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13/06/2024 | FRANCE | N°22/01887

France | France, Cour d'appel de Caen, 2ème chambre civile, 13 juin 2024, 22/01887


AFFAIRE : N° RG 22/01887



ARRÊT N°



NLG





ORIGINE : DECISION du Juge des contentieux de la protection de COUTANCES en date du 04 Juillet 2022

RG n° 21/00008





COUR D'APPEL DE CAEN

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 13 JUIN 2024









APPELANTE :



S.A. FINANCO

N° SIRET : 338 138 795

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

prise en la personne de son représentant légal



Représentée

par Me Jean-Michel DELCOURT, avocat au barreau de CAEN,

Assistée de Me Xavier HELAIN, avocat au barreau de LILLE







INTIMEE :



Madame [O] [D] épouse [B]

née le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 3]

[Adresse ...

AFFAIRE : N° RG 22/01887

ARRÊT N°

NLG

ORIGINE : DECISION du Juge des contentieux de la protection de COUTANCES en date du 04 Juillet 2022

RG n° 21/00008

COUR D'APPEL DE CAEN

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 13 JUIN 2024

APPELANTE :

S.A. FINANCO

N° SIRET : 338 138 795

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

prise en la personne de son représentant légal

Représentée par Me Jean-Michel DELCOURT, avocat au barreau de CAEN,

Assistée de Me Xavier HELAIN, avocat au barreau de LILLE

INTIMEE :

Madame [O] [D] épouse [B]

née le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 3]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée et assistée par Me Victor DEFRANCQ, avocat au barreau de CAEN

DEBATS : A l'audience publique du 08 avril 2024, sans opposition du ou des avocats, Mme COURTADE, Conseillère, a entendu seule les plaidoiries et en a rendu compte à la cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme LE GALL, greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame EMILY, Président de Chambre,

Mme COURTADE, Conseillère,

M. GOUARIN, Conseiller,

ARRET prononcé publiquement le 13 juin 2024 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier

*

* *

Suivant offre préalable signée le 20 mars 2019, la SA Financo a consenti à Mme [O] [D] épouse [B] un prêt personnel d'un montant de 12.000 euros, au taux d'intérêt fixe débiteur de 4,84% l'an, remboursable après un différé de 5 mois en 180 mensualités de 114,65 euros assurance comprise, destiné à financer la pose et l'installation par la société Logis vert de fenêtres et d'une porte de garage.

En raison de plusieurs échéances demeurées impayées, la banque a, par lettre recommandée avec accusé de réception du 19 août 2020, mis en demeure Mme [B] de lui payer la somme de 1.010,81 euros, puis en l'absence de règlement a prononcé la déchéance du terme le 20 octobre 2020.

Selon acte d'huissier de justice du 23 décembre 2020, la SA Financo a assigné Mme [B] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Coutances en paiement du solde du crédit.

Par jugement contradictoire du 4 juillet 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Coutances a :

- déclaré recevable l'action en paiement de la société Financo ;

- prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la société Financo au titre du contrat de crédit n°48935336 signé le 20 mars 2019 avec Mme [O] [D] épouse [B] ;

- condamné Mme [O] [D] épouse [B] à payer à la société Financo la somme de 12.000 euros ;

- dit que la société Financo était tenue d'un devoir de mise en garde à l'égard de Mme [O] [D] épouse [B] et qu'elle y a manqué ;

- condamné la société Financo à payer à Mme [O] [D] épouse [B] la somme de 10.318,50 euros à titre de dommages et intérêts ;

- ordonné la compensation des sommes dues de part et d'autre ;

- dit qu'après compensation, Mme [O] [D] épouse [B] reste redevable à la société Financo de la somme de 1.681,50 euros ;

- dit que cette somme portera intérêts au taux légal non majoré à compter de la signification de la présente décision ;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

- débouté les parties de leur demande en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rappelé que la présente décision est assortie de l'exécution provisoire de droit.

Par déclaration du 27 juillet 2022 adressée au greffe de la cour, la SA Financo a relevé appel de ce jugement.

Par dernières conclusions déposées le 27 septembre 2022, la société Financo demande à la cour de :

- La voir déclarer recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions d'appel,

Y faire droit,

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SA Financo à payer à Mme [O] [D] épouse [B] la somme de 10.318,50 euros à titre de dommages et intérêts et a ordonné la compensation des sommes réciproquement dues, et dit que la somme finalement due ne portera intérêts qu'au taux légal non majoré à compter de la signification de la présente décision,

Statuant à nouveau sur ces points,

- Déclarer Mme [O] [D] épouse [B] mal fondée en sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour manquement au devoir de mise en garde et l'en débouter,

- dès lors, Dire n'y avoir lieu à compensation,

- à titre plus subsidiaire, pour le cas où le jugement serait confirmé en ce qu'il est entré en voie de condamnation à l'égard de la SA Financo au profit de Mme [O] [D] épouse [B], réduire le montant des dommages et intérêts dû à Mme [O] [D] épouse [B] à la somme d'un euro,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné Mme [O] [D] épouse [B] à payer à la SA Financo la somme de 12.000 euros au titre du remboursement du prêt,

- Dire et juger cependant que cette somme sera assortie du taux légal à compter de la mise en demeure du 28 octobre 2020,

- Condamner Mme [O] [D] épouse [B] à payer à la SA Financo la somme de 1.200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- La condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par dernières conclusions déposées le 30 janvier 2024, Mme [D] épouse [B] demande à la cour de :

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a accordé des dommages-intérêts à Mme [B] à hauteur de 10.318,50 euros,

Statuant à nouveau,

- Condamner la SA Financo à verser une somme de 12.000 euros à titre de dommages-intérêts à Mme [B] pour manquements à son devoir de mise en garde,

- Ordonner le cas échéant la compensation avec toute somme mise à la charge de Mme [B],

- Confirmer la décision pour le surplus,

En tout état de cause,

- Débouter SA Financo de l'ensemble de ses demandes plus amples ou contraires,

- Condamner SA Financo aux entiers dépens,

- Condamner SA Financo à verser une somme de 3.000 euros à Mme [B] en

application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 6 mars 2024.

Il est expressément renvoyé aux écritures précitées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

MOTIFS

A titre liminaire, il y a lieu de confirmer les dispositions, non critiquées, qui ont prononcé la déchéance du droit aux intérêts faute de production par la banque de la FIPEN et condamné Mme [B] à payer à la société Financo la somme de12.000 euros au titre du prêt.

Il y a lieu d'ajouter que cette somme produira intérêt au taux légal à compter du 28 octobre 2020, date de la mise en demeure.

I. Sur la responsabilité de la banque et la demande de dommages et intérêts

Mme [B] soutient que la SA Financo a engagé sa responsabilité pour manquement à son devoir de mise en garde à son égard et sollicite une indemnité correspondant aux sommes dues en vertu du prêt outre la compensation des créances réciproques.

En application de l'article 1231-1 du code civil, le banquier dispensateur de crédit est tenu à l'égard de l'emprunteur non averti d'une obligation de mise en garde lors de la conclusion du contrat et de justifier avoir satisfait à cette obligation à raison des capacités financières de l'emprunteur et des risques de l'endettement né de l'octroi des prêts.

Seuls les emprunteurs ou cautions non avertis peuvent l'invoquer et celui qui l'invoque doit justifier d'un risque de surendettement.

Il appartient à l'emprunteur de rapporter la preuve de l'inadaptation de son engagement par rapport à ses facultés de remboursement lesquelles doivent être appréciées au jour de l'octroi du prêt en tenant compte de la situation à cette date et des perspectives prévisibles.

Le risque d'endettement s'apprécie au vu des revenus et charges de l'emprunteur au jour de la conclusion du contrat de crédit et en fonction de ses capacités de remboursement, sans avoir à tenir compte de ses engagements postérieurs.

Le caractère adapté du prêt s'apprécie au regard des capacités de remboursement globales des coemprunteurs qu'ils soient mariés ou pas.

Le banquier prêteur n'a d'obligation de mise en garde qu'en cas de crédit excessif, même si le prêt est consenti à un emprunteur non averti.

La banque n'est pas tenue de vérifier, en l'absence d'anomalies apparentes, l'exactitude des informations contenues dans la fiche de renseignements.

La communication des informations repose sur le principe de bonne foi, à charge pour les emprunteurs de supporter les conséquences d'un comportement déloyal.

En l'espèce, la qualité d'emprunteuse non avertie de Mme [B] n'est pas discutée.

Aux termes de la fiche dialogue signée le 20 mars 2019, Mme [B] a déclaré les renseignements suivants :

- profession : retraitée

- divorcée

- revenus mensuels: 1.600 euros

- propriétaire de son logement

- loyer ou prêt immobilier : 0 euro

Mme [B] n'a pas déclaré le précédent prêt qu'elle avait souscrit auprès de la SA Financo le 14 mars 2019 pour un montant de 44.900 euros avec des échéances de remboursement de 411,19 euros par mois.

Il s'agit d'une anomalie que la banque ne pouvait ignorer.

Il convient donc d'intégrer ce prêt dans la situation de Mme [B].

Il y a lieu également de prendre en compte le fait que l'empruntrice était propriétaire, selon sa propre déclaration, d'un bien immobilier même si en réalité elle n'en avait que l'usufruit.

En effet, en l'absence d'anomalie apparente, la banque n'était pas tenue de procéder à des vérifications sur l'exactitude de l'information donnée par l'intimée.

Il ressort de ces éléments, qu'au jour de la conclusion du crédit litigieux, il restait à Mme [B] un revenu disponible de 1.188,81 euros par mois, déduction faite de la mensualité de remboursement du prêt antérieur, pour faire face aux charges courantes et au remboursement de la mensualité du prêt litigieux d'un montant de 298,13 euros, soit un reste à vivre de 1.074,16 euros après soustraction des échéances mensuelles des deux crédits.

Ainsi, la preuve du caractère excessif du prêt incriminé par rapport aux capacités financières de Mme [B], impliquant un devoir de mise en garde de la SA Financo à l'égard de cette dernière n'est pas rapportée, de sorte que celle-ci est déboutée de sa demande indemnitaire.

Le jugement est infirmé de ce chef.

III. Sur les demandes accessoires

Mme [B] succombant, est condamnée aux dépens de première instance et d'appel, à payer à la SA Financo la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et est déboutée de sa demande formée à ce titre.

Les dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles sont infirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe, dans les limites de sa saisine,

INFIRME le jugement entrepris des chefs de disposition dont il a été interjeté appel sauf en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la société Financo au titre du contrat de crédit n°48935336 signé le 20 mars 2019 et condamné Mme [O] [D] épouse [B] à payer à la société Financo la somme de 12.000 euros ;

Statuant à nouveau du chef des dispositions infirmées et y ajoutant,

DIT que la somme de 12.000 euros à laquelle Mme [O] [D] épouse [B] est condamnée au titre du prêt produira intérêt au taux légal à compter du 28 octobre 2020 ;

DEBOUTE Mme [O] [D] épouse [B] de sa demande de dommages-intérêts ;

CONDAMNE Mme [O] [D] épouse [B] à payer à la SA Financo la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE Mme [O] [D] épouse [B] de sa demande formée à ce titre ;

CONDAMNE Mme [O] [D] épouse [B] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

N. LE GALL F. EMILY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : 2ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/01887
Date de la décision : 13/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-13;22.01887 ?
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