elle ne représente pas ses clients devant des juridictions, qu'elle ne délivre pas à titre habituel de consultation juridique mais assure une gestion administrative et financière des dossiers de ses clients, suivie d'une négociation pour lee compte de ses clients, afin d'obtenir une offre d'indemnisation par la compagnie d'assurance, qu'un intermédiaire d'assurance peut délivrer des consultations juridiques, relevant de son activité principale, que le courtier a vocation à gérer les polices et défendre les intérêts des assurés, en particulier lors du règlement des sinistres, que l'Ordre des avocats n'a pas d'intérêt à agir en respect de l'article 1er de la loi du 3 avril 1942 concernant le mode de rémunération, que c'est l'objet du litige pendant devant le tribunal d'instance, que ce texte ne s'applique pas concernant mademoiselle Z..., qui n'a pas été victime d'un accident de droit commun mais d'un accident de la circulation, madame X... conclut à la confirmation de l'ordonnance, subsidiairement au débouté de l'Ordre des avocats, et à sa condamnation à lui payer 5. 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Attendu que l'article 47 du code de procédure civile qui vise le cas où " un magistrat ou un auxiliaire de justice est partie à un litige " n'entend manifestement viser que des cas personnels où l'une des parties risque d'avoir des liens privilégiés avec la juridiction et où l'autre partie est donc a priori défavorisée ; Que s'agissant d'un litige de principe où est en jeu le fonctionnement des institutions et où un groupement professionnel d'auxiliaires de justice défend, non un intérêt personnel, mais un principe de fonctionnement et l'application d'une réglementation, rien ne justifie que l'affaire soit jugée par une autre juridiction ; Que l'ordonnance entreprise doit être réformée ; Attendu qu'il n'est pas démontré que madame X... intervienne ou soit intervenue dans des demandes d'indemnisation auprès d'assureur garantissant une responsabilité civile et que tel n'était d'ailleurs pas le cas pour ce qui concerne le litige de mademoiselle Z... ; Que l'Ordre des avocats demande de constater que l'activité de courtier en assurance ne permet pas de négocier des indemnités dans le cadre des accidents de la circulation et que madame X... agit dans un cadre délictuel en ne soumettant à la cour que le dossier de mademoiselle Z..., lequel était relatif à la mise en oeuvre d'une assurance de dommages au titre d'un préjudice causé par un dentiste dans le cadre de l'exercice de son activité professionnelle et donc d'un contrat ; Que cette prétention de l'Ordre des avocats ne peut non plus trouver de justification dans l'attestation de madame A..., avocate, qui dit " avoir assisté et représenté des clients victimes de dommages corporels dans le cadrer de procédure en responsabilité délictuelle, qui ont été orientés vers moi par la société A2A consultant pour l'introduction des voies de recours juridictionnelles nécessaires pour la défense de leurs intérêts ", alors qu'il n'en résulte pas ni que madame X... a donné préalablement une consultation ni qu'elle a été rémunérée pour cette intermédiation, qu'elle ne précise d'ailleurs pas l'importance de ces orientations ; Attendu que, concernant le fait allégué, affaire de madame Z..., madame X... a soumis à la signature de celle-ci le 7 janvier 2009 une " convention d'honoraires, où elle se présentait comme " conseil spécialisé dans la résolution amiable des litiges opposant les assurés aux compagnies et mutuelles d'assurance ", et où elle se voyait confier " la défense des intérêts " de mademoiselle Z..., sans aucune autre prestation d'intermédiaire d'assurance ; Que le conseil pour la résolution de litiges constitue nécessairement un conseil juridique, que madame X... se présentait donc comme exerçant la consultation juridique de façon professionnelle, soit avec rémunération, et violait ainsi les dispositions du titre II de la loi du 31 décembre 1971 modifiée par la loi du 31 décembre 1990, en sorte qu'elle a alors, ainsi que durant toute la poursuite du contrat de conseil, causé un trouble manifestement illicite ; Qu'en effet, cette activité constituait une intermédiation en assurances que l'article R 511-2 du code des assurances réserve à des catégories de personnes dont madame X... ne faisait pas partie ; Que ce trouble a cessé dès lors que le contrat est rompu, les deux parties étant en litige devant le tribunal d'instance de Chambéry ; Attendu que, depuis novembre 2009, madame X... exerce la profession réglementée de courtier en assurances et conseil en assurance, activité déclarée au registre du commerce, et justifie avoir contracté les garanties et assurance obligatoires ; Que, selon l'article L 511-1 du code des assurances, " l'intermédiation en assurance... est l'activité qui consiste à présenter, proposer ou aider à conclure des contrats d'assurance ou de réassurance ou à réaliser d'autres travaux préparatoires à leur conclusion. N'est pas considérée comme de l'intermédiation en assurance ou en réassurance l'activité consistant exclusivement en la gestion, l'estimation et la liquidation des sinistres " ; Que cette activité est une de celles prévues par l'article 59 de la loi du 31 décembre 1971, permettant aux personnes exerçant des activités réglementées de donner des consultations juridiques et rédiger des actes sous seing privé pour autrui, par exception au monopole institué par l'article 54 de ladite loi ; Que, toutefois, en l'espèce, c'est l'activité exclusive visée par la deuxième phrase de l'article L 511-1 qui est reprochée à madame X... et qu'elle a exercée dans le cas du dossier Z..., mais qui n'est pas reprochable si elle est exercée en accessoire à l'activité indiquée par la première phrase ; Attendu, d'ailleurs, qu'il résulte des pièces produites par l'appelant que le courtier " se présente volontiers comme assureur-conseil " (Lexis-Nexis, intermédiaires d'assurances, page 62) ; Qu'il apparaît que le courtier, dans la gestion de l'exécution du contrat, s'il est amené à conseiller son client, mandant, dans la poursuite du contrat (notamment avis d'une situation irrégulière de nature à générer un refus de garantie, ne pas laisser croire à une garantie illusoire, information pour une déclaration de sinistre en temps utile), doit aussi le conseiller dans la mise en oeuvre du contrat, et donc les modalités d'indemnisation en cas de sinistre ; Que, donc, en toute hypothèse l'activité de conseil, étant accessoire à celle de courtier, ne peut s'exercer qu'à l'égard des litiges relatifs à la mise en oeuvre du contrat entre le client et l'assureur avec qui il a été mis en relation ; Attendu que, si l'activité de madame X... au début de 2009, et en particulier dans le cas de mademoiselle Z..., exercée en l'absence de profession réglementée entrait manifestement dans un domaine proscrit pour elle, il n'en est plus nécessairement de même depuis qu'elle est courtier en assurances ; Que madame X... justifie de contrat avec une assurance en vue de la diffusion des contrats de protection juridique de celle-ci, et de relations avec des avocats dans la gestion de dossiers de sinistres ; Qu'aucune pièce du dossier de l'Ordre des avocats ne permet de supposer que, depuis le 16 novembre 2009, elle n'exerce d'activité de conseil autrement qu'en accessoire à celle de courtier en assurances ;

Attendu que, toutefois, il apparaît que dans sa défense, madame X... n'affirme à aucun moment que son activité de conseil en litiges d'assurances se limite aux contrats pour la conclusion desquels elle intervient ou est liée à la résiliation de contrats en vue de nouveaux contrats d'assurance ; Que, bien au contraire, ses pièces montrent qu'elle est intervenue le 19 novembre 2010 pour confier à un avocat le litige de monsieur B..., le 25 novembre 2009 dans des litiges de personnes se nommant C... et D..., à des dates bien trop proches du début de son activité de courtier pour être en lien avec des contrats d'assurance conclus par son intermédiaire ; Que se trouve donc démontrée la poursuite d'une activité de consultation juridique depuis que madame X... est inscrite comme courtier d'assurance, et qu'il en résulte un trouble manifestement illicite que l'Ordre des avocats demande justement de faire cesser ; Attendu que, sur la demande de déclaration de nullité des conventions d'honoraires conclues par madame X..., l'Ordre des avocats ne justifie pas d'un intérêt à voir déclarer une telle nullité et doit être débouté ; Attendu qu'il convient de faire droit à la demande de publication mais seulement en ce qui concerne la mesure d'interdiction ;

PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement, Réformant, Dit que l'article 47 du code de procédure civile n'a pas d'application dans l'espèce, Déboute l'Ordre des avocats du Barreau de Chambéry de sa demande de voir déclarer nulle les conventions d'honoraires de madame X... avec ses clients ; Dit que madame X... doit cesser dans le délai de huit jours à compter de la signification du présent arrêt son activité de consultation et de négociation relativement à des litiges qui ne sont pas en lien avec la mise en oeuvre de contrats d'assurance négociés dans le cadre de son activité de courtier en assurances, sous astreinte de 500 € (CINQ CENTS EUROS) par infraction constatée ; Ordonne la publication dans le journal le Dauphiné Libéré aux frais de Madame X... de la partie du présent dispositif portant obligation de cesser une activité, dans la limite maximale de 300 euros ; La condamne à payer à l'Ordre des avocats du Barreau de Chambéry la somme de 1. 000 € (MILLE EUROS) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

La condamne aux dépens de première instance et d'appel avec application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SCP Dormeval Puig. Ainsi prononcé publiquement le 17 mai 2011 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile, et signé par Claude Billy, Président de Chambre, et Madame Bernard, Greffier.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de chambéry
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 11/00432
Date de la décision : 17/05/2011
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

ARRET du 18 octobre 2012, Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 18 octobre 2012, 11-22.374, Publié au bulletin

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.chambery;arret;2011-05-17;11.00432 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award