AFFAIRE : N° RG 23/00214
N° Portalis DBVC-V-B7H-HEQO
Code Aff. :
ARRET N°
C.P
ORIGINE : Décision du Pôle social du Tribunal Judiciaire de CAEN en date du 06 Janvier 2023 - RG n° 21/00579
COUR D'APPEL DE CAEN
2ème chambre sociale
ARRET DU 27 JUIN 2024
APPELANTE :
Madame [X] [P]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Xavier ONRAED, avocat au barreau de CAEN
INTIMEE :
Urssaf de Normandie venant aux droits de l'Urssaf de Basse-Normandie
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Mme [C], mandatée
DEBATS : A l'audience publique du 06 mai 2024, tenue par M. GANCE, Conseiller, Magistrat chargé d'instruire l'affaire lequel a, les parties ne s'y étant opposées, siégé seul, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré
GREFFIER : Mme GOULARD
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme CHAUX, Présidente de Chambre,
M. LE BOURVELLEC, Conseiller,
M. GANCE, Conseiller,
ARRET prononcé publiquement le 27 juin 2024 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme CHAUX, présidente, et Mme GOULARD, greffier
La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par Mme [X] [P] d'un jugement rendu le 6 janvier 2023 par le tribunal judiciaire de Caen dans un litige l'opposant à l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Normandie (l'Urssaf).
FAITS ET PROCEDURE
Mme [P] est gérante et associée majoritaire de la société [5] (la société) depuis le 16 juin 2008.
Courant 2019, la société a fait l'objet d'un contrôle comptable d'assiette pour la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2018.
Le 10 novembre 2020, les inspecteurs du recouvrement ont adressé à Mme [P] une lettre d'observations lui notifiant un redressement de cotisations de 34132 euros portant sur la période susvisée, augmenté de 8533 euros au titre des majorations de redressement, pour infraction de travail dissimulé.
Le 12 mai 2021, l'Urssaf a adressé à Mme [P] une mise en demeure de payer la somme de 44438 euros au titre des cotisations du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2018, des majorations de redressement pour travail dissimulé et des majorations de retard.
Le 12 juillet 2021, Mme [P] a saisi la commission de recours amiable de l'Urssaf afin de contester cette mise en demeure.
Le 5 octobre 2021, cette commission a rejeté son recours.
Par requête du 29 décembre 2021, Mme [P] a saisi le tribunal judiciaire de Caen afin de contester cette décision.
Selon jugement du 6 janvier 2023, le tribunal judiciaire a :
- déclaré recevable mais mal fondé le recours de Mme [P]
- débouté Mme [P] de ses demandes
en conséquence,
- confirmé la mise en demeure émise par l'Urssaf le 12 mai 2021 d'un montant total de 44438 euros dont 34132 euros de cotisations sociales, 8533 euros de majorations de redressement et 1773 euros de majorations de retard provisoires, délivrée en conséquence du redressement notifié par la lettre d'observations du 10 novembre 2020, pour les années 2015, 2016, 2017 et 2018 maintenue par la décision de rejet de la commission de recours amiable de l'Urssaf rendue dans sa séance du 5 octobre 2021
- condamné Mme [P] à payer à l'Urssaf la somme de 44438 euros, sans préjudice de majorations de retard restant à courir jusqu'à complet paiement
- débouté l'Urssaf de sa demande d'exécution provisoire
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires
- condamné Mme [P] aux dépens.
Suivant déclaration du 19 janvier 2023, Mme [P] a formé appel de ce jugement.
Par jugement rendu par le tribunal correctionnel d'Argentan du 20 juin 2023, Mme [P] a été condamnée notamment pour des faits d'exécution d'un travail dissimulé commis à l'égard de plusieurs personnes du 1er janvier 2015 au 31 août 2020.
Suivant conclusions du 16 février 2024 soutenues oralement à l'audience, Mme [P] demande à la cour de :
- réformer le jugement du 6 janvier 2023
- renvoyer l'Urssaf à établir un nouveau décompte des cotisations dues au titre des revenus perçus pour les exercices 2015 à 2019 sur les bases suivantes :
* année 2016 : 19 400 euros
* année 2017 : 19 000 euros
* année 2018 : 9 600 euros
* année 2019 : 1500 euros
- condamner l'Urssaf aux dépens.
Selon conclusions du 27 mars 2024 soutenues oralement à l'audience, l'Urssaf demande à la cour de :
- confirmer le jugement du 6 janvier 2023
- débouter Mme [P] de ses demandes
- statuer ce que de droit quant aux dépens.
Pour l'exposé complet des prétentions et des moyens des parties, il est expressément renvoyé à leurs écritures.
MOTIFS
- Sur le travail dissimulé
L'article L 8221-5 du code du travail dispose 'qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L.1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.'
L'article L 1221-10 du code du travail dispose que 'l'embauche d'un salarié ne peut intervenir qu'après déclaration nominative accomplie par l'employeur auprès des organismes de protection sociale désignés à cet effet. L'employeur accomplit cette déclaration dans tous les lieux de travail où sont employés des salariés'.
En l'espèce, il résulte des investigations des contrôleurs de l'Urssaf ainsi que du jugement correctionnel du 20 juin 2023 qui n'a pas été frappé d'appel, que Mme [P] avait dissimulé une partie de sa rémunération en falsifiant des écritures.
Elle s'est donc rendue coupable du délit de travail dissimulé de telle sorte qu'elle doit régler les cotisations afférentes à la rémunération ainsi dissimulée.
On relèvera que Mme [P] ne conteste pas le principe de sa dette, c'est à dire l'existence d'un travail dissimulé par dissimulation de rémunérations, mais uniquement son chiffrage.
En conclusion, l'Urssaf rapporte la preuve d'une situation de travail dissimulé justifiant un rappel de cotisations et contributions pour la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2018.
- Sur le montant du redressement
Mme [P] conteste le montant du redressement, affirmant qu'il convient de calculer l'assiette du redressement en se référant à la rectification intervenue auprès des services fiscaux, qui démontrerait que la rémunération dissimulée perçue par Mme [P] s'élève aux sommes de 19400 euros pour l'année 2016, 19 000 euros pour l'année 2017, 9600 euros pour l'année 2018 et 1500 euros pour l'année 2019.
Au contraire, l'Urssaf se fonde sur l'analyse des documents examinés par les inspecteurs du recouvrement et retient les bases suivantes :
* année 2015 : 15 700 euros
* année 2016 :11 900 euros
* année 2017 : 59 500 euros
* année 2018 : 9 500 euros.
La décision de l'administration fiscale de limiter le redressement fiscal en le calculant sur les bases susvisées n'a pas autorité à l'égard de l'Urssaf qui reste libre d'évaluer le montant des rémunérations perçues en considération de ses propres investigations.
Les tableaux récapitulatifs annexés à la lettre d'observations mentionnent la liste des sommes perçues par Mme [P], non déclarées. Elles correspondent chacune à un chèque dont le numéro et la date sont précisés, outre un virement du 27 juillet 2017. La copie de chaque chèque est jointe.
Mme [P] ne formule aucune contestation relative à ces tableaux et aux documents produits par l'Urssaf.
Il résulte des documents produits par l'Urssaf que les sommes perçues à titre de rémunération par Mme [P] et non déclarées, s'élèvent à 15 700 euros pour l'année 2015, 11 900 euros pour l'année 2016, 59 500 euros pour l'année 2017 et 9 500 euros pour l'année 2018.
C'est donc à juste titre que ces sommes ont été retenues pour déterminer le montant de l'assiette servant de base au calcul du redressement de cotisations.
Les taux de cotisations ne sont pas contestés par Mme [P].
Conformément aux tableaux de la lettre d'observations, le montant du redressement de cotisations s'élève donc à :
- 5 510 euros pour 2015
- 4 352 euros pour 2016
- 19 784 euros pour 2017
- 4 486 euros pour 2018
soit un total de : 34 132 euros.
En outre, il résulte de l'article L 243-7-7 du code de la sécurité sociale qu'en cas de travail dissimulé au sens de l'article L. 8221-5 du code du travail, le montant du redressement est majoré de 25 %.
Dans le cas présent, la majoration du redressement s'élève donc à la somme de :
- 34 132 euros x 25 % = 8 533 euros.
Enfin, le calcul des majorations de retard n'est pas contesté par Mme [P] et sera donc entériné.
Ces majorations de retard seront retenues à hauteur de 1 773 euros.
Compte tenu de ces observations, le jugement déféré qui a retenu les modalités de calcul du montant de sa créance proposées par l'Urssaf sera confirmé.
- Sur les dépens et les frais irrépétibles
Le jugement étant confirmé sur le principal, il sera aussi confirmé en ses dispositions relatives aux dépens.
Succombant, Mme [P] sera condamnée aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme le jugement déféré;
Y ajoutant,
Condamne Mme [X] [P] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
E. GOULARD C. CHAUX