Le VINGT NOVEMBRE DEUX MILLE SEPT, LA CHAMBRE CIVILE DE LA COUR D'APPEL DE CHAMBERY a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
dans la cause 06 / 02123- 3e Chambre
Requête en interprétation de l'arrêt rendu le 27 février 2004 par la Cour d'Appel de Chambéry-n° RG : 01 / 2325-, après jugement d'incompétence rendu par le Juge de l'Exécution du Tribunal de Grande Instance de Valence le 10 août 2006
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Demanderesse à la requête
Madame Janine X... divorcée Y..., demeurant ...
représentée par la SCP FILLARD / COCHET-BARBUAT, avoués à la Cour assistée de la SCP GIRARD-MADOUX et ASSOCIES, avocats au barreau de CHAMBERY
Défendeur à la requête
Monsieur Bernard Y..., demeurant ...
représenté par la SCP FORQUIN-RÉMONDIN, avoués à la Cour assisté de la SCP ADIDA-MATHIEU-GUIGNE, avocats au barreau de CHALON SUR SAONE
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COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de l'audience non publique des débats, tenue le 16 octobre 2007 avec l'assistance de Madame TAMBOSSO, Greffier, et en présence de Mademoiselle Anne-Lise FALDA, avocat stagiaire,
et lors du délibéré, par :
- Madame CARRIER, Conseiller faisant fonction de Président, à ces fins désignée par ordonnance de Monsieur Le Premier Président en date du 3 septembre 2007,
- Madame MERTZ, Conseiller,
- Monsieur BETOUS, Conseiller.
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Monsieur Bernard Y... avait souscrit, au cours de son mariage avec Madame Janine X..., un contrat d'assurance auprès du GAN VIE n° 01887 lui garantissant une rente annuelle à compter de son 65e anniversaire. Ce contrat prévoyait le versement d'une rente annuelle correspondant à la somme des rentes constituées par les versements annuels effectués pendant l'activité du souscripteur assortie d'une revalorisation contractuelle alimentée par le fonds de revalorisation des articles 25, 26 et 27 des règlements du GAN. Il était d'autre part prévu des majorations légales, garanties par l'Etat dont le taux est défini chaque année par la Loi de Finances. Le contrat prévoyait que la rente était affectée d'un coefficient de réduction s'il était prévu sa réversion après le décès du titulaire.
Suivant protocole signé entre les parties le 10 février 1981 et homologué par jugement du Tribunal de Grande Instance de VALENCE en date du 19 mars 1981 portant conversion de la séparation de corps des parties en divorce, Monsieur Y... s'est engagé à verser à Madame X... à titre de prestation compensatoire une rente viagère de 3 500 F par mois indexée jusqu'à ce qu'il atteigne l'âge de la retraite soit 65 ans au 7 août 1991 et, à compter de cette date, la moitié de la rente annuelle à laquelle il aurait droit au titre du contrat GAN VIE n° 01887 auquel il s'engageait à continuer à cotiser. Le protocole rappelait que la pension acquise par Monsieur Y... au 31 décembre 1979 s'élevait à 52 132, 79 F selon relevé de compte GAN VIE annexé. Ce relevé faisait apparaître que seule la rente constituée par la cotisation annuelle s'élevait à 52 131, 79F. et que s'y ajoutait la somme de 5 557F en application de la clause de revalorisation prévue au contrat.
Monsieur Y... a fait procéder le 1er octobre 1991 par la Compagnie GAN VIE à la liquidation de sa pension de retraite en optant pour la réversibilité à son décès de la rente à 100 % au profit de sa seconde épouse, l'option de réversion ayant eu pour conséquence de ramener de 311 490, 65 F à 216 403, 94 F le montant annuel de la rente au 1er octobre 1991.
Madame X... a alors à nouveau saisi le Tribunal de Grande Instance de VALENCE à l'effet de voir condamner la Compagnie GAN VIE à lui verser une somme de 155 710, 32 F représentant la moitié de la rente viagère versée à Monsieur Y... en vertu du contrat n° 01887, sans tenir compte de la clause de réversibilité au profit de la seconde épouse et d'entendre dire que cette rente viagère continuerait de lui être versée après le décès de Monsieur Y....
Monsieur Y... a, pour sa part, non seulement conclu au rejet de cette demande mais a en outre demandé au Tribunal de dire que Madame X... ne pouvait prétendre qu'à la moitié de la " rente de base " et non pas aux " majorations légales résultant d'une participation aux bénéfices de la Compagnie GAN VIE ".
Par jugement en date du 23 août 1995, le Tribunal de Grande Instance de VALENCE a condamné Monsieur Y... à verser à Madame X... la moitié de sa rente comprenant les majorations légales et sans tenir compte de la clause de réversibilité au profit de sa seconde épouse, ce depuis le 7 août 1991, et débouté Madame X... de ses autres demandes.
Suivant arrêt en date du 24 novembre 1998, la Cour d'Appel de GRENOBLE a confirmé ce jugement sauf en ses dispositions relatives aux majorations légales et a décidé que la part de rente qui devait être versée à Madame X... devait être calculée sur la rente de base, hors les effets de l'option de la clause de réversibilité et hors les majorations légales.
Par arrêt en date du 20 février 2001, la Cour de Cassation a cassé cet arrêt en ce qu'il avait exclu les majorations légales du montant de la rente qui devait être versé à Madame X....
La Cour de CHAMBÉRY, désignée comme cour de renvoi a, par un arrêt du 27 février 2004, confirmé le jugement du Tribunal de Grande Instance de VALENCE et, y ajoutant, a dit que Monsieur Y... devrait produire à Madame X... tous documents utiles depuis 1992, à l'effet de calculer les sommes qui lui restent dues, l'a condamné à régler ce solde outre intérêts de droit à compter du 18 décembre 1992 et dit que les intérêts se capitaliseraient par année entière.
A une sommation de Madame X... de produire les documents visés par cet arrêt, Monsieur Y... a répondu que la rente due n'était que la rente de base soit 4 449, 75 € par trimestre correspondant à la moitié de la rente de base augmentée de la moitié des majorations légales, excluant de la rente de base les revalorisations contractuelles prévues en application des articles 25, 26 et 27 des conditions générales du contrat d'assurance.
Madame X... a alors saisi le Juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de VALENCE en interprétation de l'arrêt du 27 février 2004. Par jugement en date du 10 août 2006, celui-ci s'est déclaré incompétent au profit de la présente juridiction.
Madame Janine X... demande à voir dire que l'arrêt doit être interprété en ce sens que la prestation lui revenant est égale à la moitié de tout ce que perçoit Monsieur Y... au titre du contrat d'assurance-vie (rente de base revalorisée plus majorations légales) augmenté du coefficient de réversibilité.
Elle fait valoir que les deux seuls points litigieux dans le cadre de cette procédure étaient les majorations légales et le coefficient de réversibilité et que Monsieur X... n'a jamais été contesté avant le 13 janvier 2006, le fait que la participation aux bénéfices du GAN (avantage contractuel) faisait partie intégrante de la rente sur laquelle était assise la prestation compensatoire.
Elle souligne que Monsieur Y... soutenait dans ses conclusions devant cette Cour : " il est erroné d'affirmer que les majorations légales constituaient la revalorisation de la rente alors que cette revalorisation est incluse par définition dans le montant de cette rente " et que la motivation de la Cour est claire à cet égard.
Elle demande en outre à voir dire que Monsieur Y... devra justifier des sommes perçues au titre des majorations contractuelles ainsi que du coefficient de réversibilité en produisant notamment les attestations annuelles destinées à l'administration fiscale remises chaque années par le GAN et assortir la délivrance de ces documents d'une astreinte, à voir confirmer (sic) la disposition de l'arrêt du 24 février 2004 concernant les intérêts légaux et leur capitalisation par année entière.
Elle sollicite en outre l'allocation de la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et conclut au débouté de toutes les demandes de Monsieur Y... dirigées à son encontre.
Monsieur Bernard Y... demande à voir dire qu'il n'est tenu de régler à Madame X... que 50 % de la rente de base versée par le GAN outre 50 % des majorations légales, qu'il se conforme ainsi à ses obligations telles que définies par les tribunaux et à voir constater qu'il a d'ores et déjà transmis à Madame X... tous les documents justificatifs des versements du GAN VIE.
Il conclut en conséquence au débouté de l'ensemble des demandes et sollicite l'allocation de la somme de 2 000 € à titre de dommages et intérêts et de la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Il rappelle que les conventions font la loi des parties et qu'il y a lieu de se référer aux termes du protocole du 10 février 1981 ; que celui-ci ne peut être modifié sous couvert d'interprétation.
Il expose qu'à la date de signature de cet accord, les parties avaient envisagé que Madame X... ne soit pas pénalisée par la mise à la retraite de son mari et qu'elle continue à bénéficier mensuellement d'une rente indexée qui soit de l'ordre de 3 500 F par mois, proportion qui avait été convenue comme constituant la limite de l'engagement du débiteur, la disposition relative à la rente étant destinée à assurer l'équivalence entre la rente indexée initiale et la participation de Madame X... à la rente GAN. Il souligne que le document annexé au protocole vient au soutien de cette analyse.
Il soutient qu'il y a lieu de distinguer la rente nominale, laquelle inclut la revalorisation contractuelle, de la rente de base ; que le montant de la rente annuelle à partager est celui qui résulte du certificat de rente faisant apparaître à la date de prise d'effet de sa retraite un montant de 146 107, 32 F constituant la rente de base et que Madame X... ne peut prétendre bénéficier des majorations contractuelles, celles-ci faisant double emploi avec les majorations légales.
MOTIFS DE LA DECISION
Selon l'article 461 du Nouveau Code de Procédure Civile, il appartient à tout juge d'interpréter sa décision. Il n'y a pas lieu à interpréter le protocole d'accord du 10 février 1981, l'arrêt du 27 février 2004 ne s'étant pas référé audit accord pour statuer.
Il résulte des écritures des parties devant les juridictions de première instance et d'appel que les relevés annuels adressés par la Compagnie GAN VIE à Monsieur Y... ne mentionnaient pas la rente de base (à savoir la rente correspondant à la contrepartie des cotisations versées par l'affilié pendant sa période d'activité) mais seulement la rente nominale, c'est à dire incluant les participations aux bénéfices de la compagnie telles que prévues au contrat, et les majorations légales ; que Monsieur Y... s'est acquitté de la prestation compensatoire mise à sa charge en versant à Madame X..., sur la base des relevés émis par la Compagnie GAN VIE, la moitié de la rente nominale qui lui était versée, hors majorations légales ; qu'au cours des débats, ont été employés indistinctement les termes " rente de base " et " rente nominale " pour désigner la rente nominale et les termes " majorations contractuelles, majorations légales et participation aux bénéfices " pour désigner les majorations légales, le débat n'ayant porté en fait que sur l'application du coefficient de réversion (qui ne nous intéresse pas dans le cadre de la présente interprétation) et sur l'obligation de Monsieur Y... de payer, en sus de la moitié de la rente nominale effectivement versée, la moitié des majorations légales telles qu'elles figuraient sur les relevés annuels de la Compagnie. Cette analyse est confortée par le fait que Monsieur Y... n'a sollicité et obtenu de la Compagnie GAN VIE le montant de la rente de base hors majorations contractuelles qu'en 2005, postérieurement à l'arrêt litigieux.
Dans ce contexte, les motifs de l'arrêt du 27 février 2004, retenant que " aucune disposition n'excluant les majorations légales de la rente de base et la participation aux bénéfices du GAN étant automatique et faisant partie intégrante de la rente pour les bénéficiaires..., la rente à prendre en compte pour le versement de la moitié à Madame X... comprend les majorations légales ", permettent de dire que " la rente à prendre en compte " est la rente nominale, incluant les participations aux bénéfices de la compagnie telles que prévues au contrat, à laquelle doivent être ajoutées les majorations légales.
Monsieur Y... ne justifie pas avoir produit à Madame X... les relevés reçus de la Compagnie GAN VIE depuis 1992 lui permettant de calculer les sommes qui lui restent dues. Le prescrit de la Cour sur ce point sera en conséquence assorti d'une astreinte.
Il n'entre pas dans les pouvoirs du juge statuant en interprétation de sa décision de confirmer ladite décision ni d'y ajouter. Les autres demandes de Madame X... seront en conséquence rejetées.
PAR CES MOTIFS LA COUR,
Statuant en audience publique et contradictoirement,
DIT que l'arrêt rendu par la présente Cour le 27 février 2004 dans l'instance opposant Madame Janine X... à Monsieur Bernard Y... doit être interprété en ce sens que la prestation revenant à Madame X... est égale à la moitié de tout ce que perçoit Monsieur Y... au titre du contrat d'assurance-vie (rente de base revalorisée plus majorations légales) augmenté du coefficient de réversibilité.
ASSORTIT la condamnation de Monsieur Y... à produire à Madame X... tout document utile depuis 1992 à l'effet de calculer les sommes qui lui restent dues d'une astreinte de 50 € par jour de retard à défaut d'exécution dans le mois de la signification de la présente décision.
REJETTE toute autre demande.
CONDAMNE Monsieur Bernard Y... à payer à Madame Janine X... la somme de 1 000 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
LE CONDAMNE aux dépens de la présente procédure avec distraction au profit de la SCP FILLARD COCHET-BARBUAT par application de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Ainsi prononcé le 20 novembre 2007 par Madame CARRIER, Conseiller faisant fonction de Président, qui a signé le présent arrêt avec Madame TAMBOSSO, Greffier.