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18/06/2024 | FRANCE | N°21/02462

France | France, Cour d'appel de Caen, 1ère chambre civile, 18 juin 2024, 21/02462


AFFAIRE : N° RG 21/02462 -

N° Portalis DBVC-V-B7F-G2IQ

 



ARRÊT N°



JB.





ORIGINE : DÉCISION du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LISIEUX du 08 Décembre 2020

RG n° 19/00120







COUR D'APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 18 JUIN 2024





APPELANTE :



Madame [G] [U]

[Adresse 2]

[Localité 4]



représentée par Me Marie-France MOUCHENOTTE, avocat au barreau de CAEN,

assistée de Me

Nedjma ABDI, avocat au barreau de PARIS

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 141180022021005303 du 22/07/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CAEN)



INTIMÉES :



La S.A. MAAF A...

AFFAIRE : N° RG 21/02462 -

N° Portalis DBVC-V-B7F-G2IQ

 

ARRÊT N°

JB.

ORIGINE : DÉCISION du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LISIEUX du 08 Décembre 2020

RG n° 19/00120

COUR D'APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 18 JUIN 2024

APPELANTE :

Madame [G] [U]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Marie-France MOUCHENOTTE, avocat au barreau de CAEN,

assistée de Me Nedjma ABDI, avocat au barreau de PARIS

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 141180022021005303 du 22/07/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CAEN)

INTIMÉES :

La S.A. MAAF ASSURANCES

N° SIRET : 542 073 580

Chaban

[Localité 5]

prise en la personne de son représentant légal

représentée et assistée de Me Jérôme MARAIS, avocat au barreau de CAEN

La CPAM DE PARIS

[Adresse 1]

[Localité 3]

prise en la personne de son représentant légal

non représentée, bien que régulièrement assignée

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. GUIGUESSON, Président de chambre,

Mme VELMANS, Conseillère,

Mme DELAUBIER, Conseillère,

DÉBATS : A l'audience publique du 09 avril 2024

GREFFIER : Mme COLLET

ARRÊT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile le 18 Juin 2024 et signé par M. GUIGUESSON, président, et Mme COLLET, greffier

* * *

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 14 août 1982, Mme [G] [U], alors âgée de quatre ans, a été victime d'un accident de la circulation. Celle-ci a été percutée par le véhicule conduit par Mme [M] [F] à l'intérieur de l'enceinte d'un camping situé à [Localité 7].

Transportée au CHU de [Localité 6], le certificat médical en date du 13 juin 1983 faisait état d'une fracture isolée spiroïde du tibia gauche fermée associée à une plaie de la face dorsale du pied gauche avec une importante perte de substance, ayant nécessité un barrage effectué en urgence et une greffe de peau mince sur le dos du pied gauche.

Le 11 juin 1986, une offre d'indemnisation provisionnelle d'un montant de 22 376 francs de la société Maaf Assurances (ci-après la Maaf), assureur de Mme [F], a été acceptée par les représentants légaux de l'enfant mineur victime.

Une expertise contradictoire a été réalisée le 2 mai 2018 dans le cadre de pourparlers amiables avec la société Maaf Assurances.

Par lettre du 5 octobre 2018, la Maaf a adressé à Mme [U] une offre d'indemnisation qu'elle a refusée.

Par actes des 23 et 24 janvier 2019, Mme [U] a fait assigner la Maaf et la caisse primaire d'assurance maladie de Paris aux fins d'obtenir l'indemnisation de son préjudice.

Par jugement du 8 décembre 2020 auquel il est renvoyé pour un exposé complet des prétentions en première instance, le tribunal judiciaire de Lisieux a :

- rejeté la demande de report de l'ordonnance de clôture formée par Mme [U] ;

- accueilli l'exception soulevée par la Maaf tendant à la prescription de l'action ;

- déclaré irrecevable l'action de Mme [U] à l'encontre de la Maaf et de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris ;

- dit n'y avoir lieu à indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Mme [U] aux dépens.

Par déclaration du 26 août 2021, Mme [U] a formé appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 20 mai 2022, Mme [U] demande à ce qu'elle soit déclarée recevable et bien fondée en son action et de :

- condamner la Maaf à lui payer les sommes suivantes :

* Déficit fonctionnel temporaire : 45 283, 5 euros

* Souffrances endurées : 20 000 euros

* Préjudice esthétique temporaire : 10 000 euros

* Préjudice esthétique permanent : 4 000 euros

* Déficit fonctionnel permanent : 20 500 euros

* Préjudice d'agrément : 10 000 euros

* Frais médicaux : 46,06 euros

* Médecin conseil : 900 euros

* Facture de tatouage : 250 euros

* Frais de déplacement : 2 000 euros

* Aide humaine : 8 100 euros

* Perte d'une année scolaire : 3 000 euros

- condamner la Maaf à payer à Mme [Z], sa mère, en sa qualité de victime indirecte de l'accident du 14 août 1982, la somme de 20 000 euros ;

- condamner la Maaf à payer à Mme [E] [U], sa s'ur, en sa qualité de victime indirecte de l'accident du 14 août 1982, la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice personnel ;

- condamner la Maaf à payer à sa fille en sa qualité de victime indirecte de l'accident du 14 août 1982, la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice personnel ;

- condamner la Maaf au doublement des intérêts légaux pour offre manifestement insuffisante à compter de l'expiration du délai de 8 mois depuis l'accident jusqu'au jour du jugement devenu définitif ;

- statuer ce que de droit sur la créance de la caisse primaire d'assurance maladie ;

- condamner la Maaf à lui payer la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens.

Mme [U] critique le jugement en ce que le délai de prescription de 10 ans applicable à son cas d'espèce, a pour point de départ, non la date de consolidation telle que retenue à tort par le tribunal, mais le jour de sa fixation par le médecin expert, soit en l'occurrence le 2 mai 2018. Elle rappelle qu'aucun délai ne doit courir avant que le titulaire du droit d'agir ne soit en possession de tous les éléments nécessaires à sa prise de décision et que juger le contraire porterait atteinte au droit des victimes de dommages corporels à un tribunal, tel que garanti par l'article 6§1 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 8 décembre 2021, la société Maaf Assurances demande à la cour de :

- confirmer la décision entreprise ;

- déclarer irrecevable l'action de Mme [U] en constatant sa prescription ;

- la condamner en conséquence aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

Subsidiairement,

- débouter Mme [U] de ses demandes indemnitaires en les déclarant partiellement infondées ;

- fixer l'indemnisation éventuelle de Mme [U] à la somme de 39 745,51 euros sous déduction des provisions d'ores et déjà versées à hauteur de 4 935,70 euros ;

En ce dernier cas,

- statuer ce que de droit quant aux dépens.

La Maaf fait valoir que l'action en indemnisation de Mme [U], laquelle se prescrit par 10 ans à compter de la date de sa consolidation, est irrecevable comme tardive ce, en raison de la seule inertie de l'appelante alors que le dernier geste chirurgical est en date du 30 juin 2005.

La déclaration et les conclusions d'appel ont été régulièrement signifiées à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris (à personne morale), laquelle n'a pas constitué avocat en cause d'appel.

L'ordonnance de clôture de l'instruction a été prononcée le 13 mars 2024.

Pour l'exposé complet des prétentions et de l'argumentaire des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement.

La cour relève que, dans le dispositif de ses conclusions notifiées par RPVA le 20 mai 2022 à la Maaf et signifiées le 2 juin 2022 à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, Mme [U] ne demande pas à la cour l'infirmation du jugement, mais demande 'au tribunal' de déclarer son action recevable et bien fondée ainsi que la condamnation de la Maaf au paiement de diverses indemnités.

Il en résulte que la présente cour ne peut que confirmer le jugement dont appel ce d'autant plus, que l'action engagée par Mme [U] à l'encontre de la Maaf et de la caisse par actes des 23 et 24 janvier 2019 est prescrite ainsi que l'a déclaré à raison le tribunal.

En effet, selon l'article 2270-1 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, ayant réduit le délai de prescription trentenaire de droit commun prévu par l'article 2262 ancien du même code et applicable à la date de l'accident, 'les actions en responsabilité civile extracontractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation'.

Il a été admis qu'en cas de dommage corporel ou d'aggravation du dommage, la date de consolidation faisait courir le délai de prescription prévu par ce texte.

Ce principe a été consacré par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, l'article 2226 du code civil prévoyant désormais que 'l'action en responsabilité née à raison d'un événement ayant entraîné un dommage corporel, engagée par la victime directe ou indirecte des préjudices qui en résultent, se prescrit par dix ans à compter de la consolidation du dommage initial ou aggravé'.

Enfin, il sera précisé que la fixation du point de départ du délai de prescription d'une action en réparation du préjudice corporel au jour de la consolidation n'est pas contraire à l'article 6 alinéa 1 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH 13 février 2020, Sanofi Pasteur c. France ; n° 25137/16).

En l'espèce, dans son rapport établi le 2 mai 2018, le docteur [P], expert judiciaire, a fixé la consolidation des lésions initiales à la date du 21 juin 2007, date du certificat médical du docteur [R] constatant la persistance d'une petite raideur de la cheville avec une petite adhérence cicatricielle séquellaire.

Cette date de consolidation ne fait l'objet d'aucune critique, étant précisé que Mme [U] était âgée de 28 ans au 21 juin 2007.

Si la prescription ne peut courir qu'à compter du jour où celui contre lequel on l'invoque a pu valablement agir, il résulte néanmoins des éléments versés aux débats que :

- le docteur [T] [K], expert judiciaire missionné par ordonnance de référé du tribunal de grande instance de Versailles du 13 juin 1995, a conclu dans son rapport du 16 octobre 1995, que 'la date de consolidation est à prévoir un an après la dernière intervention chirurgicale' ;

- dans son certificat du 21 juin 2007, le docteur [R], examinant Mme [U] pour un 'bilan de l'évolution cicatricielle suite à son traumatisme du membre inférieur gauche datant du 14 août 1982" fait état d'une dernière intervention chirurgicale pour reprise de cicatrice et mise en place d'une greffe ayant eu lieu le 30 juin 2005, estime 'tout à fait favorable l'évolution cicatricielle après la greffe du 30 juin 2005", relève que 'le préjudice fonctionnel reste limité avec un déficit de flexion au niveau de la cheville lié au traumatisme initial' et que l'évolution cicatricielle est actuellement stabilisée, le médecin mentionnant une guérison comme totale avec une réserve cicatricielle ;

-Mme [U] n'a pas subi de nouvelles opérations depuis le 30 juin 2005 alors que celle-ci sollicite la réparation de ses préjudices résultant des lésions initiales et que l'expert ne souligne pas l'existence d'une aggravation récente de l'état de santé de la victime postérieurement à 2007 permettant de retarder le point de départ du délai de prescription.

Il en résulte que Mme [U] était en mesure d'apprécier le moment de sa consolidation à compter duquel son état de santé n'a plus été susceptible d'amélioration ensuite de la dernière intervention du 30 juin 2005 et du bilan effectué par son chirurgien le 21 juin 2007.

Dès lors, l'appelante ne pouvait légitimement ignorer son droit à réparation avant de connaître la date de consolidation.

En conséquence, en application des articles 2252 et 2270-1 du code civil, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, ensemble l'article 2226 du même code, le délai de prescription de dix ans de l'action dont Mme [U] disposait en réparation des dommages corporels subis ensuite de l'accident survenu le 14 août 1982, a commencé à courir à compter de la date de la consolidation du dommage initial, soit le 21 juin 2007, et l'action engagée par actes des 23 et 24 janvier 2019, soit postérieurement à l'expiration du délai de prescription décennal précité, est prescrite.

Pour l'ensemble de ces motifs, le jugement est donc confirmé en ce qu'il a déclaré l'action de Mme [U] à l'encontre de la Maaf et de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris irrecevable.

Il convient de confirmer la décision en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné Mme [U] aux dépens.

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et Mme [U], partie qui succombe, sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant publiquement, dans les limites de l'appel, par arrêt réputé contradictoire rendu en dernier ressort, par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement rendu le 8 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Lisieux en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Condamne Mme [G] [U] aux dépens de la procédure d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

M. COLLET G. GUIGUESSON


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/02462
Date de la décision : 18/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-18;21.02462 ?
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