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31/07/2024 | FRANCE | N°21/02793

France | France, Cour d'appel de Caen, 1ère chambre civile, 31 juillet 2024, 21/02793


COUR D'APPEL DE CAEN

1ère Chambre civile









O R D O N N A N C E







N° RG 21/02793 - N° Portalis DBVC-V-B7F-G3FG



Affaire :

Monsieur [T] [E]

représenté et assisté de Me David LEGRAIN, avocat au barreau de CAEN

Madame [S] [I] épouse [E]

représentée et assistée de Me David LEGRAIN, avocat au barreau de CAEN





C/

La CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES YVELINES

prise en la personne de son représentant légal

Représentée et assis

tée de Me Frédéric FORVEILLE, avocat au barreau de CAEN - N° du dossier 19179

La S.A. SCOPELEC

prise en la personne de son représentant légal

Représentée par Me Jérémy VILLENAVE, avocat au b...

COUR D'APPEL DE CAEN

1ère Chambre civile

O R D O N N A N C E

N° RG 21/02793 - N° Portalis DBVC-V-B7F-G3FG

Affaire :

Monsieur [T] [E]

représenté et assisté de Me David LEGRAIN, avocat au barreau de CAEN

Madame [S] [I] épouse [E]

représentée et assistée de Me David LEGRAIN, avocat au barreau de CAEN

C/

La CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES YVELINES

prise en la personne de son représentant légal

Représentée et assistée de Me Frédéric FORVEILLE, avocat au barreau de CAEN - N° du dossier 19179

La S.A. SCOPELEC

prise en la personne de son représentant légal

Représentée par Me Jérémy VILLENAVE, avocat au barreau de CAEN

assistée de Me Laure ANGRAND, avocat au barreau de PARIS

La S.A. GENERALI IARD

prise en la personne de son représentant légal

Représentée par Me Jérémy VILLENAVE, avocat au barreau de CAEN

assistée de Me Laure ANGRAND, avocat au barreau de PARIS

La S.A.S.U. CIRCET

prise en la personne de son représentant légal

Représentée par Me Jérémie PAJEOT, avocat au barreau de CAEN - N° du dossier LC6513

assistée de Me Alexandre KOENIG, avocat au barreau de PARIS

SELARL MJ SYNERGIE prise en la personne de son représentant légal

SCP BTSG prise en la personne de son représentant légal

en leur qualité de liquidateurs judiciaires de la société SCOPELEC suite au jugement du tribunal de commerce de LYON du 28/12/2022

Le TRENTE ET UN JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE,

Nous, M.C. DELAUBIER, Conseillère chargée de la mise en état de la première chambre civile de la Cour d'Appel de CAEN, assistée de Mme COLLET, greffière,

~~~~

Par jugement contradictoire du 21 septembre 2021, le tribunal judiciaire d'Alençon :

- s'est déclaré compétent ;

- a dit que la société Scopelec n'est pas responsable de l'accident subi par M. [T] [E] le 7 novembre 2014 ;

- a débouté M. [T] [E] et Mme [S] [I] épouse [E] de l'ensemble de leurs demandes ;

- ordonné l'exécution provisoire des condamnations qui précèdent ;

- condamné M. [T] [E] et Mme [S] [I] épouse [E] à payer à la société Scopelec la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [T] [E] et Mme [S] [I] épouse [E] à régler les dépens de l'instance.

Par déclaration du 11 octobre 2021, M. et Mme [E] ont relevé appel de cette décision sauf en ce que le tribunal s'est déclaré compétent, en intimant la société Scopelec. L'affaire a été enregistrée sous le numéro de RG 21/02793.

La société Scopelec a constitué avocat le 25 octobre 2021.

M. et Mme [E] ont conclu pour la première fois le 9 décembre 2021 puis les 8 et 22 avril, et 10 mai 2022.

La société Scopelec a conclu les 9 février, 5 avril et 4 octobre 2022.

Par déclaration du 9 mars 2022, M. et Mme [E] ont encore relevé appel de cette décision sauf en ce que le tribunal s'est déclaré compétent, en intimant la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines (ci-après la caisse). L'affaire a été enregistrée sous le numéro de RG 22/00618.

La caisse a constitué avocat le 6 avril 2022.

M. et Mme [E] ont conclu les 8 et 22 avril 2022, et 10 mai 2022.

La caisse a conclu les 23 juin 2022 puis 6 juillet 2022.

Le 30 juin 2022, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la jonction de la cause inscrite sous le numéro RG 21/02793 avec celle inscrite sous le numéro RG 22/00618 et dit que la procédure se poursuivra sous le seul numéro RG 21/02793.

Par ordonnance du 16 mai 2023, le magistrat chargé de la mise en état a constaté que la société Scopelec prise en la personne de son représentant légal avait fait l'objet d'une liquidation judiciaire suivant jugement du tribunal de commerce de Lyon du 28 décembre 2022 et, en conséquence, a constaté l'interruption de l'instance à l'égard de la société Scopelec prise en la personne de son représentant légal et enjoint à Me [X] de régulariser la procédure pour le 22 novembre 2023.

Par actes du 8 juin 2023, M. et Mme [E] ont assigné la société Circet et la Sa Générali Iard en intervention forcée.

La société Circet a constitué avocat le 14 juin 2023 et la société Générali Iard le 2 août 2023.

La société Generali Iard a conclu au fond le 6 septembre 2023 et la société Circet le 7 septembre 2023.

Par actes des 7 et 21 septembre 2023, M. et Mme [E] ont assigné en intervention forcée la Selarl MJ Synergie et la Scp BTSG, pris en leur qualité de liquidateurs judiciaires à la liquidation judiciaire de la société Scopelec, fonctions auxquelles ils ont été désignés par jugement du tribunal de commerce de Lyon du 28 décembre 2022.

Dans l'intervalle, par conclusions des 7 août 2023, la société Generali a demandé au conseiller de la mise en état, au visa de l'article 555 du code de procédure civile, de l'arrêt rendu par la 2ème chambre civile de la Cour de cassation du 11 février 2021 (pourvoi n° 18-16.535) , de l'article L. 622-22 du code de commerce et de l'ordonnance d'interruption d'instance rendue le 16 mai 2023, de :

- déclarer irrecevable l'appel en intervention forcée dirigé à son encontre par M. et Mme [E] ;

- condamner solidairement M. et Mme [E] à lui payer la somme de 2000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Elle fait valoir que l'appel en intervention forcée est irrecevable en l'absence d'évolution du litige au sens de l'article 555 du code de procédure civile tel qu'interprété par la jurisprudence de la Cour de cassation.

Elle rappelle que les consorts [E] auraient pu la mettre en cause en sa qualité d'assureur de la société Scopelec en première instance, et qu'il est constant que la liquidation judiciaire de l'assuré, n'a pas pour effet de modifier les données juridiques du litige.

De surcroît, elle soutient que l'intervention forcée dirigée à son encontre ne peut aboutir, la condition de cette mise en cause étant l'existence d'une instance en cours en l'occurrence interrompue.

La société Circet a saisi le conseiller de la mise en état le 7 septembre 2023 d'un incident d'irrecevabilité de l'intervention forcée dirigée à son encontre.

Dans ses conclusions récapitulatives d'incident du 31 mai 2024, elle demande au conseiller de la mise en état, au visa des articles 32, 122, 124, 369, 372, 554, 555 et 700 du code de procédure civile, et des articles L. 622-21, L. 622-222, L. 631-13, L. 631-22, L. 641-3 et L. 642-1 et suivants du code de commerce de :

- dire que l'arrêté d'un plan de cession d'actifs de Scopelec au bénéfice de Circet par jugement du tribunal de commerce de Lyon du 28 décembre 2022 ne constitue aucunement une évolution du litige justifiant la mise en cause de Circet ;

En conséquence,

- juger irrecevable l'appel en son intervention forcée dans le litige opposant les consorts [E] à Scopelec et la caisse devant la cour ;

A titre surabondant,

- dire que l'instance principal d'appel dans laquelle les consorts [E] sollicitent son intervention n'est plus en cours par l'effet de l'ordonnance d'interruption d'instance du magistrat de la mise en état du 18 mai 2023 ;

En conséquence,

- juger irrecevable l'appel en son intervention forcée dans le litige opposant les consorts [E] à Scopelec et la caisse devant la cour ;

A titre subsidiaire,

- dire que qu'elle-même, repreneur d'actifs de Scopelec dans le cadre d'un plan de cession arrêté par le tribunal de commerce de Lyon du 28 décembre 2022, ne vient pas aux droits de Scopelec et n'a aucune qualité à défendre à une action délictuelle dirigée contre Scopelec pour des faits bien antérieurs à la cession ;

En conséquence,

- juger irrecevable l'ensemble des demandes formées à son encontre ;

En tout état de cause,

- débouter les consorts [E] de l'ensemble de leurs demandes ;

- condamner les consorts [E] à :

* une amende civile de 3000 euros pour procédure abusive ;

* 1 euro de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

* 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner les consorts [E] aux entiers dépens.

Elle fait valoir que l'appel dirigé à son encontre est irrecevable en application de l'article 555 du code de procédure civile, dans la mesure où le seul fait qu'un appelant en intervention ait pris connaissance au cours de l'instance d'appel d'une liquidation prononcée avant (ou après) le jugement dont appel ne constitue pas une évolution du litige permettant d'assigner un tiers en intervention forcée pour la première fois en cause d'appel.

De surcroît, elle soutient que l'arrêté d'un plan de cession, à distinguer d'une opération de 'fusion-acquisition', consiste en une cession d'actifs uniquement, excluant par principe toute reprise de passif du débiteur en procédure collective, de sorte qu'elle ne peut être considérée comme ayant cause à titre universel du débiteur. Elle ajoute qu'elle ne saurait répondre des fautes délictuelles imputables au débiteur en procédure collective dont le fait générateur est antérieur au plan de cession.

Elle indique que le jugement du tribunal de commerce de Lyon ayant arrêté le plan de cession partiel, conformément à l'offre soumise, n'a prévu la reprise d'aucune dette et d'aucun passif lié à d'éventuels litiges opposant la société Scopelec à des tiers survenus avant la cession ainsi qu'en attestent l'acte de cession, le jugement du tribunal de commerce et son offre de reprise qu'elle verse aux débats.

Enfin, elle relève qu'à la date de l'intervention forcée dirigée à son encontre, soit le 8 juin 2023, les consorts [E] n'avaient pas encore assigné les liquidateurs de la société Scopelec de sorte que l'instance principale d'appel était manifestement interrompue et qu'en l'absence d'instance en cours à la date de l'assignation en intervention forcée, celle-ci doit aussi être déclarée irrecevable pour ce dernier motif.

Subsidiairement, elle soutient que l'intégralité des demandes formées à son encontre sont irrecevables, dès lors qu'elle n'a pas la qualité d'ayant droit de la société Scopelec, ni qualité pour défendre, en tant que repreneur en plan de cession d'actifs de la société Scopelec à compter du 1er janvier 2023, à une action exclusivement dirigée contre la société Scopelec et fondée sur des faits survenus en novembre 2014 pour des fautes reprochées à cette seule société.

Reconventionnellement, elle estime que les consorts [E] ont agi abusivement en procédant de mauvaise foi par affirmations de droit et de fait inexactes.

Par conclusions des 19 décembre 2023 et 6 mars 2024, M. et Mme [E] demandent au conseiller de la mise en état de :

- leur donner acte de ce qu'ils ont déclaré leur créance et mis en cause les mandataires liquidateurs, les sociétés MJ Synergie et BTSG, ainsi que l'acquéreur de la société Scopelec, la société Circet ;

- débouter la société Generali Iard de sa demande d'irrecevabilité ;

- débouté la société Generali Iard de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- statuer ce que de droit sur les dépens.

Ils font valoir qu'au regard de la disparition de la société Scopelec et de l'engagement spontané de la société Generali de garantir son assurée en lui versant une provision, il y a bien une évolution du litige tant en fait qu'en droit, rappelant le caractère évolutif de la jurisprudence de la Cour de cassation.

Ils s'opposent à toute condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile, rappelant que M. [E] est âgé de 90 ans, disposant d'une modeste retraite alors qu'il continue à souffrir de ses blessures.

Dans leurs écritures prises à l'encontre de la société Circet le 12 mars 2024, M. et Mme [E] demandent au conseiller de la mise en état de :

- débouter la société Circet de sa demande d'irrecevabilité ;

A titre infiniment subsidiaire,

- 'donner acte à M. [E] de ce qu'il constate le défaut de qualité de la société Circet pour intervenir dans le litige',

- débouter la société Circet de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la condamner aux dépens.

Ils font valoir qu'ils ne pouvaient pas agir à l'encontre de la société Circet en première instance alors que la société Scopelec était encore in bonis, que l'évolution du litige au sens de l'article 555 du code de procédure civile est caractérisée puisque la société Circet a repris les droits de la société Scopelec, que la société Circet ne prouve pas qu'elle n'a pas repris le passif de cette dernière, que les documents versés par cette société sont incomplets voire tronqués, et qu'au surplus la lecture de l'offre de reprise soumise au tribunal mentionne que si le repreneur ne peut en aucun cas être tenu responsable de quelques dommages survenant sur un bien livré ou une prestation effectuée, il reste que M. [E] n'était pas lié à la société Scopelec par un contrat.

Enfin, ils s'opposent à toute demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors que victime d'un grave accident de la voie publique par le fait de câbles abandonnés par les préposés de la société Scopelec aux droits de laquelle vient Circet, M. [E] se trouve confronté à un refus de toute part de l'indemniser.

Par conclusions du 17 juin 2024, la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines demande au conseiller de la mise en état de lui donner acte qu'elle s'en rapporte à justice sur l'irrecevabilité des interventions forcées régularisées à l'encontre des sociétés Generali Iard et Circet, et de statuer ce que de droit sur les dépens.

L'incident a été évoqué à l'audience d'incidents du conseiller de la mise en état du 19 juin 2024.

Pour l'exposé complet des prétentions et de l'argumentaire des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

Liminairement, il convient de constater que les consorts [E] ont assigné en intervention forcée la Selarl MJ Synergie et la Scp BTSG, pris en leur qualité de liquidateurs judiciaires à la liquidation judiciaire de la société Scopelec, fonctions auxquelles ils ont été désignés par jugement du tribunal de commerce de Lyon du 28 décembre 2022 ce, par actes de 7 et 21 septembre 2023, et ont procédé à leur déclaration de créance au passif de la société Scopelec le 30 mai 2023.

- Sur les appels en intervention forcée :

Il résulte de l'article 914 du code de procédure civile que le conseiller de la mise en état est, depuis sa désignation et jusqu'à la clôture de l'instruction, seul compétent pour déclarer l'appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l'appel.

L'article 554 du code de procédure civile dispose que peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt les personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité.

Selon les dispositions de l'article 555 du code de procédure civile, ces mêmes personnes peuvent être appelées devant la cour, même aux fins de condamnation, quand l'évolution du litige implique leur mise en cause.

Il est constant que l'évolution du litige impliquant la mise en cause d'un tiers devant la cour d'appel n'est caractérisée que par la révélation d'une circonstance de fait ou de droit née du jugement ou postérieurement à celui-ci et modifiant les données juridiques du litige.

* Sur intervention forcée de la société Generali Iard pour la première fois en cause d'appel :

Il est constant que la société Generali Iard, assureur de la société Scopelec, n'était ni partie ni représentée en première instance.

En conséquence, elle ne pouvait être appelée devant la cour d'appel qu'en présence d'une évolution du litige impliquant sa mise en cause.

Les consorts [E] font valoir qu'ils n'ont pas attrait l'assureur en première instance dès lors que celui-ci avait exprimé sa volonté de garantir son assurée, la société Scopelec, en leur versant spontanément une provision en 2016, mais qu'ils ont dû l'assigner en intervention forcée en cause d'appel en raison de la liquidation judiciaire prononcée le 28 décembre 2022 à l'égard de la société Scopelec.

Néanmoins, l'ouverture, après le jugement, d'une procédure collective à l'égard de la société Scopelec n'a pas eu pour effet de modifier les données juridiques du litige et ne constitue pas une évolution de celui-ci, permettant, pour la première fois devant la cour d'appel, la mise en cause de la société Generali, contre laquelle les consorts [E] étaient déjà en mesure d'agir devant le premier juge ce, nonobstant le versement d'une provision par l'assureur en 2016.

Par suite, il convient de déclarer irrecevable l'appel en intervention forcée de la société Generali diligenté par M. et Mme [E].

* Sur intervention forcée de la société Circet pour la première fois en cause d'appel :

La société Scopelec a été assignée en responsabilité devant le tribunal judiciaire d'Alençon par M. et Mme [E] sur le fondement de l'article 1242 alinéa 1 du code civil (article 1384 ancien du même code).

Il est constant que la société Circet n'était pas partie en première instance.

Elle n'intervient pas volontairement en cause d'appel mais elle a été assignée en intervention forcée par M. et Mme [E] aux fins principalement de voir dire 'la société Circet venant aux droits de la société Scopelec' responsable de l'accident dont M. [E] a été victime le 7 novembre 2014 à [Localité 1]' et de la voir 'condamner à ce titre solidairement avec la société Generali Iard à les indemniser de leurs préjudices'.

Les appelants affirment que la société Circet s'est substituée à la société Scopelec dont elle aurait repris les droits, ajoutant que le jugement admettant le plan de cession de la société Scopelec constitue une évolution de fait et de droit justifiant sa mise en cause.

Cependant, le cessionnaire désigné par le plan de cession de l'entreprise n'est pas l'ayant cause à titre universel du débiteur et ne recueille que les droits et actions afférents aux éléments d'actifs cédés.

Il n'est pas tenu de régler le passif du débiteur antérieur à la cession sauf dispositions contraires du jugement arrêtant le plan de cession ou engagement du cessionnaire expressément consenti.

Le jugement du tribunal de commerce de Lyon du 28 décembre 2022 versé aux débats, dont le dispositif est opposable à tous, a arrêté le plan de cession de la société Scopelec au bénéfice de la société Circet pour la totalité de l'activité Scopelec hors La Réunion-Mayotte, Usages et Services et la zone Sud-Est, pour Gobé et Scopelec Energies Services en détaillant la liste des actifs repris des sociétés (actifs corporels, actifs incorporels, actifs immobiliers, stocks en cours de production, actifs financiers et immobilisations financières, créances détenues par Scopelec et Setelen sur les filiales par Circet), le transfert des contrats nécessaires aux actifs repris (contrats d'exploitation, contrats commerciaux avec clients) outre un volet social concernant les salariés repris. Il ne prévoit aucune disposition s'agissant d'un quelconque passif ou dette de la société Scopelec repris par la société Circet relatif à des litiges opposant la société Scopelec à des tiers.

La société Circet a communiqué un extrait de l'offre de reprise réalisée pour le tribunal de commerce de Lyon et, contrairement à ce qu'allèguent M. et Mme [E], la volonté initiale de la dite société de ne pas verser l'intégralité de l'offre ne saurait conduire à qualifier de 'tronqué' un tel document.

En tout état de cause, la société Circet produit l'intégralité de l'offre de reprise et aucun élément ne permet de douter de son authenticité.

L'acte de cession d'entreprise du 15 décembre 2023 reprend en son article 3.4 en substance les dispositions de l'offre de reprise mentionnées à l'article VI.5 :

'Aucun arriéré, aucune somme ou indemnité de toute nature courue avant la date d'entrée en jouissance ne sera à la charge du cessionnaire.

L'engagement du cessionnaire a pris effet à compter de la date d'entrée en jouissance et se limite aux obligations nées à compter de cette date.

Tout litige et/ou action en garantie et/ ou en responsabilité exercé à l'encontre de Scopelec existant ou à naître du fait de la livraison de produits aux clients et/ou des prestations réalisées pour le compte de clients jusqu'à la date d'entrée en jouissance, sont exclus de l'objet de la cession, le cessionnaire ne pouvant en aucun cas être tenu pour responsable de quelques dommages survenant sur un bien livré ou une prestation effectuée avant la date d'entrée en jouissance.'

Il est précisé :

'plus généralement, le cessionnaire ne prendra en charge aucune autre obligation contractuelle ou non contractuelle de quelle que nature qu'elle soit consécutive à tout droit, vente, action, fabrication, représentation, détention, mandat sous quelle que forme ou plus généralement, aucune obligation initiée ou causée antérieurement à la date d'entrée en jouissance. Il est par ailleurs précisé que toute indemnité résultant d'éventuels dommages ou préjudices subis par des clients ou liés à un litige fournisseur résultant de fautes ou agissements commis antérieurement à la date d'entrée en jouissance resteront à la charge de Scopelec'.

Le seul fait que ces stipulations soient reprises sous un intitulé 'conditions de transfert des contrats repris' alors que M. et Mme [E] indiquent qu'ils n'étaient pas liés à la société Scopelec par un lien contractuel de sorte qu'elles ne leur seraient pas opposables est inopérant dès lors que ces éléments établissent strictement les conditions de l'engagement de la société Circet, lesquelles prévoient expressément la non-prise en charge d'obligation non contractuelle de quelque nature que ce soit et que tant le jugement arrêtant le plan de cession que l'offre de reprise et l'acte de cession ne prévoient la poursuite des litiges tels que celui opposant les consorts [E] à la société Scopelec ni la prise en charge de dettes de dommages et intérêts éventuelles résultant de fautes délictuelles commises par la société Scopelec antérieurement à la cession.

Enfin, l'acte de cession indique que s'agissant des charges d'exploitation, 'le cessionnaire supportera toutes contributions, taxes, frais et autres charges de quelque nature que ce soit issus de l'exploitation des éléments d'actifs cédés à compter de la date d'entrée en jouissance.

Le cessionnaire ne supportera aucun autre passif de quelle que nature que ce soit et seules les charges d'exploitation relatives à un fait générateur postérieur à la date d'entrée en jouissance devront être prises en charge par le cessionnaire.'

Il en ressort qu'aucune disposition du jugement arrêtant le plan de cession ni aucune clause de l'acte de cession ne font état d'une quelconque reprise du passif de la société Scopelec, ou d'un engagement de la société Circet de prendre à sa charge les dettes résultant d'éventuels dommages causés par la société Scopelec à l'occasion de son activité antérieure à la cession, ou de tout transfert d'un passif lié à d'éventuels litiges opposant la société Scopelec à des tiers pour des faits survenus avant cession.

Le plan de cession n'a pas eu pour effet de faire naître des droits au profit de M. et Mme [E] à l'égard de la société Circet, laquelle ne pouvait être considérée comme venant aux droits de la société Scopelec.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, il sera considéré que le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lyon le 28 décembre 2022 arrêtant le plan de cession de la société Scopelec et prononçant la conversion du redressement judiciaire de la société Scopelec en liquidation judiciaire ne constitue pas une évolution modifiant les données juridiques du litige opposant M. et Mme [E] à la société Scopelec dont ces derniers ont valablement mis en cause les liquidateurs après avoir déclaré leur créance.

Par suite, il convient de déclarer irrecevable l'appel en intervention forcée de la société Circet par M. et Mme [E].

- Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive :

Selon les dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

Constitue un abus de droit et l'appel est abusif si son auteur n'a aucun moyen sérieux à faire valoir et ne peut nourrir un quelconque espoir de succès.

Il convient de rappeler que la disposition précitée ne peut être mise en oeuvre que de la propre initiative de la juridiction saisie et non de celle des parties.

Par ailleurs, le seul fait que l'appel en intervention forcée de la société Circet soit déclaré irrecevable n'établit pas que M. et Mme [E] aient agi de mauvaise foi ou par malice. Les moyens et arguments développés par les appelants dans le cadre du présent incident ne révèlent pas davantage d'abus ni d'intention de nuire de la part de M. et Mme [E] dans l'exercice de leur droit d'agir.

En conséquence, il n'y a pas lieu de prononcer une amende civile et la société Circet sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

- Sur les demandes accessoires :

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

En revanche, M. et Mme [E], partie qui succombent, seront condamnés aux dépens liés à ces appels.

PAR CES MOTIFS :

Constatons que M. [T] [E] et Mme [S] [E] née [I] ont assigné en intervention forcée la Selarl MJ Synergie et la Scp BTSG, pris en leur qualité de liquidateurs judiciaires à la liquidation judiciaire de la société Scopelec, fonctions auxquelles ils ont été désignés par jugement du tribunal de commerce de Lyon du 28 décembre 2022 ce, par actes de 7 et 21 septembre 2023, et ont procédé à leur déclaration de créance au passif de la société Scopelec le 30 mai 2023 ;

Déclarons irrecevable l'appel en intervention forcée de la société Generali Iard dans le litige opposant M. [T] [E] et Mme [S] [E] née [I] à la société Scopelec et la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines devant la cour ;

Déclarons irrecevable l'appel en intervention forcée de la société Circet dans le litige opposant M. [T] [E] et Mme [S] [E] née [I] à la société Scopelec et la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines devant la cour ;

Disons n'y avoir lieu à prononcer une amende civile ;

Rejetons la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Disons n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamnons M. [T] [E] et Mme [S] [E] née [I] aux dépens liés à ces appels.

LA GREFFIÈRE

M. COLLET

LE MAGISTRAT DE

LA MISE EN ETAT

M.C. DELAUBIER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/02793
Date de la décision : 31/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 06/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-31;21.02793 ?
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