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11/06/2024 | FRANCE | N°21/02993

France | France, Cour d'appel de Caen, 1ère chambre civile, 11 juin 2024, 21/02993


AFFAIRE : N° RG 21/02993 -

N° Portalis DBVC-V-B7F-G3S2





ARRÊT N°



JB.





ORIGINE : Décision du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ALENCON du 21 Septembre 2021

RG n° 18/00438







COUR D'APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 11 JUIN 2024





APPELANTS :



Monsieur [U] [I]

né le 05 Mai 1975 à [Localité 6]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Monsieur [J] [I]

né le 25 Décembre 1972 à [Loca

lité 5]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



représentés et assistés de Me Gaël BALAVOINE, substitué par Me DAVID, avocats au barreau de CAEN





INTIMÉ :



Monsieur [T] [F]

né le 24 Septembre 1953 à [Localité 3]

[Adresse 4]

...

AFFAIRE : N° RG 21/02993 -

N° Portalis DBVC-V-B7F-G3S2

ARRÊT N°

JB.

ORIGINE : Décision du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ALENCON du 21 Septembre 2021

RG n° 18/00438

COUR D'APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 11 JUIN 2024

APPELANTS :

Monsieur [U] [I]

né le 05 Mai 1975 à [Localité 6]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Monsieur [J] [I]

né le 25 Décembre 1972 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentés et assistés de Me Gaël BALAVOINE, substitué par Me DAVID, avocats au barreau de CAEN

INTIMÉ :

Monsieur [T] [F]

né le 24 Septembre 1953 à [Localité 3]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

représenté et assisté de Me Didier LEFEVRE, avocat au barreau d'ALENCON

DÉBATS : A l'audience publique du 04 avril 2024, sans opposition du ou des avocats, Mme VELMANS, Président de chambre, a entendu seule les plaidoiries et en a rendu compte à la cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme COLLET

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. GUIGUESSON, Président de chambre,

Mme VELMANS, Conseillère,

Mme DELAUBIER, Conseillère,

ARRÊT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile le 11 Juin 2024 et signé par M. GUIGUESSON, président, et Mme COLLET, greffier

* * *

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [H] [I] était propriétaires de trois chevaux, Tincio né en 1993, My Gentle Puck né en 1997 et Tintilio né en 1994.

Ces chevaux ont été confiés à Monsieur [T] [F], à compter du 20 septembre 2007 pour Tincio, du 3 octobre 2008 pour My Gentle Puck et de juillet 2009 pour Tintilio.

Les factures les concernant ont été régulièrement réglées jusqu'en mars 2016.

A la suite d'un différend entre Monsieur [F] et Monsieur [I], ce dernier a contacté Monsieur [M] début août 2016 pour que celui-ci récupère les chevaux en vue de leur abattage ou de leur mise en retraite.

Ce dernier n'a pu procéder à l'enlèvement des chevaux en raison de l'absence du feuillet de traitement médicamenteux, ce qui rendait irrégulier leurs documents d'identification.

Monsieur [F] a alors adressé à Monsieur [I], une facture en date du 17 août 2016 au titre des mois de mai, juin, juillet d'un montant de 5.486,00 €.

Ne pouvant ni euthanasier ses chevaux, ni les envoyer à l'abattoir, Monsieur [H] [F] les a cédés le 25 août 2016 à Monsieur [N] [E], entraîneur, ce dont était informé Monsieur [F].

Bien que Monsieur [E] ait proposé de régler les factures impayées, Monsieur [F] a refusé de lui restituer les chevaux.

Le 17 janvier 2017, Monsieur [F] a fait euthanasier Tincio sans en aviser ni Monsieur [E], ni Monsieur [I].

Par ordonnance du 1er juin 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance d'Alençon, saisi par Monsieur [T] [F], d'une demande en paiement a :

- condamné Monsieur [H] [I] à payer, à titre provisionnel à Monsieur [T] [F], la somme de 15.086,50 € au titre de factures impayées,

- condamné Monsieur [H] [I] ou tout mandataire de son choix dûment habilité par ses soins, à reprendre possession des chevaux My Gentle Puck et Tintilio, ainsi que leurs documents d'identité, et ce, sous astreinte de 100 € par jour de retard et par cheval, passé un délai d'un mois à compter de la signification de la décision,

- dit que le juge des référés se réserve la liquidation de l'astreinte,

- condamné Monsieur [H] [I] à payer à Monsieur [T] [F] la somme de 3.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Les chevaux Gentle Puck et Tintilio ont été restitués le 12 juillet 2017.

Par décision du 28 septembre 2017, le juge des référés a condamné Monsieur [I] au paiement de la somme de 300 € au titre de la liquidation de l'astreinte et de 4.023,12 € à titre de provision à valoir sur les frais de gardiennage des chevaux.

Monsieur [H] [I] a fait appel de cette décision.

Par arrêt du 20 février 2018, cette cour a infirmé l'ordonnance entreprise en ce qu'elle avait condamné Monsieur [I] au paiement de la somme de 15.086,50 €, qu'elle a ramené à la somme de 6.857,50 €, en ce qu'elle avait condamné Monsieur [I] sous astreinte à reprendre possession des chevaux et a débouté les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt du 27 novembre 2018, la cour de céans statuant sur l'appel par Monsieur [I] de l'ordonnance de référé du 28 septembre 2017, a donné acte à Monsieur [F] de sa renonciation au bénéfice de cette ordonnance de référé, et l'a condamné à payer à Monsieur [I], la somme de 160,89 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice financier subi du fait de l'exécution de cette ordonnance par le biais d'une saisie-attribution, ainsi qu'au paiement d'une somme de 1.500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par acte d'huissier du 3 avril 2018, Monsieur [F] a assigné Monsieur [H] [I] devant le tribunal judiciaire d'Alençon aux fins d'obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 18.423,88 € en deniers ou quittances, outre intérêts de droit à compter de l'ordonnance de référé du 1er mars 2017 et capitalisation des intérêts, ainsi que d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [H] [I] est décédé le 16 décembre 2019, et ses héritiers, Messieurs [J] et [U] [I] ont été appelés à la cause.

Par jugement du 21 septembre 2021, le tribunal a :

- condamné Messieurs [J] et [U] [I] à payer à Monsieur [T] [F], la somme de 6.636,29 € au titre des prestations du contrat de dépôt salarié non-réglées, outre les sommes dues au titre de l'intérêt au taux légal à compter du 1er mars 2017,

- condamné Messieurs [J] et [U] [I] à payer à Monsieur [T] [F], la somme de 11.787,59 € au titre des frais de conservation à compter de l'exercice du droit de rétention le 26 août 2016, outre les sommes dues au titre de l'intérêt légal à compter du 1er mars 2017,

- ordonné la capitalisation des intérêts,

- débouté Messieurs [J] et [U] [I] de leur demande de réduction du prix,

- débouté Messieurs [J] et [U] [I] de leurs demandes de dommages-intérêts,

- condamné Messieurs [J] et [U] [I] aux entiers dépens qui pourront être recouvrés directement par Maître Didier Lefèvre au titre de l'article 699 du code de procédure civile,

- condamné Messieurs [J] et [U] [I] au paiement de la somme de 3.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- constaté que la décision est exécutoire par provision.

Par déclaration du 2 novembre 2021, Messieurs [J] et [U] [I] ont formé appel de la décision.

Aux termes de leurs écritures en date du 2 février 2022, ils concluent à l'infirmation du jugement entrepris et demandent à la cour de :

- dire et juger que le contrat conclu entre Monsieur [T] [F] et Monsieur [H] [I] était un contrat de dépôt et un contrat d'entreprise,

- débouter Monsieur [F] de sa demande au titre des prestations du prétendu contrat de dépôt salarié du 1er avril 2016 au 26 août 2016,

- débouter Monsieur [F] de sa demande au titre des frais de conservation à compter de l'exercice du droit de rétention le 26 août 2016,

- le débouter plus généralement de toutes, ses demandes, fins et prétentions,

Subsidiairement,

- fixer à la somme 2.612,90 € le montant dû par Monsieur [H] [I] aux droits duquel ils viennent, au titre de la pension des chevaux du 1er avril au 26 août 2016,

- dans l'hypothèse où la cour estimerait que le droit de rétention exercé par Monsieur [F] ne serait pas abusif, réduire à de plus justes proportions, le montant des frais de conservation des chevaux du 27 août 2016 au 12 juillet 2017, qui ne sauraient excéder 9 € par jour et par cheval,

- débouter Monsieur [F] du surplus de ses demandes,

- vu le règlement effectué par Monsieur [H] [I] en exécution de l'ordonnance de référé du 1er juin 2017, débouter Monsieur [F] de sa demande de condamnation à leur encontre et de ses demandes au titre des intérêts et de l'anatocisme,

En toute hypothèse,

- les recevoir en leurs demandes reconventionnelles, les déclarer bien fondées,

- condamner Monsieur [T] [F] à leur payer en leurs qualités d'héritiers de Monsieur [H] [I], la somme de 26.434,87 € en remboursement du trop-perçu au titre du contrat d'entraînement,

Subsidiairement,

- condamner Monsieur [T] [F] à leurs payer en leurs qualités d'héritiers de Monsieur [H] [I], les sommes de :

* 14.406,98 € à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices financiers causés par le non-respect par Monsieur [F] des obligations administratives lui incombant en qualité de détenteur des chevaux,

* 26.434,87 € à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices causés par l'inexécution des obligations de soins et de travail incombant à Monsieur [F] en qualité de dépositaire et entraîneur des chevaux,

En tout état de cause,

- ordonner la compensation judiciaire des créances réciproques des parties,

- dire et juger que les sommes dues par Monsieur [F] produiront intérêts au taux légal à compter des conclusions déposées le 11 septembre 2018 avec capitalisation dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil,

- condamner Monsieur [F] à leur payer en leurs qualités d'héritiers de Monsieur [H] [I], la somme de 5.000 € au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et la somme supplémentaire de 5.000 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Monsieur [F] aux entiers dépens de première instance et d'appel,

- débouter Monsieur [F] de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.

Par ordonnance du 1er juin 2022, Monsieur [T] [F] a été déclaré irrecevable à conclure.

Pour l'exposé complet des prétentions et de l'argumentaire des appelants, il est expressément renvoyé à leurs écritures susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 6 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la qualification du contrat liant les parties

Les appelants soutiennent que c'est à tort que le tribunal a estimé que le contrat liant les parties était un simple contrat de dépôt, alors qu'il s'accompagnait d'une prestation d'entraînement qui était facturée et qu'en tout état de cause, à partir de 2015, l'obligation de travail qui avait été contractuellement mise à la charge du dépositaire, permet de le qualifier également de contrat d'entreprise.

Il n'est pas contesté que le contrat conclu entre Monsieur [H] [I] et Monsieur [T] [F] constitue un contrat de dépôt, le litige portant sur le point de savoir, si à ce contrat, se superposait également un contrat d'entraînement ou subsidiairement, un contrat d'entreprise.

En l'espèce, il résulte de la lettre de France Galop adressée le 16 août 2017 à Monsieur [H] [I] à laquelle étaient joints les tableaux relatifs aux déclarations d'entraînement de ses trois chevaux que :

- Tincio a été déclaré à l'entraînement chez Monsieur [F] du 20 septembre 2007 au 18 février 2015, avec une déclaration de sortie d'entraînement le 19 février 2015,

- Tintilio a été déclaré en sortie d'entraînement le 29 août 2002, sans qu'aucune autre déclaration d'entraînement ne soit mentionnée par la suite,

- My Gentle Puck a été déclaré à l'entraînement chez Monsieur [T] [F] du 28 avril 2009 au 18 février 2015, avec mention d'une sortie provisoire d'entraînement le 19 février 2015.

Si certaines des factures produites distinguent les différentes prestations fournies et notamment, celles relatives à la pension et à l'entraînement, la plus ancienne date de 2011, et les factures suivantes ne contiennent aucune précision quant à la nature desdites prestations.

Il s'en déduit donc que le contrat de dépôt conclu entre les deux parties comportait en sus, un contrat d'entraînement, mais uniquement pour Tincio et My Gentle Puck jusqu'au 19 février 2015, et ce, sans qu'il soit indispensable qu'ils aient effectivement participé à des courses hippiques, l'entraînement devant seulement être adapté à leur âge et à leurs besoins.

Il résulte d'ailleurs de la Pièce N°3 produite par les appelants que Monsieur [T] [F] ne disposait plus d'une licence d'entraîneur public par la suite.

Les consorts [I] soutiennent subsidiairement, que le contrat de dépôt se doublait d'un contrat d'entreprise puisqu'était mise à la charge de Monsieur [F] en plus de l'obligation de garde et de conservation inhérente au contrat de dépôt, une obligation de faire travailler les chevaux d'une façon adaptée à leur âge.

En réalité, la question ne se pose que pour la période postérieure au 19 février 2015, puisque les factures dont il est réclamé le paiement par Monsieur [F] portent s'agissant du contrat de dépôt sur la période d'avril 2016 au 26 août 2016, puis s'agissant des frais de conservation, sur celle du 27 août 2016 jusqu'a 12 juillet 2017, date à laquelle les chevaux survivants, ont quitté le haras.

Or, force est de constater que les appelants n'établissent pas que l'obligation de faire travailler les chevaux ait perduré postérieurement au 19 février 2016, quand bien même, cela ne serait plus sous la forme d'un contrat d'entraînement.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a qualifié de dépôt salarié, la relation contractuelle de Monsieur [T] [F] et Monsieur [H] [I] pour la période litigieuse.

Sur l'exercice par Monsieur [T] [F] de son droit de rétention

En application de l'article 1948 du code civil, le dépositaire peut retenir le dépôt jusqu'à l'entier paiement de ce qui lui est dû à raison du dépôt.

En l'espèce, il résulte d'échanges de courriels datés des 11 et 12 août 2016, que Monsieur [H] [I] avait chargé Monsieur [H] [M] de récupérer ses trois chevaux chez Monsieur [F], éventuellement en vue de leur abattage à défaut de connaître des personnes acceptant de leur procurer une fin de vie acceptable.

Monsieur [M] s'est présenté en août 2016 chez Monsieur [F], mais n'a pas retiré les chevaux en raison de l'absence de régularité des carnets des chevaux qui ne comportaient pas les feuillets traitements médicamenteux, ce qui ne permettait pas de les envoyer à l'abattage.

Il semble que ce soit dans la suite immédiate de cette visite de Monsieur [M], que Monsieur [F] ait adressé à Monsieur [H] [I] par lettre recommandée avec avis de réception, la facture relative aux mois d'avril, mai, juin-juillet 2016, datée du 17 août 2016 à régler avant le 20 août 2016.

Le 26 août 2016 à 14 H 19, Monsieur [H] [I] informait par courriel, Monsieur [F] que ses trois chevaux avaient été vendus la veille à Monsieur [N] [E].

Monsieur [F] lui répondait le même jour à 18 H 37 :

' DÉSOLÉ. ARTICLE 1948 DU CODE CIVIL DROIT DE RÉTENTION créé par la loi 1804-03-14 bonne lecture !'

Il s'est par la suite opposé aux règlements de cette facture par Monsieur [E], nouveau propriétaire des chevaux, et à leur enlèvement par celui-ci, ainsi qu'il l'atteste sans que cela n'ait été contesté par l'intimé.

Il résulte de cette chronologie, que Monsieur [F] n'a décidé de se prévaloir d'un droit de rétention que très tardivement, alors même que le délai pour régler la facture, qui au demeurant été extrêmement bref, était à peine écoulé, et qu'il n'est pas justifié de demandes en paiement antérieures à l'envoi de la lettre recommandée avec avis de réception du 17 août 2016.

L'exercice de ce droit apparaît dès lors abusif eu égard aux développements précédents.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il n'a pas retenu un abus de droit dans l'exercice du droit de rétention par Monsieur [F].

Sur la créance de Monsieur [F]

Sur la somme réclamée au titre de la période du 1er avril au 26 août 2016

Il n'est pas contestable que Monsieur [H] [I] était redevable des frais de pension pour ses trois chevaux pour la période du 1er avril au 26 août 2016, date à partir de laquelle, Monsieur [F] a entendu exercer un droit de rétention dont il vient d'être dit qu'il doit être considéré comme abusif.

Les appelants sollicitent une réfaction du prix, demande que le tribunal a rejeté au motif que sous l'empire du droit antérieur à l'ordonnance du 10 février 2016, celle-ci était réservée aux contrats de vente et aux baux, ce qu'ils contestent.

Si une réfaction du prix pour inexécution partielle par une partie de ses obligations, a pu être admise antérieurement à la réforme de 2016, notamment pour des contrats d'entreprise, il n'est pas démontré qu'elle a pu l'être en matière de contrat de dépôt, seul type de contrat dont l'existence est retenue pour la période concernée.

S'agissant de la période antérieure courant à compter du 1er février 2014, dès lors que n'est pas démontrée une inexécution partielle par Monsieur [F] de ses obligations contractuelles et que le prix convenu soit, 15 € par jour et par cheval, n'avait pas été remis en cause par Monsieur [H] [I] qui réglait régulièrement les factures qui lui étaient adressées, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de réfaction formée par les appelants, s'agissant de la partie contrat d'entraînement, ni par conséquent à celle relative à un trop-versé. en résultant.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté les consorts [I] de leur demande de réfaction du prix, et les a condamnés à payer à Monsieur [F] sur la base des facturations antérieures (1.371,50 € par mois), la somme de 6.636,29 € pour la période du 1er avril au 26 août 2016.

Sur la somme réclamée au titre des frais de conservation du 27 août 2016 au 12 juillet 2017

Les appelants soutiennent que c'est à tort que le tribunal a fait droit à la demande relative au paiement des frais de conservation formée par Monsieur [F], alors que son droit de rétention est abusif et qu'en tout état de cause, le contrat liant les parties était rompu à la date du 26 août 2016, suite à la vente des chevaux à Monsieur [N] [E].

D'une part, comme il a été vu ci-dessus, le droit de rétention exercé par Monsieur [F] a été jugé abusif. Il lui incombe donc de garder à sa charge des frais de conservation qui n'auraient pas été nécessaires s'il avait accepté le règlement des frais de pension proposé par Monsieur [E] et n'avait pas tardé à lui restituer les chevaux, étant ici rappelé qu'il a entrepris de son propre chef, sans solliciter l'autorisation préalable de son propriétaire de faire euthanasier Tincio en janvier 2017, tout en sollicitant des frais pour sa conservation.

D'autre part, à compter du 25 août 2016, Monsieur [H] [I] n'était plus propriétaire des trois chevaux au titre desquels les frais de conservation sont réclamés, puisqu'ils les avaient vendus à Monsieur [N] [E], ce dont il avait avisé dès le lendemain Monsieur [F] par courriel, ainsi qu'il en est justifié.

Monsieur [H] [I] n'est donc pas redevable de frais de conservation pour la période postérieure à leur vente.

Au vu de ces éléments, le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné les appelants à payer à Monsieur [F], la somme de 11.787,59 € au titre des frais de conservation du 27 août 2016 au 12 juillet 2017.

Sur les demandes de dommages-intérêts des consorts [I]

Les consorts [I] critiquent le jugement entrepris en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes de dommages-intérêts au titre des manquements de Monsieur [F] de ses obligations admnistratives ainsi qu'à ses obligations de garde, de conservation ainsi qu'à l'obligation de faire travailler les chevaux.

Sur les manquements de Monsieur [F] à ses obligations administratives

Les appelants rappellent qu'en sa qualité de détenteur des chevaux, Monsieur [F] était tenu de respecter diverses obligations d'ordre public et notamment celles de pose d'un transpondeur et d'insertion d'un 'feuillet des traitements médicamenteux' dans les livrets d'identification des chevaux.

Ils se prévalent d'un préjudice financier résultant du gain manqué au titre du produit de la vente des chevaux à l'abattoir, et du paiement de frais de pension et de dépenses de conservation jusqu'a 12 juillet 2017.

Il est établi que Monsieur [F] a effectivement manqué à son obligation d'insertion d'un 'feuillet de traitements médicamenteux' dans les livrets d'identification des chevaux, ce qui n'a pas permis à Monsieur [M], mandaté par Monsieur [H] [I] de récupérer les chevaux courant août 2016 en vue de leur abattage.

Pour autant, l'existence des préjudices financiers invoqués par les consorts [I] n'est pas établi.

En effet, la cour n'ayant pas fait droit à la demande de Monsieur [F] au titre des frais de conservation postérieure au 26 août 2016, ils n'ont subi aucun préjudice financier au titre du paiement de ceux-ci, en leurs qualités d'héritiers de Monsieur [H] [I].

Il n'est nullement justifié par ailleurs d'une perte de gain au titre du produit de la vente à l'abattoir, les consorts [I] ne produisant aucune pièce permettant de savoir si une somme devait effectivement revenir à leur père dans l'hypothèse où Monsieur [M] auraient pu récupérer les chevaux, et dans l'affirmative de connaître son montant, étant ici relevé qu'ils ne font état que d'une simple estimation.

Les consorts [I] ne justifiant pas d'un préjudice financier résultant du manquement de Monsieur [F] à son obligation administrative, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté les consorts [I] de leur demande de dommages-intérêts à ce titre.

Sur les manquements de Monsieur [F] à ses obligations de garde, de conservation et de faire travailler les chevaux

Les appelants soutiennent qu'il résulte des photographies des chevaux produites par Monsieur [F] devant les premiers juges, que ceux-ci n'étaient pas correctement entretenu.

Ils ajoutent qu'au regard des factures adressées à leur père, ils n'apparaissent pas avoir été régulièrement vermifugés et parés, qu'aucune facture vétérinaire n'a été adressée depuis janvier 2014, et rappellent que Monsieur [F] a fait euthanasier Tincio le 17 janvier 2017 sans l'accord de son propriétaire.

Ils estiment que ces manquements sont à l'origine d'un préjudice financier, puisque Monsieur [F] a continué à facturer, alors qu'il n'était plus entraîneur public à partir de 2015, le même montant mensuel qu'antérieurement, soit 1.371,50 € TTC, et que seuls auraient dûs l'être les frais de pension.

Ils soutiennent que c'est donc à tort que leur père a réglé depuis janvier 2014 des factures de ce montant, et qu'il convient de déduire la somme totale de 17.167,56 € du montant effectivement payé ( 43.602,43 €) du 1er janvier 2014 au 25 août 2016, d'où un solde de 26.434,87 € dont ils réclament le paiement à titre de dommages-intérêts.

Les photocopies de photographies des chevaux qui sont versées aux débats sont de mauvaise qualité et ne permettent pas d'établir leur état.

Le rapport du Docteur [L], vétérinaire, qui n'a pas examiné les chevaux, mais a rendu des conclusions au vu des documents qui lui étaient fournis par Monsieur [I], n'est pas davantage de nature à établir un manque de soins de la part de Monsieur [F], qui plus est à compter de janvier 2014.

En tout état de cause, les consorts [I] ne s'expliquent pas sur le préjudice en résultant alors que les chevaux ont été vendus à un tiers.

Il est par contre acquis, que dès lors que l'entraînement de My Gentle Puck et Tincio a cessé à compter du 19 février 2015, comme il a été dit ci-dessus et que l'existence d'une obligation de les faire travailler pour la période postérieure n'est pas rapportée, tout comme pour Tintilio, seuls des frais de pension pouvaient être facturés à Monsieur [H] [I] à compter de mars 2015 jusqu'au 25 août 2016, date de leur vente à Monsieur [E].

Au vu des pièces versées aux débats, le coût mensuel des frais de pension peut être évalué à 220 € par cheval, soit 660 € par mois.

C'est donc une somme de 660 € X 17 mois et 25 jours = 11.770,00 € qui aurait due être réglée.

Pour la période de mars 2015 au 25 août 2016, sur la base d'un montant mensuel de 1.371,50 €, c'est la somme totale de 24.458,41 € qui a été facturée à Monsieur [H] [I].

En continuant à facturer à Monsieur [H] [I] des prestations au tarif d'une pension auquel s'ajoutait l'entraînement, sans l'avoir avisé de la perte de sa qualité d'entraîneur professionnel en 2015 et de la sortie de ses chevaux de l'entraînement à la date du 19 février 2015, Monsieur [F] a commis une faute ayant occasionné à Monsieur [I] un préjudice financier correspondant à la différence entre ce qu'il a effectivement réglé et ce qu'il aurait dû régler soit, la somme de :

24.458,41 € - 11.770,00 € = 12.688,41 €

qu'il sera condamné à payer aux consorts [I] en leurs qualités d'héritiers de Monsieur [H] [I], à titre de dommages-intérêts avec intérêts à compter du présent arrêt, ceux-ci ne pouvant courir à compter d'une date antérieure, s'agissant d'une condamnation dont le principe et le montant sont appréciés par la cour.

Il sera néanmoins fait droit à la demande de capitalisation des intérêts pourvu qu'ils soient dus pour une année entière.

Conformément à la demande des appelants, la compensation avec les sommes dues à Monsieur [F] sera ordonnée.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

L'équité commande d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné les consorts [I] à payer à Monsieur [F] une somme de 3.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, de débouter les parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Chaque partie succombant partiellement, conservera la charge de ses dépens de première instance et d'appel, le jugement étant infirmé en ce qu'il a condamné les consorts [I] aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

INFIRME le jugement du tribunal judiciaire d'Alençon du 21 septembre 2021 sauf en ce qu'il a :

- condamné Messieurs [J] et [U] [I] à payer à Monsieur [T] [F], la somme de 6.636,29 € au titre des prestations du contrat de dépôt salarié non-réglées entre avril 2016 et le 26 août 2016, outre les sommes dues au titre de l'intérêt au taux légal à compter du 1er mars 2017,

- ordonné la capitalisation des intérêts,

- débouté Messieurs [J] et [U] [I] de leur demande de réduction du prix,

LE CONFIRME de ces chefs,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DÉCLARE abusif l'exercice par Monsieur [T] [F] du droit de rétention,

DÉBOUTE Monsieur [T] [F] de sa demande de condamnation de Messieurs [J] et [U] [I] au titre des frais de conservation des chevaux à compter de l'exercice du droit de rétention le 26 août 2016,

CONDAMNE Monsieur [T] [F] à payer à Messieurs [J] et [U] [I] en leurs qualités d'héritiers de Monsieur [H] [I], la somme de 12.688,41 € à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice financier, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, et capitalisation des intérêts pourvu qu'ils soient dus pour une année entière, selon les dispositions de l'article 1343-2 du code civil.

ORDONNE la compensation de cette condamnation avec les sommes dues par Messieurs [J] et [U] [I] à Monsieur [F],

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes, en ce compris celles formées au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,

DIT que chaque partie conservera la charge de ses dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

M. COLLET G. GUIGUESSON


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/02993
Date de la décision : 11/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-11;21.02993 ?
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