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27/06/2024 | FRANCE | N°22/02302

France | France, Cour d'appel de Caen, 2ème chambre sociale, 27 juin 2024, 22/02302


AFFAIRE : N° RG 22/02302

N° Portalis DBVC-V-B7G-HB32

 Code Aff. :



ARRET N°



C.P





ORIGINE : Décision du Pôle social du Tribunal Judiciaire de CAEN en date du 22 Juillet 2022 - RG n° 19/01265











COUR D'APPEL DE CAEN

2ème chambre sociale

ARRÊT DU 27 JUIN 2024





APPELANT :



Urssaf de Normandie venant aux droits de l'Urssaf de Basse Normandie

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 4]



Représ

entée par Mme [D], mandatée







INTIMEE:



S.A.R.L. [6]

[Adresse 2]

[Localité 1]



Représentée par Me Olivier CHENEDE, avocat au barreau de NANTES







COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



...

AFFAIRE : N° RG 22/02302

N° Portalis DBVC-V-B7G-HB32

 Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Pôle social du Tribunal Judiciaire de CAEN en date du 22 Juillet 2022 - RG n° 19/01265

COUR D'APPEL DE CAEN

2ème chambre sociale

ARRÊT DU 27 JUIN 2024

APPELANT :

Urssaf de Normandie venant aux droits de l'Urssaf de Basse Normandie

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Mme [D], mandatée

INTIMEE:

S.A.R.L. [6]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Olivier CHENEDE, avocat au barreau de NANTES

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme CHAUX, Présidente de chambre,

M. LE BOURVELLEC, Conseiller,

M. GANCE, Conseiller,

DEBATS : A l'audience publique du 18 avril 2024

GREFFIER : Mme GOULARD

ARRÊT prononcé publiquement le 27 juin 2024 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme CHAUX, présidente, et Mme GOULARD, greffier

La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Normandie (l'Urssaf) d'un jugement rendu le 22 juillet 2022 par le tribunal judiciaire de Caen dans un litige l'opposant à la société [6].

FAITS ET PROCEDURE

La société [6] (la société) a fait l'objet d'un contrôle par l'Urssaf de Basse-Normandie au titre de l'application des législations de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garantie des salaires AGS pour la période allant du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2018.

Le 4 décembre 2018, l'inspecteur du recouvrement a adressé à la société une lettre d'observations lui notifiant un redressement total de cotisations de 124 165 euros comprenant 19 chefs de redressement.

Selon courrier du 4 janvier 2019, la société a contesté sur la forme la régularité de la lettre d'observations, et sur le fond pris acte des chefs n° 1, 2, 4, 6, 8, 9, 11, 13 et 16 et contesté les chefs suivants :

- chef n° 3 : réduction Fillon - mauvaise application de la formule de réduction (31 275 euros)

- chef n° 7 : forfait social sur Perco (4470 euros)

- chef n° 10 : majorations pour heures supplémentaires (9238 euros)

- chef n° 12 : primes de chiens (9780 euros)

- chef n° 14 : réduction Fillon - modification de la rémunération brute retenue dans la formule de calcul (40 221 euros)

- chef n° 15 : cotisations sociales sur bas salaire (473 euros).

Par courrier en réponse du 18 mars 2019, l'inspecteur du recouvrement a rectifié les points suivants :

- chef n° 3 : réduction Fillon - mauvaise application de la formule de réduction , montant après rectification : 29 268 euros

- chef n° 4 : réduction du taux de cotisation AF sur bas salaires, montant après rectification : 1896 euros

- chef n° 12 : frais professionnels non justifiés primes de chien, montant après rectification : 342 euros

- chef n° 14 : réduction Fillon - modification de la rémunération brute retenue dans la formule de calcul, montant après rectification : 32 936 euros

- chef n° 15 : cotisations sociales sur bas salaire, montant après rectification : 461 euros

soit un montant global de redressement de 105 225 euros au titre des cotisations.

Le 13 mai 2019, l'Urssaf de Basse-Normandie a notifié à la société une mise en demeure de régler 115 776 euros, soit 105 225 euros au titre des cotisations et 10 551 euros au titre des majorations de retard.

Le 11 juin 2019, la société a saisi la commission de recours amiable contestant l'irrégularité de la lettre d'observations ainsi que les chefs de redressement n° 7, 10, 14 et 15.

Selon courrier du 26 mars 2019, la société a fait reproche à l'inspecteur du recouvrement de ne pas avoir fait mention de la loi n° 2018 - 727 du 10 août 2018 dans sa lettre d'observations et a repris sa contestation au titre des chefs n° 7, 10, 14 et 15.

Suivant décision du 8 octobre 2019, la commission de recours amiable a :

- confirmé la régularité de la lettre d'observations

- fait droit à la requête relative au taux de forfait social applicable au Perco (chef n° 7)

- rejeté la requête concernant les 3 autres points (chefs n° 10, 14 et 15).

Selon courrier du 13 novembre 2019, l'Urssaf de Basse-Normandie a informé la société des sommes restant dues au titre de la mise en demeure, soit 115 180 euros correspondant à 104 629 euros de cotisations et 10 551 euros de majorations de retard.

Suivant requête du 16 décembre 2019, la société a saisi le tribunal de grande instance de Caen afin de contester la décision de la commission de recours amiable du 8 octobre 2019.

Par jugement du 22 juillet 2022, ce tribunal, devenu tribunal judiciaire, a :

- déclaré recevable et bien-fondé le recours de la société

- dit que la procédure de contrôle et de redressement est irrégulière

en conséquence,

- annulé la mise en demeure émise le 13 mai 2019 par l'Urssaf de Basse-Normandie pour un montant de 115 180 euros majorations de retard comprises, partiellement confirmée par la commission de recours amiable de l'Urssaf dans sa décision rendue le 8 octobre 2019, en conséquence d'un redressement de cotisations et contributions sociales, d'assurance chômage et d'AGS, à la suite d'un contrôle achevé le 4 décembre 2018 (date de la lettre d'observations)

- débouté les parties de toutes leurs autres demandes plus amples et contraires

- condamné l'Urssaf de Basse-Normandie à payer à la société la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles

- condamné l'Urssaf de Basse-Normandie aux dépens.

Selon déclaration du 26 août 2022, l'Urssaf de Normandie, venant aux droits de l'Urssaf de Basse-Normandie, a formé appel du jugement.

Selon conclusions reçues au greffe le 5 mars 2024 et soutenues oralement à l'audience, l'Urssaf de Normandie, venant aux droits de l'Urssaf de Basse-Normandie, demande à la cour de :

à titre principal,

- déclarer l'Urssaf recevable en son appel

- infirmer le jugement rendu le 22 juillet 2022 par le tribunal judiciaire de Caen

statuant à nouveau,

- débouter la société de ses demandes

- constater que l'Urssaf renonce au bénéfice de reconstitution en brut des chefs de redressement n° 11, 12, 13, 14, 15 et 16

- dire que la lettre d'observations du 4 décembre 2018 est régulière en la forme

- confirmer la décision de la commission de recours amiable du 8 octobre 2019 notifiée le 24 octobre 2019

- confirmer le bien-fondé du redressement opéré et de la mise en demeure du 13 mai 2019 pour son montant actualisé

- condamner la société au paiement de 102 375 euros soit 92 997 euros de cotisations et 9378 euros en majorations de retard

à titre subsidiaire,

- si par extraordinaire, les chefs n° 3, 10, 14 et 15 visés dans les annexes devaient être annulés

- condamner au paiement pour les autres chefs maintenus, soit 28 933 euros dont 26 283 euros de cotisations et 2650 euros de majorations de retard

en tout état de cause,

- condamner la société aux dépens.

Suivant conclusions reçues au greffe le 15 avril 2024 et soutenues oralement à l'audience, la société demande à la cour de :

- déclarer l'Urssaf mal fondée en son appel

- l'en débouter

à titre liminaire et principal,

- constater l'absence de mention de la réformation ou de l'infirmation de la décision attaquée dans la déclaration d'appel

en conséquence,

- constater l'absence d'effet dévolutif de l'appel

- juger que la cour n'est saisie d'aucun appel

à défaut le cas échéant,

- confirmer en tous ses points le jugement entrepris

le cas échéant, statuant à nouveau,

à titre principal et liminaire,

- prononcer l'annulation de la procédure de contrôle pour les motifs précédemment énoncés à titre subsidiaire,

- faire bénéficier la concluante de la garantie d'antériorité sur les points n° 10 et 11 du redressement

- faire bénéficier la concluante de la réglementation protectrice de la CNIL sur les points n° 3, 4, 10, 11, 12, 14 et 15 du redressement

en conséquence, annuler les points 3, 4, 10, 11, 12, 14 et 15 du redressement

- prononcer l'irrespect de l'article R. 243-60-3 du code de la sécurité sociale concernant le point n° 11

en conséquence, annuler le point n° 11 du redressement

- prononcer la prescription de l'année 2015 sur le fondement de l'article L. 244-3 du code de la sécurité sociale

- annuler les redressements relatifs aux points n° 11, 12, 13, 14 et 15 compte tenu des deux arrêts du 24 septembre 2020 confirmés le 18 février 2021 (20-14.262), le 16 février 2023 (21-11.600) et confirmés le 16 mars 2023 (21-18.339)

en conséquence, annuler les points n° 11, 12, 13, 14 et 15 du redressement

- à titre éminemment subsidiaire, sur le fond :

- prononcer l'annulation du point n° 10

- ordonner à l'Urssaf le remboursement du crédit de cotisations de 1927 euros dû à la concluante

- condamner l'Urssaf à verser à la concluante la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner l'Urssaf aux dépens.

Pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, il est expressément renvoyé à leurs écritures conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

I - Sur la déclaration d'appel

L'article 562 du code de procédure civile dispose que :

'L'appel défère à la cour la connaissance des chefs du jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent'.

L'article 933 du même code indique que :

'La déclaration comporte les mentions prescrites par les 2° et 3° de l'article 54 et par le troisième alinéa de l'article 57. Elle désigne le jugement dont il est fait appel, précise les chefs du jugement critiqués auquel l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible, et mentionne, le cas échéant, le nom et l'adresse du représentant de l'appelant devant la cour. Elle est accompagnée de la copie de la décision.'

Il est constant qu'en matière de procédure sans représentation obligatoire, y compris lorsque les parties ont choisi d'être assistées ou représentées par un avocat, la déclaration d'appel, qui omet de mentionner les chefs de dispositif critiqués ou qui ne précise pas si l'appel tend à l'annulation ou à la réformation du jugement, doit s'entendre comme déférant à la connaissance de la cour d'appel l'ensemble des chefs de ce jugement.

La société prétend que la déclaration d'appel de l'Urssaf n'a eu aucun effet dévolutif au motif qu'elle ne mentionne aucune demande d'infirmation ou de réformation du jugement.

La déclaration d'appel de l'Urssaf est rédigée dans les termes suivants :

'OBJET : DECLARATION D'APPEL,

Madame la présidente,

par la présente, l'Urssaf Normandie, venant aux droits de l'Urssaf de Basse-Normandie (...) déclare interjeter appel du jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Caen en date du 22 juillet 2022, notifié le 3 août 2022 (RG 19/01265).

(...)

L'Urssaf Normandie conteste le jugement rendu le 22 juillet 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Caen (RG 19/01265) en ce qu'il a :

- dit que la procédure de contrôle et de redressement est irrégulière

- annulé la mise en demeure émise le 13 mai 2019 par l'Urssaf de Basse-Normandie pour un montant actualisé à la somme totale de 115 180 euros majorations de retard comprises, partiellement confirmée par la commission de recours amiable de l'Urssaf dans sa décision rendue le 8 octobre 2019, en conséquence d'un redressement de cotisations et contributions sociales, d'assurance chômage et d'AGS, à la suite d'un contrôle achevé le 4 décembre 2018

- condamné l'Urssaf de Basse-Normandie à payer à la société [6] la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles

- condamné l'Urssaf de Basse-Normandie aux dépens'.

Il est exact que la déclaration d'appel ne comporte pas de demande 'd'infirmation' ou de demande de 'réformation' des chefs du jugement.

Toutefois, comme rappelé précédemment, dans les procédures sans représentation obligatoire,

la déclaration d'appel, qui omet de mentionner les chefs de dispositif critiqués ou qui ne précise pas si l'appel tend à l'annulation ou à la réformation du jugement, doit s'entendre comme déférant à la connaissance de la cour d'appel l'ensemble des chefs de ce jugement.

Il en résulte que la déclaration d'appel a déféré à la cour l'ensemble des chefs du jugement 22 juillet 2022 rendu par le tribunal judiciaire de Caen.

La cour est donc régulièrement saisie de l'appel interjeté par la société.

II - Sur le fond

A titre principal, la société soutient que les opérations de contrôle sont nulles aux motifs que :

- la lettre d'observations n'est pas détaillée (absence de ventilation des sommes dues par année)

- la liste des pièces est imprécise et incomplète et les annexes de calcul sont 'peu claires, imprécises et incomplètes'

- le rapport de contrôle est inexistant ou n'a pas été produit

- la mise en demeure est incohérente et incomplète

- la délibération de la commission de recours amiable est nulle.

A titre subsidiaire, la société prétend que les droits du cotisant n'ont pas été respectés. Elle invoque sur ce point :

- le non-respect de la garantie d'antériorité

- le non-respect par l'Urssaf de la réglementation issue du code des relations entre le public et l'administration

- le non-respect de la réglementation de la loi informatique et libertés du 6 janvier 1978

- le non-respect des droits du cotisant relatifs à la saisine de la commission d'abus de droit.

ainsi que :

- la prescription des cotisations pour l'année 2015

- la réintégration irrégulière des sommes nettes en sommes brutes.

A titre 'éminemment subsidiaire', sur le fond, la société conteste la requalification des contrats à temps partiel en contrats à temps complet, qui fonde les dépassements en heures supplémentaires retenus par l'Urssaf.

- Sur l'absence de ventilation des sommes dues par année dans la lettre d'observations

L'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable, dispose notamment que :

'A l'issue du contrôle (..), les agents chargés du contrôle mentionnés à l'article L. 243-7 communiquent au représentant légal de la personne morale contrôlée ou au travailleur indépendant une lettre d'observations datée et signée par eux mentionnant l'objet du contrôle réalisé par eux ou par d'autres agents mentionnés à l'article L. 8271-1-2 du code du travail, le ou les documents consultés, la période vérifiée, le cas échéant, la date de la fin du contrôle et les observations faites au cours de celui-ci.

(...)

Les observations sont motivées par chef de redressement. A ce titre, elles comprennent les considérations de droit et de fait qui constituent leur fondement et, le cas échéant, l'indication du montant des assiettes correspondant, ainsi que pour les cotisations et contributions sociales l'indication du mode de calcul et du montant des redressements et des éventuelles majorations et pénalités définies aux articles L.243-7-2, L. 243-7-6 et L. 243-7-7 qui sont envisagés.'

Il est constant que les mentions de la lettre d'observations doivent permettre au redevable de connaître les causes, les périodes, les bases ainsi que le montant des redressements opérés.

En l'espèce, la société soutient que la lettre d'observations est nulle au motif qu'elle ne 'précise pas la ventilation annuelle finale des cotisations dues'.

La lettre d'observations du 4 décembre 2018 comporte dix-neuf chefs de redressement/régularisation.

Pour chacun de ces chefs, la lettre d'observations mentionne l'intitulé du chef de redressement, les dispositions légales applicables, les éléments de fait sur lesquels l'agent de contrôle s'est fondé ainsi que des tableaux indiquant pour chaque année, l'assiette sur laquelle le redressement est opéré, ainsi que le taux applicable et le montant des cotisations dues à ce titre.

En dernière page, la lettre d'observations indique le montant cumulé des ces différents chefs dans les termes suivants : 'la vérification entraîne un rappel de cotisations, contributions de sécurité sociale, d'assurance chômage et d'AGS d'un montant total de 124 165 euros'.

Il résulte de ces éléments que la lettre d'observations comporte pour chaque chef de redressement une ventilation année par année des sommes dues, en précisant l'assiette correspondante et le taux applicable à cette assiette, peu importe que cette ventilation ne soit pas reprise sous forme d'un tableau récapitulatif à la fin de la lettre d'observations.

Le premier moyen soulevé par la société sera donc écarté.

- Sur la mention des pièces dans la lettre d'observations et ses annexes

Comme rappelé précédemment, l'article R. 243-59 dispose que 'A l'issue du contrôle (..), les agents chargés du contrôle mentionnés à l'article L. 243-7 communiquent au représentant légal de la personne morale contrôlée ou au travailleur indépendant une lettre d'observations datée et signée par eux mentionnant l'objet du contrôle réalisé par eux ou par d'autres agents mentionnés à l'article L. 8271-1-2 du code du travail, le ou les documents consultés, la période vérifiée, le cas échéant, la date de la fin du contrôle et les observations faites au cours de celui-ci'.

Il en résulte que la lettre d'observations doit mentionner l'ensemble des documents consultés par l'inspecteur du recouvrement ayant servi à établir le bien-fondé du redressement.

La liste des documents consultés doit être complète et précise.

En l'espèce, la société sollicite la nullité de la lettre d'observations au motif qu'elle doit mentionner les documents consultés. Elle affirme qu'une 'cour d'appel ne peut rejeter la demande d'annulation de la procédure de contrôle alors qu'elle a relevé que la liste des documents mentionnés dans la lettre d'observations était incomplète et imprécise'.

Elle indique que les annexes qui comportent différentes pièces sont incompréhensibles et ne correspondent pas aux 'libellés figurant dans la lettre d'observations'.

L'Urssaf rétorque que la société a reçu les annexes des chefs de redressement en même temps que la lettre d'observations. Elle renvoie notamment à sa pièce n° 12 intitulée :

'Annexe à la lettre d'observations :

Année 2015

Année 2016

Année 2017'.

On relèvera que les annexes sont constituées de tableaux de calcul des chefs de redressement (pièces n° 34 à 41 de la société, pièce n° 12 de l'Urssaf).

Après avoir rappelé l'objet du contrôle, la période vérifiée et la date de fin de contrôle, la lettre d'observations indique :

'LISTE DES DOCUMENTS CONSULTES POUR CE COMPTE

Extrait Kbis

Statuts

PV des Assemblées générales

DADS-U

Tableaux récapitulatifs

Etat de paie collectifs

Bulletins de salaire

Litiges prud'homaux

Dossiers de licenciement

Dossiers de rupture conventionnelle

Grand Livre

Balance générale

Des pièces comptables

Registre unique du personnel

Des justificatifs des frais professionnels

Contrats de prévoyance complémentaire et/ou mutuelle'.

Cette liste de pièces précise donc uniquement la nature des documents consultés, par exemple : 'bulletins de paie' ou 'litiges prud'homaux' ou encore 'dossiers de licenciement'.

Ainsi, à l'exception de l'extrait Kbis, des statuts, du registre unique du personnel, qui constituent des pièces identifiables, les autres documents ne peuvent être précisément identifiés.

On ignore ainsi à quels tableaux récapitulatifs, quels états de paie collectifs, quels bulletins de salaire, quels litiges prud'homaux, quels dossiers de licenciement et quels dossiers de rupture conventionnelle, il est fait référence.

Il en est de même des pièces comptables, des justificatifs de frais professionnels ou encore des contrats de prévoyance complémentaire et/ou mutuelle.

En l'absence de précisions relativement à la date des PV des assemblées générales, du Grand Livre ou de la Balance générale, il n'est pas possible d'identifier précisément les documents visés.

La liste des pièces mentionnée en page 2 est trop imprécise pour justifier du respect de l'obligation de mentionner dans la lettre d'observations, 'le ou les documents consultés' comme l'impose l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale.

On relèvera qu'immédiatement après cette liste des pièces, la lettre d'observations vise ensuite distinctement chaque chef de redressement.

Or, à l'exception des chefs n° 13 et 16, pour lesquels la lettre d'observations renvoie à des pièces précises : 'étude de la comptabilité (compte 64581 Mutuelle [5])' au titre du chef n° 13 et 'étude de la comptabilité , compte 6712' au titre du chef n° 16, les autres chefs ne visent aucun document précisément identifiable.

Pour les chefs n° 1, 2, 4, 5, 6, 7, 8, 18 et 19, la lettre d'observations ne vise aucune pièce en particulier et ne renvoie à aucune annexe.

Pour le chef n° 9, la lettre d'observations renvoie aux 'documents sociaux' sans plus de précisions, ce qui ne permet pas d'identifier précisément les documents consultés.

Pour le chef n° 10, la lettre d'observations renvoie à des 'bulletins de salaire' sans plus de précisions. Il est indiqué en outre : 'vous trouverez ci-joint le détail des salariés concernés chaque mois, sur les 3 années'. Ce renvoi ne permet pas en lui même d'identifier les pièces consultées pour ce chef de redressement, étant rappelé que les annexes sont constituées de tableaux de calcul.

Pour le chef n° 11, la lettre d'observations renvoie aux 'documents sociaux' sans plus de précisions ce qui ne permet pas d'identifier précisément les documents consultés. Il est indiqué en outre : 'vous trouverez en annexe jointe le détail des bases retenues par salarié'. Ce renvoi ne permet pas d'identifier les pièces consultés pour ce chef de redressement, étant rappelé que les annexes sont constituées de tableaux de calcul.

Pour le chef n° 12, la lettre d'observations indique seulement 'il a été constaté que des salariés percevaient des primes de chiens' sans précisions sur le ou les documents ayant permis ce constat. Il est en outre renvoyé à une annexe pour le calcul du redressement : 'vous trouverez ci-joint le détail des régularisations ..'. Ce renvoi ne permet pas de déterminer sur le fondement de quel(s) document(s) les primes de chiens ont été évaluées.

Pour le chef n° 17, il est seulement indiqué : 'il a été constaté à l'étude de la comptabilité ..' sans plus de précisions sur la pièce ou les pièces comptables qui ont été consultées pour établir ce constat.

Pour les chefs n° 3, 14, 15, la lettre d'observations ne vise aucune pièce, mais renvoie à des annexes dans les termes suivants :

- chef n° 3 : 'vous trouverez en annexe le détail des régularisations par salarié et par année'

- chef n° 14 : 'un nouveau calcul a donc été effectué (...) vous en trouverez le détail en annexe'

- chef n° 15 : 'vous trouverez le détail en annexe'.

Ces différents renvois ne permettent pas d'identifier les pièces sur lesquelles l'agent de contrôle s'est fondé, étant rappelé que les annexes sont constituées de tableaux de calcul.

Il résulte de ces éléments que la lettre d'observations ne mentionne pas précisément le ou les documents consultés à l'exception des documents ayant servi à établir les chefs n° 13 et n° 16 dont les montants respectifs s'élèvent à 492 euros et 62 euros.

La société s'est donc trouvée dans l'impossibilité de discuter la portée ou la valeur probante des documents ayant fondé les autres chefs qui représentent la quasi totalité du redressement.

Contrairement à ce qu'affirme l'Urssaf, il résulte du courrier du 4 janvier 2019 et du recours de la société du 11 juin 2019, qu'elle a contesté dès le début de la période contradictoire puis lors de la saisine de la commission de recours amiable, la régularité de la lettre d'observations. Aux termes de ce recours, elle indique en effet : 'en l'état, la lettre d'observations est irrégulière', peu importe qu'elle se réfère à des motifs de nullité différents de celui afférent à la mention dans la lettre d'observation des documents consultés par l'agent de contrôle.

Compte tenu de ces observations, la société est bien fondée à invoquer la nullité de la lettre d'observations et par voie de conséquence, l'irrégularité de l'ensemble du redressement consécutif dont la mise en demeure.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré recevable et bien fondé le recours de la société, dit que la procédure de contrôle et de redressement est irrégulière, annulé la mise en demeure du 13 mai 2020 et débouté les parties de leurs autres demandes.

- Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement étant confirmé sur le principal, il sera aussi confirmé sur les dépens et frais irrépétibles.

Y ajoutant, il convient de condamner l'Urssaf, partie succombante, aux dépens d'appel.

Il est équitable de condamner l'Urssaf à payer à la société la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Dit que la cour est régulièrement saisie de l'appel interjeté par la société [6] ;

Confirme le jugement déféré ;

Y ajoutant,

Condamne l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Normandie à payer les dépens d'appel ;

Condamne l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Normandie à payer à la société [6] la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

E. GOULARD C. CHAUX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : 2ème chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/02302
Date de la décision : 27/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-27;22.02302 ?
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