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24/07/2024 | FRANCE | N°24/00050

France | France, Cour d'appel de Caen, Référés, 24 juillet 2024, 24/00050


N° RG 24/00050 - N° Portalis DBVC-V-B7I-HO5Y

 



COUR D'APPEL DE CAEN







Minute n° 47/2024







PREMIÈRE PRÉSIDENCE



ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ DU 24 JUILLET 2024











DEMANDERESSE AU RÉFÉRÉ :



S.A.S. POLYCLINIQUE DE LA MANCHE

N° SIRET : 906 180 047

[Adresse 14]

[Localité 17]

prise en la personne de son représentant légal



Non comparante, représentée par Me Stéphane PIEUCHOT, avocat au barreau d

e CAEN





DÉFENDEURS AU RÉFÉRÉ :



Maître [P] [R] mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la POLYCLINIQUE DE LA MANCHE

[Adresse 24]

[Localité 18]



Non comparant, représenté par Me Gaël BALAVOINE, avocat au bar...

N° RG 24/00050 - N° Portalis DBVC-V-B7I-HO5Y

 

COUR D'APPEL DE CAEN

Minute n° 47/2024

PREMIÈRE PRÉSIDENCE

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ DU 24 JUILLET 2024

DEMANDERESSE AU RÉFÉRÉ :

S.A.S. POLYCLINIQUE DE LA MANCHE

N° SIRET : 906 180 047

[Adresse 14]

[Localité 17]

prise en la personne de son représentant légal

Non comparante, représentée par Me Stéphane PIEUCHOT, avocat au barreau de CAEN

DÉFENDEURS AU RÉFÉRÉ :

Maître [P] [R] mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la POLYCLINIQUE DE LA MANCHE

[Adresse 24]

[Localité 18]

Non comparant, représenté par Me Gaël BALAVOINE, avocat au barreau de CAEN

S.E.L.A.R.L. TRAJECTOIRE, représentée par Me [H] [O], administrateur judiciaire de la POLYCLINIQUE DE LA MANCHE

[Adresse 25]

[Localité 3]

prise en la personne de son représentant légal

Comparante par Me [O], assistée de Me Noël LEJARD, substitué par Me BONNEAU, avocats au barreau de CAEN

S.A.S. [U] CAPITAL

N° SIRET : 890 97 6 5 09

[Adresse 9]

[Localité 20]

prise en la personne de son représentant légal

Comparante par M. [U], assistée de Me Jérémie PAJEOT, avocat au barreau de CAEN, Me Vincent SIGUIER et Me Fabrice DALAT, avocat au barreau de PARIS

Copie certifiée conforme et copie exécutoire délivrées le 24 Juillet 2024 à Me PIEUCHOT, Me BALAVOINE, Me LEJARD, Me PAJEOT, Me LEBAR et Me DARTOIS

Copie certifiée conforme délivrée le 24 Juillet 2024 au Ministère Public

MINISTERE PUBLIC, pris en la personne du Procureur Général près la Cour d'Appel de CAEN

[Adresse 29]

[Localité 4]

Non comparant,

INTERVENANTS VOLONTAIRES :

Madame [B] [N] [M] [T] épouse [A], représentante des salariés

[Adresse 8]

[Localité 17]

Madame [J] [Y], secrétaire de CSE de la POLYCLINIQUE DE LA MANCHE

[Adresse 7]

[Localité 19]

Comparantes, assistées de Me Emmanuel LEBAR, avocat au barreau de COUTANCES

Monsieur [G] [K]

[Adresse 1]

[Localité 21]

Monsieur [E] [EV]

[Adresse 15]

[Adresse 6]

[Localité 22]

Madame [V] [L] épouse [S]

[Adresse 5]

[Localité 17]

Monsieur [C] [S]

[Adresse 5]

[Localité 17]

Monsieur [D] [ZI] [I] [Z]

[Adresse 23]

[Localité 16]

Monsieur [ZI] [F]

[Adresse 2]

[Localité 17]

Non comparants, représentés par Me Mickaël DARTOIS, avocat au barreau de CAEN, Assistés de Me Emmanuelle BRUDY, avocat au barreau de CHERBOURG

COMPOSITION LORS DES DÉBATS :

PRÉSIDENT

Monsieur E. LE BOURVELLEC

GREFFIERE

Madame N. LE GALL

MINISTERE PUBLIC

L'affaire a été communiquée au ministère public qui a fait connaître son avis le 22 Juillet 2024.

DÉBATS

L'affaire a été appelée à l'audience publique du 23 Juillet 2024 au cours de laquelle elle a été débattue.

ORDONNANCE

Prononcée publiquement le 24 Juillet 2024 par mise à disposition au greffe de la cour et signée par Monsieur E. LE BOURVELLEC, Conseiller de la cour d'appel de Caen et par Madame N. LE GALL, greffière.

*

* *

ORDONNANCE

Par jugement du 12 juillet 2024 n° RG 2024 001548, auquel il est expressément renvoyé pour un exposé complet des faits, motifs et dispositif, le tribunal de commerce de Coutances a notamment :

- déclaré irrecevable l'offre présentée par le centre hospitaliser [28], le centre hospitalier de [Localité 26] et la Fondation hospitalière [27],

- pris acte de la levée des conditions suspensives contenues dans l'offre présentée par la société [U] Capital (SAS),

- déclaré recevable l'offre présentée par la société [U] Capital (SAS),

- pris acte de l'accord du pétitionnaire pour une entrée en jouissance à compter du 15 juillet 2024,

- arrêté le plan de cession totale de la société Polyclinique de la Manche (SAS), immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Coutances sous le numéro 906 180 047, au profit de la société [U] Capital (SAS), immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Coutances sous le numéro 890 976 509, aux conditions et selon les modalités définies dans son offre 'améliorée finale' datée du 14 juin 2024 et améliorée le 27 juin 2024, et à laquelle s'est attaché un courriel de Me Vincent Siguier, avocat du candidat repreneur, en réponse aux sollicitations de l'administrateur judiciaire, daté du 28 juin 2024,

- autorisé le cessionnaire à se substituer deux personnes morales à constituer pour la reprise de l'entreprise dont les caractéristiques principales seront les suivantes :

Pour les actifs hors immobilier :

- forme et dénomination sociale : SAS HÔPITAL PRIVE DE LA MANCHE

- capital social : 1 096 000 euros

- président : M. [X] [U]

Pour l'ensemble immobilier :

- forme et dénomination sociale : SAS Immobilière Santé Normandie

- capital social : 579 000 euros

- gérant : M. [X] [U].

- rappelé, conformément aux dispositions de l'article L.642-9 du code de commerce, que la société [U] Capital (SAS), auteur de l'offre retenue, reste garante solidairement de l'exécution des engagements qu'elle a souscrit,

- dit que les actifs de la procédure de redressement judiciaire de la société Polyclinique de la Manche (SAS) sont réputés vendus comme suit (selon éléments détaillés dans l'offre) :

- éléments incorporels : 1 euros

- éléments corporels hors immobilier : 50 000 euros

- stocks : 10 000 euros

- biens et droits immobiliers : 700 000 euros : figurant au cadastre sous les références : section 000 AK [Cadastre 12] sise [Adresse 11] [Localité 17] et [Adresse 10] [Localité 17] et section AK [Cadastre 13] sise [Adresse 14] [Localité 17],

- constaté que le cessionnaire a, préalablement à l'entrée en jouissance, justifié de la consignation du prix de cession à hauteur de 760 001 euros au titre de la cession totale de la société Polyclinique de la Manche (SAS),

- confié au cessionnaire, et sous sa responsabilité, la gestion de l'entreprise cédée avec prise de gestion et entrée en jouissance à la date du lundi 15 juillet 2024 à 00h00,

- dit que le cessionnaire aura la jouissance de l'activité reprise sous sa responsabilité à compter de cette date (article L.642-8 du code de commerce), lequel devra justifier à l'administration judiciaire de la couverture des risques d'exploitation et des actifs,

- dit que la société Polyclinique de la Manche (SAS) devra, dès le prononcé dudit jugement, mettre à disposition du cessionnaire l'ensemble des informations (codes d'accès, ...), documents, éléments matériels et immatériels, nécessaires à l'effectivité de l'entrée en jouissance et notamment les informations relatives aux salariés repris (contrats de travail, avenants, sanctions disciplinaires, bulletins de paie, ...), les informations relatives à la patientèle, etc.

Par déclaration du 18 juillet 2024, la SA Polyclinique de la Manche a formé appel de ce jugement.

Par requête du 19 juillet 2024, la SA Polyclinique de la Manche a introduit une requête aux fins d'être autorisée à assigner en référé d'heure à heure devant la cour d'appel :

- la Selarl Trajectoire, représentée par Me [O] ès qualités d'administrateur judiciaire de la SA Polyclinique de la Manche, désignée par jugement du tribunal de commerce de Coutances du 1er décembre 2023,

- Me [P] [R], ès qualités de mandataire judiciaire de la SA Polyclinique de la Manche, désigné par jugement du tribunal de commerce de Coutances du 1er décembre 2023,

- le ministère public, pris en la personne du Procureur Général près la cour d'appel de Caen,

- la société [U] Capital.

Par ordonnance du 19 juillet 2024, le premier président de la cour d'appel de Caen a autorisé la SA Polyclinique de la Manche à assigner à l'audience de référé du 23 juillet 2024 :

- la Selarl Trajectoire, représentée par Me [O] ès qualités d'administrateur judiciaire de la SA Polyclinique de la Manche, désignée par jugement du tribunal de commerce de Coutances du 1er décembre 2023,

- Me [P] [R], ès qualités de mandataire judiciaire de la SA Polyclinique de la Manche, désigné par jugement du tribunal de commerce de Coutances du 1er décembre 2023,

- le ministère public, pris en la personne du Procureur Général près la cour d'appel de Caen,

- la société [U] Capital.

Par actes de commissaires de justice délivrés le 19 juillet à 16h02, 16h10, 16h21, 16h30, la SA Polyclinique de la Manche a fait assigner à l'audience de référé du 16 juillet 2024 :

- la Selarl Trajectoire, représentée par Me [O] ès qualités d'administrateur judiciaire de la SA Polyclinique de la Manche, désignée par jugement du tribunal de commerce de Coutances du 1er décembre 2023,

- Me [P] [R], ès qualités de mandataire judiciaire de la SA Polyclinique de la Manche, désigné par jugement du tribunal de commerce de Coutances du 1er décembre 2023,

- le ministère public, pris en la personne du Procureur Général près la cour d'appel de Caen,

- la société [U] Capital.

Aux termes de sa requête et par conclusions du 23 juillet 2024, reprise oralement à l'audience, la SA Polyclinique de la Manche demande à la cour de :

- prononcer l'arrêt de l'exécution provisoire de plein droit du jugement n° RG 2024-001548 du rendu le 12 juillet 2024 par le tribunal de commerce de Coutances, en vertu des dispositions de l'article R.661-1 du code de commerce, avec toutes conséquences de droit,

- prescrire au greffe du tribunal de commerce de Coutances et/ou à celui de la cour d'appel de Caen l'accomplissement des formalités de publicité au Bodacc de l'ordonnance à intervenir afin de rendre opposable aux tiers l'arrêt de l'exécution provisoire,

- statuer ce que de droit quant aux dépens.

Par conclusions du 23 juillet 2024, le Ministère public s'en rapporte.

Par conclusions du 22 juillet 2024, soutenues oralement à l'audience, la Selarl Trajectoire demande à la cour de :

- débouter la SA Polyclinique de la Manche de sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire de plein droit attachée au jugement n° RG 2024 001548 rendu le 12 juillet 2024 par le tribunal de commerce de Coutances,

- statuer ce que de droit quant aux dépens.

Par écritures déposées le 23 juillet 2024, soutenues oralement à l'audience, la SAS [U] Capital demande à la cour de :

- rejeter la demande d'arrêt de l'exécution provisoire attachée au jugement rendu par le tribunal de commerce en date du 12 juillet 2024 autorisant la cession d'entreprise à son profit.

Par conclusions déposées le 22 juillet 2024, soutenues oralement à l'audience, Me [R] demande à la cour de :

- rejeter les entières demandes de la SA Polyclinique de la Manche,

- laisser les dépens à la charge de la procédure collective.

Par conclusions déposées le 22 juillet 2024, soutenues oralement à l'audience, Mme [T] épouse [A], es qualités de représentante des salariés au redressement judiciaire de la SA Polyclinique de la Manche, de personne habilitée à user des voies de recours au nom du Comité Social et Économique, de membre titulaire de la délégation du personnel du Comité Social et Économique de la SA Polyclinique de la Manche, et de salariée de la SA Polyclinique de la Manche, Mme [Y], ès qualités de secrétaire de Comité Social et Économique de la SA Polyclinique de la Manche, de membre titulaire de la délégation du personnel du Comité Social et Économique de la SA Polyclinique de la Manche et de salariée de la SA Polyclinique de la Manche, demandent à la cour de :

- recevoir leur intervention volontaire,

- rejeter la demande de suspension de l'exécution provisoire,

- condamner la SA Polyclinique de la Manche à verser 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SA Polyclinique de la Manche aux dépens.

Par conclusions déposées le 22 juillet 2024, soutenues oralement à l'audience, M. [K], chirurgien urologue, M. [EV], chirurgien viscéral, Mme [S] née [L], gastro-entérologue, M. [S], médecin ORL, M. [Z], chirurgien Viscéral et M. [F], médecin urologue, demandent à la cour de :

- déclarer recevable et bien fondée leur intervention volontaire, au soutien des prétentions de la société [U] Capital,

- rejeter l'ensemble des demandes présentées par la SA Polyclinique de la Manche,

- statuer ce que de droit sur les dépens.

Le délibéré a été fixé au 24 juillet 2024 par mise à disposition au greffe.

Pour l'exposé complet des prétentions et de l'argumentaire des parties, il est expressément renvoyé à leurs écritures conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE

L'article R. 661-1 du Code de commerce dispose :

'Les jugements et ordonnances rendus en matière de mandat ad hoc, de conciliation, de sauvegarde, de redressement judiciaire, de rétablissement professionnel et de liquidation judiciaire sont exécutoires de plein droit à titre provisoire.

Toutefois, ne sont pas exécutoires de plein droit à titre provisoire les jugements et ordonnances rendus en application des articles L. 622-8, L. 626-22, du premier alinéa de l'article L. 642-20-1, de l'article L. 651-2, des articles L. 663-1 à L. 663-4 ainsi que les décisions prises sur le fondement de l'article L. 663-1-1 et les jugements qui prononcent la faillite personnelle ou l'interdiction prévue à l'article L. 653-8.

Les dispositions des articles 514-1 et 514-2 du code de procédure civile ne sont pas applicables.

Par dérogation aux dispositions de l'article 514-3 du code de procédure civile, le premier président de la cour d'appel, statuant en référé, ne peut arrêter l'exécution provisoire des décisions mentionnées aux deux premiers alinéas du présent article que lorsque les moyens à l'appui de l'appel paraissent sérieux. L'exécution provisoire des décisions prises sur le fondement de l'article L. 663-1-1 peut être arrêtée, en outre, lorsque l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives. Dès le prononcé de la décision du premier président arrêtant l'exécution provisoire, le greffier de la cour d'appel en informe le greffier du tribunal'.

Il appartient donc à l'appelant qui sollicite l'arrêt de l'exécution provisoire, de démontrer qu'il dispose de moyens à l'appui de l'appel qui paraissent sérieux.

La notion de moyens qui paraissent sérieux est distincte de celle du bien fondé de l'appel.

Il en résulte que la présente décision ne préjuge pas de la décision qui sera rendue par la cour d'appel sur le fond.

Sur la recevabilité de l'intervention volontaire de Mme [T] épouse [A], de Mme [Y], de M. [K], M. [EV], Mme [S] née [L], M. [S], M. [Z], et M. [F]

La SA Polyclinique de la Manche fait valoir que par application des dispositions de l'article R.661-6 du code de commerce, 'aucune intervention n'est recevable dans les dix jours qui précèdent la date de l'audience'. Considérant que ces interventions volontaires sont intervenues la veille de l'audience, la SA Polyclinique de la Manche en conclut à leur irrecevabilité.

Il convient de rappeler que les dispositions ci-dessus invoquées de l'article R.661-6 du code de commerce concernent la procédure d'appel au fond et non la procédure en référé d'heure à heure devant le premier président de la cour d'appel. La nature même de cette procédure en référé ne peut permettre d'invoquer utilement le délai de dix jours précédant la date de l'audience, telle que précisé audit article, pour exciper de irrecevabilité d'une intervention volontaire.

Il en résulte que doit être déclarée recevable l'intervention volontaire de Mme [T] épouse [A], ès qualités de représentante des salariés au redressement judiciaire de la SA Polyclinique de la Manche, de personne habilitée à user des voies de recours au nom du Comité Social et Économique, de membre titulaire de la délégation du personnel du Comité Social et Économique de la SA Polyclinique de la Manche, et de salariée de la SA Polyclinique de la Manche, Mme [Y], ès qualités de secrétaire de Comité Social et Économique de la SA Polyclinique de la Manche, de membre titulaire de la délégation du personnel du Comité Social et Économique de la SA Polyclinique de la Manche et de salariée de la SA Polyclinique de la Manche.

De même, l'intervention volontaire de M. [K], M. [EV], Mme [S] née [L], M. [S], M. [Z], et M. [F], qui interviennent au soutien des prétentions de la société [U] Capital, doit également être déclarée recevable.

Sur la demande d'arrêt de l'exécution provisoire

La SA Polyclinique de la Manche fait valoir que le plan de redressement a été déposé au greffe tardivement par l'administrateur judiciaire et n'a fait l'objet d'aucune circularisation, alors que les dispositions légales l'imposaient.

Elle estime que son plan de redressement, modélisé avec le concours de la société KPMG, est de nature à permettre la poursuite de l'activité de l'entreprise, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif, contrairement à celui arrêté au profit de la SAS [U] Capital.

Enfin, elle estime que sa situation ne justifiait pas l'adoption à la hâte du plan de cession au mépris du principe de primauté du plan de redressement ou d'une poursuite de la période d'observation.

En réplique, la Selarl Trajectoire soutient que le plan de redressement tel que retenu par les propositions d'apurement est irréalisable.

Elle souligne que la SA Polyclinique de la Manche se prévaut d'un projet fondé sur des prévisions d'activités illusoires et de solutions de financement hypothétiques, dans un contexte où l'ensemble des intervenants (praticiens et salariés) rejette cette direction.

La SAS [U] Capital fait valoir que le plan de continuation de la SA Polyclinique de la Manche a été établi sur la base de deux projets incompatibles entre eux :

- le projet KPMG sans cession de l'immobilier avec un plan de redressement des créanciers très hypothétique,

- l'option d'une cession de l'immeuble à un investisseur n'ayant aucune expertise dans l'immobilier de santé, avec la mise en place d'un loyer qui priverait la clinique de toute génération de bénéfice et donc de capacité à investir.

Elle indique que le projet de la SA Polyclinique de la Manche repose sur des hypothèses irréalisables, à savoir le report d'activité des praticiens de [Localité 26], qui en pratique sont partis chez la concurrence, et par ailleurs sur des recrutements qui ne sont pas identifiés et peu crédibles en raison de la défiance des praticiens à l'égard de la direction de la société AVEC.

Me [R] reprend chacun des moyens soulevé par la SA Polyclinique de la Manche pour en conclure qu'aucun d'entre eux n'est sérieux.

Mme [T] épouse [A] et Mme [Y] expliquent que les salariés n'ont plus confiance dans M. [W], dirigeant de la SA Polyclinique de la Manche, que son projet arrive trop tard pour restaurer cette confiance, outre le fait qu'il repose sur des hypothèses.

Enfin, M. [K], M. [EV], Mme [S] née [L], M. [S], M. [Z], et M. [F] indiquent que les rapports des médecins avec la société AVEC sont très mauvais, précisant que les praticiens souffrent d'un manque de considération de la part de la direction actuelle. Ils estiment qu'à l'inverse, le plan de la SAS [U] Capital est le seul de nature à préserver leurs intérêts.

******

La SA Polyclinique de la Manche indique que Me [O], ès qualités d'administrateur judiciaire, a déposé au greffe du tribunal de commerce de Coutances le 20 juin 2024 le plan de redressement et l'a adressé à Me [R], ès qualités de mandataire judiciaire, pour consultation des créanciers.

Elle souligne que le tribunal de commerce a rejeté le plan de redressement sans circularisation des propositions d'apurement du passif aux créanciers.

Il est cependant constant que le tribunal peut dispenser le mandataire judiciaire de consulter les créanciers et rejeter le plan sans qu'il y ait eu consultation si le projet de plan n'est pas sérieux ou ne présente pas de garantie suffisante.

En l'espèce, le jugement du tribunal de commerce du 12 juillet 2024 portant le RG 2024 001548 précise expressément que par jugement n° 2024 002196 du même jour, le tribunal a dit que le plan de redressement proposé est manifestement insusceptible de permettre le redressement de l'entreprise, dit qu'il n'y a pas lieu de le circulariser aux créanciers et rejeté le plan de redressement.

C'est donc dans l'exercice de son pouvoir souverain, et sans contrevenir aux dispositions applicables, que le tribunal de commerce a pu dispenser le mandataire de consulter les créanciers.

En outre, et ainsi que le souligne à juste titre la Selarl Trajectoire, le délai de validité de l'offre du candidat repreneur était limité dans le temps, puisque valable jusqu'au 14 juillet 2024. Il doit également être mentionné que l'orientation vers une cession de la société était envisagée depuis le 18 janvier 2024, ce qui aurait pu permettre à la débitrice de présenter un plan de redressement viable.

Sur le sérieux du plan de redressement proposé par la SA Polyclinique de la Manche, il convient de relever que celui-ci est fondé sur une dette, telle que retenue par le cabinet KPMG, d'un montant de 4,4 millions d'euros, pour un passif déclaré de 6,7 millions d'euros. Il est constant que les opérations de vérification du passif sont en cours, et que le montant de 3,8 millions d'euros créances contestées ne peut être retenu dans ces conditions comme devant minorer le passif total à prendre en compte.

Alors qu'il est acquis que le montant de la créance superprivilégiée de l'AGS CGEA est de 429.363,33 euros, la SA Polyclinique de la Manche procède par affirmation en indiquant que le prévisionnel permet d'opérer un remboursement des échéances du plan et d'assurer une trésorerie positive sur la période, ou à tout le moins que les garanties apportées par M. [W] et la société Global Invest permettent d'assurer la parfaite exécution du plan de redressement.

De fait, au vu des pièces produites, l'allégation selon laquelle la cession d'un terrain appartenant à la SCI Centre Manche pour un prix de 700.000 euros ne peut être considérée comme une garantie.

En effet, d'une part, aucun élément n'informe sur la réalité de cette cession à bref délai, d'autre part, la SCI Centre Manche est débitrice envers la SA Polyclinique de la Manche, qui en est la dirigeante, d'une somme de 2.304.888,89 euros.

De même, l'évaluation de la capacité de remboursement de la SA Polyclinique de la Manche est fondée sur un chiffre d'affaires théorique, tenant compte notamment d'embauches dont aucune des pièces du dossier ne vient confirmer la réalité, alors même qu'au contraire le climat social de l'établissement apparaît très dégradé.

Concernant la proposition d'acquisition de l'immobilier dépendant des actifs de la SA Polyclinique de la Manche pour la somme de 6.000.000 euros formulée par la société Left Bank Group, il convient de relever que cette proposition est faite, selon l'offre produite, 'sous réserve d'une période d'exclusivité de 60 jours nous permettant de confirmer ces termes à la suite d'une due diligence approfondie d'usage'. De surcroît, ladite proposition est stipulée formulée sous condition suspensive 'de la signature d'un bail de type institutionnel d'une durée de 15 ans ferme avec la SA Polyclinique de la Manche, l'exploitant actuel, à un loyer annuel de 500.000 euros hors taxe, hors charges'.

Il en résulte que cette offre, qui s'apparente à une déclaration d'intention, aurait pour conséquence si elle devait se réaliser, d'alourdir les charges de la SA Polyclinique de la Manche et de rendre encore plus aléatoire l'exécution du plan proposé.

La SA Polyclinique de la Manche fait également valoir qu'elle bénéficie d'une garantie de bonne exécution du plan redressement avec la garantie de la société Global Invest, précisant que celle-ci a fait l'objet d'une récente augmentation de capital à hauteur de 34 millions d'euros.

Il ne peut être inféré de cette seule augmentation de capital que la société Global Invest pourrait être une garantie sérieuse pour l'exécution du plan de redressement de la SA Polyclinique de la Manche, d'autant que le montant effectif que ladite société propose d'apporter est de 100.000 euros.

La SA Polyclinique de la Manche soutient encore que le plan de cession au profit de la société [U] Capital n'est pas sérieux, dans ses prévisionnels d'exploitation et de trésorerie comme dans l'objectif poursuivi d'acquisition des actifs à vil prix.

Il résulte cependant des éléments produits que l'offre de la société [U] Capital permet la poursuite de l'activité, le repreneur étant un acteur économique du même secteur d'activité que la SA Polyclinique de la Manche.

Il convient à ce titre de souligner l'adhésion du personnel à l'offre présentée par la SAS [U] Capital, qui prévoit la reprise de 87 salariés sur 92 de la SA Polyclinique de la Manche, ainsi que l'ensemble des salaires, charges, primes et 13ème mois à compter de l'entrée en jouissance et les droits acquis des salariés repris au titre des compteurs correspondants aux récupérations de jours fériés et des compteurs correspondants aux heures de nuit à la date du 31 mai 2024.

Certes, Me [R] a déploré les conséquences du plan de cession présenté par la SAS [U] Capital au motif qu'il entraînait 'une spoliation' des actifs de la société, ces actifs constituant le gage des créanciers dont il représente l'intérêt collectif.

Toutefois, ce plan de cession est conforme à l'intérêt général au regard de l'activité exercée par la SA Polyclinique de la Manche, et permet la préservation des emplois qui y sont rattachés.

Enfin, il importe de souligner que la subvention d'un million d'euros à laquelle la région Normandie, par la voix de son président, s'est déclarée disposer à accorder à la SA Polyclinique de la Manche, est directement fonction de l'adoption du plan de cession formée par la SAS [U] Capital. A l'inverse, le Président de la région Normandie a écrit le 25 juin 2024 que 'dans l'état du plan de reprise présenté par le groupe AVEC, la subvention de 1M€ réservée à la création d'une unité de stérilisation ne lui est pas acquise compte tenu de la fragilité du dossier'.

Par courrier du 22 juillet 2024, le président de la région Normandie renouvelle son soutien au projet de la SAS [U] Capital, et sa réserve au sujet du groupe AVEC.

Au vu de ces éléments, la SA Polyclinique de la Manche échoue à établir à l'appui de son appel des moyens paraissant sérieux et justifiant qu'il soit fait droit à sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire attachée au jugement du tribunal de commerce rendu le 12 juillet 2024.

Elle sera en conséquence déboutée de sa demande.

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties la charge de leurs frais irrépétibles. Mme [T] épouse [A] et Mme [Y] seront donc déboutées des demandes formées à ce titre.

Les dépens de la présente procédure seront pris en frais privilégiés de procédure.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par ordonnance rendue contradictoirement ;

Déclarons recevable l'intervention volontaire de Mme [T] épouse [A], Mme [Y], M. [K], M. [EV], Mme [S] née [L], M. [S], M. [Z], et M. [F] ;

Déboutons la SA Polyclinique de la Manche de sa demande de l'arrêt de l'exécution provisoire dont se trouve assorti de droit le jugement rendu par le tribunal de commerce de Coutances le 12 juillet 2024 (RG 2024 001548) ;

Déboutons Mme [T] épouse [A] et Mme [Y] de leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Disons que les dépens seront pris en frais privilégiés de procédure.

LA GREFFIÈRE LE PRESIDENT

N. LE GALL E. LE BOURVELLEC


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : Référés
Numéro d'arrêt : 24/00050
Date de la décision : 24/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-24;24.00050 ?
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