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13/06/2024 | FRANCE | N°18/03053

France | France, Cour d'appel de Caen, 2ème chambre civile, 13 juin 2024, 18/03053


AFFAIRE :N° RG 18/03053 -

 



ARRÊT N°



NLG





ORIGINE : DECISION en date du 19 Septembre 2018 du Tribunal de Commerce de CAEN

RG n° 2016009537





COUR D'APPEL DE CAEN

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 13 JUIN 2024









APPELANT :



Monsieur [C] [U]

né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 6]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]



Représenté et assisté par Me Stéphane PIEUCHO

T, substitué par Me Marie MAC GRATH, avocats au barreau de CAEN







INTIMEE :



CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 2]

N° SIRET : 306 897 505

[Adresse 5]

[Localité 2]

prise en la personne de son représentant légal ...

AFFAIRE :N° RG 18/03053 -

 

ARRÊT N°

NLG

ORIGINE : DECISION en date du 19 Septembre 2018 du Tribunal de Commerce de CAEN

RG n° 2016009537

COUR D'APPEL DE CAEN

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 13 JUIN 2024

APPELANT :

Monsieur [C] [U]

né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 6]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté et assisté par Me Stéphane PIEUCHOT, substitué par Me Marie MAC GRATH, avocats au barreau de CAEN

INTIMEE :

CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 2]

N° SIRET : 306 897 505

[Adresse 5]

[Localité 2]

prise en la personne de son représentant légal

Représentée et assistée par Me Mickaël DARTOIS, substitué par Me Jean-Michel DELCOURT, avocats au barreau de CAEN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame EMILY, Président de Chambre,

Mme COURTADE, Conseillère,

M. GOUARIN, Conseiller,

DÉBATS : A l'audience publique du 11 avril 2024

GREFFIER : Mme LE GALL, greffier

ARRÊT prononcé publiquement le 13 juin 2024 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier

L'EURL Brem, société immatriculée le 13 janvier 2010, dont l'objet social consiste dans la détention et la gestion de parts sociales, a pour associé unique et gérant M. [C] [U].

Par acte sous seing privé du 4 janvier 2012, la Caisse de crédit mutuel de [Localité 2] a consenti à l'EURL Brem un prêt de 190.800 euros, au taux de 4.100% l'an remboursable en 180 mensualités de 1.420,91 euros, destiné à financer l'acquisition de 800 parts de la SCI CP[Adresse 3].

Par ce même acte, M. [C] [U] s'est porté caution solidaire du prêt contracté par l'EURL Brem, et ce dans la limite de la somme de 228.960 euros.

Par acte sous seing privé du 28 janvier 2012, le remboursement de ce prêt a également été garanti par le nantissement des parts sociales de la SCI CP21 acquises par l'EURL Brem.

Par jugement du 15 juillet 2015, le tribunal de commerce de Caen a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la société Brem, convertie par jugement du 18 décembre 2016, en liquidation judiciaire. Me [H] [Y] a été désignée en qualité de mandataire liquidateur.

Par lettre recommandée du 22 septembre 2015, la Caisse de crédit mutuel a déclaré sa créance à titre privilégié pour un montant de 166.249,23 euros à la procédure collective de l'EURL Brem.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 6 juin 2016, la banque a mis en demeure M. [U], ès qualités de caution solidaire, de lui régler la somme de 171.940,53 euros.

Cette mise en demeure restant sans effet, la Caisse de crédit mutuel a, par acte d'huissier du 28 octobre 2016, assigné M. [U] devant le tribunal de commerce de Caen, afin de le voir condamner, en sa qualité de caution, au paiement des sommes dues.

Par jugement du 19 septembre 2018, le tribunal de commerce de Caen a :

- débouté M. [C] [U] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions, à l'exception des délais de paiement ;

- condamné M. [C] [U] à payer à la Caisse de crédit mutuel [Localité 2] la somme de 171.940,53 euros majorée des intérêts contractuels (sur le capital restant dû de 158.332,60 euros) à compter du 11 juin 2016 jusqu'à parfait paiement et ce, dans la limite de 228.960 euros ;

- dit que M. [C] [U] pourra s'acquitter de sa dette moyennant 23 versements mensuels égaux de 550 euros, le 10 de chaque mois, et une 24ème échéance pour solde de tout compte, la dernière échéance devant intervenir dans le délai d'un mois suivant la signification du jugement ;

- dit qu'à défaut de paiement d'une seule échéance à son terme, la totalité de la dette deviendra immédiatement exigible ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

- condamné M. [C] [U] à payer à la Caisse de crédit mutuel [Localité 2] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné M. [U] aux entiers dépens, y compris les frais de greffe s'élevant à la somme de 79,65 euros.

Par déclaration au greffe du 26 octobre 2018, M. [U] a fait appel de ce jugement.

Parallèlement à ce contentieux, la créance déclarée par la Caisse de crédit mutuel au titre du prêt litigieux dans le cadre de la procédure collective de l'EURL Brem a fait l'objet d'une contestation devant le juge commissaire du tribunal de commerce de Caen.

Par jugement du 5 septembre 2018, le tribunal de commerce de Caen a fixé la créance de la Caisse de crédit mutuel à la somme de 158.332,60 euros et a annulé le cautionnement et le nantissement octroyés en garantie de ce prêt.

La banque a fait appel de ce jugement.

Par arrêt du 19 novembre 2020, la cour d'appel de Caen a dit que la Caisse de crédit mutuel de [Localité 2] avait manqué à son devoir de mise en garde et confirmé le jugement attaqué, notamment en ce qu'il avait annulé au visa de l'article L650-1 du code de commerce, la caution de M. [U] et le nantissement des parts sociales, estimant les garanties prises en contrepartie du prêt disproportionnées.

Un pourvoi en cassation a été formé contre cet arrêt.

Dans la présente affaire, par arrêt du 16 septembre 2021, l'ordonnance de clôture rendue le 1er septembre 2021 a été révoquée, la clôture de la procédure a été prononcée à la date du 16 septembre 2021 et les conclusions remises au greffe les 8 septembre 2021 et 15 septembre 2021 ont été jugées recevables.

La cour d'appel, par arrêt du 18 novembre 2021, a :

- ordonné le sursis à statuer sur l'ensemble des demandes dans l'attente de l'arrêt qui serait rendu par la Cour de cassation en suite du pourvoi formé par la Caisse de crédit mutuel [Localité 2] contre l'arrêt rendu par la cour d'appel de Caen le 19 novembre 2020;

- dit que l'instance était en conséquence suspendue et qu'il appartiendrait à la partie la plus dilligente de communiquer au greffe de la cour la décision de la Cour de cassation.

Par arrêt du 29 juin 2022, la chambre commerciale de la Cour de Cassation a :

- cassé et annulé, sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action dirigée contre la Caisse régionale de crédit mutuel de Normandie, déclaré recevable l'intervention volontaire de M. [U] et dit que la société Brem et M. [U] sont emprunteur et caution profanes, l'arrêt rendu le 19 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Caen,

- remis, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Rouen.

Par arrêt du 7 septembre 2023, la cour d'appel de Rouen, statuant dans les limites de sa saisine, a :

- infirmé le jugement entrepris en ce qu'il a :

* donné acte à Maître [Y], ès qualités de mandataire de la société Brem, de ce qu'elle s'en rapporte concernant la fixation de la créance de la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 2] au passif de la procédure collective de la société Brem,

* dit que le cautionnement et le nantissement cumulés sont excessifs et disproportionnés par rapport au montant emprunté et les a déclarés nuls,

- fixé la créance de la Caisse de crédit mutuel de [Localité 2] à la somme de 158.332,60 euros au passif de la société Brem, outre les intérêts à compter du 15 juillet 2015 au taux de 4,10 % l'an,

Statuant à nouveau,

- constaté que Me [Y], la société Brem et M. [U] ont abandonné leurs prétentions relatives à la fixation de la créance ;

- constaté que la société Brem et M. [U] ont abandonné leur demande tendant à la nullité du nantissement ;

- déclaré irrecevable la demande de la société Brem et M. [U] tendant au rejet des créances déclarées par la société Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 2] ;

- déclaré irrecevable la demande de la société Brem et de M. [U] tendant à l'annulation du cautionnement consenti par M. [U] ;

- condamné la société Caisse de crédit mutuel de [Localité 2] à payer à Me [Y], ès qualités de mandataire à la liquidation judiciaire la société Brem, une somme de 12.000 euros de dommages et intérêts ;

- déclaré irrecevable la demande tendant à la compensation entre les créances ;

- débouté la société Brem et M. [U] de leur demande tendant à la nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels ;

- débouté la société Brem et M. [U] de leur demande tendant à la substitution de l'intérêt légal à l'intérêt conventionnel ;

- confirmé le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions.

Dans la présente instance, par conclusions déposées le 15 septembre 2021, M. [U] demande à la cour de :

- Déclarer recevable et bien-fondé son appel,

- Constater que le cautionnement souscrit par M. [C] [U] en garantie de l'emprunt souscrit par la société Brem auprès du Crédit mutuel pour un montant de 190.800 euros a été déclaré nul,

- Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- Débouter la société coopérative Caisse de crédit mutuel [Localité 2] de l'intégralité de ses demandes,

A titre subsidiaire,

- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris, sauf en ce que la juridiction de 1ère instance a accordé des délais de paiement au concluant,

Et statuant à nouveau,

Avant dire droit,

- Enjoindre à la société coopérative Caisse de crédit mutuel [Localité 2] sous astreinte de 100 euros par jour de retard, passé le délai de cinq jours à compter de la signification de la décision à intervenir, de communiquer aux débats :

* le justificatif de l'accomplissement par la société coopérative Caisse de crédit mutuel [Localité 2] de son devoir de mise en garde à l'égard de la société Brem et à l'égard M. [C] [U] lors de la conclusion du prêt et lors de la souscription de l'engagement de caution

* le dossier interne de financement comprenant les éléments réunis par la société coopérative Caisse de crédit mutuel [Localité 2] sur la solvabilité de la caution et l'étendue de son patrimoine et de ses revenus,

* l'avis du comité de crédit et du directeur d'agence,

A titre très subsidiaire,

- Constater que la société coopérative Caisse de crédit mutuel [Localité 2] ne justifie pas avoir respecté son devoir de mise en garde à l'égard de M. [C] [U],

- Constater que la société coopérative Caisse de crédit mutuel [Localité 2] ne justifie pas avoir vérifié que les biens et revenus de M. [C] [U] étaient proportionnés à son engagement de caution,

- Dire et juger que l'engagement de caution souscrit par M. [C] [U] au profit de la société coopérative Caisse de crédit mutuel [Localité 2] est disproportionné à ses biens et revenus comme l'a jugé la juridiction de céans dans sa décision du 19 novembre 2020,

En conséquence,

- Prononcer la caducité de l'engagement de M. [C] [U],

- Déclarer irrecevables et mal fondées les demandes formées par la société coopérative Caisse de crédit mutuel [Localité 2] à l'encontre de M. [C] [U],

- En tant que de besoin, condamner la société coopérative Caisse de crédit mutuel [Localité 2] à verser à M. [C] [U] , en réparation du préjudice subi, une somme à titre de dommages et intérêts quasi équivalente au montant de la créance dont entend se prévaloir l'établissement bancaire et prononcer la compensation entre les créances réciproques,

A titre infiniment subsidiaire,

- Octroyer à M. [C] [U] le bénéfice de l'article 1343-5 du code civil et lui accorder un délai de vingt-quatre mois pour s'acquitter des sommes au titre desquelles il serait condamné, à quelque titre que ce soit, par échéances constantes à verser le 10 de chaque mois, à compter de la signification du jugement à intervenir jusqu'à extinction de la dette, assorti d'une franchise de six mois,

- Prescrire par décision spéciale et motivée que les règlements ainsi effectués s'imputeront prioritairement au règlement du principal de la dette,

En toute hypothèse,

- Condamner la société coopérative Caisse de crédit mutuel [Localité 2] à payer à M. [C] [U] une indemnité de 6.800 euros appréciée sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

- Accorder à Me [I] [B] le bénéfice du droit de recouvrement direct instauré par l'article 699 du code de procédure civile.

Par arrêt du 16 septembre 2021, l'ordonnance de clôture rendue le 1er septembre 2021 a été révoquée, la clôture de la procédure a été prononcée à la date du 16 septembre 2021 et les conclusions remises au greffe les 8 septembre 2021 et 15 septembre 2021 ont été jugées recevables.

Par conclusions déposées le 8 septembre 2021, la Caisse de crédit mutuel de [Localité 2] demande à la cour de :

- sursoir à statuer dans l'attente de l'arrêt de la Cour de cassation,

Subsidiarement,

- Confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a accordé des délais de paiement à M. [U],

- Débouter M. [C] [U] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

- Condamner M. [C] [U] à verser à la Caisse de crédit mutuel [Localité 2] la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Le condamner aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture de l'instruction a été prononcée le 13 mars 2024.

Il est expressément renvoyé aux écritures précitées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

Par arrêt rendu à l'audience du 11 avril 2024, la cour a rejeté la demande de rabat de l'ordonnance de clôture et a déclaré irrecevables et écarté des débats les conclusions de M. [C] [U] du 12 mars 2024 ainsi que ses pièces n° 23 et 24.

SUR CE, LA COUR

A titre liminaire, il sera relevé que les demandes de 'constater' et de 'dire et juger' ne sont pas des prétentions sur lesquelles il y a lieu de statuer.

La cour d'appel de Rouen a déclaré irrecevable la demande de la société Brem et de M. [U] tendant à l'annulation du cautionnement consenti par M. [U].

M. [U] est donc mal fondé à se prévaloir de l'annulation de son engagement de caution, moyen qu'il ne reprend pas dans ses dernières conclusions.

Sur la disproportion du cautionnement

L'article L341-4 ancien du code de la consommation, applicable à la cause, édicte qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Il convient de rappeler que le contrôle de proportionnalité de l'établissement de crédit repose sur les informations communiquées par la caution sur la fiche patrimoniale.

Il appartient à la caution qui entend opposer à la banque créancière les dispositions de l'article L341-4 du code de la consommation, de rapporter la preuve du caractère disproportionné de son engagement de caution par rapport à ses biens et à ses revenus.

L'établissement bancaire n'est pas tenu de vérifier, en l'absence d'anomalies apparentes, l'exactitude des informations contenues dans la fiche de renseignement.

La communication des informations repose sur le principe de bonne foi, à charge pour les cautions de supporter les conséquences d'un comportement déloyal.

L'anomalie apparente dans la fiche de renseignement peut résulter d'éléments non déclarés par la caution mais dont la banque avait connaissance tels des engagements précédemment souscrits par la caution au profit de la même banque ou au profit d'un pool dont faisait partie la banque.

Il n'est pas imposé à la banque de se renseigner auprès d'autres organismes bancaires pour savoir si la caution est déjà engagée auprès de ces organismes en cette même qualité de caution.

La preuve de la disproportion au moment de la conclusion du contrat de cautionnement repose sur la caution.

Il n'y a donc pas lieu avant dire droit d'enjoindre à la banque de communiquer des documents sur la solvabilité de la caution et l'étendue de son patrimoine et de ses revenus.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

M. [U] soutient que les fiches patrimoniales signées fournies par la banque sont sans intérêt dès lors qu'elles ne sont pas concomitantes à la souscription de l'engagement de caution et que la fiche de renseignements en date du 13 octobre 2011 n'est pas signée.

Il est constant qu'il n'est communiqué aucune fiche de renseignements signée par M. [U] concomitante à l'engagement de caution souscrit le 4 janvier 2012.

Concernant son patrimoine, M. [U] soutient avoir acquis sa résidence principale en septembre 2012, qu'il était détenteur des parts de la société Brem, société holding, dont la valeur devait s'apprécier au regard de la valeur des parts de sa société filiale TNC qui n'était pas significative au moment de l'engagement de caution, les résultats de la société TNC étant tout juste équilibrés en 2011 et l'actif net corrigé très faible au vu du bilan clôturé au 31 décembre 2011.

En 2010, M. [U] reconnaissait percevoir un salaire annuel de 36.000 euros, être propriétaire indivis d'un bien immobilier estimé 150.000 euros et détenir des parts sociales de la société Brem et de la société TNC.

L'achat des parts de la société TNC par la société BREM a eu lieu en janvier 2010 pour un montant de 145.000 euros financé par le biais d'un apport de 55.000 euros de la société Brem et par un prêt BPO accordé à la société Brem le 27 janvier 2010 d'un montant de 90.000 euros. Il restait dû 71 031,95 euros en janvier 2012 au titre du prêt et la BPO avait comme garantie un nantissement sur les 1100 parts de la société TNC et la caution de M. [U] à hauteur de 9.900 euros.

Dans les comptes intermédiaires de la société Brem arrêtés au 31 juillet 2011, la participation dans la société TNC est valorisée à la somme nette de 171.400 euros.

Cependant, M. [U] ne verse aucun justificatif relatif au montant de ses revenus, à la valeur de son bien immobilier ou de son prix de vente si ledit bien a été vendu, à la valeur de ses parts sociales estimée par un expert-comptable en janvier 2012, pas plus qu'il ne justifie d'un crédit en cours à cette même date.

Dès lors, au vu de ces éléments, il a lieu de constater que M. [U] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de la disproportion manifeste de son engagement de caution à ses biens et revenus.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [U] de ses demandes formées à ce titre.

Sur le devoir de mise en garde

Le devoir de mise en garde auquel est tenu l'établissement de crédit, qui découle des dispositions de l'article 1147 ancien du code civil, n'existe qu'envers les cautions non averties.

Il impose à l'établissement de crédit une double obligation à savoir d'une part, attirer l'attention de la caution sur le risque d'endettement né de l'octroi du crédit au débiteur principal et d'autre part, exposer à la caution les risques de l'opération en tenant compte de ses propres facultés financières.

La condition préalable à l'existence du devoir de mise en garde est la preuve, qui doit être rapportée par la caution, d'un risque d'endettement anormal, excédant celui inhérent à toute entreprise.

Il ne peut être invoqué l'autorité de la chose jugée de la décision de la cour d'appel de Caen du 19 novembre 2020 en ce qu'elle a dit que M. [U] était une caution profane dès lors que l'autorité de la chose jugée suppose que la chose demandée soit la même et que M. [U], intervenu volontairement sur la procédure pour donner adjonction à l'ensemble des moyens et demandes de la société Brem, n'a formulé aucune demande de dommages et intérêts au motif que la banque avait manqué à son devoir de mise en garde à l'encontre de la caution.

En l'espèce, Il ressort des pièces communiquées que M. [U] a une formation d'ingénieur spécialisé en management, communication, gestion de projet.

La banque justifie en outre de ce que M. [U] a suivi en 2009 le parcours 'Gestion des petites entreprises' proposée par le centre de formation [7] (280 heures de théorie et 105 heures de stage).

Il est l'associé unique et gérant de la société Brem qui a commencé son activité en janvier 2010 et dont l'objet est la détention de parts sociales.

La société Brem a acquis en janvier 2010 les parts sociales de la société TNC moyennant un prêt accordé par la BPO et pour la garantie duquel M. [U] s'est également porté caution par acte du 22 janvier 2010.

M. [U] était également le gérant de la société TNC. Il était impliqué dans la gestion des deux sociétés.

Ainsi, au vu de sa formation, de son activité de dirigeant de sociétés, dont une société holding, depuis deux années, de son expérience en matière de prêt et de cautionnement, M. [U] doit être considéré comme ayant acquis les compétences nécessaires pour apprécier le contenu, la portée et les risques liés à son engagement qui ne présentait pas de complexité particulière.

Il était donc une caution avertie et la banque n'était pas soumise à une obligation de mise en garde à son encontre.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [U] de ses demandes formées à ce titre.

Sur la créance de la banque

M. [U] n'oppose aucun moyen utile à la demande en paiement formée par la banque.

Le jugement entrepris sera confirmé.

Sur les délais de paiement

M. [U] sera débouté de sa demande de délais de paiement ne justifiant pas de sa situation financière actualisée et ayant de fait déjà bénéficié de larges délais de paiement.

Sur les demandes accessoires

Les dispositions du jugement entrepris relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, exactement appréciées, seront confirmées.

M. [U], qui succombe en ses prétentions, sera condamné aux dépens d'appel, à payer à la banque la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et sera débouté de sa demande formée à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort ;

Rejette la demande de communication de pièces formée par M. [C] [U] ;

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a accordé des délais de paiement à M. [C] [U] ;

Statuant à nouveau du chef des dispositions infirmées et y ajoutant,

Déboute M. [C] [U] de sa demande de délais de paiement ;

Condamne M. [C] [U] à payer à la Caisse de crédit mutuel [Localité 2] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

Condamne M. [C] [U] aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit des avocats constitués sur la cause qui en ont fait la demande conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

N. LE GALL F. EMILY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : 2ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 18/03053
Date de la décision : 13/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-13;18.03053 ?
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