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18/06/2024 | FRANCE | N°21/02822

France | France, Cour d'appel de Caen, 1ère chambre civile, 18 juin 2024, 21/02822


AFFAIRE : N° RG 21/02822 -

N° Portalis DBVC-V-B7F-G3HK

 



ARRÊT N°



JB.





ORIGINE : DÉCISION du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CHERBOURG EN COTENTIN

du 07 Juin 2021 - RG n° 17/00443







COUR D'APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 18 JUIN 2024





APPELANT :



Monsieur [H], [P], [C] [O]

né le [Date naissance 6] 1959 à [Localité 27]

[Adresse 21]

[Adresse 21]



représenté et assi

sté de Me Bénédicte MAST, avocat au barreau de COUTANCES



INTIMÉS :



Madame [B], [D], [N], [SR], [O]

née le [Date naissance 5] 1961 à [Localité 27]

[Adresse 17]

[Localité 29]



Monsieur [V], [X], [T] [O]

né ...

AFFAIRE : N° RG 21/02822 -

N° Portalis DBVC-V-B7F-G3HK

 

ARRÊT N°

JB.

ORIGINE : DÉCISION du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CHERBOURG EN COTENTIN

du 07 Juin 2021 - RG n° 17/00443

COUR D'APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 18 JUIN 2024

APPELANT :

Monsieur [H], [P], [C] [O]

né le [Date naissance 6] 1959 à [Localité 27]

[Adresse 21]

[Adresse 21]

représenté et assisté de Me Bénédicte MAST, avocat au barreau de COUTANCES

INTIMÉS :

Madame [B], [D], [N], [SR], [O]

née le [Date naissance 5] 1961 à [Localité 27]

[Adresse 17]

[Localité 29]

Monsieur [V], [X], [T] [O]

né le [Date naissance 10] 1965 à [Localité 27]

[Adresse 3]

[Localité 29]

Monsieur [G], [KG], [S], [V] [O]

né le [Date naissance 2] 1954 à [Localité 27]

[Adresse 15]

[Adresse 15]

Madame [W], [SR], [E] [O]

née le [Date naissance 7] 1964 à [Localité 27]

[Adresse 26]

[Adresse 26]

Madame [K] [O] épouse [R]

née le [Date naissance 4] 1956 à [Localité 27]

[Adresse 8]

[Localité 29]

Madame [U], [J], [Z] [O] épouse [L]

née le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 27]

[Adresse 11]

[Adresse 11]

Madame [A], [K], [F] [O]

née le [Date naissance 12] 1970 à [Localité 27]

[Adresse 16]

[Adresse 16]

Tous représentés et assistés de Me Delphine QUILBE, substitué par Me Emilie OMONT, avocats au barreau de CHERBOURG

DÉBATS : A l'audience publique du 21 mars 2024, sans opposition du ou des avocats, Mme DELAUBIER, Conseillère, a entendu seule les observations des parties sans opposition de la part des avocats et en a rendu compte à la Cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme COLLET

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. GUIGUESSON, Président de chambre,

Mme VELMANS, Conseillère,

Mme DELAUBIER, Conseillère,

ARRÊT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile le 18 Juin 2024 par prorogation du délibéré initialement fixé au 04 Juin 2024 et signé par M. GUIGUESSON, président, et Mme COLLET, greffier

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Les époux [V] [O] et [CW] [JT] sont respectivement décédés les [Date décès 13] 1987 et le [Date décès 20] 2014 laissant pour leur succéder leurs huit enfants : M. [G] [O], Mme [K] [O] épouse [R], Mme [U] [O] épouse [L], M. [H] [O], Mme [B] [O] épouse [VB], Mme [W] [O], M. [V] [O], et Mme [A] [O] épouse [Y].

Par actes des 13, 14 et 15 juin 2017, M. [H] [O] a assigné ses frères et soeurs devant le tribunal de grande instance de Cherbourg aux fins, notamment, de voir ordonner l'ouverture des opérations de compte liquidation et partage de la succession de leurs parents, et obtenir leur condamnation à rapporter diverses sommes à la succession.

Par ordonnance du 5 février 2019, le juge de la mise en état a fait droit à la demande de mesure d'expertise judiciaire sollicitée par M. [H] [O] pour déterminer la valeur d'immeubles prétendument sous-évalués.

L'expert judiciaire a déposé son rapport le 23 septembre 2019.

Par jugement du 7 juin 2021 auquel il est renvoyé pour un exposé complet des prétentions en première instance, le tribunal judiciaire de Cherbourg-en-Cotentin a :

- ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la communauté et des successions de [V] [O] et [CW] [JT] veuve [O] ;

- désigné pour y procéder Me [M] [I], notaire à Bricquebec (...) ;

- dit qu'en cas d'empêchement du notaire ou du magistrat commis il sera procédé à leur remplacement par ordonnance rendue d'office ou sur requête ;

- déclaré irrecevable la demande de salaire différé de M. [H] [O] comme prescrite à l'encontre de la succession du père ;

- débouté M. [H] [O] de sa demande relative à une sous-estimation du prix de vente de la longère située [Adresse 22], cadastrée section [Cadastre 24], ou du pavillon ;

- débouté M. [H] [O] de sa demande relative à une sous-estimation du prix de vente du pavillon situé [Adresse 9], cadastrée section [Cadastre 25], [Cadastre 18] et [Cadastre 19] ;

- dit que le prix de vente des deux parcelles situées à [Localité 28] cadastrées section [Cadastre 23] et [Cadastre 14] pour une contenance de 3 ha85 a 80 ca, a été sous-estimé ;

- dit que M. [V] [O] devra rapporter à la succession la somme de 6 000 euros au titre de la sous-estimation du prix de vente des deux parcelles sises à [Localité 28] qu'il a acquises ;

- dit que M. [G] [O] devra rapporter à la succession la somme totale de 73 725 euros au titre des dons perçus ;

- dit que Mme [K] [O] épouse [R] devra rapporter à la succession la somme totale de 70 475 euros au titre de dons perçus ;

- dit que Mme [U] [O] épouse [L] devra rapporter à la succession la somme totale de 69 725 euros au titre de dons perçus ;

- dit que Mme [B] [O] épouse [VB] devra rapporter à la succession la somme totale de 70 725 euros au titre de dons perçus ;

- dit que Mme [W] [O] devra rapporter à la succession la somme totale de 71 775 euros au titre de dons perçus ;

- dit que M. [V] [O] devra rapporter à la succession la somme totale de 78 360 euros au titre de dons perçus ;

- dit que Mme [A] [O] épouse [Y] devra rapporter à la succession la somme totale de 79 850 euros au titre de dons perçus ;

- dit que M. [H] [O] devra rapporter à la succession la somme totale de 73 416,33 euros au titre de dons perçus ;

- débouté M. [H] [O] de sa demande relative au rapport de la somme de 15 000 euros par M. [G] [O] ;

- dit que M. [H] [O] est créancier de la succession pour la somme de 1 714,91 euros correspondant aux frais de recherche avancés par lui ;

- débouté M. [H] [O] du surplus de ses demandes ;

- dit qu'il y a lieu de renvoyer les parties devant le notaire commis, Me [I], notaire à Bricquebec (50260), aux fins de procéder aux opérations de partage sur la base du présent jugement et à cette fin dresser un état liquidatif établissant les comptes entre les copartageants, la masse partageable, les droits des parties et le cas échéant la composition des lots ;

- ordonne l'exécution provisoire ;

- débouté Mmes [B] [O] épouse [VB], [K] [O] épouse [R], [W] [O], [U] [O] épouse [L], [A] [O] épouse [Y] ainsi que MM. [V] [O] et [G] [O] de leur demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit que les dépens seront employés en frais de partage, qui comprendront notamment les dépens de l'incident dont les frais d'expertise judiciaire et le coût des recherches bancaires pour un montant de 1 714,91 euros ;

- accordé aux avocats de la cause le droit prévu à l'article 699 du code de procédure civile.

Par déclaration du 13 octobre 2021, M. [H] [O] a formé appel de ce jugement en ce qu'il a désigné Me [I] pour procéder aux opérations de liquidation et partage, déclaré irrecevable sa demande de salaire différé, l'a débouté de ses demandes de sous-estimation des biens immeubles, chiffré le montant des différents rapports des héritiers, l'a débouté de ses demandes,

et a renvoyé les parties devant le notaire commis.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées (n°5) le 5 mars 2024, M. [H] [O] demande à la cour au visa des articles 815 et suivants du code civil, de :

- réformer partiellement le jugement entrepris ;

- juger qu'il devra rapporter à la succession la somme de 37 431,14 euros ;

- juger qu'en sus de la somme de 70 475 euros, Mme [K] [R] née [O] doit rapporter à la succession la somme complémentaire de 1 400 euros correspondant à la sous-évaluation de l'immeuble qui lui a été vendu le 14 mars 2009, ainsi désigné :

* Un pavillon de plain-pied situé [Adresse 9], cadastré section [Cadastre 25],[Cadastre 18] et [Cadastre 19] ;

- juger qu'en sus de la somme de 78 360 euros, M. [V] [O] fils doit rapporter à la succession la somme complémentaire de 30 000 euros correspondant à la sous-évaluation des immeubles qui lui ont été vendus les 9 et 10 avril 2009, ainsi désignés :

* Une longère en pierre couverte en ardoises composée de 2 logements, située 8 villages de l'église à [Localité 29], cadastrée section [Cadastre 24], sous-évaluée de 24 000 euros ;

* 2 parcelles de terres agricoles situées à [Localité 28], cadastrées section [Cadastre 23] et [Cadastre 14], pour une contenance de 3 ha 85 a 80 ca, sous évaluées de 6 000 euros ;

- confirmer le jugement pour le surplus ;

- employer les dépens en frais privilégiés de partage.

Aux termes de leurs dernières écritures notifiées le 16 février 2024, Mme [B] [O], M. [V] [O], M. [G] [O], Mme [W] [O], Mme [K] [O] épouse [R], Mme [U] [O] épouse [L], Mme [A] [O] (ci-après les consorts [O]) demandent à la cour, au visa de l'article 910-4 du code de procédure civile, de :

- déclarer irrecevables en cause d'appel les demandes de M. [H] [O] relatives au salaire différé et au montant des sommes à rapporter par M. [V] [O] et Mme [K] [O], épouse [R] ;

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Subsidiairement, si la demande présentée par M. [H] [O] n'était pas jugée irrecevable, la dire mal fondée et en débouter M. [H] [O] en confirmant le jugement pour le surplus ;

En toutes hypothèses,

- condamner M. [H] [O] à payer la somme de 3 500 euros aux intimés unis d'intérêts en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [H] [O] aux entiers dépens d'appel ;

- dire que, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, Me Quilbe pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision.

L'ordonnance de clôture de l'instruction a été prononcée le 13 mars 2024.

Pour l'exposé complet des prétentions et de l'argumentaire des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

- Sur les rapports à la succession :

- Sur les sommes à rapporter par M. [H] [O] :

* Sur la créance de salaire différé :

M. [O] fait valoir que si sa créance de salaire différée est prescrite, il reste qu'elle a été payée du vivant de ses parents de sorte que son montant doit être déduit des sommes dont il est éventuellement redevable au titre du rapport à la succession.

Les consorts [O] répliquent que la cour n'est pas saisie d'une demande d'infirmation du jugement ayant déclaré irrecevable sa demande formée au titre de sa créance de salaire différé et M. [H] [O] n'a pas davantage demandé à ce que la cour considère recevable cette demande.

Subsidiairement, ils soulèvent la prescription de l'action en revendication d'un salaire différé engagée par leur frère, laquelle est en tout état de cause malfondée.

Sur ce,

La cour, qui statue dans les limites de l'appel dont la portée est déterminée au regard des dernières conclusions en application de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, relève qu'elle n'est saisie d'aucune demande de réformation du jugement en sa disposition ayant déclaré irrecevable la demande de salaire différé comme prescrite à l'encontre de la succession de son père.

Au demeurant, M. [H] [O] ne conteste plus que sa créance de salaire différé est prescrite (p4 de ses conclusions). Il précise néanmoins que la mise en évidence de cette créance est nécessaire afin de déterminer les sommes qu'il a reçues de ses parents en paiement cette créance, lesquelles ne sauraient être considérées comme des sommes rapportables tel que l'ont jugé à tort les premiers juges.

Il affirme qu'il a travaillé pour l'exploitation de ses parents entre 1977 et 1980 pendant une période de 2 ans et 9 mois et demi, ce qui correspondrait à salaire d'un montant total de 20 985,29 euros, qu'il a été payé de sa créance de salaire par un versement de ses parents de 10 000 francs (soit 1524,49 euros) en mai 1981 au moment de son installation, puis par un versement de 160 000 francs (soit 24 391,84 euros) de sa mère en 1995 couvrant le solde de sa créance de sorte que seule la somme de 4 931,04 euros serait rapportable au titre de ces deux versements.

En définitive, la demande de M. [H] [O] telle que présentée ne porterait pas sur la reconnaissance d'une créance de salaire différé stricto sensu mais sur la détermination du montant des sommes rapportables à la succession alors que la cour est bien saisie d'une demande tendant à voir fixer ce montant à 37 431,14 euros au lieu de 73 416,33 euros tel que retenu par le tribunal au titre des dons reçus dont l'appelant estime qu'une partie (20 985,29 euros) ne devrait être qualifiée de dons s'agissant du paiement de sa créance de son salaire différé, et comme tel, non rapportable.

Il reste qu'en application de l'article L. 321-13 du code rural et de la pêche maritime, sont réputés légalement bénéficiaires d'un contrat de salaire différé, les descendants d'un exploitant agricole qui, âgés de plus de 18 ans, participent directement et effectivement à l'exploitation, sans être associés aux bénéfices ni aux pertes et qui ne reçoivent pas de salaire en argent en contrepartie de leur collaboration.

En outre, en application de l'article L. 321-17 du même code, le bénéficiaire d'un contrat de salaire différé exerce son droit de créance après le décès de l'exploitant et au cours du règlement de la succession sauf à démontrer que ce dernier, de son vivant, l'a rempli de ses droits de créance, notamment lors d'une donation-partage.

Or, il est constant que M. [H] [O] qui prétend avoir travaillé pour l'exploitation de ses parents entre 1977 et 1980 admet ne pas avoir été rémunéré par un salaire reçu en contrepartie directe de la réalisation de ses prestations, faisant seulement état du paiement d'une créance de salaire différé par les deux versements allégués par lesquels ses parents l'auraient rempli de ses droits.

Il est acquis aux débats que le versement de 1424 euros effectué à son profit en mai 1981a été réalisé dans le cadre du financement de son installation et la somme incluse dans le plan de financement de son exploitation, et la somme de 160 000 francs réglée à sa place par sa mère veuve en qualité de caution.

Pour déclarer irrecevable comme prescrite sa demande au titre de la créance en salaire différé, le tribunal a considéré que M. [H] [O] ne pouvait pas, au regard de l'article L. 321-17 précité, compenser les sommes qui lui ont été ainsi données, lesquelles sont rapportables, avec la créance de salaire différé qu'il aurait dû réclamer à la succession de son père.

Dès lors, la cour n'étant pas saisie d'une demande tendant à voir déclarer sa demande de salaire différé non prescrite, ne saurait porter une appréciation différente du premier juge, alors que la demande de M. [H] [O] revient, en réalité, à critiquer la prescription acquise tel que jugé définitivement par le tribunal.

Enfin, il sera ajouté que rien ne vient établir la volonté des parents de M. [H] [O] puis celle de sa mère de remplir leur fils de ses droits au titre de la créance de salaire différé en procédant de leur vivant à des versements au titre de son installation pour l'un et de l'engagement de caution de sa mère pour l'autre, alors que ces sommes sont bien rapportables à la succession.

En conséquence, il n'y a pas lieu à déduire la créance de salaire différé des sommes rapportables par M. [H] [O] à la succession et le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que M. [H] [O] devra rapporter la somme de 25 916,33 euros correspondant d'une part à la somme avancée par ses parents dans le cadre de son plan de financement en mai 1981 à hauteur de 10 000 francs (et non euros) soit 1524,49 euros et d'autre part, en 1994 à la somme avancée par sa mère à hauteur de 160 000 francs soit 24 391,84 euros en sa qualité de caution.

* Sur la somme de 15 000 euros :

M. [H] [O] invoque l'erreur commise par le tribunal qui a retenu à tort une somme supplémentaire de 15 000 euros à rapporter au titre des dons perçus, alors que celle-ci avait été déjà comptabilisée au titre de quatre versements effectués par sa mère entre le 28 novembre et le 31 novembre 2009 déjà inclus dans la somme de 32500 euros à rapporter.

M. [H] [O] ne conteste plus en cause d'appel avoir reçu diverses sommes pour un montant total de 32 500 euros de la part de [CW] [JT] tel que retenu par le tribunal à titre de dons perçus.

Dans une carte adressée par l'appelant à la de cujus le 9 février 2010, celui-ci souhaite un bon anniversaire à sa mère en la remerciant 'pour les 15 000 euros, cela correspond au complément de mon salaire différé'.

Le tribunal a considéré qu'il en résultait que [CW] [JT] avait versé à son fils une somme de 15 000 euros distincte des versements déjà pris en compte. Cependant, la somme de 15 000 euros correspond bien au montant total des quatre versements réalisés par la de cujus les mois précédant l'envoi de sa carte soit le 28 novembre 2009 (9000 euros et 1000 euros), le 25 décembre 2009 (1200 euros) et le 31 décembre 2009 (3800 euros) alors que le versement suivant sera en date du 31 mars 2010 soit postérieur à ce courrier.

Dès lors, en l'absence de tout autre élément probant se rapportant précisément à la somme litigieuse, la seule carte susmentionnée est insuffisante à caractériser un don supplémentaire de 15000 euros distinct des dons précédemment réalisés par [CW] [JT] à son profit.

En définitive, le jugement sera infirmé sur ce point et il convient de fixer à 58 416,33 euros le montant de la somme totale que M. [H] [O] devra rapporter à la succession au titre de dons perçus.

- Sur les sommes à rapporter à la succession par M. [V] [O] et Mme [K] [O] épouse [R] et les sous-évaluations de deux immeubles :

Liminairement, il doit être relevé que les consorts [O] qui demandent à la cour de déclarer M. [H] [O] irrecevable en ses demandes relatives au montant des sommes à rapporter par M. [V] [O] et Mme [K] [O] épouse [R] ne développent aucun moyen de droit ou de fait à l'appui de cette demande alors que la cour est bien saisie de l'appel relevé par M. [H] [O] à l'encontre des dispositions du jugement dont s'agit et dont la portée s'apprécie au regard de ses dernières conclusions.

M. [H] [O] fait valoir que les biens immobiliers vendus courant 2009 par sa mère à deux de ses enfants, M. [V] [O] d'une part et Mme [K] [O] épouse [R] d'autre part, ont été sous-évalués ainsi que l'a conclu l'expert judiciaire sans être suivi cependant sur ce point par le tribunal. Il estime au contraire que pour chaque vente, la différence entre le prix évalué par l'expert et le prix convenu entre sa mère et chacun de ces enfants constitue un avantage consenti à son frère et sa soeur devant être rapporté à la succession.

Les consorts [O] répliquent que l'évaluation faite par l'expert concernant la longère acquise par M. [V] [O] est contestable en ce qu'elle compte 5 références dont 4 doivent être exclues dès lors qu'elles concernent des biens bâtis sur des terrains d'une surface beaucoup plus grande que celle de la longère litigieuse et qu'en retenant la seule référence relative à la vente d'un bien similaire, aucune sous-estimation ne peut être caractérisée. De même, aucune somme n'est à rapporter concernant le pavillon vendu à Mme [K] [O] épouse [R] alors que l'écart entre son prix de vente et celui du marché est de l'ordre d'1% environ.

Sur ce,

Aux termes de l'article 843 du code civil, tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l'actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu'ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale.

Il en résulte que le rapport aux cohéritiers de toute donation indirecte reçue entre vifs du défunt impose la justification d'un appauvrissement du patrimoine du disposant et de l'intention libérale de ce dernier.

Le premier juge a parfaitement rappelé que la vente d'un bien immobilier à un de ses enfants était possible en droit sous conditions de respecter un juste prix, étant admis qu'un prix de vente a été sous-évalué lorsqu'il était inférieur à celui du marché.

La valeur vénale d'un bien est constituée par le prix qui pourrait en être obtenu par le jeu de l'offre et de la demande dans un marché réel au jour de la mutation.

Ainsi, pour déterminer la valeur vénale des biens immobiliers litigieux, le premier juge a valablement indiqué qu'il convenait de se baser sur le prix qui pourrait être obtenu par le jeu de l'offre et de la demande sur le marché, ce qui implique une cohérence avec le marché immobilier local sauf à lisser les écarts en procédant à une moyenne entre les évaluations recueillies.

En premier lieu, la longère située [Adresse 22] composée de deux logements sur une parcelle de 937m², a été vendue le 9 avril 2009 par [CW] [JT] à M. [V] [O] au prix de 150 000 euros, à savoir 55000 euros pour le premier logement et 95 000 euros pour le second, alors que l'expert judiciaire a évalué l'ensemble immobilier à la somme de 174 000 euros pour une surface habitable retenue non contestée de125,23 m².

Le tribunal a considéré néanmoins, au vu des trois justificatifs communiqués par les consorts [O] et se rapportant à la vente de trois maisons similaires situées dans des villages se trouvant dans un rayon de 5 km de Sainte Colombe aux prix respectifs de 130 000 euros, 140 000 et 150 000 euros, lesquels étaient de nature à caractériser le marché de l'immobilier local et les prix s'y pratiquant, que le prix de vente litigieux n'avait pas été sous-évalué.

Il sera relevé que ces transactions immobilières ainsi prises en référence sont datées respectivement des 4 juin 2019, 13 juin 2020 et 16 juin 2020 de sorte qu'elles ne sont pas contemporaines de la mutation litigieuse.

L'expert judiciaire s'était pour sa part référé à cinq ventes de biens situés dans un rayon de 10 km de [Localité 29] et conclues entre le 4 avril et le 10 octobre 2008. Cependant, il doit être observé que son évaluation a été réalisée selon deux méthodes, l'une par comparaison et l'autre par capitalisation et que, selon la première méthode utilisée, l'expert a tenu compte de la surface du terrain entre les biens comparés mais ce uniquement, lorsque celle-ci était très supérieure à celle de la longère (soit pour deux biens immobiliers de référence d'une surface supérieure à 10 000m²), le conduisant à retenir un prix moyen du marché après correctif de 1373 euros par m², soit une valeur moyenne de 171 940 euros. Or, en effectuant la moyenne du prix au m² sur les deux biens immobiliers disposant d'une surface de terrain inférieure ou proche de 1000 m², similaire à la surface de terrain vendue, il apparaît que rapporté au bien litigieux, la valeur de la longère serait de 140 382,83 euros, soit inférieure au prix de vente de 150 000 euros.

Enfin, même à retenir ce prix du marché de référence, tel qu'évalué par l'expert, il reste que cette différence de 21 940 euros (soit 13,76 %) entre celui-ci et le prix de vente de la longère, ne saurait suffire à caractériser l'intention libérale de [CW] [JT].

Il en résulte que le tribunal a exactement considéré qu'il n'y avait pas lieu pour M. [V] [O] de rapporter une quelconque somme au titre de la vente de la longère que lui avait consentie sa mère.

Enfin, aucune critique n'est apportée au jugement par l'une ou l'autre des parties s'agissant de la vente des deux parcelles de terres agricoles situées à [Localité 28] (50 390) pour laquelle il a été jugé que M. [V] [O] devait rapporter la somme de 6000 euros à la succession.

En définitive le jugement sera confirmé en ce qu'il a fixé à 78 360 euros le montant de la somme à rapporter par M. [V] [O] au titre des dons perçus outre la somme de 6000 euros au titre de la sous-estimation du prix de vente des deux parcelles sises à [Localité 28].

En second lieu, le pavillon situé [Adresse 9] a été vendu le 14 mars 2009 par [CW] [JT] à Mme [K] [O] épouse [R] au prix de 105 000 euros, alors que l'expert judiciaire avait retenu une valeur 2009 de 106 400 euros. Toutefois, au regard de l'estimation de l'expert arrêtée en fourchette basse à un montant de 102 000 euros, le tribunal a considéré avec raison que le dit immeuble n'avait pas été sous-estimé au moment de sa vente, que le prix n'était pas vil et qu'en conséquence Mme [K] [O] épouse [R] n'avait pas à rapporter à la succession la somme de 1400 euros tel que sollicité par M. [H] [O].

En l'absence de tout autre motif développé par M. [H] [O] au soutien de sa contestation relative aux sommes à rapporter par Mme [K] [O] épouse [R], le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que Mme [K] [O] épouse [R] devra rapporter à la succession la somme totale de 70 475 euros au titre des dons perçus.

- Sur les demandes accessoires :

Le jugement doit être confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Compte tenu de la solution apportée au présent litige, il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de l'une ou l'autre des parties, lesquelles seront déboutées de leurs demandes présentées à ce titre en cause d'appel.

Les dépens de la procédure d'appel seront employés en frais privilégiés de partage.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Statuant dans les limites de sa saisine, par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort, publiquement par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement rendu le 7 juin 2021 par le tribunal judiciaire de Cherbourg-en-Cotentin en ce qu'il a dit que M. [H] [O] devra rapporter à la succession la somme totale de 73 416,33 euros au titre de dons reçus ;

Confirme pour le surplus les dispositions soumises à la cour ;

Statuant de ce seul chef infirmé et y ajoutant,

Dit que M. [H] [O] devra rapporter à la succession la somme totale de 58 416,33 euros au titre de dons perçus ;

Rejette les autres demandes présentées par M. [H] [O] ;

Rejette les demandes présentées par chaque partie sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;

Dit que les dépens de la procédure d'appel seront employés en frais privilégiés de partage.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

M. COLLET G. GUIGUESSON


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/02822
Date de la décision : 18/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-18;21.02822 ?
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