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18/06/2024 | FRANCE | N°24/00027

France | France, Cour d'appel de Caen, Référés, 18 juin 2024, 24/00027


N° RG 24/00027

N° Portalis DBVC-V-B7I-HNN5

 



COUR D'APPEL DE CAEN







Minute n° 38/2024









PREMIÈRE PRÉSIDENCE



ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ DU 18 JUIN 2024







DEMANDEURS AU RÉFÉRÉ :



Madame [I] [N]

Née le [Date naissance 7] 1964 à [Localité 9] (94)

[Adresse 3]

[Localité 5]



Non comparante, ayant pour avocat constitué la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, représentée par Me Jérémie PAJEOT, avocat au Barrea

u de CAEN, substitué à l'audience par Me Noëmie REICHLING, avocat au Barreau de CAEN, et Maître Frédéric MAURY, avocat plaidant au Barreau de PARIS, non comparant.



Monsieur [W] [X]

Né le [Date naissance 1] 1971 à [Locali...

N° RG 24/00027

N° Portalis DBVC-V-B7I-HNN5

 

COUR D'APPEL DE CAEN

Minute n° 38/2024

PREMIÈRE PRÉSIDENCE

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ DU 18 JUIN 2024

DEMANDEURS AU RÉFÉRÉ :

Madame [I] [N]

Née le [Date naissance 7] 1964 à [Localité 9] (94)

[Adresse 3]

[Localité 5]

Non comparante, ayant pour avocat constitué la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, représentée par Me Jérémie PAJEOT, avocat au Barreau de CAEN, substitué à l'audience par Me Noëmie REICHLING, avocat au Barreau de CAEN, et Maître Frédéric MAURY, avocat plaidant au Barreau de PARIS, non comparant.

Monsieur [W] [X]

Né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 10] (62)

[Adresse 8]

[Localité 6]

Non comparant, ayant pour avocat constitué la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, représentée par Me Jérémie PAJEOT, avocat au Barreau de CAEN, substitué à l'audience par Me Noëmie REICHLING, avocat au Barreau de CAEN, et Maître Frédéric MAURY, avocat plaidant au Barreau de PARIS, non comparant.

DÉFENDERESSE AU RÉFÉRÉ :

S.A.R.L. DMBP EXPLOITATION

dont le siège est sis :

[Adresse 2]

[Localité 4]

Non comparante, représentée par Me Alain LANIECE, avocat au Barreau de CAEN, substitué par Me Marion LEBRUN, avocat au Barreau de CAEN

COMPOSITION LORS DES DÉBATS :

PRÉSIDENT

Monsieur S. GANCE

GREFFIERE

Madame J. LEBOULANGER

Copie exécutoire délivrée à Me LANIECE, le 18/06/2024 & copie certifiée conforme délivrée à Me LANIECE & Me PAJEOT, le 18/06/2024

DÉBATS

L'affaire a été appelée à l'audience publique du 04 juin 2024 au cours de laquelle elle a été débattue.

ORDONNANCE

Prononcée publiquement le 18 juin 2024 par mise à disposition au greffe de la cour et signée par Monsieur S. GANCE, président et par Madame J. LEBOULANGER, greffière.

FAITS et PROCEDURE

Suivant jugement du 21 février 2024, le tribunal de commerce de Caen a :

- écarté l'exception d'irrecevabilité tirée du non-respect de la clause de conciliation de l'acte de cession du 27 juillet 2017

- débouté M. [X] et Mme [N] de leurs demandes, fins et conclusions

- condamné solidairement M. [X] et Mme [N] à payer à la société DMBP EXPLOITATION la somme de 120 000 euros majorée des intérêts au taux de 10 % l'an depuis le 5 février 2020, et dans la limite chacun de leur engagement de caution de 102 000 euros

- ordonné l'exécution provisoire

- condamné solidairement M. [X] et Mme [N] à payer à la société DMBP EXPLOITATION la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné solidairement M. [X] et Mme [N] aux dépens

- liquidé les frais de greffe à 92,21 euros dont 15,37 euros de TVA.

Par déclaration du 6 mars 2024, M. [X] et Mme [N] ont formé appel de ce jugement.

Aux terme d'un acte du 13 mai 2024, M. [X] et Mme [N] ont fait assigner la société DMBP EXPLOITATION devant Mme Le premier président de la cour d'appel de Caen afin de voir :

- ordonner la suspension de l'exécution provisoire de 'l'ordonnance' rendue par le tribunal de commerce de Caen du 21 février 2024 portant numéro de répertoire général 2023002517

- condamner la société DMBP EXPLOITATION à payer une somme d'un euro au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Par conclusions du 3 juin 2024 soutenues oralement à l'audience, M. [X] et Mme [N] ont réitéré leurs prétentions.

Suivant conclusions reprises oralement à l'audience, la société DMBP EXPLOITATION soulève l'irrecevabilité des demandes en raison de l'absence de moyen sérieux de réformation et de l'absence de conséquences manifestement excessives postérieures à la décision de première instance. En tout état de cause, elle conclut au débouté des demandes de M. [X] et Mme [N] et sollicite leur condamnation solidaire à lui payer 1500 euros au titre des frais irrépétibles et à régler solidairement les dépens.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, il est expressément renvoyé à leurs écritures.

MOTIFS :

Sur le fond, l'article 514-3 du code de procédure civile dispose que:

'En cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

En cas d'opposition, le juge qui a rendu la décision peut, d'office ou à la demande d'une partie, arrêter l'exécution provisoire de droit lorsqu'elle risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.'

Il appartient à l'appelant de rapporter la preuve qu'il dispose d'un moyen sérieux d'annulation ou d'infirmation de la décision et en outre que son exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

Ces deux conditions sont cumulatives.

Il convient enfin de rappeler que la notion de 'moyen sérieux d'annulation ou d'infirmation' est une notion distincte de celle du bien-fondé de l'appel.

La présente décision ne préjuge donc pas du sort qui sera réservé à l'appel sur le fond du litige.

En l'espèce, la société DMBP EXPLOITATION a cédé à la société AGFM un fonds de commerce au prix de 300 000 euros suivant acte du 27 juillet 2017, dont 130 000 euros payés comptant, le solde de 170 000 euros devant être réglé par 68 mensualités de 2500 euros chacune.

L'échéancier a été respecté dans un premier temps, laissant un solde à régler d'un montant de 120 000 euros.

La société AGFM a été placée en redressement judiciaire par jugement du 5 février 2020 du tribunal de commerce.

La société DMBP EXPLOITATION a déclaré sa créance au titre du prix de vente à hauteur de 131 000 euros.

Suivant ordonnance du juge commissaire du 5 janvier 2021, la créance de la société DMBP EXPLOITATION a été admise à hauteur de 120 000 euros.

Par jugement du 24 novembre 2021, le tribunal de commerce a homologué un plan de redressement prévoyant le remboursement du passif en dix annuités progressives.

La première échéance n'a pas été réglée à bonne date, de telle sorte que suivant jugement du 4 janvier 2023, le tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de la société AGFM.

Ce jugement a été frappé d'appel, mais l'appel a été déclaré caduc de telle sorte que le jugement prononçant la liquidation judiciaire est définitif.

Il est constant que M. [X] et Mme [N] se sont engagés en qualité de cautions solidaires et personnelles de la société AGFM, chacun à hauteur de 85000 euros outre les frais et accessoires estimés à 20 % environ, soit un montant global de 102 000 euros pour chacun.

N'étant pas réglée de sa créance de 120 000 euros, la société DMBP EXPLOITATION a fait assigner M. [X] et Mme [N] devant le tribunal de commerce qui par jugement du 21 février 2024, les a condamnés en leur qualité de cautions à lui payer solidairement à la somme de 120 000 euros majorée des intérêts au taux de 10 % l'an depuis le 5 février 2020, et dans la limite chacun de leur engagement de caution de 102000 euros.

M. [X] et Mme [N] soutiennent qu'ils disposent de moyens sérieux d'infirmation du jugement aux motifs que:

- la demande de la société DMBP EXPLOITATION est irrecevable faute d'avoir mis en oeuvre la procédure de conciliation prévue

- leurs engagements de caution sont disproportionnés

- le jugement n'a pas répondu à leur argumentation sur la décharge des cautions fondée sur l'article 2314 du code civil

- le quantum de la créance retenu par le tribunal de commerce est erroné, en particulier sur le calcul des intérêts

- ils sont en droit de bénéficier de délais de paiement.

Tout d'abord, il est fait référence à une clause de conciliation du contrat de cession du fonds de commerce qui stipule que les parties s'engagent à recourir à une conciliation préalable en cas de différend relatif à l'exécution du contrat notamment.

Le tribunal de commerce a jugé que cette clause n'était pas applicable aux cautions puisqu'elle n'était pas précisée dans les actes de cautionnement. Le tribunal rappelle en outre que la caution est tenue du paiement sans que le créancier ait à poursuivre préalablement le débiteur.

Cette motivation n'apparaît pas manifestement erronée.

Ensuite, il est fait état du caractère non averti des cautions et de la disproportion des engagements souscrits.

Il résulte des pièces produites que M. [X] est propriétaire en indivision d'une maison d'habitation de 234 m² située à [Localité 6] et nu-propriétaire en indivision d'une maison de 163 m² située à [Localité 4]. Mme [N] est propriétaire d'un local professionnel de 43 m² situé à [Localité 4] et usufruitière d'une maison située à [Localité 5].

La valeur de ces biens et droits immobiliers n'est pas précisée.

Aux termes de leur avis d'imposition 2023 sur les revenus 2022, M. [X] a perçu un revenu annuel net imposable de 35378 euros et Mme [N] un revenu annuel net imposable de 19908 euros, soit un revenu global de l'ordre de 54 000 euros/an. Ils assument la charge d'un enfant mineur.

Ces éléments ne permettent pas de considérer comme manifestement établi que leurs engagements de cautions étaient disproportionnés.

Par ailleurs, aucune information n'est fournie sur le parcours professionnel de M. [X] et Mme [N] et leurs connaissances en matière de crédits bancaires et de cautionnement.

Leur caractère non averti n'est donc pas manifeste.

De même, il est soutenu qu'un moyen avait été invoqué en première instance sur le fondement de l'article 2314 du code civil qui prévoit que la caution est déchargée quand la subrogation dans les droits du créancier ne peut plus s'opérer en sa faveur, par le fait de ce créancier.

Il est précisé que le tribunal de commerce n'a pas répondu à ce moyen.

Toutefois, le seul fait que le tribunal n'ait pas répondu à un moyen, ne permet pas d'en déduire qu'il est fondé.

En outre, M. [X] et Mme [N] n'expliquent pas en quoi la subrogation dans les droits de la société DMBP EXPLOITATION contre la société AGFM ne pourrait plus s'opérer en leur faveur, par le fait de la société DMBP EXPLOITATION.

S'agissant du quantum de la créance, on relèvera à titre liminaire que la créance a été admise par le juge commissaire à hauteur de 120 000 euros et que les cautions ont été condamnées au paiement de cette somme principale dans la limite des leurs engagements respectifs.

Il est fait état d'un paiement reçu par la société DMBP EXPLOITATION à hauteur de 2391,67 euros.

Aucune précision n'est donnée sur la date de ce paiement. Or, l'exécution de la décision de première instance n'est pas un motif d'infirmation de celle-ci.

Il est prétendu à titre subsidiaire que les intérêts ne pourraient courir qu'à compter de la date d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire soit le 4 janvier 2023.

M. [X] et Mme [N] font référence à deux arrêts de la Cour de cassation.

Le premier porte sur une QPC relative à la conformité à la Constitution des articles L. 624-2 et L.624-3 du code de commerce tels qu'interprétés par la jurisprudence dont il résulte que la caution ne peut contester la décision du juge commissaire d'admission au passif de la créance cautionnée. Le second porte sur la question de la portée d'une décision de rejet d'une créance.

Aucun de ces arrêts ne se rapporte précisément à la question des intérêts éventuellement dus par la caution.

On relèvera que le tribunal de commerce a qualifié ces intérêts de pénalités, rappelant que le contrat prévoyait qu'ils étaient dus en cas de défaut de paiement, c'est à dire qu'il s'agissait d'une sanction pécuniaire liée à l'inexécution par le débiteur de ses obligations.

Ce raisonnement qui aboutit à traiter la clause stipulant une pénalité de 10 % d'intérêt en cas de non paiement à l'échéance, comme une clause pénale, n'apparaît pas manifestement infondée.

Par ailleurs, à supposer que la créance ne puisse dépasser la somme de 120 000 euros comme retenue par le juge commissaire, le principe de la créance ne serait pas remis en cause.

Enfin, l'octroi de délais de paiement relève du pouvoir d'appréciation des juges du fond et aucun élément ne permet de considérer que la cour d'appel va nécessairement accorder aux cautions des délais pour s'acquitter de leur dette, étant constaté qu'il s'agit d'une dette ancienne se rapportant à une cession de fonds de commerce intervenue dans un cadre professionnel.

Compte tenu de ces observations, M. [X] et Mme [N] ne justifient pas qu'ils disposent de moyens sérieux d'annulation ou d'infirmation du jugement au sens de l'article 514-3 du code de procédure civile.

Ce seul motif justifie de les débouter de leur demande d'arrêt de l'exécution provisoire.

Succombant, ils seront condamnés (sans solidarité) aux dépens de l'instance de référé et déboutés de leur demande au titre des frais irrépétibles.

Il est équitable de les condamner (sans solidarité) à payer à la société DMBP EXPLOITATION la somme de 650 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS:

Par ordonnance rendue contradictoirement et publiquement par mise à disposition au greffe ;  

Déboutons M. [W] [X] et Mme [I] [N] de leur demande d'arrêt de l'exécution provisoire du jugement du tribunal de commerce de Caen du 21 février 2024 ;

Condamnons M. [W] [X] et Mme [I] [N] aux dépens de l'instance de référé ;

Déboutons M. [W] [X] et Mme [I] [N] de leur demande au titre des frais irrépétibles ;

Condamnons M. [W] [X] et Mme [I] [N] à payer la somme de 650 euros à la société DMBP EXPLOITATION au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

J. LEBOULANGER S. GANCE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : Référés
Numéro d'arrêt : 24/00027
Date de la décision : 18/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-18;24.00027 ?
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