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26/06/2024 | FRANCE | N°23/01122

France | France, Cour d'appel de Caen, 1ère chambre civile-expro, 26 juin 2024, 23/01122


COUR D'APPEL DE CAEN



CHAMBRE DES EXPROPRIATIONS









MINUTE N°







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26 Juin 2024

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DOSSIER N° N° RG 23/01122 - N° Portalis DBVC-V-B7H-HGRH

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[T] [U]



C/

Commune COMMUNE DE [Localité 10] représentée par son maire en exercice domicilié en cette qualité en l'Hôtel de Ville



COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT Direction générale des finances publiques de BRETAGNE, département d'ILLE ET VILAINE, pôle gestion publ

ique, service France Domaine







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ARRET DU



vingt six Juin deux mille vingt quatre





APPELANT



Monsieur [T] [U]

[Adresse 1]

[Localité 10]



représenté par Me Gaël BALAVO...

COUR D'APPEL DE CAEN

CHAMBRE DES EXPROPRIATIONS

MINUTE N°

----------

26 Juin 2024

----------

DOSSIER N° N° RG 23/01122 - N° Portalis DBVC-V-B7H-HGRH

----------

[T] [U]

C/

Commune COMMUNE DE [Localité 10] représentée par son maire en exercice domicilié en cette qualité en l'Hôtel de Ville

COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT Direction générale des finances publiques de BRETAGNE, département d'ILLE ET VILAINE, pôle gestion publique, service France Domaine

----------

ARRET DU

vingt six Juin deux mille vingt quatre

APPELANT

Monsieur [T] [U]

[Adresse 1]

[Localité 10]

représenté par Me Gaël BALAVOINE, avocat au barreau de CAEN

assisté de Me GORAND, avocat au barreau de COUTANCES, substitué par Me DEBUYS.

INTIMÉS

Commune COMMUNE DE [Localité 10] représentée par son maire en exercice domicilié en cette qua

lité en l'Hôtel de Ville

[Adresse 32]

[Localité 10]

représentée par Me Rémi PICHON, avocat au barreau de CAEN

assistée de Me HEITZMANN, avocat au barreau de RENNES

COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT Direction générale des finances publiques de BRETAGNE, département d'ILLE ET VILAINE, pôle gestion publique, service France Domaine

DGFIP de BRETAGNE - [Adresse 16]

[Localité 9]

non comparant, ni représenté

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur G. GUIGUESSON Président de Chambre

Madame G. VELMANS, Conseillère,

Madame M-C. DELAUBIER, Conseillère,

GREFFIER lors des débats :

Madame M. COLLET

DÉBATS :

A l'audience publique du 10 Avril 2024, au cours de laquelle l'affaire a été débattue

ARRET :

rendu publiquement le vingt six Juin deux mille vingt quatre par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées préalablement dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, et signé par Monsieur GUIGUESSON, Président, et Madame COLLET, Greffière à laquelle la minute a été remise.

* *

*

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par délibération du 22 février 2006, le conseil municipal de [Localité 10] a décidé la création d'une zone d'aménagement concerté multi-sites dite «Coeur de Village» (ci-après la ZAC) sur une superficie de 20 hectares. Par délibération du 26 octobre 2006, la société Nexity Foncier Conseil a été désignée concessionnaire de l'opération. Le projet a été déclaré d'utilité publique par un arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine du 30 septembre 2010, dont le délai de validité a été prorogé par arrêté du 29 septembre 2015.

Par arrêté du 19 décembre 2019 (rectifié le 22 janvier 2020), le préfet a déclaré cessibles, au profit de la commune de [Localité 10], les emprises nécessaires à la réalisation de la ZAC, comprenant notamment les parcelles cadastrées section [Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 2] et [Cadastre 3], d'une surface totale de 42 053 m², appartenant à M. [T] [U].

Le juge de l'expropriation a prononcé le transfert de propriété des parcelles de M. [U] au profit de la commune de [Localité 10] par ordonnance du 3 février 2020 rectifiée le 10 août 2020.

Par courrier du 20 mars 2017, la commune a adressé à l'exproprié une offre de 358 408 euros que ce dernier a refusée par courrier du 18 avril 2017.

À défaut d'accord entre les parties, la commune a, par mémoire du 18 avril 2018, saisi le juge de l'expropriation du département d'Ille-et-Vilaine aux fins de fixation des indemnités d'expropriation dues à M. [U].

Le transport sur les lieux a été réalisé le 14 octobre 2019.

Par jugement du 6 avril 2020, le juge de l'expropriation a :

- fixé aux sommes de :

* 351 052 euros le montant de l'indemnité principale due par la commune de [Localité 10] à M. [T] [U],

* 36 105 euros le montant de l'indemnité de remploi,

* 24 670 euros le montant de l'indemnité accessoire au titre de la nécessaire reconstitution du système d'irrigation ;

- constaté l'accord des parties quant à l'indemnisation de M. [T] [U], par la commune de [Localité 10], à hauteur de 14 847 euros au titre de la création d'un chemin d'exploitation ;

- laissé les dépens à la charge de la commune de [Localité 10] ;

- condamné la commune de [Localité 10] à verser à M. [T] [U] une somme de 2500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté toute autre demande plus ample ou contraire.

M. [U] a relevé appel du jugement par déclaration du 15 juillet 2020.

Par arrêt du 8 octobre 2021, la cour d'appel de Rennes a :

- confirmé le jugement rendu le 6 avril 2020 par le juge de l'expropriation du département d'Ille et Vilaine en ce qu'il a :

- rejeté la fin de non recevoir soulevée par M. [U],

- fixé à la somme de 24 670 euros le montant de l'indemnité accessoire au titre de la reconstitution du système d'irrigation,

- constaté l'accord des parties quant à l'indemnisation de M. [U], par la commune de [Localité 10], à hauteur de 14 847 euros au titre de la création d'un chemin d'exploitation,

- débouté M. [U] de sa demande d'indemnité pour dépréciation du surplus et atteinte à l'exploitation ;

- l'a infirmé pour le surplus et, statuant à nouveau, a :

- fixé les indemnités d'expropriation dues par la commune de [Localité 10] à M. [U] ainsi :

indemnité principale après abattement de 15 % pour occupation :

* emprise de 3 060 m² située en zone UC / UE à la date de référence : 234 090 euros,

* emprise de 38 993 m² située en zone 1AU / 2AU à la date de référence : 348 012,52 euros,

soit une somme de 582 102,52 euros ;

indemnité de remploi : 59 210,25 euros ;

indemnité pour perte de revenus fonciers : 2 004 euros ;

- condamné la commune de [Localité 10] aux dépens de première instance et d'appel.

- condamné la commune de [Localité 10] à payer à M. [T] [U] une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La commune de [Localité 41] a formé un pourvoi contre cet arrêt le 5 janvier 2022.

Suivant arrêt rendu le 8 février 2023 (pourvoi n°22-10.143), la 3ème chambre civile de la Cour de cassation a :

- cassé et annulé, mais seulement en ce que, infirmant le jugement et statuant à nouveau, il a fixé l'indemnité principale à la somme totale de 582 102,52 euros et l'indemnité de remploi à celle de 59 210,25 euros, l'arrêt rendu le 8 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

- remis, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et a renvoyé ces dernières devant la cour d'appel de Caen ;

- condamné M. [U] aux dépens.

Pour conférer la qualité de terrains à bâtir à des parcelles expropriées, l'arrêt de la cour d'appel de Rennes avait retenu qu'il convenait d'apprécier si les réseaux situés à proximité suffisaient aux besoins du secteur E de la zone d'aménagement concerté, dès lors que le code de l'expropriation n'avait pas prévu l'hypothèse d'une opération multi-sites, dans laquelle la capacité des réseaux doit être appréciée au regard des besoins de l'aménagement du secteur considéré et non au regard des besoins d'autres secteurs, situés pour certains aux extrémités opposées de la commune, qu'ils n'ont pas pour vocation de desservir, qu'apprécier la capacité des réseaux au regard de l'ensemble de la zone d'aménagement concerté serait dépourvu de toute pertinence économique et ne saurait servir pour la qualification juridique d'un terrain, sauf à méconnaître le principe de la juste et préalable indemnité garanti par l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

La Cour de cassation a jugé qu'en statuant ainsi, alors que les parcelles expropriées étant classées dans une zone d'aménagement concerté, la dimension des réseaux les desservant s'appréciait au regard de l'ensemble de cette zone, la cour d'appel avait violé l'article L. 322-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

Par déclaration reçue le 17 mai 2023, M. [U] a saisi la cour d'appel de renvoi.

La commune a constitué avocat le 8 juin 2023.

Au terme de son dernier mémoire déposé le 26 mars 2024, M. [T] [U] demande à la chambre de l'expropriation de :

- infirmer le jugement rendu le 6 avril 2020 par le juge de l'expropriation d'Ille-et-Vilaine en ce qu'il a fixé à la somme de :

* 351 052 euros le montant de l'indemnité principale due par la commune de [Localité 10] ;

*36 105 euros le montant de l'indemnité de remploi ;

Statuant à nouveau de :

- fixer ainsi qu'il suit les indemnités en valeur libre que lui doit la commune de [Localité 10] :

* indemnité principale d'expropriation : 952 095 euros,

* indemnité de remploi :

*20% jusqu'à 5000 euros: 1000 euros ;

*15% de 5000 euros à 15000 euros : 1500 euros ;

*10% pour le surplus : 93 709,50 euros ;

Soit un total de : 1 048 304,50 euros ;

- condamner la commune de [Localité 10] à lui verser la somme de 1 048 304,50 euros ;

- condamner la commune de [Localité 10] à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- statuer ce que de droit quant aux dépens.

La commune de [Localité 10] demande à la cour de renvoi, suivant son dernier mémoire déposé le 31 janvier 2024, de :

- constater que l'arrêt de la cour d'appel de Rennes du 8 octobre 2021 est devenu définitif en ce qu'il a  :

* rejeté la fin de non-recevoir soulevée par M. [U] tirée du prétendu défaut de qualité à agir de la commune ;

* fixé le montant de l'indemnité accessoire pour reconstitution du système d'irrigation ;

* fixé le montant de l'indemnité accessoire pour création de chemin ;

* fixé le montant de l'indemnité pour perte de revenus fonciers ;

* rejeté la demande indemnitaire de M. [U] à hauteur de 100 000 euros au titre de la dépréciation du surplus ;

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

- rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions de M. [U] ;

- condamner M. [U] à lui verser une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

Le commissaire du Gouvernement n'a déposé aucun mémoire devant la cour et n'a pas comparu.

MOTIFS :

- Sur l'étendue de la saisine de la cour :

En application de l'article 624 du code de procédure civile, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce.

S'agissant d' une cassation partielle, la cour d'appel de Caen n'est saisie qu'en ce qui concerne

la fixation des montants de l'indemnité principale d'expropriation et de l'indemnité de remploi.

- Sur le bien à évaluer :

Le tènement à évaluer est constitué de quatre parcelles d'un seul tenant, cadastrées [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 11] et [Cadastre 12], d'une superficie totale de 42 053 m², en nature de terres agricoles. Elles sont traversées par un chemin empierré (recouvert de terre), orienté est / ouest et bénéficient d'un système d'irrigation. Elles se situent entre le siège de l'exploitation (ferme du Bignon, immédiatement à l'est) et le surplus des terres, à l'ouest. Elles sont accessibles depuis la voie publique à l'est et au sud. Enfin, elles sont données à bail rural au fils de M. [U], exploitant agricole.

Les parcelles sont situées dans le périmètre de la zone d'aménagement concerté créée par délibération du 22 février 2006.

A cette date, les parcelles cadastrées B n° [Cadastre 11],[Cadastre 12], [Cadastre 3] et [Cadastre 2] (en partie) étaient situées en zone 1NAE, et le restant de la parcelle cadastrée [Cadastre 17] en zone UE du plan d'occupation des sols de la commune.

- Sur la qualification de terrain à bâtir :

Aux termes de l'article L. 322-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique :

' La qualification de terrains à bâtir, au sens du présent code, est réservée aux terrains qui, un an avant l'ouverture de l'enquête prévue à l'article L. 1 ou, dans le cas prévu à l'article L. 122-4, un an avant la déclaration d'utilité publique, sont, quelle que soit leur utilisation, à la fois :

1° Situés dans un secteur désigné comme constructible par un plan d'occupation des sols, un plan local d'urbanisme, un document d'urbanisme en tenant lieu ou par une carte communale, ou bien, en l'absence d'un tel document, situés dans une partie actuellement urbanisée d'une commune ;

2° Effectivement desservis par une voie d'accès, un réseau électrique, un réseau d'eau potable et, dans la mesure où les règles relatives à l'urbanisme et à la santé publique l'exigent pour construire sur ces terrains, un réseau d'assainissement, à condition que ces divers réseaux soient situés à proximité immédiate des terrains en cause et soient de dimensions adaptées à la capacité de construction de ces terrains. Lorsqu'il s'agit de terrains situés dans une zone désignée par un plan d'occupation des sols, un plan local d'urbanisme, un document d'urbanisme en tenant lieu ou par une carte communale, comme devant faire l'objet d'une opération d'aménagement d'ensemble, la dimension de ces réseaux est appréciée au regard de l'ensemble de la zone.

Les terrains qui, à la date de référence indiquée au premier alinéa, ne répondent pas à ces conditions sont évalués en fonction de leur seul usage effectif, conformément à l'article L. 322-2.'

Il résulte de ces dispositions que les parcelles expropriées étant classées dans une zone d'aménagement concerté, la dimension des réseaux les desservant et permettant de les qualifier de terrain à bâtir doit s'apprécier au regard de l'ensemble de cette zone et non du seul secteur où elles se trouvent.

En l'espèce, il sera rappelé liminairement que la date de référence pour la qualification juridique du bien, laquelle ne fait pas l'objet de débats devant la présente cour, est celle du 13 mars 2006, en application du deuxième alinéa de l'article L. 322-2 du code de l'expropriation d'utilité publique, en ce que les parcelles en cause sont situées dans le périmètre de la zone d'aménagement concerté multi-sites 'Coeur de Village' crée par délibération du 22 février 2006 reçue en sous-préfecture de [Localité 38] le 13 mars 2006, plus d'un an avant l'ouverture de l'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique du 9 novembre 2008.

De la même manière, aucune partie ne critique le jugement en ce que le juge de l'expropriation a retenu que les parcelles expropriées sont situées dans un secteur considéré comme constructible par le document d'urbanisme applicable, ainsi que les parties en conviennent, de sorte que le premier critère exigé par l'article L. 322-3 précité est rempli.

Les parties s'opposent concernant le second critère, critère matériel relatif à la desserte des biens expropriés par la voie publique et les réseaux alors que, s'agissant d'une opération d'aménagement d'ensemble, la dimension des réseaux doit être appréciée au regard de l'ensemble de la ZAC ce, à la date de référence soit, en l'espèce, le 13 mars 2006.

M. [U] fait valoir que les réseaux situés à proximité immédiate de son unité foncière sont suffisants au regard de l'ensemble de la ZAC de sorte que la qualification de 'terrains à bâtir' au sens de l'article L. 322-3 doit être retenue alors que la commune soutient au contraire que le bien exproprié ne peut être considéré comme bénéficiant matériellement, à la date de référence, d'une desserte effective par des réseaux de dimensions adaptées à la capacité de construction au regard de l'ensemble de la ZAC.

Il revient à M. [U] qui revendique la qualité de terrain à bâtir de rapporter la preuve que le dimensionnement des réseaux situés à proximité immédiate est adapté à l'ensemble de la zone d'aménagement.

Il sera rappelé que la zone d'aménagement concerté 'Coeur de village' est une zone multi-sites, composée de sept secteurs séparés répartis sur toute la commune, sur une superficie de plus de 20 hectares. Le projet prévoit la construction de 382 logements outre une résidence sénior d'une centaine de places.

Le premier juge a relevé que M. [U] échouait à rapporter une telle preuve en particulier s'agissant du réseau électrique alors que le programme des travaux communiqué par la commune détaillait l'ensemble des réseaux et voies qui devront être réalisés dans le cadre de l'opération, notamment en terme de création ou de renforcement des voies de circulation, de réseaux d'alimentation et d'évacuation des fluides et énergies diverses, électricité.

M. [U] explique que les parcelles sont desservies par les réseaux suivants : des voies carrossables communales alors que le comparatif des photographies aériennes datées de 2006 et 2022 démontre qu'aucune voirie de desserte n'a été réalisée dans l'intervalle à l'exception de voiries liées uniquement à la viabilisation de la ZAC au sein de son périmètre ; un réseau électrique, à savoir une ligne moyenne tension aérienne en provenance de [Localité 37], toujours présent en l'état en 2024 , un transformateur moyenne tension / basse tension, ainsi qu'un réseau de distribution basse tension, étant relevé que les seuls travaux programmés visent à assurer non la desserte de la zone mais sa viabilisation interne à partir des réseaux existants ainsi que l'effacement des réseaux aériens pour optimiser le réseau électrique de viabilisation ; un réseau d'adduction eau potable suffisant situé [Adresse 34] et sur la voie communale n°13 ([Adresse 36]), le renforcement de cette dernière ayant pour seul objet de permettre la défense incendie.

En définitive, M. [U] considère que les travaux de viabilisation à réaliser dans le cadre de l'aménagement de la zone en ce qu'ils visent à assurer la desserte interne de la ZAC et à y déployer les réseaux à l'intérieur du périmètre de la zone, n'ont pas à être pris en compte dans l'appréciation à porter de la capacité des seuls 'réseaux situés à proximité immédiate des terrains en cause'.

Néanmoins, la seule existence de réseaux de raccordement à proximité immédiate de la zone d'aménagement ne saurait suffire à établir la preuve de réseaux d'assainissement, d'électricité et d'eau potable dont les dimensions sont adaptées à la construction de ces terrains.

La nécessité de faire ou refaire les réseaux intérieurs à la ZAC, en ce qu'elle est susceptible d'établir le caractère insuffisant de la capacité des réseaux de raccordement existants, doit ainsi être prise en compte pour apprécier si, au sens de l'article L.322-3 du code de l'expropriation, la capacité des réseaux de cette zone situés à proximité, est suffisante pour desservir l'ensemble de celle-ci.

En l'occurrence, il résulte de l'ensemble des pièces produites par l'expropriant (notamment extrait du dossier d'étude d'impact, plans réalisés par Enedis, plans du syndicat départemental d'énergie 35, joints à la déclaration préalable de travaux, photographies, déclarations préalables relatives de travaux relatives aux postes de transformation n°52 et 55) que l'aménagement de la ZAC nécessitait l'installation de plusieurs transformateurs en particulier pour la création de réseaux d'électricité haute tension. Un poste de distribution (P0037) de type H61 équipé d'un transformateur 100kva a été remplacé et renforcé par un poste de distribution équipé d'un transformateur 400kva (P0026), lequel assure la desserte BT du secteur 1 de la zone. Plusieurs transformateurs ont dû être créés pour desservir en particulier les secteurs C (allée des petits champs) et le secteur D2 (rue du Lavoir).

Il est manifeste que ces travaux ne visent pas à remplacer l'existant aux seules fins d' 'effacer les réseaux aériens' et de permettre la desserte des réseaux électriques à l'intérieur de la zone tel qu'allégué par M. [U] mais bien d'adapter la dimension de ces réseaux à la construction des terrains envisagés.

Ces éléments établissent en conséquence l'insuffisance de la desserte du réseau électrique de basse tension existant au regard de l'ensemble de la zone d'aménagement concerté.

De la même manière, l'extrait du dossier d'étude d'impact ajouté au tableau recensant les linéaires AEP réalisés depuis la date de référence établissent que la desserte en eau potable de la ZAC nécessitait en sus de la création de nombreux collecteurs principaux et secondaires, la réalisation de travaux de renforcement et la modification de l'alimentation en eau potable, la mise en oeuvre de nouvelles conduites en PVC de diamètre et de longueur plus importante, alors qu'une attestation du syndicat des Eaux de Beaufort fait état de baisses de pression occasionnelles du système existant en 2007 concluant que 'avec l'augmentation de la population seraient apparus des manques d'eau'. Aucun élément versé par M. [U] ne vient contredire utilement ce constat.

Enfin, la cour relève que l'extrait du dossier d'enquête publique préalable à la déclaration d'utilité publique fait état de la 'création de voies nouvelles pour la desserte des nouvelles zones' dont des voies primaires destinées à accéder à la ZAC depuis sa périphérie. Plus précisément, l'extrait complémentaire de l'étude d'impact sur les travaux de voirie prévoit en particulier le réaménagement de la route départementale entre la limite nord de l'opération et notamment la desserte du quartier des plateaux pour atteindre une largeur de 5,50m avec une bande de stationnement et création en amont du profil en travers de voirie d'un trottoir en béton de 1,80m, et celui du second accès principal vers le centre bourg depuis la route des sources, les autres voiries de type 2 et 4 étant des voies principales de desserte des quartiers ou interquartiers.

Il en résulte la desserte existante par une voie d'accès de la zone d'aménagement en son ensemble n'était pas suffisante pour être considérée adaptée à la construction des terrains envisagés.

Dès lors, l'insuffisance de ses seuls réseaux au regard de l'ensemble de la ZAC étant établie, les parcelles litigieuses ne peuvent recevoir la qualification de terrain à bâtir.

Le jugement sera en conséquence confirmé de ce chef.

- Sur la valeur des parcelles :

Aux termes de l'article L. 321-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation. Ces indemnités doivent ainsi permettre à l'exproprié de se replacer dans l'état dans lequel il se trouvait avant l'expropriation et ne doit pas lui procurer un enrichissement sans cause.

Selon les articles L. 322-1 et L. 322-2 du code de l'expropriation, la juridiction doit fixer le montant des indemnités d'après la consistance des biens tels qu'ils existaient au jour de l'ordonnance d'expropriation si elle a été prononcée antérieurement à la décision de première instance et les biens sont estimés à la date du jugement de première instance.

Il résulte de l'application combinée de l'ensemble de ces dispositions que les biens doivent être estimés à la date du jugement de première instance, soit le 6 avril 2020, en fonction de leur consistance à la date de l'ordonnance d'expropriation, soit le 3 février 2020, et de leur qualification à la date de référence soit le 13 mars 2006.

En application du dernier alinéa de l'article L. 322-3 précité, et en l'absence de qualification de terrain à bâtir, les parcelles expropriées, doivent être évaluées en fonction de leur usage effectif conformément à l'article L. 322-2 du code de l'expropriation d'utilité publique.

Située à proximité du centre-bourg de la commune de [Localité 39], l'emprise litigieuse sera évaluée comme une parcelle en nature de terre agricole en situation privilégiée, ainsi que le juge de l'expropriation l'a exactement retenu en l'absence de toute contestation sur ce dernier point par les parties.

Par ailleurs, à la date du 3 février 2020, date à laquelle doit s'apprécier la situation d'occupation des biens en application de l'article L. 322-1 précité, il n'est pas contesté que les terres expropriées étaient occupées et exploitées dans le cadre d'un bail rural par le fils de M. [U].

Ce dernier, qui confirme que les parcelles litigieuses sont toujours occupées par le preneur, demande à être indemnisé en valeur libre en indiquant faire son affaire personnelle du locataire, ce en accord avec celui-ci. Il précise que par arrêt du 9 février 2024, la cour d'appel de Rennes a fixé l'indemnité d'éviction de M. [U] fils à la somme de 27 468,11 euros.

Pour autant, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a appliqué un abattement de 15% en raison de la situation purement objective des parcelles résultant de leur occupation par le preneur.

La cour, comme le premier juge, définira la valeur vénale des biens expropriés en prenant en compte leur situation privilégiée, et en appliquant la méthode par comparaison consistant à se référer à des ventes portant sur des biens similaires, c'est-à-dire se trouvant dans la même zone géographique et présentant des caractéristiques identiques concernant notamment la nature des terrains mais aussi leur usage effectif, méthode non remise en cause par les parties.

Le juge de l'expropriation a retenu, avant abattement de 15% un montant de la valeur de 9,65 euros/par m² pour les parcelles cadastrées B n° [Cadastre 11],[Cadastre 12], [Cadastre 3] et [Cadastre 2] (en partie) situées en zone 1NAE, et de 12 euros/m² pour le restant de la parcelle cadastrée [Cadastre 17] sise en zone UEe.

Pour ce faire, il s'est référé à trois termes de comparaison communiqués par la commune et à quatre termes versés par le commisaire du Gouvernement, écartant les éléments produits par M. [U] à l'exception d'une référence (vente du 25 juin 2015 apparaissant correspondre au terme de référence TC 4 repris par la commune en cause d'appel).

En cause d'appel, M. [U] évalue la valeur de ses parcelles à 15 euros/m² pour celles situées en zone 1NAE, et à 120 euros/m² pour celle située en zone UE. Il produit un rapport d'expertise amiable retenant une valeur de 120 euros pour la partie située en zone UE et celle de 9 euros/m² pour la partie sise en zone 1NAE, cette dernière devant être portée à 15 euros/m², se référant plus particulièrement à 4 ventes intervenues sur des parcelles similaires sur la trentaine de termes de référence évoquée.

Il fait valoir pour l'essentiel que les termes de référence proposés par la commune portent sur des ventes réalisées au sein du périmètre de la ZAC au profit de l'aménageur, seul acquéreur, lesquelles ne reflètent pas le marché de sorte qu'elles n'ont pas la même valeur juridique que toutes les mutations 'librement consenties'. Il ajoute que ces termes sont au surplus évasifs quant à l'état d'occupation, en particulier s'agissant des ventes relatives au bien des époux [M] (pièce adverse 11) et à celui des époux [D] (pièce adverse12). Il indique qu'en tout état de cause, le juge de l'expropriation conserve un pouvoir d'appréciation sur le contenu des accords passés sur des biens inscrits dans le périmètre de DUP.

La commune réplique qu'en application de l'article L. 322-8 du code de l'expropriation, les accords conclus dans le périmètre de la DUP constituent au contraire des termes de référence privilégiés en matière d'expropriation, que les termes de référence de M. [U] sont irrecevables pour la plupart d'entre eux, comme trop anciens ou postérieurs à la date de référence, et pour le surplus non pertinents, de sorte que le jugement devra être confirmé en ce qu'il a fixé l'indemnité principale à la somme de 351 052 euros.

Le commissaire du Gouvernement n'a pas déposé de mémoire en cause d'appel. Le juge de l'expropriation, dans la motivation de sa décision, a indiqué que celui-ci avait estimé satisfactoire la proposition de la commune, à savoir 8,90 euros par m² pour les biens situés en zone 1NAE et 12 euros par m² pour ceux situés en zone UE et proposé à la juridiction de la faire sienne.

Il revient à la cour de choisir les éléments de comparaison les plus appropriés et de fixer l'indemnité d'expropriation en tenant compte des caractéristiques et de la situation des parcelles expropriées.

Il importe à cette fin que les informations communiquées par les parties permettent de disposer des actes de vente correspondant aux termes de références cités et de connaître les caractéristiques des biens concernés ainsi que les modalités des transactions.

Les onze éléments cités par l'expert amiable en page 10 de son rapport d'estimation produit par M. [U] (sa pièce 5) ne font pas état des actes de vente correspondants et concernent au surplus des mutations intervenues pour 10 d'entre eux entre 2011 et 2014 de sorte qu'ils présentent un caractère trop ancien (de plus de 5 ans), le 11ème étant en date de 2015 sans autre précision. Enfin, trois termes (concernant les ventes des parcelles cadastrées [Cadastre 20], [Cadastre 6] et [Cadastre 7]) portent sur des terrains à bâtir tout comme celui se rapportant aux parcelles [Cadastre 15],[Cadastre 5] et [Cadastre 8] situées de surcroît sur une autre commune ([Localité 33]), biens non similaires aux parcelles à évaluer.

Dès lors, ces références issues de ce rapport seront écartées.

Sur l'emprise située en zone UE/UC (3060 m² dépendant de la parcelle [Cadastre 2]) :

1° références de M. [U] :

M. [U] insiste plus particulièrement sur les trois termes de référence suivants :

-Vente [P]/[Y] : juillet 2018 : parcelle [Cadastre 18] : 106,25 euros/m² (en face des terrains expropriés, dans la même rue) ;

-Vente Nexity/Damany [I] : août 2018 : parcelle [Cadastre 21] : 139,13 euros/m² ;

-Vente [V]/[W] : février 2013 : parcelle [Cadastre 19] :120 euros/m².

Cependant, il apparaît que la vente [P]/[Y] (parcelle [Cadastre 18]) concerne certes un terrain situé dans la même commune en face de l'emprise à évaluer mais il s'agit d'un terrain à bâtir vendu après délivrance du permis de construire. Ce terme de comparaison ne porte donc pas sur un bien similaire aux parcelles de M. [U] qui n'ont pas été qualifiées de terrain à bâtir de sorte qu'il ne saurait être retenu utilement par la cour.

Il en est de même concernant la parcelle de terrain à bâtir viabilisée (B n°1518) vendue le 29 août 2018 aux consorts [E]-[I] (pièce 24 de la commune), laquelle tient compte au surplus des prestations réalisées par l'aménageur.

Enfin, la vente [V]/[W] (parcelle [Cadastre 19]) date de plus de cinq ans de sorte qu'elle devra être écartée en raison de son caractère trop ancien.

M. [U] communique encore un tableau (sa pièce 35) extrait du site internet de demande de valeur foncière (etalab.gouv) reprenant la vente de la parcelle [Cadastre 18] précitée et énumérant 12 autres termes de référence. Néanmoins, au moins 10 d'entre eux concernent des terrains à bâtir biens non similaires aux parcelles expropriées. La vente intervenue le 21 septembre 2021 portant sur la parcelle [Cadastre 29] est postérieure à la date de référence et ne pourra dès lors être prise en compte. Celle relative à la parcelle [Cadastre 31] en nature de 'sols' ne contient pas suffisamment d'éléments pour une comparaison utile alors qu'il n'est pas contesté qu'il s'agit d'une parcelle à bâtir.

En définitive, les termes de comparaison cités par M. [U] ne pourront être retenus par la cour dans son appréciation.

2° références de la commune :

En cause d'appel, la commune reprend les termes de comparaison retenus par le juge de l'expropriation, à savoir  :

- TC 1 : une vente en date des 20 et 25 mai 2016 portant sur une parcelle de 2975 m² cadastrée [Cadastre 26], située au sein de la ZAC, zone UE secteur E desservie par la [Adresse 35], contigüe à celle de M. [U] ce, moyennant le prix de 35 000 euros soit 11,76 euros/m². Il sera précisé que le notaire instrumentaire a mentionné expressément à l'acte que 'les biens vendus sont libérés à compter de ce jour'(pièce 11 : acte de vente '[M]' p 4) ;

- TC 3 : une vente du 8 août 2017 portant sur plusieurs parcelles dont une majeure partie située en zone UCd, desservie par une voie publique, et vendue s'agissant de cette partie uniquement au prix de 12 euros/m²; l'acte notarié constate que le bail rural verbal est résilié depuis 2012 (pièce 14 : acte de vente p 3).

La commune ajoute les termes de référence produits par le commissaire du Gouvernement retenus par le premier juge, soit :

- TC 6 : une vente du 25 mai 2016 portant sur les parcelles [Cadastre 27] et [Cadastre 13] situées en zone UEe et 1NAE, mitoyenne aux parcelles de M. [U], d'accès direct à la voie publique et libres d'occupation, vendues pour sa partie située en zone UEe à 12 euros par m² ;

- TC 7 : une vente du 17 juin 2016 portant sur la parcelle [Cadastre 25] (La grande Croix) d'une superficie de 4530 m² située en zone UEe, d'accès direct à la voie publique, vendue libre d'occupation au prix de 40 770 euros, soit 9 euros/m² .

Ces éléments révèlent que ces parcelles sont similaires aux biens à évaluer en ce qu'elles bénéficient d'une même situation privilégiée, sur un zonage identique ou équivalent, comportent un accès direct à la voie publique, et sont libres d'occupation.

Enfin, aucun texte ne prévoit que les ventes conclues avec le concessionnaire-aménageur portant sur des parcelles situées dans le périmètre de la zone à aménager auraient une valeur juridique différente de celles dites 'librement consenties' et devraient être écartées pour ne pas refléter le marché libre. Au contraire, l'article L. 322-8 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique prévoit expressément que le juge 'tient compte' des accords intervenus entre l'expropriant et les divers titulaires de droits à l'intérieur du périmètre des opérations faisant l'objet d'une déclaration d'utilité publique.' Ces accords amiables sont ainsi considérés comme pertinents dans l'esprit du législateur de sorte que, de la même manière, les ventes intervenues avec l'aménageur précitées présentent un intérêt dans le cas d'espèce et ne sauraient être écartées de ce seul fait.

Au surplus, M. [U] ne rapporte pas la preuve que les termes de référence versés adversairement ne refléteraient pas les valeurs du marché libre.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, le jugement sera confirmé en ce qu'il a fixé la valeur des parcelles expropriées situées en zone UE à 12 euros/m².

- Sur l'emprise située en zone 1NAE (38 993 m² dépendant des parcelles cadastrées [Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 2] et [Cadastre 3]) :

1° références de M. [U] :

M. [U] évoque une vente de terrains cadastrés [Cadastre 30] à [Cadastre 4] sis sur la commune de [Localité 39], classés en zone NCA en 2006 vendus en 2014 au prix de 50 050 euros pour une surface de 3 899 m², soit 12,83 euros/m² sans desserte en voiries et réseaux.

Au-delà de la qualification de terrains à bâtir de ces parcelles, la cour écartera en tout état de cause ce terme de référence comme trop ancien.

M. [U] se réfère encore à deux délibérations du conseil municipal de la commune en date du 28 avril 2021 :

- l'une approuvant les accords amiables portant traités d'adhésion aux ordonnances d'expropriation, conclus entre la commune et les propriétaires de 13 parcelles expropriées pour mettre fin aux contentieux pendants devant la chambre de la cour d'appel de Rennes, au prix total de 392 322,50 euros -indemnités accessoires comprises- pour une superficie totale de 29 842 m², soit 13,14 euros par m² ;

- l'autre autorisant le maire à procéder à la rétrocession de 15 parcelles (dont les 13 ci-dessus visées) situées dans le périmètre de la ZAC au profit de la société Foncier Conseil moyennant le prix total de 465 615 euros pour une surface totale de 37 652 m², soit 12,36 euros/m². Il ajoute que cette mutation étant intervenue en 2021, la demande de fixation à 15 euros/m² est justifiée.

Il est constant que ces parcelles sont dépourvues de la qualification de terrain à bâtir et sont situées en zone NAE, ainsi que l'admet la commune (p 38 de son dernier mémoire), à l'exception de la parcelle cadastrée [Cadastre 14] retirée par M. [U] comme classée en zone UE de sorte que l'appelant se réfère à un prix moyen de 12,98 euros.

La cour relève à la lecture de l'extrait du registre des délibérations du conseil municipal du 28 avril 2021 que la somme de 465 615 euros visée par M. [U] correspond selon les termes de la délibération au montant des indemnités principales, de remploi et indemnités accessoires, et inclut la parcelle [Cadastre 14] alors que le seul prix correspondant aux indemnités principales d'expropriation s'élève à la somme de 411 925, 15 euros, soit 10,94 euros/m².

La commune relève à juste titre que ces termes sont postérieurs à la date du jugement entrepris de sorte que, de fait, ils doivent être écartés.

Toutefois, il est utile de relever que le même document annoté en rouge par M. [U] révèle que 5 des dites parcelles ([Cadastre 24], B n° 577, B n°944, AB n°468 et AB n°2) avaient fait l'objet précédemment d'une fixation judiciaire à des dates antérieures au jugement critiqué (soit entre 9 décembre 2019 et le 2 mars 2020) pour un montant total de 125 945,25 euros pour une surface totale de 11 929 m², soit 10,56 euros par m², étant encore observé que ces montants incluaient les indemnités accessoires.

2° références de la commune :

En cause d'appel, la commune reprend les termes de référence retenus par le juge de l'expropriation, à savoir  :

- TC 2 : une vente du 10 janvier 2017 portant sur la parcelle cadastrée [Cadastre 28] d'une superficie de 4 404 m² située en zone 1NAE, comportant un accès direct à la voie publique, intervenue au prix de 35 232 euros, soit 8 euros par m², étant précisé que le notaire instrumentaire, après avoir constaté que M. [A] [K] intervenait à l'acte 'pour résilier son bail', a mentionné expressément que 'les biens vendus sont libérés à compter de ce jour'(pièce 12 : acte de vente '[D]' p 4) ;

- TC 3 (déjà citée) : une vente du 8 août 2017 portant sur plusieurs parcelles dont une partie située en zone 1NAE d, desservie par une voie publique et vendue s'agissant de cette partie uniquement au prix de 9,88 euros/m²; pour rappel, l'acte notarié constate que le bail rural verbal est résilié depuis 2012 (pièce 14 : acte de vente p 3).

La commune ajoute les termes de référence produits par le commissaire du Gouvernement retenus par le premier juge, soit :

- TC 4 : une vente du 25 juin 2015 portant sur une parcelle de 8854 m² cadastrée [Cadastre 23] occupée, située en zone 1NA, au sein de la ZAC et desservie par la voie publique, au prix de 79 920 euros, soit 9,03 euros/m² ; après abattement usuellement admis, le juge de l'expropriation a retenu à raison le prix non contesté de 10,60 euros/m² en valeur libre comme terme de référence ;

- TC 5 : une vente du 25 juin 2015 portant sur une parcelle [Cadastre 22] d'une superficie de 6060 m², située en zone 1NAE d'accès direct à la voie publique, libre d'occupation, et vendue au prix de 65 000 euros, soit 10,73 euros/m² .

Ces éléments portent sur des parcelles similaires aux biens à évaluer en ce qu'elles bénéficient d'une même situation privilégiée, d'un zonage identique ou équivalent, comportent un accès direct à la voie publique, et sont libres d'occupation ( à l'exception de la vente du 25 juin 2015 dont le prix en valeur occupée a été corrigé).

M. [U] ne critique pas ces termes de référence précisément, la cour ayant déjà répondu aux moyens précédemment évoqués pour les parcelles situées en zone UE et formulés par l'appelant pour l'ensemble des parcelles à estimer.

Le prix moyen des termes de référence produits par la commune en cause d'appel s'élève à 9,8 euros par m², montant qu'il conviendra de retenir en considération de l'ensemble des éléments

ci-dessus exposés.

En conséquence, après avoir rappelé que la superficie des parcelles relevant respectivement des zones UE et 1NAE n'est pas contestée, et tenant compte de l'abattement de 15% lié à l'occupation des parcelles par un preneur, l'indemnité principale due par la commune de [Localité 40] sera fixée comme suit :

(3060 m² x 12 euros x 0,85) + (38 993 m² x 9,88 euros x 0,85) = 358 675,21 euros.

Le jugement sera infirmé quant au montant fixé à 351 052 euros et la commune sera redevable d'une indemnité principale de 358 675,21 euros.

- Sur l'indemnité de remploi :

L'indemnité de remploi, prévue par l'article R. 322-5 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, sera calculée selon la méthode habituellement retenue en la matière, et concernant des parcelles non cultivées, avec l'application des trois tranches à 20 %, 15 % et 10 % comme suit :

- 20 % de l'indemnité principale comprise entre 0 et 5000 euros, soit 1 000 euros ;

- 15 % de l'indemnité principale comprise entre 5001 euros et 15 000 euros, soit

1 500 euros ;

- 10 % de l'indemnité principale pour le surplus, soit 34 367,52 euros [(358 675,21 euros - 15 000 euros) x 10%]

soit un total de 36 867,52 euros.

La décision de première instance doit donc être également réformée de ce chef.

-Sur les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :

L'article 639 du code de procédure civile dispose que la juridiction de renvoi statue sur la charge de tous les dépens exposés devant les juridictions du fond y compris sur ceux afférents à la décision cassée.

Partie perdante en appel, même partiellement, la commune de [Localité 10] supportera, en complément des dépens de première instance et d'appel et des indemnités au titre de l'article 700 du code de procédure civile déjà mis à sa charge par les dispositions de l'arrêt de la cour d'appel de Rennes en date du 8 février 2023 qui n'ont pas été cassées, les dépens exposés devant la cour de renvoi.

Pour des raisons tirées de l'équité et de la situation respective des parties, la commune devra verser une somme de 2 000 euros au titre des frais non compris dans ces dépens exposés devant la cour de renvoi par M. [U] en application de l'article 700 1° du code de procédure civile, sans pouvoir bénéficier du même texte au titre de ses propres frais.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant dans les limites de la cassation, par arrêt réputé contradictoire, en dernier ressort, par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement rendu le 6 avril 2020 par le juge de l'expropriation du département d'Ille-et-Vilaine sur le montant de l'indemnité principale et de l'indemnité de remploi revenant à M. [T] [U] ;

Statuant à nouveau des seuls chefs infirmés :

Fixe l'indemnité principale d'expropriation due par la commune de [Localité 10] à M. [T] [U] à la somme de 358 675,21 euros ;

Fixe l'indemnité de remploi due par la commune de [Localité 10] à M. [T] [U] à la somme de 36 867,52 euros ;

Y ajoutant,

Condamne la commune de [Localité 10] à payer à M. [T] [U] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 1° du code de procédure civile devant la cour d'appel de renvoi ;

La déboute de sa demande au même titre ;

La condamne aux dépens de l'appel devant la cour de renvoi ;

Rejette toute autre demande des parties.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

M. COLLET G. GUIGUESSON


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : 1ère chambre civile-expro
Numéro d'arrêt : 23/01122
Date de la décision : 26/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-26;23.01122 ?
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