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20/06/2024 | FRANCE | N°22/02516

France | France, Cour d'appel de Caen, 2ème chambre civile, 20 juin 2024, 22/02516


AFFAIRE : N° RG 22/02516 - 



ARRÊT N°



NLG





ORIGINE : DECISION du Juge des contentieux de la protection de CAEN en date du 17 Mai 2022

RG n° 21/00629





COUR D'APPEL DE CAEN

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 20 JUIN 2024









APPELANT :



Monsieur [J] [D]

né le [Date naissance 5] 1978 à [Localité 8] ([Localité 8])

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représenté et assisté par Me Stéphane PIEUCHOT

, substitué par Me MAC GRATH, avocats au barreau de CAEN









INTIMEE :



S.A.S. EOS FRANCE venant aux droits de la société EUROTITRISATION représentant CREDINVEST, venant elle-même aux droits de la SA NETV...

AFFAIRE : N° RG 22/02516 - 

ARRÊT N°

NLG

ORIGINE : DECISION du Juge des contentieux de la protection de CAEN en date du 17 Mai 2022

RG n° 21/00629

COUR D'APPEL DE CAEN

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 20 JUIN 2024

APPELANT :

Monsieur [J] [D]

né le [Date naissance 5] 1978 à [Localité 8] ([Localité 8])

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté et assisté par Me Stéphane PIEUCHOT, substitué par Me MAC GRATH, avocats au barreau de CAEN

INTIMEE :

S.A.S. EOS FRANCE venant aux droits de la société EUROTITRISATION représentant CREDINVEST, venant elle-même aux droits de la SA NETVALOR

N° SIRET : 488 825 217

[Adresse 6]

[Localité 7]

prise en la personne de son représentant légal

Représentée par Me Jérémie PAJEOT, avocat au barreau de CAEN,

Assistée de Me Claire BOUSCATEL, avocat au barreau de PARIS

DEBATS : A l'audience publique du 15 avril 2024, sans opposition du ou des avocats, M. GOUARIN, Conseiller, a entendu seul les plaidoiries et en a rendu compte à la cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme FLEURY, greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame EMILY, Président de Chambre,

Mme COURTADE, Conseillère,

M. GOUARIN, Conseiller,

ARRET prononcé publiquement le 20 juin 2024 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier

*

* *

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS

Selon offre acceptée le 15 juillet 2003, la SA Netvalor, aux droits de laquelle vient la SAS EOS France, a consenti à M. [J] [D] un crédit utilisable par fraction d'un montant maximum de 7.500 euros, au taux d'intérêt nominal de 9,44 % l'an et au TAEG révisable de 9,9 % l'an.

En novembre 2003, M. [D] a cessé de rembourser les échéances de ce crédit.

Par ordonnance du 13 septembre 2004, le président du tribunal d'instance de Caen a enjoint M. [D] de payer à l'organisme de crédit la somme de 6.642,02 euros en principal, outre les intérêts au taux contractuel de 9,44 % à compter du 9 août 2004, celles de 900 et 531,36 euros avec intérêts au taux légal à compter de la signification de l'ordonnance, outre les dépens.

Cette ordonnance portant injonction de payer a été signifiée à M. [D] le 6 décembre 2004 dans les conditions de l'article 659 du code de procédure civile puis a été revêtue de la formule exécutoire.

Suivant acte d'huissier du 20 mai 2005, la société Netvalor a fait signifier à mairie cette ordonnance revêtue de la formule exécutoire ainsi qu'un commandement de payer aux fins de saisie-vente à M. [D].

Le 8 juin 2005, la société Netvalor a fait pratiquer une saisie-vente à l'encontre de M. [D] en exécution de l'ordonnance du 13 septembre 2004 pour un montant total de 8.938,26 euros, laquelle a été transformée en procès-verbal de sursis à saisie-vente et de recherche infructueuse.

Le 28 novembre 2007, la société Netvalor a notamment cédé sa créance à l'encontre de M. [D] au fonds de titrisation Credinvest compartiment Credinvest 1, représentée par la société Eurotitrisation.

Le 17 décembre 2021, le fonds commun de titrisation Credinvest compartiment Credinvest 1 a cédé sa créance à la société EOS France.

Par lettre reçue au greffe le 10 décembre 2021, M. [D] avait formé opposition à l'ordonnance portant injonction de payer du 13 septembre 2004.

Par jugement du 17 mai 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Caen a :

- reçu la société EOS France en son intervention volontaire,

- déclaré irrecevable l'opposition à injonction de payer formée par M. [D] le 10 décembre 2021 contre l'ordonnance d'injonction de payer du 13 septembre 2004,

- dit que cette ordonnance d'injonction de payer est donc devenue définitive,

- condamné M. [D] au paiement d'une somme de 1.000 euros à titre d'indemnité de procédure ainsi qu'aux dépens,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes plus amples ou contraires.

Selon déclaration du 29 septembre 2022, M. [D] a interjeté appel de cette décision.

Par dernières conclusions du 28 décembre 2022, l'appelant demande à la cour d'infirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions, statuant à nouveau, de déclarer recevable son opposition, de dire et juger que la signification effectuée le 6 décembre 2004 n'a pu être valablement effectuée, de constater la caducité de l'ordonnance d'injonction de payer du 13 septembre 2004, de constater que le créancier est forclos pour solliciter sa condamnation, de débouter l'intimée de toutes ses demandes et de condamner celle-ci à lui verser la somme de 4.500 euros à titre d'indemnité de procédure ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de son conseil.

Par dernières conclusions du 17 avril 2023, la société EOS France demande à la cour de confirmer le jugement attaqué, de déclarer irrecevable l'opposition formée par M. [D] et de dire et juger en conséquence que l'ordonnance portant injonction de payer est définitive et reprendra ses pleins droits.

Subsidiairement, elle demande à la cour de débouter M. [D] de toutes ses prétentions et de condamner celui-ci à lui payer la somme de 11.653,39 euros, outre intérêts au taux contractuel de 9,44 % à compter du 29 décembre 2020 jusqu'à parfait paiement.

En tout état de cause, l'intimée sollicite la condamnation de l'appelant au paiement de la somme de 2.000 euros à titre d'indemnité de procédure ainsi qu'aux entiers dépens.

La mise en état a été clôturée le 13 mars 2024.

Pour plus ample exposé des prétentions et moyens, il est référé aux dernières écritures des parties.

MOTIFS

1. Sur la recevabilité de l'opposition

Aux termes de l'article 1416 du code de procédure civile, l'opposition est formée dans le mois qui suit la signification de l'ordonnance.

Toutefois, si la signification n'a pas été faite à personne, l'opposition est recevable jusqu'à l'expiration du délai d'un mois suivant le premier acte signifié à personne ou, à défaut, suivant la première mesure d'exécution ayant pour effet de rendre indisponibles en tout ou partie les biens du débiteur.

Pour déclarer irrecevable l'opposition formée le 10 décembre 2021 par M. [D] contre l'ordonnance portant injonction de payer rendue le 10 septembre 2004, le premier juge a retenu que le commandement de payer aux fins de saisie-vente signifié le 20 mai 2005 constituait la première mesure d'exécution ayant pour effet de rendre indisponibles en tout ou partie les biens du débiteur.

Cependant, si la délivrance d'un commandement de payer aux fins de saisie-vente engage la mesure d'exécution forcée qu'est la saisie-vente, un tel commandement n'a pas pour effet de rendre indisponibles en tout ou partie les biens du débiteur au sens des dispositions précitées, dès lors que seules les opérations de saisie emportent une indisponibilité des biens saisis et que celles-ci ne peuvent commencer qu'à l'expiration d'un délai de huit jours à compter de la signification du commandement de payer en vertu de l'article R. 221-10 du code des procédures civiles d'exécution.

En l'espèce, la société Netvalor a, le 20 mai 2005, fait signifier à mairie à M. [D] l'ordonnance portant injonction de payer du 13 septembre 2004 revêtue de la formule exécutoire ainsi qu'un commandement de payer aux fins de saisie-vente puis a fait pratiquer, le 8 juin suivant, une saisie-vente à l'encontre de M. [D] en exécution de cette ordonnance, laquelle a été transformée en procès-verbal de sursis à saisie-vente et de recherche infructueuse.

Ainsi, la société EOS France ne justifie ni d'une signification à personne de l'ordonnance du 13 septembre 2004, ni d'une mesure d'exécution ayant pour effet de rendre indisponibles en tout ou partie les biens du débiteur, de sorte que le délai d'opposition n'a pas commencé à courir, que l'opposition formée le 10 décembre 2021 doit être déclarée recevable et que le présent arrêt se substituera à l'ordonnance portant injonction de payer du 13 septembre 2004.

Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce sens.

2. Sur la validité de la signification de l'ordonnance portant injonction de payer

L'appelant soutient que l'acte de signification de l'ordonnance portant injonction de payer du 13 septembre 2004 est nul en ce que, d'une part, cet acte du 6 décembre 2004 a été transformé en procès-verbal de recherches infructueuses sans que l'huissier instrumentaire ait cherché le destinataire de l'acte sur son lieu de travail alors que des bulletins de salaire avaient été communiqués lors de la souscription du crédit litigieux et sans mentionner avec précision les diligences accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte, les adresses indiquées dans l'acte n'étant pas celle figurant sur le contrat de crédit et l'emprunteur ayant quitté le [Adresse 1] depuis plus de deux ans, et, d'autre part, que cette irrégularité lui a causé nécessairement un grief dès lors qu'il n'a pas eu immédiatement connaissance de ladite ordonnance.

En réplique, l'intimée fait d'abord valoir que les diligences accomplies par l'huissier instrumentaires sont suffisantes, concernent les deux dernières adresses connues du créancier mandant et que les bulletins de salaire fournis lors de la souscription du crédit datent de mai et juin 2003 sans que l'appelant démontre qu'il travaillait toujours pour le même employeur à la date de signification de l'acte litigieux. Par ailleurs, la société EOS France affirme que l'appelant ne justifie d'aucun grief dès lors qu'il a été en mesure de former opposition à l'ordonnance portant injonction de payer du 13 septembre 2004.

Il résulte des articles 654, 655 et 659, aliéna 1er, du code de procédure civile que lorsqu'il n'a pu s'assurer de la réalité du domicile du destinataire de l'acte et que celui-ci est absent, le commissaire de justice est tenu de tenter une signification à personne sur son lieu de travail (Civ. 2ème, 8 décembre 2022, n°21-14.145).

Sont insuffisantes au regard des dispositions précitées les diligences de l'huissier instrumentaire qui établit un procès-verbal de recherches infructueuses après avoir recherché le destinataire de l'acte à deux adresses connues du créancier mandant, à savoir [Adresse 4], adresse figurant sur le contrat de crédit et où l'appelant justifie avoir résidé en avril 2003 (pièce n°7 appelant) et [Adresse 1] à [Localité 8], où l'appelant admet avoir résidé (page 10 dernières conclusions appelant), sans avoir tenté une signification à personne sur le lieu de travail du destinataire de l'acte figurant sur les bulletins de salaires mai et juin 2003 fournis lors de la souscription du crédit (pièces n°5 intimée), peu important à cet égard que M. [D] ne justifie pas qu'il avait le même employeur à la date de signification de l'acte en cause.

Toutefois, l'appelant ne rapporte pas la preuve, dont la charge lui incombe, d'un grief résultant de cette irrégularité de forme au sens de l'article 114 du code de procédure civile, dès lors qu'il a été en mesure de former opposition à l'ordonnance portant injonction de payer du 13 septembre 2004 objet de la signification litigieuse.

La demande de M. [D] tendant à voir déclarer non valable la signification effectuée le 6 décembre 2004 sera donc rejetée.

3. Sur la demande en paiement

La validité de la signification du titre invoqué par la société EOS France étant établie, les prétentions de l'appelant relatives à la caducité de l'ordonnance d'injonction de payer du 13 septembre 2004 en application de l'article 1411 du code civil sont sans objet.

S'agissant de la prescription de la créance de la société EOS France, l'ordonnance portant injonction de payer invoquée par cette dernière a été rendue le 13 septembre 2004 et régulièrement signifiée le 6 décembre suivant, soit avant l'acquisition de la forclusion biennale prévue à l'article L. 311-37 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au contrat de crédit en cause, compte tenu du dernier incident de paiement non régularisé datant de novembre 2003.

En effet, l'opposition régulièrement formée à une injonction de payer ayant pour effet de saisir le tribunal de la demande du créancier et de l'ensemble du litige sur lequel il est statué par un jugement qui se substitue à l'injonction de payer, les dispositions de l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution relatives au délai d'exécution des titres exécutoires, invoquées par l'intimée, ne sont pas applicables à la prescription de la créance (Civ. 2ème, 29 septembre 2022, n°20-18.772).

La signification d'une ordonnance portant injonction de payer constitue une citation justice qui interrompt la prescription au sens de l'article 2241 du code civil (Civ. 1ère, 10 juillet 1990, n°89-13.345) et l'interruption résultant de cette demande en justice faite le 6 décembre 2004 produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance actuellement en cours, conformément à l'article 2242.

La demande de l'appelant tendant à voir constater que le créancier est forclos pour solliciter sa condamnation sera donc rejetée.

Il ressort des productions, notamment de l'offre préalable de prêt et du décompte tenant compte des versements effectués par l'emprunteur, que M. [D] reste devoir à la société EOS France la somme de 11.653,39 euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 9,44 % à compter du 29 décembre 2020 jusqu'à parfait paiement, non discutée par l'appelant.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce sens.

3. Sur les demandes accessoires

Les dispositions du jugement entrepris relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance, exactement appréciés, seront confirmées.

M. [D], qui succombe, sera condamné aux dépens d'appel, débouté de sa demande d'indemnité de procédure et condamné à payer à la société EOS France la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a reçu la société EOS France en son intervention volontaire ;

Statuant à nouveau du chef des dispositions infirmées et y ajoutant,

Déclare recevable l'opposition formée le 10 décembre 2021 par M. [J] [D] contre l'ordonnance portant injonction de payer rendue le 13 septembre 2004 par le président du tribunal d'instance de Caen ;

Dit que le présent arrêt se substitue à l'ordonnance portant injonction de payer rendue le 13 septembre 2004 par le président du tribunal d'instance de Caen ;

Rejette la demande de M. [J] [D] tendant à voir déclarer non valable la signification effectuée le 6 décembre 2004 ;

Rejette la demande de M. [J] [D] tendant à voir constater que la SAS EOS France est forclose en ses demandes formées à son encontre ;

Condamne M. [J] [D] à payer à la société EOS France la somme de 11.653,39 euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 9,44 % l'an à compter du 29 décembre 2020 jusqu'à parfait paiement ;

Rejette toutes autres demandes ;

Condamne M. [D] aux dépens d'appel et à payer à la société EOS France la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

N. LE GALL F. EMILY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : 2ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/02516
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;22.02516 ?
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