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09/07/2024 | FRANCE | N°21/01938

France | France, Cour d'appel de Caen, 1ère chambre civile, 09 juillet 2024, 21/01938


AFFAIRE : N° RG 21/01938 -

N° Portalis DBVC-V-B7F-GZFG

 



ARRÊT N°



JB.





ORIGINE : DÉCISION du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CAEN du 17 Juin 2021

RG n° 18/03049







COUR D'APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 09 JUILLET 2024



APPELANT :



Monsieur [H], [E] [R]

né le 30 Octobre 1962 à [Localité 6]

[Adresse 2]

[Localité 3]



représenté et assisté de Me Jean DELOM DE MEZERAC, avoc

at au barreau de CAEN



INTIMÉE :



La Société ASD INVEST

N° SIRET : 529 354 342

[Adresse 1]

[Localité 5]

prise en la personne de son représentant légal



représentée et assistée de Me Arnaud LABRUSSE, avoc...

AFFAIRE : N° RG 21/01938 -

N° Portalis DBVC-V-B7F-GZFG

 

ARRÊT N°

JB.

ORIGINE : DÉCISION du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CAEN du 17 Juin 2021

RG n° 18/03049

COUR D'APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 09 JUILLET 2024

APPELANT :

Monsieur [H], [E] [R]

né le 30 Octobre 1962 à [Localité 6]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté et assisté de Me Jean DELOM DE MEZERAC, avocat au barreau de CAEN

INTIMÉE :

La Société ASD INVEST

N° SIRET : 529 354 342

[Adresse 1]

[Localité 5]

prise en la personne de son représentant légal

représentée et assistée de Me Arnaud LABRUSSE, avocat au barreau de CAEN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. GUIGUESSON, Président de chambre,

Mme VELMANS, Conseillère,

Mme DELAUBIER, Conseillère,

DÉBATS : A l'audience publique du 09 avril 2024

GREFFIER : Mme COLLET

ARRÊT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile le 09 Juillet 2024 par prorogation du délibéré initialement fixé au 18 Juin 2024 et signé par M. GUIGUESSON, président, et Mme COLLET, greffier

* * *

FAITS, PROCÉDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par acte notarié du 29 décembre 2011, M. [H] [R] a acquis en l'état de futur achèvement plusieurs biens situés dans le même immeuble [Adresse 4] à [Localité 5] auprès de la société ASD Invest.

La cession portait sur un local commercial sis au rez-de-chaussée dans le bâtiment A (lot n°1de l'opération), un appartement duplex T4 situé au 5ème étage du même bâtiment (lot n°8) ainsi que deux parkings extérieurs (lots n°107 et 108).

Sont intervenues à la construction de l'immeuble les sociétés suivantes:

- Marchand Gazel pour la maîtrise d'oeuvre,

- Qualiconsult en qualité de contrôleur technique,

- [N] pour le lot plomberie,

- CRLC pour le lot carrelage et faïence,

- Alutil pour le lot menuiserie extérieure,

- [T] [C] pour le lot maçonnerie.

L'appartement a été livré le 2 avril 2013 et le local commercial le 9 juillet 2013, chacun avec réserves.

Constatant par la suite d'autres désordres, M. [R] a sollicité et obtenu du juge des référés une expertise judiciaire confiée à M. [M] [X] au contradictoire de la société ASD Invest (ordonnance de référé du 27 mars 2014).

Par la suite, les opérations d'expertise ont été déclarées communes et opposables aux sociétés Marchand Gazel, Qualiconsult, [T] [C], Alutil, [N] et CRLC.

L'expert a déposé son rapport le 20 septembre 2017.

Par acte du 19 septembre 2018, M. [R] a assigné la société ASD Invest devant le tribunal de grande instance de Caen afin d'obtenir l'indemnisation de ses préjudices.

Parallèlement, suivant actes en date des 20, 21, 22, et 26 novembre 2019, la société ASD Invest a assigné en intervention forcée et en garantie les sociétés Qualiconsult, Marchand Gazel, Alutil, [T] [C], [N] et CRLC.

Suivant ordonnance du 18 novembre 2020, le juge de la mise en état a refusé de joindre ces actions en garantie avec l'instance principale.

Par jugement du 17 juin 2021 auquel il est renvoyé pour un exposé complet des prétentions en première instance, le tribunal judiciaire de Caen a :

- révoqué la clôture de la procédure intervenue le 17 février 2021 et prononcé la nouvelle clôture à l'audience de plaidoiries du 15 avril 2021 ;

- déclaré irrecevable l'action intentée par M. [R] concernant les vices affectant son local commercial, comme étant forclose ;

- déclaré irrecevable comme étant forclose l'action intentée par M. [R] concernant les vices affectant son appartement d'habitation suivants : problème de clé de l'appartement accessible aux pompiers, remplacement de la prise électrique sur terrasse, la question de la fourniture des fourreaux en attente pour alimentation électrique du parking privatif, défaut de conformité du plancher intermédiaire du duplex de l'appartement ainsi fourni en bois et non contractuellement prévu en béton et le défaut de planimétrie du palier de l'appartement ;

- condamné la société ASD Invest à payer à M. [R] les sommes suivantes :

* 300 euros HT outre la TVA applicable à la date du règlement au titre des travaux de reprise des défauts de finition peinture mur de l'escalier supportant la main courante et enduit linteau WC,

* 780 euros HT outre la TVA applicable à la date du règlement au titre des travaux de reprise de réglages et de positionnement des commandes de volets roulants ;

- dit que ces sommes exprimées en valeur septembre 2017 seront indexées sur l'indice BT 01 du coût de la construction en vigueur au jour du règlement ;

- condamné la société AD Invest à payer à M. [R] la somme de 495 euros au titre du préjudice de perte de chance de perception de revenus locatifs dus au retard de livraison de son appartement d'habitation ;

- débouté M. [R] de toutes ses autres demandes indemnitaires ;

- fait masse des dépens, en ce compris les frais de la procédure de référé et le coût de l'expertise judiciaire, dit qu'ils seront supportés à hauteur d'1/4 par la société ASD Invest et de 3/4 par M. [R] ;

- condamné la société ASD Invest à payer à M. [R] une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire de la décision ;

- rejeté toute demande plus ample ou contraire.

Par déclaration du 2 juillet 2021, M. [R] a formé appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 16 septembre 2021, M. [R] demande à la cour, au visa des articles 1641, 1642-1, 1646-1, 1604 et 1615 du code civil, 1134, 1109, 1116, 1382 ancien et 1602 même code, de :

- le déclarer recevable et fondé en ses demandes ;

- réformer le jugement dont appel en date du 17 juin 2021 sauf en ses dispositions prononçant condamnation de la société ASD Invest à lui payer les sommes de 300 euros hors taxes outre TVA à la date du règlement au titre des travaux de reprise des défauts de finition peinture, murs de l'escalier et enduit linteau WC, 700 euros hors taxes outre TVA au jour du règlement au titre des travaux de reprise de réglage et de positionnement des commandes de volets courants, avec indexation en valeur septembre 2017 au jour du règlement sur l'indice BT01 ;

- réformer pour le surplus le jugement du 17 juin 2021 ;

Statuant à nouveau :

- juger son action recevable et ne pouvant faire l'objet de quelconque exception de fin de non-recevoir au titre d'une forclusion ;

En conséquence,

- débouter la société ASD Invest de ses demandes fins et conclusions ;

- condamner la société ASD Invest au paiement des sommes de :

*27 571,44 euros TTC au titre des équipements devant être livrés concernant le local commercial vendu ;

* 3 408 euros TTC au titre des travaux de reprise chiffrés par l'expert concernant les désordres du local commercial ;

* 735 euros HT+TVA au titre du remplacement du vitrage du local commercial ;

* 3 560 euros HT+TVA au titre de la mise en conformité accessibilité de la pièce WC du local commercial ;

- condamner la société ASD Invest au paiement d'une indemnité forfaitaire de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts du chef des préjudices engendrés par le total défaut de conception du dispositif d'accès à l'ascenseur menant au 5ème étage ;

- condamner la société ASD Invest au paiement d'une indemnité forfaitaire de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts du chef du total défaut de conformité du plancher intermédiaire du duplex de l'appartement, ainsi fourni en bois et non comme contractuellement prévu en béton ;

- condamner la société ASD Invest au paiement des sommes de :

*1 080 euros HT+TVA au titre de la fourniture des fourreaux en attente pour alimentation électrique du parking privatif ;

* 175 euros HT+TVA pour remplacement prise électrique sur terrasse ;

* 1 200 euros TTC à titre de moins-value du chef des taches sur carrelage séjour et cuisine ;

* 450 euros HT+TVA pour remplacement des robinets thermostatiques ;

* 700 euros TTC à titre de moins-value pour défaut de planimétrie du palier de l'appartement ;

- condamner la société ASD Invest au paiement d'une indemnité forfaitaire de 33 680 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices financiers constitués par les pertes locatives subies par lui, faute de faculté de mise en location du local commercial, sur la période de janvier 2013 à septembre 2017, sous réserve d'actualisation ;

- condamner la société ASD Invest au paiement d'une indemnité forfaitaire de 4 620 euros à titre de dommages et intérêts du chef du retard dans la livraison de l'appartement et défaut de reprises des divers désordres observés sur la période janvier 2013 à octobre 2013 inclus ;

- dire et juger que les condamnations susvisées seront à indexer, concernant les travaux de reprise des désordres et/ou défauts de conformité sur l'indice BT01 au jour du règlement sur la base d'une valeur septembre 2017, les condamnations hors taxes devant être majorées de la TVA applicable au jour du règlement ;

- condamner la société ASD Invest au paiement d'une indemnité forfaitaire de 22 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés tant en première instance qu'en cause d'appel ;

- condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel, lesquels comprendront les frais d'expertise taxés à hauteur de 16 904,54 euros outre les dépens afférents aux procédures de référé, dont distraction en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 16 décembre 2021, la société ASD Invest demande à la cour, au visa des articles 1231-1, 1641, 1642-1 et 1646-1 du code civil, de :

- rejeter comme étant infondé l'appel principal présenté par M. [R] ;

- confirmer par conséquent le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevables comme étant forcloses certaines des demandes présentées par M. [R], et en ce qu'il a réduit pour le surplus ses autres demandes ;

La recevant en son appel incident,

- le réformer cependant en ce qu'il l'a condamnée à supporter ¿ des frais d'expertise et à payer à M. [R] les sommes suivantes :

*300 euros HT, outre la TVA applicable à la date du règlement au titre des travaux de reprise des défauts de finition peinture mur de l'escalier supportant la main courante et enduit linteau WC,

* 780 euros HT outre la TVA applicable à la date du règlement au titre des travaux de reprise de réglages et de positionnement des commandes de volets roulants,

* 495 euros au titre du préjudice de perte de chance de perception de revenus locatifs dû au retard de livraison de son appartement d'habitation,

*1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant de nouveau de ces différents chefs,

- rejeter l'intégralité des demandes présentées par M. [R] comme étant tout à la fois forcloses et infondées,

A titre subsidiaire,

- réduire l'indemnisation susceptible d'être accordée à M. [R] en fonction des observations contenues dans ses conclusions et des sommes retenues par l'expert ;

En tout état de cause,

- condamner M. [R] à lui payer la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens de procédure de première instance et d'appel, y compris les frais d'expertise.

L'ordonnance de clôture de l'instruction a été prononcée le 13 mars 2024.

Pour l'exposé complet des prétentions et de l'argumentaire des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS :

1-Sur la forclusion et la recevabilité de l'action de M. [R] :

Le tribunal a considéré au visa des articles 1642-1, 1646-1 et 1648 du code civil qu'aucun des désordres allégués par M. [R] ne portaient atteinte à la solidité ou à la destination de l'ouvrage et ne pouvaient dès lors être qualifiés de défauts de nature décennale, de sorte que seule l'application de l'article 1648 alinéa 2 devait être envisagée et, à défaut, celle du délai de prescription de droit commun.

Le premier juge a ainsi retenu que les quatre désordres relatifs au local commercial constituaient des vices apparents soumis au délai annal de l'article 1648 alinéa 2 précité et que l'action de M. [R] était forclose à ce titre. Il a estimé qu'il en était de même s'agissant de l'ensemble des désordres relatifs à l'appartement d'habitation, à l'exception des tâches sur carrelage séjour cuisine, des défauts de finition peinture mur de l'escalier et enduit linteau WC, des robinets thermostatiques inesthétiques et du mauvais positionnement des commandes de volets roulants comme de leurs défauts de réglage, pour lesquels l'action n'était pas prescrite en application du délai droit commun de l'article 2224 du code civil.

M. [R] fait valoir liminairement que de manière générale, il fonde son action en indemnisation de ses préjudices :

- sur l'obligation de garantie à laquelle est tenue le vendeur en application des articles 1641, 1642-1, 1643, 1646-1 et suivants du code civil alors que la société ASD Invest n'a émis aucune proposition concernant tant la liste des réserves dénonçant les vices de construction et défauts de conformités non levées, que les désordres ultérieurement constatés par l'expert ;

- sur les dispositions de l'article 1646-1 du code civil en l'absence d'engagement du vendeur à réparer les dommages rendant l'immeuble impropre à sa destination ('clé de l'ascenseur par exemple') ou affectant l'ouvrage en sa solidité ('absence sol de béton') ;

- sur 'le droit commun de vente et notamment des articles 1604 et 1615 du code civil, au titre de l'obligation de délivrance conforme' ;

Il soutient que l'intimée a soulevé tardivement la forclusion de son action ce, en contradiction avec les principes de concentration des moyens, manifestant ainsi une intention dilatoire de sorte que la forclusion soulevée est irrecevable.

De surcroît, il critique le jugement en ce que  certains désordres :

- portent manifestement atteinte à la 'destination de l'immeuble', à savoir sa finalité locative, tant pour le local commercial que le local d'habitation (notamment s'agissant du défaut de mise aux normes du local commercial pour le sanitaire WC, prise électrique extérieure sur la terrasse affectant la sécurité), de sorte qu'ils relèvent de la garantie décennale ;

- ne sauraient être qualifiés de 'désordres apparents à la réception' alors que leur identification était inaccessible pour un profane du monde de la construction ('notamment : constitution exacte du plancher intermédiaire du duplex, problèmes d'accès pompiers...').

Il rappelle que si la plupart des défauts visés dans ses réclamations initiales ont fait l'objet de reprises par la société ASD Invest, d' autres désordres objets du litige et que le vendeur s'était aussi engagé à reprendre, n'ont été connus dans leur ampleur qu'à l'issue des opérations d'expertise de sorte qu'ils ne sont soumis à une quelconque forclusion mais à la seule prescription de droit commun.

Il estime être recevable à agir pour certains vices sur le fondement de l'article 1646 alinéa 1er du code civil lequel concerne en sus de la garantie décennale, la garantie biennale de bon fonctionnement de l'article 1792-3 du même code alors qu'aucune prescription ou forclusion n'est acquise à ce titre, peu important que le vice soit apparent à la livraison. Il estime sa demande relative à la livraison du local commercial 'brut de béton' recevable sur le fondement de la théorie des dommages intermédiaires pour faute prouvée mais aussi sur celui du dol justifiant la mise en oeuvre de la responsabilité quasi-délictuelle du vendeur au titre de l'article 1382 du code de procédure civile, ainsi qu'au titre de son manquement à son obligation précontractuelle d'information.

En tout état de cause, il rappelle que si un délai de forclusion est insusceptible de suspension, son point de départ peut être reporté à la date du dépôt du rapport d'expertise alors qu'en l'espèce, en présence d'un promoteur contestant les vices et d'une expertise complexe d'une durée de trois années, ce délai ne pouvait commencer à courir qu'à compter du dépôt du rapport d'expertise, date à laquelle il disposait de la réalité ainsi analysée des faits lui permettant d'exercer son action.

En dernier lieu, M. [R] prétend que la société ASD Invest, qui avait reconnu en partie sa créance avant de soulever la forclusion, doit être considérée comme y ayant renoncé et ce d'autant plus qu'elle a assisté aux opérations d'expertise et transmis des dires à l'expert postérieurement à la date d'acquisition de la forclusion.

La société ASD Invest critique le jugement en ce qu'il n'a pas retenu la forclusion acquise pour l'ensemble des demandes formées par M. [R].

Elle fait valoir que l'intégralité des prétendus vices ou non-conformités étaient apparents au moment de la livraison de l'appartement et du local commercial, que M. [R] ne précise nullement en quoi ceux-ci, visibles et au demeurant dénoncés pour la plupart à l'époque devraient être considérés comme cachés ni en quoi leur ampleur et leurs conséquences n'auraient pas été connues dès cette période.

Elle ajoute que la forclusion est plus encore acquise pour les vices et non conformités apparents non signalés dans le délai d'un mois après la prise de possession alors que par ailleurs, la jurisprudence n'a jamais considéré que le point de départ du délai de forclusion puisse être reporté jusqu'au dépôt du rapport d'expertise.

Elle affirme avoir toujours conclu au rejet des prétentions de M. [R] à titre principal, que sa participation aux opérations d'expertise n'était pas de nature à la priver de toute possibilité d'invoquer la tardiveté du recours au fond et qu'enfin, une fin de non-recevoir peut être soulevée en tout état de cause.

Enfin, la société ASD Invest conteste le moindre engagement de sa part de reprendre les réserves des désordres ayant donné lieu à condamnation par le tribunal de sorte que les demandes de M. [R] doivent toutes être considérées forcloses.

Sur ce,

* Sur la recevabilité de la fin de non-recevoir :

En application de l'article 122 du code de procédure civile, 'constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.'

L'article 123 ajoute que 'les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu'il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt.'.

Ainsi que l'a exactement relevé le tribunal, l'intention dilatoire alléguée qui résulterait de la tardiveté avec laquelle la forclusion a été relevée pour la première fois par la société ASD Invest dans ses conclusions du 8 juin 2020 n'est pas sanctionnée par l'irrecevabilité.

De surcroît, s'il est constant qu'il incombe aux parties de présenter, dès l'instance initiale, l'ensemble des moyens qu'elles estiment de nature, soit à fonder la demande, soit à justifier son rejet total ou partiel, il apparaît que la forclusion, laquelle pouvait être soulevée en tout état de cause, a bien été relevée dans le cadre de l'instance initiale engagée par M. [R] et avant qu'il ne soit statué sur les demandes des parties.

Du tout, il en résulte que la société ASD Invest était recevable à soulever la forclusion de l'action de M. [R] aux termes de ses dernières conclusions en date du 8 juin 2021 dans le cadre de l'instance initiale introduite par M. [R] devant le tribunal judiciaire le 19 septembre 2018.

* Sur le bien fondé :

Aux termes de l'article 1642-1 du code civil, le vendeur d'un immeuble à construire ne peut être déchargé, ni avant la réception des travaux, ni avant l'expiration d'un délai d'un mois après la possession par l'acquéreur, des vices ou des défauts de conformité apparents.

Il n'y aura pas lieu à résolution du contrat ou à diminution du prix si le vendeur s'oblige à réparer.

En application de ces dispositions et de l'article 1648 alinéa 2 du code civil, si le vendeur ne s'oblige pas à réparer les défauts de conformité, l'action doit être introduite, à peine de forclusion, dans l'année qui suit la date à laquelle il peut être déchargé des défauts de conformité apparents, c'est-à-dire le plus tardif des événements entre la réception des travaux ou l'expiration d'un délai d'un mois après la prise de possession ce, quand bien même l'acquéreur aurait dénoncé ces vices postérieurement à l'écoulement du délai d'un mois.

La non-conformité de l'immeuble livré par rapport aux spécifications contractuelles, ne constitue pas une défectuosité de la chose. Elle est constituée par la différence existant entre l'immeuble promis et l'immeuble livré et elle susceptible d'engager la responsabilité du vendeur d'immeuble à l'égard de l'acquéreur dans le cadre des dispositions des articles 1642-1 et 1648 du code civil qui sont exclusives de l'application de la responsabilité contractuelle de droit commun du vendeur.

L'apparence à la livraison s'apprécie par référence à un acquéreur moyen dépourvu de connaissances techniques particulières mais normalement diligent. Un désordre décelable à première vue ne peut toutefois être qualifié de désordre apparent dès lors que sa cause, son ampleur ou ses conséquences ne se sont révélées qu'ultérieurement.

Par ailleurs, aux termes de l'article 1646-1 du même code : 'Le vendeur d'un immeuble à construire est tenu, à compter de la réception des travaux, des obligations dont les architectes, entrepreneurs et autres personnes liées au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage sont eux-mêmes tenus en application des articles 1792, 1792-1, 1792-2 et 1792-3 du présent code.

Ces garanties bénéficient aux propriétaires successifs de l'immeuble.

Il n'y aura pas lieu à résolution de la vente ou à diminution du prix si le vendeur s'oblige à réparer les dommages définis aux articles 1792, 1792-1 et 1792-2 du présent code et à assumer la garantie prévue à l'article 1792-3.'

Le régime applicable est celui des garanties des constructeurs de sorte que selon la nature du désordre (biennal, intermédiaire, décennal), le délai est de deux ans ou de dix ans et court à compter de la réception.

Il est constant que les vices de construction et les non conformités apparents qui ne revêtent pas le caractère de gravité décennale voire biennale relèvent exclusivement de la garantie de l'article 1642-1 du code civil, de sorte que la responsabilité contractuelle de droit commun pour faute prouvée du vendeur n'est pas applicable, même à titre subsidiaire.

Il sera précisé que le caractère apparent ou caché d'un désordre dont la réparation est sollicitée sur le fondement des articles 1646-1 et 1792 du code civil s'appréciant en la personne du maître de l'ouvrage et à la date de la réception, il importe peu que le vice de construction ait été apparent à la date de la prise de possession par l'acquéreur.

Enfin, la responsabilité du vendeur de l'immeuble à construire s'agissant des dommages intermédiaires (ni apparents ni réservés à la réception) ne peut être engagée que pour faute prouvée, laquelle ne peut résulter de la seule circonstance que le vendeur en l'état futur d'achèvement ait manqué à son obligation de remettre un ouvrage exempt de vice au titre de son obligation de délivrance.

En l'espèce, la société ASD Invest considère que l'ensemble des vices et non-conformités étaient tous apparents au moment de la livraison et relèvent exclusivement des dispositions prévues par l'article 1642-1 précité et pour lesquels la forclusion de l'article 1648 alinéa 2 du code civil est acquise, dès lors que certains ont été dénoncés postérieurement au délai d'un mois, et que les autres ont été réservés dans le délai d'un mois suivant la prise de possession sans avoir fait l'objet d'un engagement de reprise de sa part.

Il ne fait pas débat que l'appartement a été livré le 2 avril 2013 et le local commercial le 9 juillet 2013 et il n'est pas allégué que la livraison ait eu lieu avant la réception des lots par le maître d'ouvrage.

Il convient préalablement d'examiner les vices et défauts de conformités allégués et pour lesquels M. [R] formule des demandes au terme de son dispositif, pour apprécier si celles-ci sont forcloses ainsi que le soutient la société ASD.

* 1- Concernant le local commercial :

-1-1 : l'aménagement du local commercial livré brut de béton 

L'expert a constaté que le local commercial avait été livré brut de béton conformément à la notice descriptive jointe à l'acte notarié alors que M. [R] soutient que l'annexe descriptive intégrée à l'acte notarié de vente du 29 décembre 2011, non paraphée, est sur ce point contraire au contrat de réservation signé le 3 mai 2011 ainsi qu'au projet d'acte notarié adressé le 23 novembre 2011. Le défaut de conformité allégué doit être considéré comme apparent à la livraison. Du reste, celui-ci avait déjà été relevé par l'huissier mandaté par M. [R] dans son constat dressé le 9 avril 2013 et par le conseil de l'appelant dans un courrier du 12 juin 2013, et il résulte de la lettre recommandée adressée par la société ASD Invest à M. [R] le 24 mai 2013 que ce point avait été dénoncé par l'acquéreur dans un précédent courrier.

- 1-2 : la réalisation de seuils maçonnés ou carrelés et modification de la porte d'entrée pour permettre la pose d'un carrelage

L'expert a retenu la mauvaise implantation de la porte d'entrée ainsi que la non-finition des seuils en précisant qu'il s'agissait d'un défaut de mise en oeuvre des menuiseries des vitrines implantées trop basses qui n'ont pas permis au maçon d'effectuer la finition des seuils. Ce vice doit être considéré comme apparent alors que M. [R] l'a réservé par courrier du 8 août 2013 adressé au vendeur ( 'la porte d'entrée et la vitrine sont posés trop bas. Il n'y a pas de réserve suffisante pour permettre de poser un revêtement de sol').

- 1-3 : le choc du vitrage de la vitrine du local commercial

Il s'agit du vitrage d'une vitrine légèrement fendu à proximité d'une parclose en partie basse. L'expert a indiqué qu'il s'agit d'un désordre esthétique qui ne remet pas en cause la solidité de l'ouvrage dû vraisemblablement à un choc très difficilement visible caché en partie par le profil en aluminium et qui ne remet pas en cause la solidité de l'ouvrage. La fente de la vitrine, à distinguer du point de choc, doit être considérée néanmoins comme apparente alors que celle-ci sera réservée par M. [R] dans sa lettre adressée le 3 décembre 2013 à la société ASD Invest.

- 1-4 : le non-respect du WC aux normes d'accessibilité pour personnes à mobilité réduite (PMR)

L'expert indique que le local commercial est destiné à une activité non définie à ce jour, qu'au regard de la faible surface du local limitée à 46 m², il est très peu probable que le WC soit nécessairement accessible au public et que dans ce cas, selon la réglementation en vigueur, la réalisation du WC selon les normes d'accessibilité n'a pas lieu d'être obligatoirement appliquée alors que la notice descriptive ne précise pas que ce WC spécifique au local commercial soit aux normes d'accessibilité aux personnes handicapées.

Ce défaut tel que présenté par l'acquéreur relève tant de la conformité aux normes d'accessibilité pour personnes à mobilité réduite pour un local commercial telles qu'en vigueur à la date de la construction que de la conformité aux prévisions contractuelles.

M. [R] considère que ce vice est de nature décennale dès lors qu'il affecte l'immeuble en sa destination s'agissant d'un local commercial (p 9 de ses conclusions).

La question du respect du WC aux normes d'accessibilité a été évoquée par M. [R] dans sa lettre de réserves du 8 août 2013. Le procès-verbal de réception n'a pas été produit par la société ASD Invest.

Ce défaut allégué existant lors de la réception et la livraison, doit être considéré comme apparent tant à l'égard du maître d'ouvrage lors de la réception que de l'acquéreur lors de la livraison.

En tout état de cause, il n'est pas contesté qu'au sein du local commercial, seul le WC ne serait pas aux normes d'accessibilité pour PMR, spécifiques aux établissements recevant du public, alors que tout local commercial n'est pas nécessairement destiné à mettre à disposition des toilettes au public qu'il reçoit étant rappelé la taille réduite du dit local. Cette spécificité n'avait pas été convenue contractuellement ainsi qu'il en résulte de la notice descriptive. Il n'est pas démontré que les parties aient ainsi inclus dans les documents contractuels relatifs à cette vente la norme relative aux dimensions du WC du local commercial spécifique aux établissements recevant du public dont relevait le dit local.

Dès lors, le défaut de conformité allégué, ne relève pas des dispositions de l'article 1646-1 et 1792 du code civil. Il ne compromet pas la solidité de l'ouvrage et ne le rend pas impropre à sa destination.

In fine, il sera ajouté, ainsi que l'indique le tribunal, qu'à la lecture des courriers produits, les questions relatives à la conformité de l'aménagement du local commercial livré brut de béton, la réalisation de seuils maçonnés ou carrelés, la porte d'entrée trop basse pour permettre la pose d'un carrelage et celle du respect du WC aux normes handicapées avaient été débattues entre les parties dès la livraison du bien, établissant au plus fort le caractère apparent de ces vices et non-conformités tel que retenu par la cour.

* 2- Concernant l'appartement :

- 2-1 : la fourniture de fourreaux en attente pour l'alimentation électrique du parking privatif

L'expert n'a pas retenu ce poste, en indiquant que pour des raisons de sécurité, il n'y a pas lieu de prévoir d'alimentation électrique depuis l'appartement privatif vers la cour intérieure de l'immeuble, espace commun , et la notice descriptive n'a pas précisé que le fourreau en attente devait remonter jusqu'à l'appartement.

M. [R] allègue un défaut de conformité alors que la notice descriptive prévoit que chaque place de parking doit disposer d'un fourreau en attente pour possibilité de pose d'un poteau avec une prise de courant et que chaque place de parking étant privative, il est nécessaire que chaque fourreau soit relié au tableau électrique du propriétaire correspondant.

Le défaut de conformité allégué doit être qualifié d'apparent.

- 2-2 : le défaut de finition du double vitrage (profil métallique intercalaire légèrement gondolé de la baie vitrée coulissante en aluminium du salon)

L'expert a juste mentionné qu'il s'agissait d'un défaut de finition purement esthétique très peu visible et sans incidence sur la solidité des ouvrages. Ce défaut mineur est apparent.

-2-3 : le défaut de positionnement de la prise électrique extérieure sur terrasse

Selon M. [X], 'cette prise étanche est parfaitement utilisable (testée par l'expert) et se situe dans un espace sous toiture abrité. Cette prise avec capot de protection ne présente aucun danger.'

Le vice allégué était apparent à la livraison et a été réservé par M. [R] dans sa lettre du 1er mai 2013 reprenant les réserves émises dans un précédent document du 12 avril 2013 remis au vendeur.

M. [R] soutient que celui-ci affecte la sécurité des occupants et par conséquent l'immeuble en sa destination de sorte qu'il relèverait de la garantie décennale (p 9 de ses conclusions). Toutefois, ce défaut mineur, dont les conséquences éventuelles sur la sécurité de l'ouvrage ne sont pas établies, ne répond pas à la définition des désordres de nature décennale en ce qu'il ne compromet pas la solidité de l'ouvrage ni n'affecte l'un des éléments d'équipement en le rendant impropre à sa destination.

- 2-4 : les tâches sur carrelage séjour et cuisine

L'expert a indiqué ignorer l'origine de ces tâches. Ce désordre mineur et apparent a été réservé le 2 avril 2013, jour de la livraison.

- 2-5 : les réglages défectueux volets roulants

L'expert a mentionné que les réglages défectueux des volets roulants incombaient au lot menuiseries extérieures.

Ce désordre mineur réservé par lettre du 1er mai 2013 doit être considéré comme apparent.

- 2-6 : le défaut de positionnement des commandes de volets roulants

M. [R] a réservé ce défaut dans sa lettre du 1er mai 2013 comme suit : 'déplacer les interrupteurs de volets roulants qui sont situés à 70 cm du sol'.

M. [X] a indiqué que les commandes avaient été mal implantées par l'entreprise électricité.

Ce défaut mineur est apparent.

- 2-7 : les éclats d'enduit (sur le linteau béton au-dessus de la porte WC) et défauts de finition peinture sur mur supportant la main courante d'escalier)

Ces défauts de finition mineurs relevés par l'expert comme incombant au lot peinture sont apparents et ont été réservés dans le document remis en main propre à Mme [S] (société ASD Invest) le 12 avril 2013 et auquel se réfère M. [R] dans son courrier du 1er mai 2013.

- 2-8 : les robinets thermostatiques inesthétiques

L'expert a indiqué qu'il s'agissait 'd'une observation de M. [R] justifiée d'un point de vue esthétique'.

Ce défaut mineur est aussi apparent.

- 2-9 : le défaut de planimétrie du palier de l'appartement

Selon M. [X], il s'agit d'un défaut d'ajustement entre le palier préfabriqué en béton de l'escalier et le plancher en bois réalisé par le lot charpente, provoque un léger inconfort à la circulation. Il s'agit d'un défaut apparent.

- 2-10 : le problème de clé de l'appartement accessible aux pompiers

M. [R] indique dans ses conclusions qu'il a 'découvert lors de la livraison de l'appartement qu'était exigé qu'une clé de celui-ci soit impérativement déposée dans un 'coffret' lequel est situé dans l'escalier de service des parties communes desservant tous les étages .. Et ce au motif prétendument impérieux de laisser faculté au service du syndic, de l'ascensoriste ou des secours de pénétrer ainsi dans le dit appartement en cas de dysfonctionnement de l'ascenseur.'

La lettre du 1er mai 2013 adressée par M. [R] à la société ASD Invest confirme sa connaissance de la difficulté pour les pompiers d'intervenir dans l'ascenseur à son étage et de son obligation de laisser à cette fin une clé de l'entrée de l'appartement dans une boîte prévue à cet effet.

L'expert n'a fait que confirmer qu'en l'état actuel la cabine d'ascenseur était inaccessible en cas de malaise d'une personne au dernier niveau sauf à devoir fracturer la porte de l'appartement de M. [R] de sorte que pour palier cette non-conformité un boîtier avec une clé de l'appartement avait été installé dans la cage d'escalier. L'expert a relevé qu'il aurait fallu prévoir une trappe d'accès dans le mur de la cage d'escalier vers la cabine ascenseur munie également d'une trappe latérale, identifiant un défaut de conception des ouvrages.

Ce défaut dont M. [R] a été informé lors de la livraison était apparent à cette date, comme lors de la réception par le maître d'ouvrage ce, nonobstant l'explication technique apportée par M. [X] lors de l'expertise, de sorte qu'il ne relève pas des dispositions prévues à l'article 1646-1 du code civil. Il ne constitue pas davantage un dommage intermédiaire compte tenu de son caractère apparent à la réception.

- 2-11 : le défaut de conformité du plancher intermédiaire du duplex de l'appartement fourni en bois et non en béton tel que contractuellement prévu

L'expert a mis en évidence que le plancher intermédiaire de l'appartement était en bois et non en béton hormis le palier en béton de l'escalier, précisant que cette disposition avait été dictée par la charpente de couverture qui est également en ossature bois. Il ajoute ne pas avoir relevé de non-conformités par rapport aux règles de l'art notant toutefois que l'ouvrage n'était pas conforme à la notice descriptive fournie par M. [R].

M. [R] soutient que le plancher intermédiaire est non conforme aux documents contractuels au regard du matériau utilisé et des exigences auxquelles s'était engagé le vendeur notamment en terme d'épaisseur et d'isolation phonique, ce que la mesure d'expertise aurait dû permettre d'établir.

Le défaut de conformité allégué, non réservé à la livraison, n'était pas visible, le sol des chambres étant recouvert à la livraison (parquet flottant). En conséquence, il ne sera pas considéré comme apparent.

-2-12 : non respect des normes d'accessibilité aux personnes handicapées et le WC 

Ce poste n'a pas été repris dans les demandes énoncées au dispositif des dernières conclusions de M. [R] de sorte que la cour n'en n'est pas saisie, étant observé qu'il en avait été de même devant le tribunal.

En conséquence, l'ensemble des vices et défauts de conformité objet des demandes de M. [R] étaient apparents à la livraison à l'exclusion du défaut de conformité du plancher intermédiaire du duplex de l'appartement fourni en bois et non en béton tel que contractuellement prévu.

Ensuite, la cour relève, comme le tribunal, que s'agissant du local commercial, dans ses deux courriers en date des 29 août et 21 octobre 2013, la société ASD Invest n'a pris aucun engagement pour accomplir des travaux de reprise, considérant que les prestations demandées n'étaient pas fondées ce, au motif que la réalisation critiquée des seuils maçonnés et de la porte d'entrée était justifiée par les normes d'accessibilité aux personnes handicapées, le WC estimé conforme aux normes d'accessibilité, la livraison du local 'brut de béton' conforme à la notice descriptive et l'impact sur la vitrine non réservé dans le courrier de réserves du 8 août 2013.

S'agissant de l'appartement, il résulte de la liste des réserves annexée au procès-verbal de livraison en date du 2 avril 2013 signée par les parties, que parmi les vices et défauts d conformités apparents en litige, seules ont été réservées, les traces sur le carrelage.

Dans une lettre du 1er mai 2013 à laquelle était joint un procès-verbal de constat d'huissier du 9 avril 2013, M. [R] fait référence à un document précédent remis en mains propres le 12 avril précédent à Mme [S] (société ASD Invest) et listant diverses réserves énumérées par le tribunal sans être critiqué sur ce point, relatives au problème d'enduit fissuré sur le linteau des WC, la prise électrique de la terrasse sud montée à l'envers, le problème des thermostats des radiateurs, le mauvais positionnement des commandes de volets roulants et le problème de clé de l'appartement accessible aux pompiers. La plupart de ces réserves ont été reprises dans ce courrier du 1er mai, y étant ajouté le mauvais fonctionnement des volets roulants. Seuls le défaut de finition du double vitrage et le défaut de planimétrie n'apparaissent pas avoir fait l'objet de réserves dans tous ces documents ni même dans le courrier adressé par l'acquéreur le 3 décembre 2013 au vendeur.

Le courrier du 24 mai 2013 adressé par la société ASD Invest en réponse à sa lettre du 1er mai précédent révèle l'absence de toute volonté de sa part d'intervenir sur la prise de courant montée à l'envers en l'absence de risque d'infiltration, de modifier la solution apportée au problème relatif à l'accès de l'ascenseur par les pompiers ('boîtier pompier') laquelle a été validée par le bureau de contrôle, expliquant par ailleurs que pour le fourreau, celui-ci, qui a trait aux parties communes, est posé en attente pour accueillir la liaison électrique du parking privatif. Le vendeur ajoutait que 'pour les autres points soulevés concernant l'appartement, les réserves évoquées ont déjà, pour la plupart été reprises, et le nécessaire sera fait pour les réserves recevables soient reprises selon le calendrier des entreprises.'

Il s'en déduit que l'engagement de la société ASD Invest de reprendre les désordres signalés par M. [R] dans son courrier du 1er mai 2013 auquel elle se réfère expressément est caractérisé pour : les tâches sur carrelage séjour et cuisine, les réglages défectueux des volets roulants, le défaut de positionnement des commandes de volets roulants, les éclats d'enduit et défaut de finition de peinture, les robinets thermostatiques inesthétiques.

Il est rappelé que l'action de l'acquéreur à l'encontre du vendeur qui a pris l'engagement de faire réaliser les travaux de reprise des vices de construction ou des défauts de conformité apparents lors de la livraison n'est pas soumise au délai fixé par l'article 1648 alinéa 2, le vendeur n'étant pas en conséquence fondé à invoquer la forclusion annale prévue à cet article.

Dès lors, les demandes relatives à ces vices ou défauts de conformités sus visés, ne sont pas soumises à la forclusion annale soulevée par la société ASD Invest laquelle n'invoque aucune autre cause de forclusion ou de prescription.

S'agissant des autres vices ou défauts de conformités apparents à la livraison, signalés par M. [R] et n'ayant pas fait l'objet d'un engagement de reprise de la part de la société ASD Invest (ceux du local commercial, et s'agissant de l'appartement, la fourniture de fourreaux, le défaut de positionnement de la prise électrique extérieure, le problème de clé de l'appartement) , il reste à déterminer si l'action de M. [R] a été engagée dans le délai prévu à l'article 1648 alinéa 2 du code civil précité. Il en est de même s'agissant du défaut de finition du double vitrage et du défaut de planimétrie du palier, lesquels, apparents, n'ont pas été réservés dans le délai d'un mois ni même postérieurement, et de surcroît n'ont pas fait l'objet d'un engagement de reprise.

La livraison du local commercial étant intervenue le 9 juillet 2013, le délai de forclusion a commencé à courir le 9 août 2013. Pour l'appartement livré le 2 avril 2013, le même délai a pour point de départ le 2 mai 2013.

Il sera rappelé qu'en application de l'article 2220 du code civil, les délais de forclusion ne sont pas, sauf dispositions contraires prévues par la loi, régis par les dispositions relatives à la prescription extinctive.

M. [R] soutient à tort que le point de départ du délai de forclusion devrait être reporté à la date du dépôt du rapport d'expertise, date à laquelle il aurait eu la connaissance exacte des vices ou défauts de conformité. Le délai prévu à l'article 1648 alinéa 2 est un délai de forclusion et non de prescription, et les dispositions de l'article 2239 du code civil qui prévoit la suspension des délais de prescription pendant les mesures d'instruction ne sont pas applicables.

Au surplus, la cour a pris en compte l'apport de l'expertise judiciaire pour considérer que le défaut de conformité du plancher intermédiaire en bois n'était pas apparent à la date de livraison, étant observé, en tout état de cause, qu'il ne résulte pas de l'expertise, au-delà des explications techniques fournies par l'expert, que les autres vices ou défauts de conformité apparents aient été connus 'dans leur principe ou leur ampleur' à la date du dépôt du rapport auquel cette mesure a donné lieu.

En revanche, l'article 2241 du même code qui énonce que 'la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion(...)' est applicable. Ainsi, une assignation en référé fait courir un nouveau délai d'un an.

Au cas présent, une ordonnance de référé a été rendue le 27 mars 2014, de sorte qu'elle a interrompu le délai de forclusion annal pour le local commercial et l'appartement jusqu'au 27 mars 2015. M. [R] indique que plusieurs ordonnances de référé sont intervenues par la suite, ce qui est confirmé par l'expert judiciaire, les 26 février 2015 pour déclarer la mesure d'expertise commune à plusieurs intervenants à l'opération de construction et étendre la mission à d'autres désordres, le 17 septembre 2015 pour notamment déclarer communes les opérations d'expertises à deux autres intervenants et la dernière le 25 avril 2017 pour étendre la mission de l'expert au défaut de respect des normes handicapées dans les locaux vendus. Ces ordonnances ne sont pas communiquées et la cour ignore la date à laquelle M. [R] avait assigné la société ASD dans le cadre de l'instance ayant donné lieu à la dernière ordonnance du 25 avril 2017. Or, même à décompter le délai d'un an à partir de l'ordonnance du 17 septembre 2015, il apparaît que M. [R] avait donc jusqu'au 17 septembre 2016 pour agir au fond à l'encontre du vendeur alors que l'acte introductif d'instance a été délivré le 18 septembre 2018 soit postérieurement au délai annal de l'article 1648 alinéa 2 du code civil.

Enfin, l'article 2250 du même code qui dispose que seule une prescription acquise est susceptible de renonciation n'est pas applicable au délai de forclusion prévu par l'article 1648 alinéa 2 du même code, en l'absence de toute disposition légale le prévoyant expressément, de sorte que M. [R] n'est pas fondé à invoquer une éventuelle reconnaissance partielle de la société ASD Invest valant renonciation à se prévaloir du délai de forclusion pour voir rejeter la fin de non-recevoir soulevée par le vendeur.

Par suite, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable comme forclose l'action intentée par M. [R] concernant :

- les vices affectant son local commercial ;

- les vices affectant son appartement d'habitation : problème de clé de l'appartement accessible aux pompiers, remplacement de la prise électrique sur terrasse, la question de la fourniture des fourreaux en attente pour alimentation électrique du parking privatif, et le défaut de planimétrie du palier de l'appartement.

La décision sera infirmée uniquement quant à la demande relative au défaut de conformité du plancher intermédiaire du duplex de l'appartement ainsi fourni en bois et non contractuellement prévu en béton considéré comme un vice non apparent.

Enfin, il doit être relevé que M. [R], forclos à agir en non conformité à l'égard de son vendeur, demande aussi la condamnation de la société ASD Invest au paiement de la somme de 27 571,44 euros 'au titre des équipements devant être livrés concernant le local commercial vendu' en soutenant que le vendeur n'a pas respecté les dispositions de l'article L. 111-1 du code de la consommation et que son comportement n'a pas été de bonne foi au sens de l'article 1134 du code civil ancien, rappelant au surplus le devoir d'explication du vendeur sur ses obligations en application de l'article 1602 du code civil. Il fait ainsi valoir que la notice définitivement intégrée à l'acte de cession du 29 décembre 2011 demeure différente de celle visée au projet d'acte transmis par le notaire de la société ASD Invest le 23 novembre 2011 évoquant un agissement dolosif du vendeur et sa propre erreur commise au regard de cette modification dont il n'a pas été informé.

Cependant, le préjudice résultant du manquement à une obligation précontractuelle d'information comme celui réclamé par la victime d'un dol qui a fait le choix de ne pas demander l'annulation du contrat est constitué par la perte de chance de ne pas contracter ou de contracter à des conditions plus avantageuses.

Or, la cour ne peut que constater que le préjudice dont M. [R] demande réparation sur ces fondements, ce sans formuler de demandes subsidiaires, ni invoquer une quelconque perte de chance, correspond toujours au coût des équipements et prestations qui selon lui auraient dû être livrés, et se présente dès lors comme identique à celui sollicité au titre du défaut de conformité, alors que l'acquéreur a été déclaré forclos à ce titre, de sorte que celui-ci est irrecevable en ces demandes.

- Sur le bien fondé des demandes :

* Sur les taches sur le carrelage :

Si l'expert a constaté l'existence de tâches sur le carrelage sans pouvoir en déterminer l'origine, le tribunal a exactement considéré que la société Asd Invest, en produisant le procès-verbal de levée des réserves en date du 31 juillet 2013 et établi par la société CRLC, maître d'oeuvre, justifiait suffisamment que les travaux de reprise des tâches sur carrelage relevées lors de la livraison avaient été correctement effectuées de sorte que les tâches constatées par l'expert n'étaient pas les mêmes alors qu'il est par ailleurs impossible de déterminer la cause et la date de l'apparition des tâches.

M. [R] prétend sans l'établir que les tâches examinées par l'expert seraient bien celles relevées lors de la livraison alors que selon lui, leur physionomie aurait 'évoluer' ou qu'elles seraient 'ré-apparues' compte tenu des traitements opérés en dépit des différentes tentatives des professionnels pour les faire disparaître. Ces éléments non justifiés ne permettent pas d'attribuer au vendeur l'imputabilité de ce désordre ainsi que l'a justement estimé le tribunal.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté sa demande en paiement d'une somme de 1200 euros à titre de moins value de ce chef.

* Sur les défauts de finition peinture du mur de l'escalier supportant la main courante et l'enduit linteau WC :

Le jugement sera confirmé en ce qu'au vu des conclusions du rapport d'expertise non contestées par le vendeur, il a alloué la somme de 300 euros HT, outre la TVA applicable à la date du règlement et indexation.

* Sur les robinets thermostatiques inesthétiques dans les deux salles de bain :

L'expert a considéré que sur un plan technique et contractuel l'entreprise de plomberie chauffage n'avait pas dérogé à son obligation, et qu'il s'agissait uniquement d'une 'observation de M. [R] justifiée d'un point de vue esthétique', préconisant le remplacement de ces deux robinets 'inesthétiques' par des modèles coudés mieux adaptés sans établir un quelconque dysfonctionnement.

M. [R], considérant que le vendeur a méconnu son obligation de délivrance conforme et qu'il lui doit sa garantie de bon fonctionnement, sollicite la somme de 450 euros hors taxe tel que chiffré par l'expert au titre du coût de leur remplacement.

Toutefois, M. [R] ne justifie pas d'un quelconque dysfonctionnement des robinets, ni de la non-conformité alléguée, la notice descriptive ne prévoyant pas la pose de modèles coudés mais seulement une robinetterie mitigeur de marque Grohe ou équivalent sans autre précision.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande formée de ce chef.

* Sur les réglages des volets roulants et le mauvais positionnement de leurs commandes :

L'expert a constaté tant les réglages défectueux des fins de course des volets roulants du séjour incombant au lot menuiseries extérieures, que la mauvaise implantation par l'entreprise électricité des commandes situées à 71 cm du sol, le tribunal indiquant sans être contredit qu'une telle implantation ne permettait pas l'implantation d'une commode ou d'un bureau dans les chambre 2 et 3.

Au vu de ces éléments, il sera fait droit à la demande de M. [R] qui sollicite la confirmation du jugement lui ayant alloué la somme de 700 euros HT outre la TVA au jour de son règlement au titre des travaux de reprise de réglage et de positionnement des commandes de volets roulants.

* Sur le défaut de conformité du plancher intermédiaire du duplex de l'appartement ainsi fourni en bois et non contractuellement prévu en béton :

M. [R] soutient que la société ASD a manqué à son obligation de délivrance conforme en posant un plancher intermédiaire en bois alors qu'il était prévu contractuellement en béton et comme devant respecter des exigences en terme d'isolation phonique, sollicitant une somme de '5000 euros à titre de moins-value sur la qualité de la construction acquise'.

La société ASD souligne l'absence de tout manquement aux règles de l'art et assure que la réalisation du plancher intermédiaire est conforme à la notice descriptive prévoyant la réalisation de planchers en béton entre les appartements.

L'expert a constaté que le plancher ne présentait aucun désordre significatif ni manquement aux règles de l'art, relevé qu'il ne correspondait pas rigoureusement à la notice descriptive, chiffrant 'cette situation faiblement préjudiciable à la somme de 2500 euros maximum', et mettant en exergue 'une erreur dans la rédaction de cette notice imputable au promoteur qui aurait dû être plus précis sur la constitution de ce plancher spécifique à cet appartement.'

Il a ajouté en réponse au dire de M. [R] que 'la démolition de ce plancher pour le remplacer par un plancher béton engendrerait des travaux totalement démesurés et complexes à mettre en oeuvre sur des ouvrages périphériques en bois avec au final un résultat sans intérêt qualitatif par rapport à la situation actuelle.'

La notice descriptive prévoit s'agissant des 'Fondations-Gros oeuvre', un plancher dalle pleine béton armé 20 cm + isolation phonique + chape pouvant recevoir tous types de revêtements de sol (carrelage ou parquet)', sans distinction ni précision s'agissant des planchers intermédiaires dans le cadre des duplex. Contrairement à ce qu'indique la société ASD Invest la prévision de plancher béton ne concerne pas les seuls planchers entre les appartements.

La non-conformité est caractérisée et il n'est pas établi que le plancher en bois apporte la même isolation que celle convenue en béton.

Compte tenu de ce défaut de conformité le vendeur sera condamné à payer à M. [R] la somme de 2500 euros à ce titre.

- Sur le retard de livraison :

* S'agissant de l'appartement :

M. [R] fait valoir qu'il convient de tenir compte des périodes de levées des réserves postérieures à la livraison intervenue le 2 avril 2013 et empêchant toute location, l'appartement ayant été donné à bail pour la première fois à compter du 1er juillet 2013 sur la base d'un loyer mensuel de 1100 euros, ce qui correspond à une perte locative pour six mois de 6600 euros.

Il estime en conséquence, après avoir appliqué un coefficient de 30%, avoir subi une perte de chance devant être indemnisée pour un montant de 4620 euros.

La société ASD Invest s'oppose à cette demande considérant que M. [R] ne rapporte pas la preuve que de ce que l'appartement aurait été loué dès la livraison.

Surtout, elle conclut à l'absence de tout retard, en invoquant plusieurs causes légitimes de suspension du délai de livraison telles que prévues contractuellement en particulier s'agissant des intempéries et phénomènes climatiques retenus par le maître d'oeuvre (23 jours), de la liquidation judiciaire d'une entreprise (63 jours) et de la découverte d'éléments en sous-sol susceptibles de nécessiter des travaux non programmés (45 jours), soit un total de 131 jours, délai auquel il convient d'ajouter un mois lié à la désorganisation du chantier en conséquence de ces retards, soit plus de cinq mois, qui compensent amplement les 94 jours d'écart entre la livraison prévisionnelle et la remise des clés.

Sur ce,

Aux termes de l'article 1601-1 du code civil, la vente d'immeubles à construire est celle par laquelle le vendeur s'oblige à édifier un immeuble dans un délai déterminé par le contrat.

Selon l'article 1611 du même code, dans tous les cas, le vendeur doit être condamné aux dommages et intérêts, s'il résulte un préjudice pour l'acquéreur, du défaut de délivrance au terme convenu.

En l'espèce, la clause de l'acte authentique de vente intitulée 'délai de livraison-achèvement des travaux' stipule que 'le vendeur s'oblige à mener les travaux de telle manière que les ouvrages et éléments d'équipement nécessaires à l'utilisation des biens vendus soient achevés et livrés au plus tard le 31 décembre 2012, sauf survenance d'un cas de force majeure ou de suspension du délai de livraison, sauf aussi modification des caractéristiques ou des aménagements des lots vendus demandés par l'acquéreur'.

La même clause énonce les causes légitimes de suspension du délai de livraison dont :

- les intempéries et phénomènes climatiques retenus par le maître d'oeuvre et justifiés soit par les relevés de la station météorologique la plus proche du chantier, soit par la prise en compte par la Caisse des congés payés du bâtiment ;

- l'état de cessation des paiements, la sauvegarde, le redressement ou la liquidation judiciaire des ou de l'une des entreprises effectuant les travaux (...);

- la découverte d'anomalies de sous-sol (...) susceptibles de nécessiter des travaux non programmés complémentaires et nécessitant un délai complémentaire pour leur réalisation'.

Elle prévoit encore que 'pour l'appréciation des événements ci-dessus évoqués, les parties, d'un commun accord, déclarent s'en rapporter dès à présent à un certificat établi par le maître d'oeuvre ayant la direction des travaux, sous sa propre responsabilité, auquel seront joints, le cas échéant, les justificatifs convenus ci-dessus. (...)'.

L'appartement a été livré le 2 avril 2013, soit avec trois mois et un jour de retard.

En l'occurrence, la société ASD Invest produit pour seule pièce un compte-rendu de chantier du 15 mars 2013 reprenant les jours 'imputés' pour un total de 125 jours. Toutefois, seuls les 23 jours d'intempéries sont justifiés. La cour considère que la seule mention 'maçonnerie' ou 'couverture' ne sauraient suffire à identifier les causes suspensives alléguées, alors qu'aucun certificat du maître d'oeuvre plus explicite n'est communiqué, ni aucun autre justificatif.

En conséquence, il conviendra de tenir compte uniquement des 23 jours d'intempéries et d'arrêter à deux mois et 9 jours le délai de retard de livraison, nonobstant la période de levée des réserves.

La chance de louer l'appartement en milieu d'année scolaire, pour un loyer mensuel relativement élevé de 1100 euros, sera évaluée à 30% compte tenu du peu d'éléments donnés par M. [R], de sorte que le jugement sera infirmé à ce titre et il sera alloué à l'appelant la somme de 682 euros à titre de dommages et intérêts.

* S'agissant du local commercial :

M. [R] fait valoir que la livraison est intervenue avec plus de six mois de retard sans aucun refus abusif de sa part de prendre livraison de l'ouvrage et alors que le local ne pouvait être mis en location faute de reprise des désordres par la société ASD Invest.

Il ajoute que sans les équipements intérieurs contractuellement annoncés, sa recherche de candidats a été difficile et en toutes hypothèses impossible jusqu'à l'achèvement des opérations d'expertise, lesquelles ont nécessité plusieurs visites contradictoires de l'expert de sorte que la disposition des lieux ne pouvait être modifiée.

Affirmant que l'état du local 'brut de béton' l'a obligé à consentir une franchise totale de loyers puis une réduction à son premier preneur à bail commercial conclu le 1er septembre 2017, il estime son préjudice à la somme totale de 33 680 euros, après avoir affecté 'un coefficient d'abattement de 30 %' à la perte locative totale brute de 46000 euros subie sur la période du 1er janvier 2013 au 1er octobre 2017.

Il critique le jugement en ce que le tribunal n'a pas tiré les conséquences du retard de livraison non contesté de six mois comme du défaut d'équipements et des désordres l'affectant, celui-ci ne pouvant exclure tout principe indemnitaire, dont le prononcé s'imposait.

La société ASD Invest réplique que le local commercial a été livré brut de béton conformément aux dispositions contractuelles, que M. [R] a refusé abusivement de prendre livraison du local en raison de ce fait, qu'il appartenait à celui-ci de le faire aménager sans attendre un premier locataire, et que le lien de causalité entre les franchises et réductions de loyers alléguées et le retard de livraison n'est pas caractérisé.

Elle considère ainsi que le retard de livraison ne lui est pas imputable alors que M. [X] a signalé que l'expertise avait été retardée essentiellement par les demandes successives puis le problème de santé de M. [R].

Sur ce,

La livraison est intervenue le 9 juillet 2013, soit avec plus de sept mois de retard.

Les courriers échangés entre les parties révèlent qu'après deux courriels, la société ASD Invest a sollicité M. [R] pour procéder à la livraison du bien par lettre recommandée du 24 mai 2013 pour le 3 juin 2013, et que l'acquéreur s'y est opposé au motif principal de son état livré brut de béton pourtant prévu contractuellement.

Il sera ainsi retenu un retard de 6 mois et 3 jours.

L'expert a relevé en page 25 de son rapport que 'rien n'empêche la mise à disposition du local commercial hormis la modification du seuil de la porte d'entrée' et qu'en outre, 'ce type de local était habituellement loué brut de béton pour permettre au locataire d'agencer les locaux en fonction de son activité.'

Il a indiqué dans son rapport qu'il 'laissait à l'appréciation du tribunal la minoration à appliquer pour tenir compte de la durée de l'expertise, retardée essentiellement par les demandes successives puis les problèmes de santé de M. [R], précisant de surcroît que M. [R] s'était adjoint les conseils d'un deuxième assistant technique intervenu à compter de novembre 2016, soit deux ans et demi après le début des opérations d'expertise, ce qui a nécessité l'organisation d'une cinquième réunion, le 18 novembre 2016 (...)', donnant lieu à de nouvelles demandes de l'acquéreur alors qu'un pré-rapport avait été diffusé le 1er juin 2016.

Enfin, M. [R] n'établit pas qu'il aurait été en mesure de louer le local commercial dès le 1er janvier 2013 alors que celui-ci refusera de procéder à la livraison en ne cessant d'invoquer le défaut de conformité du bien en raison de son état brut ce, en dépit de sa prévision contractuelle, qu'il n'est pas établi que la location d'un local commercial à l'état brut soit plus difficile que celle d'un bien équipé, que ce choix de ne pas aménager le local avant sa mise en location lui appartenait et qu'enfin, la durée de l'expertise ne saurait être imputée à la société ASD Invest. Ainsi, l'acquéreur n'établit pas suffisamment son préjudice en lien avec le retard allégué et constaté.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté la demande dommages et intérêts de M. [R] à ce titre.

- Sur les demandes accessoires :

Au regard de la solution apportée au présent litige, il y a lieu de confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le jugement doit être confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il est justifié de faire partiellement droit à la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile présentée en appel par M. [R] et de condamner la société ASD Invest au paiement de la somme de 2 000 euros sur ce fondement.

La société ASD Invest, partie perdante, doit être déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée aux entiers dépens de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort, par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement en ce qu'il a déclaré forclose l'action intentée par M. [H] [R] au titre du défaut de conformité du plancher intermédiaire du duplex de l'appartement fourni en bois et non contractuellement prévu en béton et en ce qu'il a condamné la société ASD Invest au paiement d'une somme de 495 euros au titre du préjudice de perte de chance de perception de revenus locatifs dus au retard de livraison de son appartement d'habitation ;

Le confirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau des seuls chefs infirmés et y ajoutant :

Déclare recevable et fondée l'action de M. [H] [R] au titre du défaut de conformité du plancher intermédiaire du duplex de l'appartement fourni en bois et non contractuellement prévu en béton ;

Condamne la société ASD Invest à payer à M. [H] [R] la somme de 2500 euros au titre du défaut de conformité du plancher intermédiaire du duplex de l'appartement fourni en bois et non contractuellement prévu en béton ;

Condamne la société ASD Invest à payer à M. [H] [R] la somme de 682 euros au titre du préjudice de perte de chance de perception de revenus locatifs dus au retard de livraison de son appartement d'habitation ;

Rejette les autres demandes présentées par M. [R] ;

Condamne la société ASD Invest à payer à M. [H] [R] la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;

Condamne la société ASD Invest aux dépens de la procédure d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

M. COLLET G. GUIGUESSON


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/01938
Date de la décision : 09/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-09;21.01938 ?
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