AFFAIRE : N° RG 22/02871
N° Portalis DBVC-V-B7G-HDE7
Code Aff. :
ARRET N°
C.P
ORIGINE : Décision du Pôle social du Tribunal Judiciaire de Coutances en date du 07 Septembre 2022 - RG n° 20/00155
COUR D'APPEL DE CAEN
2ème chambre sociale
ARRET DU 27 JUIN 2024
APPELANTE :
S.A.S. [5], société en liquidation, représentée par son liquidateur désigné es qualité par décision de l'AG du 21 janvier 2020
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Thomas CARRERA, substitué par Me Maëlle CARRIER, avocats au barreau de CAEN
INTIMEE :
Urssaf de Normandie venant aux droits de l'Urssaf de Basse-Normandie
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Mme [H], mandatée
DEBATS : A l'audience publique du 06 mai 2024, tenue par M. GANCE, Conseiller, Magistrat chargé d'instruire l'affaire lequel a, les parties ne s'y étant opposées, siégé seul, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré
GREFFIER : Mme GOULARD
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme CHAUX, Présidente de Chambre,
M. LE BOURVELLEC, Conseiller,
M. GANCE, Conseiller,
ARRET prononcé publiquement le 27 juin 2024 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme CHAUX, présidente, et Mme GOULARD, greffier
La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par la société [5] d'un jugement rendu le 7 septembre 2022 par le tribunal judiciaire de Coutances dans un litige l'opposant à l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Basse-Normandie (l'Urssaf de Basse-Normandie) aux droits de laquelle vient l'Urssaf Normandie.
FAITS ET PROCEDURE
Courant 2019, la société [5] (la société) a fait l'objet d'un contrôle de l'application de la législation de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garantie des salaires par l'Urssaf de Basse-Normandie (l'Urssaf) sur la période du 1er août 2016 au 31 décembre 2018.
Le 13 août 2019, l'Urssaf a notifié à la société une lettre d'observations portant sur un rappel de cotisations de 17 944 euros au titre de dix chefs de redressement :
1- contribution FNAL supplémentaire : 280 euros de crédit en faveur de la société
2- cotisations FNAL 0, 10 % : 54 euros de redressement
3- erreur matérielle de report ou de totalisation : 269 euros de redressement
4- contribution au dialogue social : 11 euros de crédit en faveur de la société
5- forfait social et participation patronale au régime de prévoyance : 69 euros de crédit en faveur de la société
6- prise en charge de dépenses personnelles du salarié : 182 euros de redressement
7- comptes courants débiteurs : 16 502 euros de redressement
8- prise en charge de dépenses personnelles : 1287 euros de redressement
9- frais professionnels non justifiés - principes généraux : observation pour l'avenir
10 - prévoyance complémentaire : observations pour l'avenir.
La société a contesté ce redressement que l'Urssaf a maintenu par courrier du 29 octobre 2019.
Le 6 novembre 2019, l'Urssaf a adressé à la société une mise en demeure de payer 17 944 euros outre 1467 euros de majorations, soit un total de 19 411 euros.
Selon courrier du 2 janvier 2020, la société a contesté cette mise en demeure, en particulier le chef de redressement n° 7 devant la commission de recours amiable de l'Urssaf.
Par décision du 27 avril 2020, cette commission a rejeté le recours de la société.
Selon requête du 30 avril 2020, la société a saisi le tribunal judiciaire de Coutances afin de contester cette décision.
Par jugement du 7 septembre 2022, le tribunal judiciaire de Coutances a :
- débouté la société de son recours du 30 avril 2020
- confirmé le redressement de l'Urssaf à l'encontre de la société pour la période du 1er août 2016 au 31 décembre 2018 selon lettre d'observations du 13 août 2019, confirmée par courrier du 29 octobre 2019, pour son entier montant de 19 411 euros
et par conséquent,
- condamné la société à payer à l'Urssaf la somme de 19 411 euros au titre des cotisations et majorations de retard sur la période du 1er août 2016 au 31 décembre 2018, sous réserve des majorations de retard complémentaires restant à courir jusqu'au complet paiement des cotisations
- condamné la société à payer 500 euros à l'Urssaf au titre des frais irrépétibles
- condamné la société à payer les dépens.
Suivant déclaration du 9 novembre 2022, la société a formé appel du jugement.
Selon conclusions reçues au greffe le 19 avril 2024 et soutenues oralement à l'audience, la société, en liquidation, représentée par son liquidateur désigné es qualités par décision de l'AG du 21 janvier 2020, demande à la cour de :
- infirmer le jugement en ce qu'il a :
* débouté la société de son recours du 30 avril 2020
* confirmé le redressement de l'Urssaf à l'encontre de la société pour la période du 1er août 2016 au 31 décembre 2018 selon lettre d'observations du 13 août 2019, confirmée par courrier du 29 octobre 2019, pour son entier montant de 19 411 euros
et par conséquent,
* condamné la société à payer à l'Urssaf la somme de 19 411 euros au titre des cotisations et majorations de retard sur la période du 1er août 2016 au 31 décembre 2018, sous réserve des majorations de retard complémentaires restant à courir jusqu'au complet paiement des cotisations
* condamné la société à payer 500 euros à l'Urssaf au titre des frais irrépétibles
* condamné la société aux dépens;
statuant à nouveau,
à titre principal,
- annuler la décision de la commission de recours amiable du 27 avril 2020
- annuler le redressement notifié à la société par mise en demeure du 6 novembre 2019
- débouter en conséquence l'Urssaf de sa demande de règlement de la somme de 19 411 euros
à titre subsidiaire,
- annuler les chefs de redressement calculés irrégulièrement par l'Urssaf tels que notifiés par mise en demeure du 6 novembre 2019
- débouter en conséquence l'Urssaf de sa demande de règlement des sommes versées au titre du redressement ainsi que des majorations de retard, soit la somme de 19 411 euros
à titre infiniment subsidiaire,
- réduire à due proportion le redressement opéré par l'Urssaf, en tenant compte des frais professionnels exposés et le cas échéant d'après les bases réelles intégrant les règles de plafonnement
en tout état de cause,
- condamner l'Urssaf à payer à la société la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles.
Selon conclusions du 19 mars 2024 soutenues oralement à l'audience, l'Urssaf demande à la cour de :
à titre principal,
- confirmer le jugement du 7 septembre 2022
- rejeter les demandes de la société
en tout état de cause,
- condamner la société à payer à l'Urssaf la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner la société aux dépens.
Pour l'exposé complet des prétentions et des moyens des parties, il est expressément renvoyé à leurs écritures.
MOTIFS
Le 13 août 2019, l'Urssaf a notifié à la société une lettre d'observations portant sur un rappel de cotisations de 17 944 euros correspondant à :
1- contribution FNAL supplémentaire : 270 euros de crédit en faveur de la société
2- cotisations FNAL 0, 10 % : 54 euros de redressement
3- erreur matérielle de report ou de totalisation : 269 euros de redressement
4- contribution au dialogue social : 11 euros de crédit en faveur de la société
5- forfait social et participation patronale au régime de prévoyance : 69 euros de crédit en faveur de la société
6- prise en charge de dépenses personnelles du salarié : 182 euros de redressement
7- comptes courants débiteurs : 16 502 euros de redressement
8- prise en charge de dépenses personnelles : 1287 euros de redressement
9- frais professionnels non justifiés - principes généraux : observation pour l'avenir
10 - prévoyance complémentaire : observations pour l'avenir.
Le 4 novembre 2019, l'Urssaf a adressé à la société une mise en demeure de payer 17 944 euros outre 1467 euros de majorations, soit un total de 19 411 euros.
La société conteste le chef de redressement n° 7 afférent au solde débiteur du compte courant de M. [M], président de la société, prétendant en particulier qu'il n'aurait pas dû être réintégré dans l'assiette des cotisations.
- Sur le redressement au titre des comptes courants débiteurs
L'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige dispose que 'les cotisations de sécurité sociale (...) sont assises sur les revenus d'activité tels qu'ils sont pris en compte pour la détermination de l'assiette définie à l'article L. 136-1-1 du code de la sécurité sociale'.
L'article L. 136-1-1 précise que ces revenus d'activité correspondent 'aux sommes, ainsi qu'aux avantages et accessoires en nature ou en argent qui y sont associés, dus en contrepartie ou à l'occasion d'un travail, d'une activité ou de l'exercice d'un mandat ou d'une fonction élective, quelles qu'en soient la dénomination ainsi que la qualité de celui qui les attribue, que cette attribution soit directe ou indirecte'.
Il est toutefois indiqué que 'ne constituent pas un revenu d'activité les remboursements effectués au titre de frais professionnels correspondant dans les conditions et limites fixées par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget à des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l'emploi des travailleurs salariés ou assimilés que ceux-ci supportent lors de l'accomplissement de leurs missions'.
En l'espèce, il résulte des extraits du grand livre général produit par l'Urssaf, que le compte courant de M. [N] [M], président salarié de la société, présentait un solde débiteur de 23197,86 euros au 31 décembre 2017 et un solde débiteur de 11829,10 euros au 20 décembre 2018.
Or, il est constant que l'avance en compte courant consentie par une société à son dirigeant salarié s'analyse en un avantage en espèces entrant dans le champ d'application de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, peu important que l'avance ait été ultérieurement remboursée à la société.
C'est donc à tort que la société soutient que le redressement n'est pas fondé et qu'il appartiendrait à l'Urssaf de rapporter la preuve que l'avance en compte courant correspondrait à une rémunération.
La société soutient que les comptes courants débiteurs doivent s'analyser en une avance sur dividende.
Toutefois, elle ne produit aucune pièce qui le démontrerait. En effet, les pièces n° 8 et 9 auxquelles la société renvoie sur ce point, démontrent uniquement que M. [M] a remboursé à la société la somme de 45 000 euros le 20 décembre 2018 de telle sorte que le solde de son compte courant s'est retrouvé créditeur.
Au surplus, l'inspecteur de l'Urssaf a constaté que les montants en cause étaient sans rapport avec la capacité financière de la société de payer des dividendes.
Par ailleurs, conformément au principe rappelé précédemment, il importe peu que M. [M] ait régularisé 'l'anomalie comptable' en versant la somme de 45 000 euros sur son compte courant le 20 décembre 2018.
Enfin, la société conteste le montant du redressement au titre des comptes courants débiteurs au motif que les plafonnements n'auraient pas été pris en compte correctement par l'Urssaf, que les calculs du redressement sont incompréhensibles et qu'une 'partie significative des sommes débitées du compte courant' correspondent à des frais professionnels.
Toutefois, il résulte de la lettre d'observations que l'Urssaf a calculé l'assiette des cotisations sur la base des soldes débiteurs susvisés reconstitués en brut, puis y a appliqué les taux prévus pour les différentes catégories de cotisations, l'ensemble étant récapitulé dans des tableaux.
La lettre d'observations mentionne donc les causes, les bases, les périodes ainsi que le montant des redressements opérés pour 2017 et 2018, de telle sorte que la société a été mise en mesure de faire valoir ses observations.
Par ailleurs, l'Urssaf a calculé les cotisations dues au titre du FNAL et du Régime général des mandataires sur la base d'assiettes plafonnées suite au redressement opéré. Il en résulte qu'elle a pris en compte les salaires perçus par M. [M].
La société ne démontre pas que les cotisations dues au titre du FNAL et du Régime général des mandataires, telles que mentionnées dans les tableaux de la lettre d'observations, correspondent à des sommes qu'elles avaient déjà réglées en totalité ou partiellement compte tenu des plafonds applicables.
En particulier, elle ne fournit aucun calcul des cotisations qu'elle estime devoir après redressement au titre des comptes courants débiteurs, et ne précise pas le montant des cotisations réglées au titre du FNAL et du Régime général des mandataires, calculées sur la base des salaires perçus par M. [M] en 2017 et 2018.
Enfin, pour justifier que les sommes portées au débit correspondent à des frais professionnels, la société se fonde sur ses pièces n° 10 à 14.
Or, les pièces n° 10 et 11 correspondent à des listes de dépenses établies unilatéralement par la société. Elles n'ont donc aucune valeur de preuve.
Les pièces n° 12 à 13 démontrent l'achat d'un billet d'avion aller pour New-York du 18 mai 2017 et de nuits d'hôtel du 18 au 24 mai 2017 à New-York au nom de M. [M] par la société.
La pièce n° 14 est en langue anglaise. En outre, elle semble faire référence à une manifestation relative au design qui se serait tenue le 16 mai 2017 à New-York (le document mentionnant : 'on may 16'), soit avant la date du billet d'avion correspondant au 'voyage aller' à New-York.
Ces pièces ne démontrent pas que M. [M] a fait un voyage d'affaires à New-York dans le cadre de ses fonctions de dirigeant de la société et que les frais mentionnés sur les factures d'achat de billet d'avion et de nuitées d'hôtel doivent être considérés comme des dépenses professionnelles.
Compte tenu de ces observations dont il résulte qu'aucun des moyens allégués par la société n'est fondé, il convient de confirmer le jugement.
- Sur les dépens et les frais irrépétibles
Le jugement étant confirmé sur le principal, il sera aussi confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
Succombant, la société, représentée par son liquidateur, sera condamnée aux dépens d'appel et déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles.
Il est équitable de la condamner à payer à l'Urssaf la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme le jugement déféré;
Y ajoutant,
Condamne la société [5] représentée par son liquidateur désigné par décision de l'AG du 21 janvier 2020 aux dépens d'appel;
Déboute la société [5] de sa demande au titre des frais irrépétibles;
Condamne la société [5] représentée par son liquidateur désigné par décision de l'AG du 21 janvier 2020 à payer la somme de 1000 euros à l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Normandie au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
E. GOULARD C. CHAUX