LE TROIS MARS DEUX MIL HUIT LA CHAMBRE CIVILE DE LA COUR D' APPEL DE CHAMBERY a rendu l' arrêt dont la teneur suit :
Dans la cause no 2315 / 2007- 4ème chambre- AMB / MLR
APPELANT
Madame Pascale X..., demeurant..., ... 73100- GREZY- SUR- AIX
Comparant en personne, assistée de Maître Patricia SEIGLE (SELARL SEIGLE et associés- PRIMALEX- avocats au barreau de LYON)
Sur son recours contre la délibération du conseil de l' Ordre des avocats au barreau d' ANNECY en date du 15 octobre 2007 qui a rejeté sa demande d' inscription à ce barreau
INTIMES
CONSEIL DE L' ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU D' ANNECY, Maison des avocats, 17 rue de la Paix- 74000 ANNECY
Représenté par Monsieur le bâtonnier Jean- Pierre BOZON
LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D' APPEL DE CHAMBERY
Représenté par Monsieur Jean- Claude BERLIOZ, avocat général
COMPOSITION DE LA COUR
La présente affaire a été évoquée en audience publique, conformément à la demande formulée avant tous débats par Mme X..., et en formation solennelle, par application des dispositions de l' article R 212- 5 du code de l' organisation judiciaire, le lundi 4 février 2008 où siégeaient :
Monsieur Dominique CHARVET, premier président
Madame Anne- Marie BATUT, président de chambre, qui a présenté le rapport de l' affaire
Monsieur Jean- François JACQUET, président de chambre
Monsieur Pascal LECLERCQ, conseiller
Madame Françoise CARRIER, conseiller
qui en ont délibéré
Assistés lors des débats de Madame Martine LAPERROUZE- REVEL, greffier
En présence, lors des débats, de Monsieur Jean- Claude BERLIOZ, avocat général
* * *
Par lettre en date du 17 août 2007 dans laquelle elle a fait état de sa qualité de salariée de cabinets d' avocats depuis le 1er juillet 1997, Mme Pascale X..., titulaire d' une maîtrise en droit, a saisi le bâtonnier de l' Ordre des avocats au barreau d' ANNECY d' une demande d' inscription à ce barreau, en se prévalant des dispositions de l' article 98- 6o du décret du 27 novembre 1991 modifié, qui dispensent de la formation théorique et pratique et du certificat d' aptitude à la profession d' avocat les juristes salariés d' un avocat, d' une association ou d' une société d' avocats, justifiant de huit ans au moins de pratique professionnelle en cette qualité.
Par délibération en date du 15 octobre 2007, prise au vu du rapport établi par deux de ses membres et après audition de l' intéressée, le conseil de l' Ordre a rejeté la demande.
Mme X... a exercé un recours contre cette décision par lettre recommandée en date du 25 octobre 2007 reçue au greffe de la cour d' appel le 29 octobre.
Les parties ont été avisées de la date de l' audience, fixée après un report au lundi 4 février 2008, par lettres recommandées reçues par leurs destinataires le 6 décembre 2007. Avis en a été donné au procureur général.
Avant tous débats au fond, la Cour, au vu des pièces de la procédure et des mentions de la délibération litigieuse, a soumis à la discussion contradictoire un moyen relevé d' office, pris de ce que les deux membres du conseil de l' Ordre désignés en qualité de rapporteurs auraient participé au délibéré.
L' avocat de Mme X... a développé ensuite les moyens et prétentions de celle- ci,
Le bâtonnier a été invité à présenter ses observations.
M. BERLIOZ, avocat général, a développé ses conclusions écrites tendant à la confirmation de la délibération litigieuse.
L' auteur du recours a eu la parole en dernier.
SUR QUOI :
- Sur la régularité de la délibération
Attendu, selon les dispositions de l' article 6. 1 de la Convention européenne des droits de l' homme, que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement par un tribunal impartial ; que cette exigence doit être appréciée objectivement ;
Qu' il ressort des mentions de la décision litigieuse que Mrs DARVES- BORNOZ et MALAVAL, membres du conseil de l' Ordre désignés par le bâtonnier en qualité de rapporteurs, ont participé à la délibération ;
Qu' en cet état et peu important qu' au terme de leurs investigations ces deux avocats ait établi un rapport paraissant favorable à Mme X..., la délibération doit être annulée ;
Que la Cour reste néanmoins saisie de l' entier litige par l' effet dévolutif de l' appel, conformément aux dispositions de l' article 562 du code de procédure civile ;
- Sur le fond
Attendu, selon les dispositions des articles 11- 2o de la loi du 31 décembre 1971 et 98- 6o du décret du 27 novembre 1991, que les juristes salariés des cabinets d' avocats justifiant de huit ans au moins de pratique professionnelle en cette qualité postérieurement à l' obtention d' une maîtrise en droit ou d' un titre ou diplôme reconnu comme équivalent pour l' exercice de la profession, bénéficient d' une dispense de la formation théorique et pratique et du certificat d' aptitude à la profession d' avocat ;
Que Mme X..., qui justifie être titulaire d' une maîtrise en droit obtenue en juin 1991, satisfait à l' exigence préalable de détention du diplôme requis ;
Qu' il ressort des éléments soumis au débat contradictoire que par contrat de travail à durée indéterminée en date du 30 juin 1997, elle a été recrutée par M. Paul A..., avocat au barreau de CHAMBERY, pour exercer les fonctions de technicienne, 6ème catégorie, coefficient 185 de la convention collective nationale des avocats et de leur personnel, avec des attributions dédiées, à titre principal, à la rédaction des actes juridiques et aux consultations ; qu' elle a bénéficié, au sein du même cabinet, de la qualité d' assistante juridique, coefficient 350, à compter du 4 janvier 2000 selon le conseil de l' Ordre, du 1er août 1999 selon les rapporteurs ;
Que par contrat de travail à effet du 9 septembre 2002 conclu avec la société d' avocats JURISOPHIA, inscrite au barreau d' ANNECY, elle a été engagée pour une durée indéterminée en cette même qualité d' assistante juridique, catégorie agent de maîtrise assimilée cadre, 4ème échelon, coefficient 350, avec notamment pour mission " le suivi du secrétariat juridique en droit des sociétés, l' assistance des avocats de la société principalement en matière de droit des sociétés, droit des affaires, droit des contrats et droit social et tous autres domaines du droit " ;
Qu' enfin, Mme X... a été recrutée à compter du 2 février 2004 par la SELAS FISCALYS, société d' avocats inscrite au barreau d' ANNECY, aux mêmes conditions de qualification et de classement, à temps partiel jusqu' au 1er mai 2005 puis à temps complet ; que le contrat de travail stipule qu' en sa qualité d' assistante juridique, et selon les directives reçues, la salariée est tenue " de prendre en charge les dossiers, études etc... qui lui seront confiés dans tous les secteurs du droit qui lui seront indiqués compte tenu de l' activité exercée par la société à ce jour et ultérieurement ", dans un premier temps en droit fiscal et droit des sociétés, " d' assister les avocats et / ou collaborateurs non avocats du cabinet dans les dossiers, études etc... ", et " de manière plus générale, intervenir dans les dossiers, études, recherches, etc... selon les demandes de la société " ; qu' une clause du contrat lui fait en outre obligation de " suivre les évolutions du droit et des procédures applicables et (de) tenir à jour ses connaissances " ;
Que le 1er janvier 2005, Mme X... a atteint, au sein de ce même cabinet et au même poste, le coefficient 450, statut cadre, et bénéficie, depuis le 1er février 2007, de la qualification de juriste consultante, au même coefficient ;
Que pour s' opposer à la demande d' inscription, le conseil de l' Ordre soutient que ni le dossier de candidature ni les explications fournies par Mme X... lors de son audition n' ont permis de connaître la nature et l' étendue des attributions qui lui ont été confiées par ses employeurs successifs, et pas davantage les modalités et conditions selon lesquelles elle les a effectivement exercées, en sorte qu' elle ne démontre pas " qu' elle ait traité les dossiers qui ont pu lui être confiés, de manière autonome, indépendante, et sous sa propre responsabilité technique " et ce, au cours des huit années requises par le texte dont elle se prévaut ;
Mais attendu que bénéficie de la qualité de juriste salarié, au sens de l' article 98- 6o du décret du 27 novembre 1991, la personne titulaire du diplôme requis par ce texte et qui, se trouvant après son obtention aux droits d' un contrat de travail conclu avec un avocat, exerce, sous l' autorité hiérarchique de celui- ci, les fonctions juridiques de conseil, de consultation et de rédaction d' actes sous seing privé et, de façon plus générale, participe, sous les contraintes inhérentes au statut de travailleur salarié, à l' activité juridique du cabinet ;
Que Mme X... relève justement que la partie adverse ajoute au texte réglementaire en réservant le bénéfice de ses dispositions aux seuls cadres répondant à des critères qui, en réalité, sont inhérents à l' exercice même de la profession d' avocat ; qu' en outre, aucun élément soumis au débat contradictoire ne permet de douter qu' elle ait eu une activité professionnelle conforme aux fonctions décrites dans ses contrats de travail successifs ;
Qu' il est établi que l' intéressée bénéficie, depuis le 1er janvier 2005, du statut cadre, niveau II, échelon 3, coefficient 450, pour un emploi visant, selon la définition conventionnelle, le " personnel disposant d' une technicité lui permettant d' exercer ses fonctions avec une grande autonomie. Il rend compte et dirige l' activité d' une ou plusieurs personnes. Plus généralement, il agit dans le cadre des orientations données " ;
Qu' au vu des contrats de travail versés aux débats et du rapport dressé par les deux membres du conseil de l' Ordre désignés pour instruire l' affaire, il n' est pas sérieusement contesté que Mme X... a effectué, au cours des années antérieures, des travaux correspondant, pour la majeure partie de sa pratique professionnelle et en tout cas depuis la date du 1er août 1999 retenue par les rapporteurs, aux fonctions d' assistante juridique, coefficient 350, définies par la convention collective comme " des missions de représentation et / ou de travaux d' analyse et de résolution de situations complexes faisant appel à des connaissances pratiques et théoriques approfondies, sous la responsabilité d' un responsable technique, le salarié étant capable de remplacer occasionnellement un cadre pendant une absence de courte durée et de recevoir des clients, et en outre préparant un programme de travail qu' il soumet au supérieur hiérarchique pour approbation avant réalisation " ; que même dans le premier état de son activité professionnelle, antérieure au 1er août 1999, elle a exercé des fonctions de rédaction d' actes et de consultation entrant dans le champ d' application du texte réglementaire dont elle se prévaut ;
Qu' en l' état de ces éléments, qui rendent l' argumentation du conseil de l' Ordre inopérante et d' où il ressort que Mme X... a exercé, pendant plus de huit années, des fonctions de juriste salarié d' avocat ou de sociétés d' avocats, la demande d' inscription au barreau présentée par celle- ci doit être accueillie ;
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement, en formation solennelle et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Déclare le recours recevable ;
Annule la délibération du conseil de l' Ordre des avocats au barreau d' ANNECY en date du 15 octobre 2007 ;
Statuant par application des dispositions de l' article 562 du code de procédure civile,
Ordonne l' inscription de Mme Pascale X... au barreau d' ANNECY ;
Vu les dispositions de l' article 700 du code de procédure civile,
Rejette la demande de Mme X... ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens ;
Ainsi prononcé le trois mars deux mil huit par mise à disposition de l' arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément au deuxième alinéa de l' article 450 du code de procédure civile, et signé par M. CHARVET, premier président, et par Mme LAPERROUZE- REVEL, greffier présent au prononcé.