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25/06/2024 | FRANCE | N°21/01798

France | France, Cour d'appel de Caen, 1ère chambre civile, 25 juin 2024, 21/01798


AFFAIRE : N° RG 21/01798 - N° Portalis DBVC-V-B7F-GY23

 



ARRÊT N°









ORIGINE : DÉCISION du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CHERBOURG EN COTENTIN du 13 Octobre 2020 RG n° 17/00240







COUR D'APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 25 JUIN 2024





APPELANTS :



Monsieur [R] [A]

né le 15 Février 1944 à [Localité 11]

[Adresse 1]

[Localité 11]





Madame [E] [I] épouse [A]

née le 11 Ja

nvier 1944 à [Localité 11]

[Adresse 1]

[Localité 11]





Monsieur [W] [A]

né le 01 Février 1975 à L'HAY LES ROSES (94)

[Adresse 8]

[Localité 9]



représentés et assistés de Me Olivier FERRETTI, substitué par Me H...

AFFAIRE : N° RG 21/01798 - N° Portalis DBVC-V-B7F-GY23

 

ARRÊT N°

ORIGINE : DÉCISION du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CHERBOURG EN COTENTIN du 13 Octobre 2020 RG n° 17/00240

COUR D'APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 25 JUIN 2024

APPELANTS :

Monsieur [R] [A]

né le 15 Février 1944 à [Localité 11]

[Adresse 1]

[Localité 11]

Madame [E] [I] épouse [A]

née le 11 Janvier 1944 à [Localité 11]

[Adresse 1]

[Localité 11]

Monsieur [W] [A]

né le 01 Février 1975 à L'HAY LES ROSES (94)

[Adresse 8]

[Localité 9]

représentés et assistés de Me Olivier FERRETTI, substitué par Me HUREL avocats au barreau de CAEN

INTIMÉS :

Monsieur [L] [K]

né le 05 Janvier 1962 à [Localité 13]

[Adresse 10]

[Localité 11]

Madame [P] [H] épouse [K]

née le 12 Février 1967 à GUERNESEY

[Adresse 10]

[Localité 11]

représentés et assistés de Me Françoise TREHEL-LEJUEZ, avocat au barreau de CHERBOURG

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. GUIGUESSON, Président de chambre,

Mme VELMANS, Conseillère,

Mme DELAUBIER, Conseillère,

DÉBATS : A l'audience publique du 02 avril 2024

GREFFIER : Mme COLLET

ARRÊT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile le 25 Juin 2024 par prorogation du délibéré initialement fixé au 11 juin 2024 et signé par M. GUIGUESSON, président, et Mme COLLET, greffier

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [R] [A] et son épouse Mme [E] [I] ont acquis un ensemble immobilier composé d'une part, d'une maison d'habitation située au n°14 [Adresse 1]' sur la commune de [Localité 13] (cadastrée AK [Cadastre 2] et [Cadastre 3]) et d'autre part, d'un bâtiment en pierre situé au n°8 (cadastré AK [Cadastre 4] et [Cadastre 5]) contigu à la propriété de M. [L] [K] et de son épouse Mme [P] [H] située au n°4 (cadastrée AK [Cadastre 6] et [Cadastre 7]).

M. et Mme [A] ont entrepris des travaux de rénovation du bâtiment situé au n°8.

Le 15 juin 2007, M. et Mme [K] ont déposé une déclaration préalable de travaux exemptés de permis de construire en vue de l'édification d'un appentis venant aux droits du bâtiment appartenant à M. et Mme [A] situé au n°8, déclaration renouvelée le 16 août 2010. Le 26 octobre 2010, le maire de [Localité 13] leur a délivré un certificat de non-opposition.

Se plaignant du non-respect des règles d'urbanisme, de l'occultation de l'ouverture située sur leur bâtiment et d'infiltrations, M. et Mme [A] ont fait diligenter par l'intermédiaire de leur assureur une expertise amiable réalisée par le cabinet Sdexpertises qui a rendu son rapport le 23 octobre 2010.

Parallèlement, l'assureur de M. et Mme [K] a mandaté le cabinet Cunningham & Lindsey qui a établi un rapport à la suite d'une réunion d'expertise ayant en lieu le 8 octobre 2010.

Par ordonnance du 7 février 2012, le juge des référés du tribunal de grande instance de Cherbourg, saisi par M. et Mme [A], a ordonné la suspension des travaux entrepris par M. et Mme [K] en raison d'un trouble manifestement illicite, décision confirmée par arrêt de la présente cour du 12 novembre 2013.

Le cabinet Sdexpertises, de nouveau mandaté par l'assureur de M. et Mme [A], a rendu un rapport le 14 juin 2012 au sujet des infiltrations d'eau qui seraient en provenance du bâtiment de M. et Mme [K].

Par acte authentique du 16 juillet 2012, M. et Mme [A] ont régularisé une donation-partage de la nue-propriété de l'immeuble situé [Adresse 12] au profit de M. [W] [A].

Par ordonnance du 19 octobre 2012, le juge des référés du tribunal de grande instance de Cherbourg, saisi par M. et Mme [A], a ordonné une expertise judiciaire et a désigné à cette fin M. [G] dont la mission a été limitée au problème d'humidité.

L'expert a déposé son rapport daté du 24 juin 2013.

Par actes du 6 avril 2017, M. et Mme [A] ont fait assigner M. et Mme [K] devant le tribunal de grande instance de Cherbourg-en-Cotentin.

M. [W] [A] est intervenu volontairement à l'instance.

Par jugement du 13 octobre 2020 auquel il est renvoyé pour un exposé complet des prétentions en première instance, le tribunal judiciaire de Coutances a :

- reçu l'intervention volontaire de M. [W] [A] ;

- déclaré recevables les demandes formées par M. [W] [A], M. [R] [A] et Mme [E] [I] épouse [A] ;

- condamné M. et Mme [K] :

*à arracher toute plantation située à moins de 0,5 mètre du pignon des bâtiments des consorts [A] (situé au [Adresse 12]' sur la commune de [Localité 13], cadastré AK [Cadastre 4] et [Cadastre 5]), notamment le lierre grimpant sur ce mur ;

*à arracher les arbres et arbustes situés à moins de deux mètres de ce pignon ou à les élaguer afin que leur hauteur ne dépasse pas deux mètres, conformément aux prescriptions de l'article 671 du code civil ;

*à procéder à la coupe des branches des arbres qui avancent sur la propriété des consorts [A] (située au [Adresse 12]' sur la commune de [Localité 13] cadastré AK [Cadastre 4] et [Cadastre 5]) ;

dans le délai de trois mois à compter de la signification de la décision ;

- dit que faute pour M. et Mme [K] de procéder à ces travaux ou à l'un d'eux, ils seront redevables, passés le délai de trois mois imparti, d'une astreinte dont le montant sera provisoirement fixé jusqu'au 30 juin 2021 à 50 euros par jour de retard ;

- s'est réservé la possibilité de liquider l'astreinte ;

- condamné M. et Mme [K] à rembourser à M. [R] [A], Mme [E] [I] épouse [A] le coût du procès-verbal de constat d'huissier du 8 novembre 2018 (315,69 euros);

- débouté M. [W] [A], M. [R] [A] et Mme [E] [I] épouse [A] du surplus de leurs demandes ;

- dit qu'il sera fait masse des dépens, incluant le coût de l'expertise judiciaire, et qu'ils seront partagés par moitié entre M. [W] [A], M. [R] [A] et Mme [E] [I] épouse [A] et d'autre part M. et Mme [K] ;

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Par déclaration du 18 juin 2021, M. [R] [A], Mme [E] [I] épouse [A], et M. [W] [A] ont formé appel de ce jugement.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 28 février 2024, M. [R] [A], Mme [E] [I] épouse [A] et M. [W] [A] (ci-après les consorts [A]) demandent à la cour, au visa des articles 1240, 671, 672, 673 et 675 du code civil, de :

- infirmer le jugement en ce qu'il :

*les a déboutés de leur demandes tendant à :

¿ dire et juger que l'immeuble appartenant à M. et Mme [K] est grevée d'une servitude de vue au profit de celui propriété de M. [W] [A] ;

¿ en conséquence, ordonner à M. et Mme [K] sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la signification du jugement à intervenir :

' à la destruction de la construction entreprise sur leur propriété le long de la façade du bâtiment appartenant à M. [W] [A] ;

' déclarer M. et Mme [K] entièrement responsables du préjudice subi par eux en raison des infiltrations affectant le bâtiment leur appartenant ;

' ordonner à M. et Mme [K] et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de procéder à l'enlèvement de la construction édifiée le long de la façade du bâtiment propriété de M. [W] [A] ainsi que du remblai de terre mis en place le long de cette même façade;

' ordonner sous les mêmes conditions à M. et Mme [K] de mettre en oeuvre un système de recueillement de leurs eaux pluviales de nature à mettre fin à leur déversement, cause des infiltrations au pied de la façade de l'immeuble propriété de M. [W] [A] ;

' condamner M. et Mme [K] à leur payer :

o le coût du constat d'huissier dressé le 27 juin 2011 à hauteur de 252,20 euros ;

o la somme de 10 000 euros au titre du préjudice de jouissance ;

o la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles ;

*dit qu'il est fait masse des dépens partagés par moitié ;

*dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

*dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

Statuant à nouveau,

Sur la demande de démolition de la construction des époux [K] et d'enlèvement de la terre mise en place contre le pignon :

Vu les dispositions des articles 675 et suivants du code civil,

- juger que l'immeuble appartenant à M. et Mme [K] est grevé d'une servitude de vue au profit de celui propriété de M. [W] [A] ;

Subsidiairement, vu l'article 1240 du code civil,

- dire que la construction litigieuse est constitutive d'un trouble anormal de voisinage, en ce qu'elle occulte un jour de souffrance pré-existant et en ce que l'amas de terre contre le pignon sans protection est dommageable ;

En tout état de cause,

- dire que la construction n'est pas conforme à l'autorisation d'urbanisme, qu'elle est préjudiciable, et à l'origine d'infiltrations ;

En conséquence,

- condamner M. et Mme [K], sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt, à faire procéder à la destruction, à l'enlèvement de la construction entreprise sur leur propriété le long de la façade du bâtiment appartenant à M. [W] [A], et à extraire le remblai de terre mis en place contre le pignon de la maison de M. [A] ;

Vu les dispositions de l'article 1242 du code civil,

- déclarer M. et Mme [K] entièrement responsables du préjudice subi par M. et Mme [A] à raison des infiltrations affectant le bâtiment appartenant à M. [W] [A] ;

En conséquence,

- condamner M. et Mme [K], et ce sous astreinte de 100 euros par jour passé le délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt, à procéder à l'enlèvement, la démolition et la dépose de la construction édifiée le long de la façade du bâtiment propriété de M. [W] [A], ainsi que du remblais de terre mis en place le long de cette même façade ;

Sur la demande relative au dispositif de recueil des eaux pluviales,

- ordonner encore sous les mêmes conditions d'astreinte à M. et Mme [K] de mettre en 'uvre un système de recueillement de leurs eaux pluviales de nature à mettre fin à leur déversement, cause des infiltrations, en pied de la façade de l'immeuble propriété de M. [W] [A] ;

Sur les autres demandes,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. et Mme [K] :

*à arracher toute plantation située à moins de 0,5 mètres du pignon du bâtiment des consorts [A] et notamment le lierre grimpant sur ce mur ;

*à arracher les arbres et arbustes situés à moins de 2 m de ce pignon ou à les élaguer afin que leur hauteur ne dépasse pas 2 m conformément aux prescriptions de l'article 671 du code civil ;

*à procéder à la coupe des branches des arbres qui avancent sur la propriété des consorts [A] ;

dans le délai de 3 mois à compter de la signification de la décision et passé ce délai sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

Réformant en revanche le jugement,

- condamner M. et Mme [K] à leur payer :

* le coût du constat dressé le 27 juillet 2011 à hauteur de la somme de 252,20 euros ;

* le coût du procès-verbal de constat du 8 novembre 2018 à hauteur de la somme de 315,69 euros ;

* la somme de 20 000 euros au titre du préjudice de jouissance ;

* la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles pour la procédure de première instance et le suivi des opérations d'expertise ;

- débouter M. et Mme [K] de leurs demandes reconventionnelles et de leur appel incident ;

- condamner en outre M. et Mme [K] à payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour leurs frais irrépétibles exposés en appel ainsi qu'aux entiers dépens de la procédure (référé, première instance et appel) en ce compris les frais d'expertise judiciaire.

Aux termes de leurs dernières écritures notifiées le 8 mars 2024, M. et Mme [K] demandent à la cour de :

- confirmer purement et simplement le jugement du 13 octobre 2020 en ce qu'il a rejeté intégralement les demandes des consorts [A] ;

- dire que leur condamnation à arracher les plantations, les arbres et à procéder à la coupe des branches est devenue sans objet compte tenu de la mise en conformité des dites plantations à la suite du jugement rendu ;

- condamner les consorts [A] à leur verser la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture de l'instruction a été prononcée le 13 mars 2024.

Pour l'exposé complet des prétentions et de l'argumentaire des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

- Sur la demande de démolition de la construction des époux [K] et la demande de dommages et intérêts formées par les consorts [A] :

Les consorts [A] critiquent le jugement en ce que le tribunal a conclu à l'absence de toute atteinte à une servitude de vue du fait de l'édification de la construction des époux [K], au défaut de justification de non-conformités aux règles d'urbanisme et à une origine conjointe des infiltrations impliquant les deux parties sans que l'expert n'ait préconisé de travaux tendant à la démolition de l'ouvrage litigieux.

- Sur l'atteinte portée à une servitude de vue :

Les consorts [A] font valoir que le mur de parpaings construit par leurs voisins à moins de 20 cm de leur propriété, en ce qu'il a pour effet d'occulter une ouverture préexistante, nuit à l'exercice d'une servitude de vue emportant l'obligation pour les époux [K] de procéder à la démolition de leur ouvrage. Subsidiairement, si la cour qualifiait cette ouverture de jour de souffrance, ils soutiennent que son occultation les privant de clarté et de lumière à l'intérieur de leur habitation caractérise un trouble anormal de voisinage nécessitant de la même manière la démolition de la construction litigieuse.

Les époux [K] répliquent que les consorts [A] ne rapportent pas la preuve d'une servitude de vue acquise au profit de leur fonds, alors que le vieux mur situé au fond d'un garage n'a jamais présenté l'ouverture alléguée avant qu'ils ne débutent leurs travaux, et que celle-ci résulte uniquement de l'enlèvement d'une pierre par leurs voisins. Ils soutiennent que les appelants ne sont pas fondés à se prévaloir d'une servitude de vue acquise par prescription trentenaire et s'en rapportent à la motivation développée sur ce point par le tribunal.

Ils affirment que la demande de démolition formée subsidiairement au titre du trouble anormal de voisinage constitue une demande nouvelle en cause d'appel qui ne saurait 'être admise'. En tout état de cause, ils relèvent que les consorts [A] ne justifient pas davantage de l'existence d'un jour de souffrance donnant de la clarté dans le fond de leur garage ni celle d'un quelconque préjudice au titre d'un trouble anormal de voisinage.

Sur ce,

Il résulte des articles 678 et 680 du code civil, que l'on ne peut avoir des vues droites ou fenêtres d'aspect, ni balcons ou autres semblables saillies sur l'héritage clos ou non clos de son voisin, s'il n'y a dix-neuf décimètres de distance entre le mur où on les pratique et ledit héritage. La distance se compte depuis le parement extérieur du mur où l'ouverture se fait, et, s'il y a balcons ou autres semblables saillies, depuis leur ligne extérieure jusqu'à la ligne de séparation des deux propriétés.

En application de l'article 690 du code civil, les servitudes continues et apparentes s'acquièrent par titre ou par la possession de trente ans.

Une servitude de vue constitue une servitude continue et apparente qui existe du fait même de la présence de l'ouverture donnant sur l'héritage d'autrui et dont la possession subsiste tant qu'elle n'est pas matériellement contredite. La prescription acquisitive s'applique donc à une servitude de vue.

Il est jugé sur le fondement de ces dispositions que le propriétaire d'un fonds grevé d'une servitude de vue droite est tenu de ne pas édifier de construction qui, en un endroit, se trouverait à moins de dix-neuf décimètres d'un point quelconque du parement extérieur du mur où l'ouverture est faite.

Contrairement aux vues, les jours de souffrance créés dans la façade d'un immeuble, en limite de propriété avec le fonds voisin, ne peuvent pas faire naître de servitude à la charge de celui-ci.

Il en résulte que l'ouverture pratiquée dans un mur est susceptible d'être acquise par prescription lorsqu'elle ne constitue pas un simple jour mais une servitude de vue donnant sur le fonds voisin.

Il est nécessaire au préalable de rechercher, ainsi que le tribunal y a procédé, si l'ouverture litigieuse préexistait à la date de début des travaux entrepris par les époux [K] et, dans l'affirmative, si celle-ci est constitutive d'une vue ou d'un jour.

En l'espèce, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte, justement déduits des faits de la cause et des pièces produites et exactement analysés, que les premiers juges ont retenu :

- que pour être qualifiée de vue, une ouverture doit être non fermée ou être pourvue de fenêtres pouvant s'ouvrir, laisser passer l'air et la lumière, et permettre d'apercevoir le fonds voisin ;

- qu'à l'inverse, les jours sont des ouvertures laissant uniquement passer la lumière sans permettre ni le regard sur le fonds voisin, ni l'aération du fonds bénéficiaire ;

- qu'au regard des photographies produites, du procès-verbal de constat du 27 juillet 2011et des deux rapports d'expertise extra-judiciaires communiqués, le mur du bâtiment [A] contigu à la propriété [K] comporte en sus d'une fenêtre ouvrante de taille habituelle (38cm sur 107 cm) munie d'un châssis fixe et d'un verre transparent, une petite ouverture mesurant 28 cm sur 33 cm avec un pourtour en pierre ou ciment ; que cette dernière ouverture, non pourvue d'un châssis fixe en bois ou PVC ni d'un verre transparent, était obstruée au 27 juillet 2011 par une planche en bois bleue et occultée par le mur en parpaings édifié par les époux [K] ;

- que cependant, aucune pièce communiquée par les consorts [A] ne permettait de connaître l'état de l'ouverture avant la réalisation des travaux commandés par les époux [K] et de déterminer si celle-ci était dotée d'une fenêtre ouvrante ou d'un verre dormant ;

- que les photographies annexées au dossier de permis de construire déposé par M. [W] [A] le 29 janvier 2007 révélaient le comblement en pierre ou en maçonnerie de l'ouverture dans l'épaisseur du mur alors que le cabinet Cunningham & Lindsey, mandaté par l'assureur des époux [K], avait relevé dans son rapport que cette petite ouverture 'semble avoir été crée récemment' avec 'une intervention récente' au niveau du jambage côté gauche concluant à 'une ouverture récente malgré les stigmates d'une ouverture ancienne' et aucun élément ne permettait d'établir à quelle date ce comblement avait été supprimé ;

- que si l'existence de cette ouverture ancienne perçant la façade du bâtiment est établie, les époux [A] ne rapportent pas la preuve de l'acquisition d'une servitude de vue par prescription alors qu'eu égard à sa taille, sa disposition et son système de fermeture, celle-ci devait être qualifiée de jour de souffrance et non de vue.

En cause d'appel, les appelants ne produisent pas de nouveaux éléments de nature à établir que l'ouverture était pourvue d'une fenêtre avec un verre transparent permettant une vue sur le fonds voisin, ce qui ne se déduit aucunement des photographies (pièces 28 et 31) auxquelles ils se réfèrent et, en tout état de cause, échouent à rapporter la preuve de l'acquisition d'une servitude de vue par prescription trentenaire, non contredite par les éléments matériels ci-dessus rappelés, alors qu'aucune pièce ne permet de retenir un autre qualification que celle décidée par le tribunal.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce que les consorts [A] ont été déboutés de leur demande de démolition fondée sur la violation d'une servitude de vue.

- Sur le trouble anormal de voisinage :

Subsidiairement, les consorts [A] invoquent le trouble anormal de voisinage constitué par l'obstruction de l'ouverture litigieuse en ce qu'elle a pour effet une privation de lumière dans leur maison d'habitation.

Il résulte des articles 564, 565 et 566 du code de procédure civile que sont irrecevables les nouvelles prétentions soumises à la cour sauf, notamment, lorsqu'elles sont nées de la révélation d'un fait, tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge ou sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire des demandes initiales.

En l'espèce, la demande formée par les consorts [A] fondée sur le trouble anormal du voisinage tend aux mêmes fins que celle présentée en première instance au titre de la violation d'une servitude de vue en ce qu'elle vise à obtenir la destruction de l'ouvrage entrepris par les époux [K] à 20cm de leur propriété de sorte qu'elle est recevable.

Au fond, il sera rappelé que nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage.

Le seul fait d'obstruer un jour ne constitue pas un trouble anormal de voisinage.

En l'espèce, il est certes incontestable que l'ouverture litigieuse a été occultée par le mur en parpaings édifié par les époux [K].

Pour autant, il revient aux consorts [A] d'établir qu'avant la réalisation de cette construction, l'ouverture apportait de la lumière naturelle à l'intérieur de leur habitation.

Or, il a été retenu que cette ouverture avait été comblée antérieurement au début des travaux entrepris par les époux [K].

L'acte notarié des 12 et 15 juillet 1996 relatif à leur acquisition de ce bâtiment désigne celui-ci comme 'un bâtiment à usage de remise' et les époux [K] ne sont pas réellement critiqués quand ils affirment que 'le cellier rénové par les consorts [A]' était en réalité un garage.

Si le même acte fait état d'une réserve du droit d'usage et d'habitation consenti aux termes d'un acte authentique reçu le 3 avril 1968 au profit de M. [X] [B] sa vie durant, il indique aussi que ce droit d'usage et d'habitation s'est trouvé éteint par suite du décès de ce dernier le 17 août 1973.

Les consorts [A] ne donnent en réalité aucune indication sur l'usage de cette partie de leur bâtiment acquis en 1996 antérieurement à leur projet de rénovation ni sur les pièces envisagées à cet endroit, les plans du dossier de permis de construire faisant état d'un escalier et d'une salle à manger.

Il reste que le bâtiment comporte plusieurs autres ouvertures et que le mur litigieux est percé comme déjà mentionné par une autre fenêtre. Le procès-verbal de constat du 12 juillet 2021 confirme que cette dernière 'n'est pas obstruée par le mur en agglomérés ciment de la construction de l'appentis en cours et laisse par conséquent passer la lumière naturelle'.

La seule photographie prise de l'extérieur avec la lumière du soleil sur le mur en parpaings occultant ne saurait suffire à caractériser le trouble anormal de voisinage qui résulterait de la privation de lumière alléguée alors qu'il doit être rappelé que le jour occulté mesure 28 cm sur 33 cm.

En conséquence, il n'est pas établi que la privation de lumière naturelle du fait de l'obturation de l'ouverture litigieuse constitue, dans ces conditions, un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage.

Les consorts [A] seront par conséquent déboutés de leur demande de démolition sur le fondement du trouble anormal de voisinage.

- Sur les infiltrations :

Les consorts [A] font valoir que la construction des époux [K], en ce qu'elle est à l'origine de désordres survenus dans leur bâtiment, engage la responsabilité des intimés sur le fondement de l'article 1240 du code civil, des troubles anormaux de voisinage ou à défaut1242 du même code, de sorte que sa démolition, seule solution nécessaire pour remédier aux infiltrations, devra être ordonnée. Ils affirment que la survenance d'infiltrations a pour origine d'une part, le ruissellement des eaux pluviales en provenance de la propriété [K] et d'autre part, le comblement partiel en pied de mur de l'espace existant entre les constructions litigieuses et leur mur ancien préexistant, lequel, en favorisant une rétention d'humidité constitue le facteur déterminant des infiltrations qu'ils subissent.

Les époux [K] répliquent que l'expert n'a nullement préconisé la démolition de leur construction alors que celui-ci avait mis en évidence plusieurs causes à l'origine des infiltrations. Ils relèvent que les consorts [A] n'ont pas pris les dispositions nécessaires permettant de prendre en compte l'état naturel des lieux pour éviter les migrations d'humidité alors que pour leur part, ils ont réalisé les travaux utiles au recueillement de leurs eaux pluviales tel que préconisé par M. [T] ainsi qu'ils le démontrent.

Sur ce,

Vu les articles 1382 ancien devenu 1240 du code civil, 1384 ancien devenu 1242 du même code, et le principe suivant lequel nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage,

Dans son rapport du 24 juin 2013, l'expert judiciaire a constaté 'des infiltrations d'humidité à l'intérieur du bâtiment [A], là où de l'autre côté du mur les époux [K] ont édifié des murs en parpaings'. Il a ainsi conclu concernant la provenance des désordres et les responsabilités :

- du côté [A] : 'le local lieu des infiltrations était initialement un garage au sol en terre battue ; un dallage mince a été apporté' ; 'le mur arrière du bâtiment '[A]' est partiellement enterré et il n'a pas été pris de disposition afin de créer une barrière étanche afin d'éviter la migration de l'humidité (contenue naturellement dans tous les sols naturels) au travers du mur ; soit en réalisant un enduit extérieur (accessible côté '[K]') en pied de mur jusqu'à la fondation, soit en réalisant un enduit de cuvelage intérieur, il y a là un défaut vis à vis des règles d'exécution' ;

- du côté [K] : 'on constate un sol extérieur particulièrement gorgé d'humidité du fait de l'écoulement d'eaux pluviales en provenance des toitures des bâtiments édifiés sur leur fonds (une descente aboutit dans la courette et sur une autre descente proche un coude est manquant répandant au sol l'eau issue des toitures' (...) ; 'il n'est pas pris des dispositions fiables et pérennes afin d'éviter que l'eau des toitures des bâtiments ne se déversent dans la courette pour abonder de façon anormale l'eau contenue ordinairement dans les sols naturels (dévoiement de gouttière, coude de descente manquant...). La construction de l'annexe étant prochainement achevée, elle sera pourvue d'une toiture, d'une gouttière avec une descente devant éloigner des bâtiments les eaux recueillies asséchant ainsi le sol naturel.'

Le tribunal a exactement déduit de ces conclusions expertales que les deux parties étaient à l'origine des infiltrations constatées.

Par ailleurs, M. [G] n'a pas retenu que le comblement de granit concassé de l'espace existant entre le bâtiment [A] et le mur de parpaings édifié par les époux [K] pouvait avoir une éventuelle incidence sur le dommage constaté alors que la présence de l'espace de 20 cm entre les deux bâtiments en cause et son comblement ont bien été évoqués avec l'expert lors de la réunion du 17 janvier 2013 (cf p 2 et 3 de la note aux parties n°2).

Après analyse des éléments soumis à leur examen, les premiers juges ont considéré à raison qu'aucun avis technique ne venait démontrer que ce comblement avait eu pour effet de provoquer ou d'aggraver les infiltrations en relevant que :

- si le cabinet Sdexpertises, dans son rapport du 27 juin 2012, évoquait la nécessité de procéder à la démolition de la maçonnerie en cours de réalisation chez M. et Mme [K] pour éviter le remblai de terre qui vient contre la maison appartenant à M. et Mme [A], le rapport ne contenait aucun élément faisant du remblai la cause de survenance ou d'aggravation des infiltrations, seul le réseau des eaux pluviales étant incriminé (p 8 du rapport) ;

- les époux [K] justifiaient pour leur part avoir réalisé les travaux préconisés par l'expert après dépôt du rapport en installant un coude de raccordement des tuyaux d'évacuation ainsi qu'une gouttière afin d'éviter que l'eau des toitures des bâtiments ne se déverse dans la courette, étant rappelé que, selon l'expert, la construction future de la toiture de l'appentis devait permettre de limiter le ruissellement, la seule suspension des travaux empêchant la résolution pérenne des travaux ;

- les consorts [A] ne rapportaient pas suffisamment la preuve de l'origine de 'débranchements' intermittents des tuyaux de raccordement tels qu'allégués et ne justifiaient pas de la réalisation des travaux préconisés par l'expert les concernant, à savoir la mise en place d'un enduit assurant l'étanchéité du mur de leur bâtiment.

La cour ajoute qu'en cause d'appel :

- les époux [K] communiquent un nouveau constat dressé par Me [M] [C] le 3 décembre 2021confirmant 'la présence d'une gouttière sur la face nord de [leur] habitation' ainsi que 'la descente des eaux pluviales à l'extrémité est du mur de façade. La descente se poursuit en pied d'immeuble pour déboucher sur une gouttière en zinc côté ouest, qui oriente l'eau vers la cour nord de [leur] propriété'. L'huissier constate 'qu'aucune eau pluviale provenant de la gouttière ne se déverse sur la propriété [A]' et que 'la gouttière ainsi que la descente d'évacuation des eaux pluviales ne présentent aucune fuite.'

- le dernier procès-verbal de constat produit par les consorts [A] faisant état du déboîtement de la gouttière au niveau du coude cintré et, à l'autre extrémité, de l'écoulement direct de la descente en zinc sur le sol de l'édification en cours propriété [K] a été réalisé par Me G. [Z] le 12 juillet 2021, soit antérieurement à celui versé en dernier lieu par les époux [K], dont les constatations et photos prises à l'appui ne confirment nullement la persistance de ces éléments dont le tribunal notait ignorer l'origine ;

- les consorts [A] ne justifient ni n'allèguent au demeurant avoir procédé à la réalisation des travaux indiqués par M. [G] de nature à assurer l'étanchéité de leur bâtiment ;

- aucun nouvel avis technique n'est communiqué par les consorts [A] à l'appui de leurs dires remettant en cause le rapport d'expertise judiciaire ; les seules attestations (leurs pièces n° 36 à 39) identiques à celles versées en première instance (leurs pièces n°18 à 21) pour établir l'absence d'humidité dans ce bâtiment avant le début des travaux entrepris par les époux [K] sont insuffisamment précises, et surtout non probantes en ce qu'elles ne permettent pas de caractériser le lien de causalité entre la construction débutée par les époux [K] et plus particulièrement le comblement litigieux et la survenance ou l'aggravation des infiltrations, alors que :

*le bâtiment '[A]'dont le sol était initialement en terre battue a lui-même été recouvert d'un dallage mince dans le cadre de leurs travaux de rénovation engagés juste avant ceux des époux [K] et l'expert a relevé un défaut d'exécution sur ce point ;

* le mur arrière de ce bâtiment demeure ainsi partiellement enterré sans que son propriétaire n'ait encore pris de dispositions afin de créer une barrière étanche pour 'éviter la migration de l'humidité naturellement contenue dans tous les sols naturels', telles que préconisées par l'expert judiciaire.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les consorts [A] ne démontrent pas que les travaux entrepris par les époux [K] constituent un fait fautif en lien avec les dommages subis par les appelants justifiant sa démolition alors qu'au jour où la cour statue les intimés établissent avoir fait procéder à la part des travaux leur incombant de nature à faire disparaître la cause des infiltrations qui leur était imputable. De la même manière, la démolition ne se justifie pas sur le fondement du principe des troubles anormaux de voisinage alors que les époux [K] ont remédié aux insuffisances de leur système d'évacuation des eaux pluviales de nature à faire disparaître le trouble partiellement causé de leur fait.

Enfin, le tribunal a parfaitement rappelé que la responsabilité du fait des choses, fondement juridique invoqué par les consorts [A] à titre subsidiaire devant la cour, ne pouvait être appliquée ni a fortiori retenue en l'espèce alors qu'une chose inerte ne peut être l'instrument du dommage que si son état, sa position ou son comportement présente un caractère anormal et qu'en l'occurrence l'appentis ne pouvait être considéré comme l'instrument d'un quelconque dommage. Le caractère anormal de l'état ou de la position de la construction ou du comblement, tout comme le lien de causalité avec les infiltrations, ne sont pas caractérisés.

Pour ces motifs, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de démolition présentée par les consorts [A].

Par ailleurs, les époux [K] ont justifié de la réalisation des travaux préconisés par l'expert judiciaire permettant d'éviter que l'eau des toitures des bâtiments ne se déverse dans la courette pour abonder de façon anormale l'eau contenue ordinairement dans les sols quand les consorts [A] ne démontrent aucunement pour leur part l'insuffisance ou les défaillances du système tel que mis en place et relevé à l'examen du constat d'huissier dressé le 3 décembre 2021. En outre, il sera rappelé que le futur achèvement de la construction de l'appentis qui sera pourvu d'une toiture et d'une gouttière avec une descente devant éloigner des bâtiments les eaux recueillies asséchant ainsi le sol naturel contribuera à résoudre de manière pérenne les désordres constatés sous réserve des solutions à apporter par les consorts [A] de leur côté.

En conséquence, le jugement sera également confirmé en ce que les appelants ont été déboutés de leur demande de condamnation des époux [K] à réaliser un système de recueillement de leurs eaux pluviales.

Enfin, pour les mêmes motifs, le jugement sera également confirmé en ce que le tribunal a rejeté la demande de dommages et intérêts présentée par les consorts [A] à l'encontre des époux [K] au titre du préjudice de jouissance subi en raison d'une part de l'occultation de l'ouverture du jour et d'autre part des infiltrations litigieuses, outre leur demande de remboursement du coût du procès-verbal de constat du 27 juillet 2011.

- Sur la non-conformité de la construction [K] aux règles d'urbanisme:

Après avoir rappelé les textes du code de l'urbanisme applicables en matière de distances de construction au regard des limites parcellaires, et constaté que l'appentis des époux [K] était implanté à 20 cm de la limite de propriété, le tribunal a rappelé que l'obtention d'une autorisation de construire (non-opposition à la déclaration préalable) faisait présumer une conformité aux règles de l'urbanisme, et qu'au demeurant, les époux [A] ne donnaient aucune information quant aux suite données au recours gracieux qu'ils avaient formé par courrier du 20 octobre 2010 auprès de la commune de Fermanville à l'encontre de la décision de non-opposition à la déclaration de travaux en date du 16 août 2010. Les premiers juges ont en outre estimé que l'existence d'un préjudice en lien avec une prétendue violation de la règle d'urbanisme n'était pas démontrée et qu'il n'était pas prouvé que cet espace insuffisant entre les deux bâtiments était à l'origine des infiltrations de sorte que les consorts [A] ont été déboutés de leur demande de démolition sur ce fondement.

En cause d'appel, les consorts [A] invoquent exclusivement la non-conformité de la construction à l'autorisation de construire accordée aux époux [K], soutenant que la hauteur du mur non conforme obstruait leur ouverture et assombrissait l'intérieur de la maison. Ils font ainsi valoir que le mur attenant à leur maison atteint une hauteur comprise entre 1,52m et 1,90 m alors que les travaux ont été autorisés pour un mur d'une hauteur maximale d'1,50m.

Les époux [K] affirment avoir obtenu les autorisations administratives nécessaires pour la réalisation des travaux, qu'en tout état de cause, les deux autorisations ne sont plus valables compte tenu du présent litige, et qu'enfin, les constatations d'huissier concernant les hauteurs des murs ne sauraient caractériser un quelconque non- respect des autorisations données alors que les travaux ne sont nullement achevés. Pour le surplus, ils se réfèrent à la motivation des premiers juges.

Sur ce,

Les consorts [A] sollicitent la démolition de l'appentis en cours d'édification en raison du non-respect de l'autorisation de construire (non-opposition à la déclaration préalable) accordée aux époux [K], demande formulée dans le dispositif de leurs conclusions au visa de l'article 1240 du code civil.

En application de l'article 1382, devenu 1240, du code civil et du principe de la réparation intégrale, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, de sorte que la victime doit être indemnisée sans perte ni profit.

La demande de démolition ne peut prospérer qu'à condition d'établir que la construction a été édifiée en violation de l'autorisation de construire et que celle-ci a causé un préjudice direct à ses voisins.

Il revient en conséquence aux appelants d'établir la preuve d'une faute et d'un préjudice certain en résultant.

Le constat d'huissier en date du 12 juillet 2021 communiqué par les appelants fait état de la présence de trois murs, soit de huit rangs, soit de neuf rangs soit de dix rangs d'agglomérés ou parpaings en ciment comptés en partant du sol, dont il a mesuré la hauteur à partir des dimensions d'un parpaing accessible (0,19 mètre de hauteur) pour constater que les murs alignés mesuraient selon le nombre de rangées de parpaings entre 1,52m et 1,90m, donc supérieure à la cote de 1,50m indiquée au plan déposé auprès de la commune pour la déclaration de travaux.

Cependant, il sera relevé que l'huissier a procédé par déduction en reconnaissant liminairement qu'il lui était impossible de mesurer la hauteur du mur en agglomérés ciment en cours de construction en se positionnant depuis le sol. Ensuite, l'édification de l'appentis est inachevée et les éléments produits ne permettent pas de déterminer la base à partir de laquelle la hauteur définitive de l'appentis devait mesurer 150 cm alors que les époux [K] mentionnent que le sol n'est pas droit et qu'un remblai ainsi qu'une dalle de béton sont prévues.

Surtout, à supposer que la hauteur du mur de parpaings excède celle indiquée sur le plan déposé à la mairie annexé à la déclaration préalable de travaux, les consorts [A] ne caractérisent pas le préjudice certain en résultant. D'une part, le constat ne permet pas d'établir que la quarantaine de centimètres excédentaire correspond à l'obstruction du jour de souffrance. Ensuite, il apparaît que le bâtiment n°8 des consorts [A] était utilisé en garage et que les travaux de rénovation entrepris sont encore en cours de sorte que ces derniers ne peuvent valablement alléguer en l'état le préjudice subi résultant d'une privation de lumière.

Enfin, il est acquis aux débats que la construction entreprise par les époux [K] ne pourra se poursuivre sans une nouvelle autorisation à obtenir auprès des services compétents.

Pour l'ensemble de ces motifs, la demande de démolition formulée par les consorts [A] sera rejetée également de ce chef.

- Sur la demande d'enlèvement de la végétation :

Les époux [K] assurent que la condamnation prononcée à leur encontre a été exécutée de sorte que la demande d'enlèvement présentée par les consorts [A] est devenue sans objet, alors que ces derniers en sollicitent la confirmation au regard notamment de la persistance d'un lierre courant sur le pignon de leur bâtiment.

Sur ce,

Vu les articles 671, 672 et 673 du code civil,

Sur la base d'un constat d'huissier dressé le 8 novembre 2018 faisant état le long du pignon ouest du bâtiment n°8 appartenant aux consorts [A] de lierre qui pousse en provenance de la propriété [K] et de l'aménagement d'un parterre arboré d'arbustes poussant le long du pignon, notamment un arbre de haute futaie (laissant des branches frotter sur le pignon et la couverture) planté à moins de deux mètres du pignon et à moins de 0,60m pour les arbustes, le tribunal a considéré à raison que ces constatations suffisaient à démontrer la violation des dispositions des articles susvisés, condamnant les époux [K] à arracher toute plantation située à moins de 0,5 m du pignon [A], à arracher les arbres situés à moins de 2 mètres de ce pignon ou à les élaguer pour que leur hauteur ne dépasse pas 2 mètres et à couper les banches des arbres, arbustes

ou arbrisseaux avançant sur la propriété [A].

En cause d'appel, le constat précité de Me [C] versé par les époux [K] établit au 3 décembre 2021, au pied du mur du pignon ouest de l'immeuble [A] donnant dans la cour des époux [K], l'absence d'arbres et arbustes dans le parterre au pied du pignon. Si l'huissier a constaté l'existence d'un lierre, il a aussi observé l'absence de pied de lierre trouvant ses racines dans le parterre des requérants en pied de pignon.

Il reste que le lierre subsiste sur le pignon du bâtiment [A] et qu'il est manifeste au vu des photographies communiquées et de sa disposition sur le mur qu'il prolifère depuis la propriété [K] même si le pied ne se situe pas stricto sensu 'dans le parterre' des intimés.

Au surplus, le procès-verbal de constat du 12 juillet 2021 précité et la photographie n°3 de la pièce 82 datée du 22 février 2024 versée par les consorts [A] établissent la prolifération du lierre et autres végétaux sur le mur de leur bâtiment à 20 cm duquel a été élevée la construction en parpaings des époux [K], et en provenance de la propriété des époux [K].

Par suite, la cour constate que seule la demande tendant à voir arracher les arbres et arbustes situés à moins de deux mètres du pignon ouest ou à les élaguer afin que leur hauteur ne dépasse pas deux mètres est devenue sans objet.

En revanche, il conviendra de condamner les époux [K] à arracher toute plantation (en particulier le lierre) située à moins de 0,5 mètres d'une part, du pignon ouest du bâtiment des consorts [A] ( situé au n° 8 'le Tôt de Bas' sur la Commune de [Localité 13], cadastré AK [Cadastre 4] et [Cadastre 5]) et d'autre part, du mur du même bâtiment le long duquel a été édifié le mur de parpaings par les intimés ce sous astreinte, selon les modalités fixées au dispositif de la présente décision.

La condamnation des époux [K] à rembourser aux consorts [A] le coût du procès-verbal de constat d'huissier du 8 novembre 2018 (d'un montant de 315,69 euros) sera confirmée.

- Sur les demandes accessoires :

Le jugement doit être confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et chaque partie sera déboutée de sa demande formée sur ce fondement.

Les consorts [A] qui succombent même partiellement en cause d'appel seront condamnés aux entiers dépens de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort, par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement rendu le 13 octobre 2020 en ses dispositions relatives à la condamnation de M. [L] [K] et Mme [P] [K] née [H] à l'enlèvement des plantations sous astreinte ;

Le confirme en ses autres dispositions soumises à la cour ;

Statuant à nouveau des seuls chefs infirmés et y ajoutant,

Constate que M. [L] [K] et Mme [P] [K] née [H] ont procédé à l'arrachage ou à l'élagage des arbres et arbustes dépassant les deux mètres et situés à moins de deux mètres du pignon ouest du bâtiment des consorts [A] (situé au n°8 'le Tôt de Bas' situé sur la commune de [Localité 13], cadastré AK [Cadastre 4] et [Cadastre 5]) et rejette la demande formée par les consorts [A] de ce chef ;

Condamne M. [L] [K] et Mme [P] [K] née [H] à arracher toute plantation (en particulier le lierre) située d'une part, à moins de 0,5 mètre du pignon ouest du bâtiment des consorts [A] (situé au n° 8 'le Tôt de Bas' sur la Commune de [Localité 13], cadastré AK [Cadastre 4] et [Cadastre 5]) et d'autre part à moins de 0,5 mètre du mur du même bâtiment le long duquel ils ont édifié leur mur de parpaings, le tout dans le délai de trois mois à compter de la signification du présent arrêt et à défaut, passé ce délai, sous astreinte de 50 euros par jour de retard durant une période de 3 mois ;

Rejette toute autre demande présentée par M. [R] [A], Mme [E] [A] née [I] et M. [W] [A] ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Condamne M. [R] [A], Mme [E] [A] née [I] et M. [W] [A] aux dépens de la procédure d'appel ;

Rejette toute autre demande des parties.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

M. COLLET G. GUIGUESSON


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/01798
Date de la décision : 25/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-25;21.01798 ?
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