La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/06/2024 | FRANCE | N°21/00913

France | France, Cour d'appel de Caen, 1ère chambre civile, 04 juin 2024, 21/00913


AFFAIRE : N° RG 21/00913 - N° Portalis DBVC-V-B7F-GXAQ

 



ARRÊT N°









ORIGINE : DÉCISION du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CAEN du 11 Janvier 2021

RG n° 17/01600











COUR D'APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 04 JUIN 2024







APPELANT :



Monsieur [C] [M]

né le [Date naissance 13] 1953 à [Localité 29]

[Adresse 2]

[Localité 29]



représenté par Me Gaël BALAVO

INE, avocat au barreau de CAEN

assisté de Me Thomas CARRERA, avocat au barreau de CAEN,







INTIMÉS :



Madame [O] [M]

née le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 23]

[Adresse 25]

[Localité 29]





Monsieur [I] [M]

né le [...

AFFAIRE : N° RG 21/00913 - N° Portalis DBVC-V-B7F-GXAQ

 

ARRÊT N°

ORIGINE : DÉCISION du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CAEN du 11 Janvier 2021

RG n° 17/01600

COUR D'APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 04 JUIN 2024

APPELANT :

Monsieur [C] [M]

né le [Date naissance 13] 1953 à [Localité 29]

[Adresse 2]

[Localité 29]

représenté par Me Gaël BALAVOINE, avocat au barreau de CAEN

assisté de Me Thomas CARRERA, avocat au barreau de CAEN,

INTIMÉS :

Madame [O] [M]

née le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 23]

[Adresse 25]

[Localité 29]

Monsieur [I] [M]

né le [Date naissance 16] 1955 à [Localité 29]

[Adresse 25]

[Localité 29]

Monsieur [B] [M]

né le [Date naissance 17] 1961 à [Localité 29]

[Adresse 28]

[Localité 29]

représentés et assistés de Me Catherine ROUSSELOT, substitué par Me HELLOT, avocats au barreau de CAEN

Monsieur [P] [M]

né le [Date naissance 6] 1956 à [Localité 29]

[Adresse 7]

[Localité 29]

Madame [X] [M] épouse [E]

née le [Date naissance 12] 1960 à [Localité 29]

[Adresse 11]

[Localité 29]

non représentés, bien que régulièrement assignés

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. GUIGUESSON, Président de chambre,

Mme VELMANS, Conseillère,

Mme DELAUBIER, Conseillère,

DÉBATS : A l'audience publique du 19 mars 2024

GREFFIER : Mme COLLET

ARRÊT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile le 04 Juin 2024 et signé par M. GUIGUESSON, président, et Mme COLLET, greffier

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [V] [M] est décédé le [Date décès 8] 1979, laissant pour lui succéder ses six enfants, [O], [C], [I], [P], [X] et [B], ainsi que son épouse survivante, Madame [K] [A].

Des partages partiels des prix de vente de terrains indivis devenus constructibles ont été réalisés en 2005, 2007, 2010, 2011 et 2012 entre Madame [A] et ses enfants.

Suivant acte sous seing privé du 6 janvier 2005, Madame [O] [M] et ses frères, [C], [I], [P] et [B] ont créé le GFA [26], géré par Madame [O] et Monsieur [B] [M].

Le GFA a acquis plusieurs parcelles de terres les 29 mars 2005 et 12 novembre 2008.

Le 24 mai 2012, Monsieur [C] [M] a cédé ses cinquante parts dans le GFA à son frère, [B].

Madame [K] [A] est décédée le [Date décès 14] 2013, laissant pour lui succéder ses six enfants.

Aux termes d'un testament olographe en date du 7 avril 2009, elle avait institué sa fille [O], légataire universel.

Aucun accord n'est intervenu entre les parties sur le règlement des successions de leurs parents.

Par acte d'huissier du 20 avril 2017, Monsieur [C] [M] a fait assigner ses cohéritiers devant le tribunal de grande instance de Caen aux fins d'obtenir à titre principal, le partage des biens de l'indivision successorale et à titre subsidiaire, l'ouverture des opérations de compte, liquidation, partage.

Par acte d'huissier du 23 mai 2018, Madame [O] [M] ainsi que Messieurs [I] et [B] [M] ont fait assigner leurs cohéritiers devant le tribunal de grande instance de Caen afin notamment qu'il soit procédé à l'ouverture des opérations de compte, liquidation, partage des successions de leurs parents, que soit fixée une créance de salaire différé au profit d'[O] et [B] [M] et que diverses parcelles soient attribuées à titre préférentiel à ce dernier.

Les deux instances ont été jointes.

Par jugement du 11 janvier 2021, le tribunal a :

- débouté M. [C] [M] de sa demande de partage des biens de l'indivision successorale existant avec ses coïndivisaires selon la répartition proposée aux termes du dispositif de ses conclusions (page 28 à 30);

- ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage des indivisions successorales résultant des décès de M. [V] [M] et de Mme [K] [A] veuve [M];

- désigné pour y procéder Maître [W], notaire, demeurant [Adresse 21] ;

- fixé la créance de salaire différé de M. [C] [M] au passifs des successions de M. [V] [M] et de Mme [K] [A] veuve [M] selon le calcul suivant : 2080 x SMIC horaire en vigueur au jour du partage x 2/3 x 11 ans

- débouté M. [C] [M] de ses demandes tendant à ce que M. [B] [M] verse à l'indivision successorale le montant des fermages depuis le 24 mai 2013 jusqu'à la date du partage et rende compte à l'indivision de l'occupation par son fils [S] d'une partie du corps de ferme situé [Adresse 4], et cadastrée section AB n°[Cadastre 9];

- attribué à titre préférentiel à M. [B] [M] les parcelles indivises cadastrées section AB n°[Cadastre 15] (13a 39 ca, située à [Localité 29] et constituant l'article 07 de la masse indivise à partager dans le projet de partage dressé par M. [C] [M] en décembre 2015 et composant sa pièce 14), Z n°[Cadastre 19] (2ha 94a 63ca) et Z n°[Cadastre 20] (02ha 74a 92 ca) (situées à [Localité 29] et constituant l'article 09 de la masse à partager), Z n°[Cadastre 10] (07ha 20a 50ca) et ZC n°[Cadastre 18] (38a 10ca) (situées à [Localité 29] et constituant l'article 10 de la masse à partager) et W n°[Cadastre 22] (12ha 78a 50ca, située à [Localité 24] et constituant l'article 08 de la masse à partager) ;

- dit que M. [B] [M] a droit à une rémunération de sa gestion du projet de réalisation du lotissement "[Adresse 27]" sur les terres indivises cadastrées section A n°[Cadastre 3] en application de l'article 815-12 du code civil et que celle-ci sera fixée à l'amiable entre les parties lors des opérations de compte liquidation et partage ordonnées ;

- constaté que la fin de non-recevoir pour cause de prescription, opposée par M. [C] [M] aux demandes reconventionnelles de Mme [O] [M] et de M. [B] [M] d'attribution de créances de salaire différé sur la succession de leur père, ne figure pas dans le dispositif de ses conclusions et qu'en conséquence, en application de l'article 768 du code de procédure civile, le Tribunal n'a pas à statuer sur celle-ci ;

- fixé la créance de salaire différé de Mme [O] [M] au passif des successions de M. [V] [M] et de Mme [K] [A] veuve [M] selon le calcul suivant : 2080 x SMIC horaire en vigueur au jour du partage x 2/3 x 10 ans ;

- fixé la créance de salaire différé de M. [B] [M] au passif des successions de M. [V] [M] et de Mme [K] [A] veuve [M] selon le calcul suivant : 2080 x SMIC horaire en vigueur au jour du partage x 2/3 x 07 ans et 41 jours ;

- rappelé qu'en application de l'article 1365 du code de procédure civile, le notaire liquidateur pourra s'adjoindre, si la valeur ou la consistance des biens le justifie, un expert choisi d'un commun accord entre les parties ou, à défaut, désigné par le juge commis ;

- rappelé qu'aux termes de l'article 1368 du code de procédure civile, le notaire liquidateur devra dresser un projet d'état liquidatif, établissant les comptes entre les copartageants, la masse partageable, les droits des parties et la composition des lots à répartir, dans le délai d'un an à compter de sa désignation ;

- commis la présidente de la première chambre civile du tribunal en qualité de juge commis pour surveiller les opérations de partage;

- dit qu'en cas d'empêchement du notaire ou du magistrat commis, il sera procédé à leur remplacement par ordonnance rendue d'office ou sur simple requête ;

- ordonné l'emploi des dépens en frais généraux de partage, mais sans bénéfice de distraction au profit des avocats.

Par déclaration du 30 mars 2021, M. [C] [M] a formé appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 27 février 2024, il conclut à l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il :

- l'a débouté de sa demande de partage des biens de l'indivision successorale existant avec ses coïndivisaires selon la répartition proposée aux termes du dispositif de ses conclusions (page 28 à 30),

- l'a débouté de ses demandes tendant à ce que M. [B] [M] verse à l'indivision successorale le montant des fermages depuis le 24 mai 2013 jusqu'à la date du partage et rende compte à l'indivision de l'occupation par son fils [S] d'une partie du corps de ferme situé [Adresse 4], et cadastré section AB n°[Cadastre 9] ;

- a attribué à titre préférentiel à M. [B] [M] les parcelles indivises cadastrées section AB n°[Cadastre 15] (13a 39 ca, située à [Localité 29] et constituant l'article 07 de la masse indivise à partager dans le projet de partage dressé par lui en décembre 2015 et composant sa pièce 14), Z n°[Cadastre 19] (2ha 94a 63ca) et Z n°[Cadastre 20] (02ha 74a 92 ca) (situées à [Localité 29] et constituant l'article 09 de la masse à partager), Z n°[Cadastre 10] (07ha 20a 50ca) et ZC n°[Cadastre 18] (38a 10ca) (situées à [Localité 29] et constituant l'article 10 de la masse à partager) et W n°[Cadastre 22] (12ha 78a 50ca, située à [Localité 24] et constituant l'article 08 de la masse à partager);

- a dit que M. [B] [M] a droit à une rémunération de sa gestion du projet de réalisation du lotissement "[Adresse 27]" sur les terres indivises cadastrées section A n°[Cadastre 3] en application de l'article 815-12 du code civil et que celle-ci sera fixée à l'amiable entre les parties lors des opérations de compte liquidation et partage ordonnées ;

- a constaté que la fin de non-recevoir pour cause de prescription, opposée par lui aux demandes reconventionnelles de Mme [O] [M] et de M. [B] [M] d'attribution de créances de salaire différé sur la succession de leur père, ne figure pas dans le dispositif de ses conclusions et qu'en conséquence, en application de l'article 768 du code de procédure civile, le tribunal n'a pas à statuer sur celle-ci ;

- a fixé la créance de salaire différé de Mme [O] [M] au passif des successions de M. [V] [M] et de Mme [K] [A] veuve [M] selon le calcul suivant : 2080 x SMIC horaire en vigueur au jour du partage x 2/3 x 10 ans ;

- a fixé la créance de salaire différé de M. [B] [M] au passif des successions de M. [V] [M] et de Mme [K] [A] veuve [M] selon le calcul suivant : 2080 x SMIC horaire en vigueur au jour du partage x 2/3 x 07 ans et 41 jours ;

- a rappelé qu'en application de l'article 1365 du code de procédure civile, le notaire liquidateur pourra s'adjoindre, si la valeur ou la consistance des biens le justifie, un expert choisi d'un commun accord entre les parties ou, à défaut, désigné par le juge commis ;

Il demande à la cour de :

- ordonner le partage des biens de l'indivision successorale existant entre lui et Mme [O] [M], Mme [X] [E] née [M], M. [I] [M], M. [P] [M] et M. [B] [M], selon la répartition suivante :

* Mme [O] [M] :

Corps de ferme composant l'article 3 de la masse : 50 000,00 euros

La parcelle de terre sise à [Localité 29] sur lequel hangars vétustes figurant à l'article 7 de la masse : 45 000 euros

La parcelle à prendre aux dépens de la parcelle sise à [Localité 29] à l'arrière du corps de ferme, figurant à l'article 4 de la masse : 15 000 euros

Ensemble 210 000 euros

Sous déduction d'une soulte à verser à Mme [X] [E] née [M] d'un montant de : -59 018,03 euros

Sous déduction d'une soulte à verser à M. [C] [M] : -19 840,91 euros

Sous déduction d'une soulte à verser à M [I] [M] : -12 123,03 euros

Soit une attribution nette égale au montant de ses droits de : 119. 018,03 euros

* Mme [X] [E]

Un terrain à bâtir composant l'article 11 de la masse estimé à : 60 000 euros

Une soulte à recevoir de Mme [O] [M] d'un montant de : 59 018,03 euros

Total égal au montant de ses droits : 119.018,03 euros

* M. [C] [M]

Un terrain à bâtir composant l'article 6 de la masse estimé à : 45 000 euros

Soulte à recevoir de Mme [O] [M] : 19 840,91 euros

Soulte à recevoir de M. [B] [M] : 19 591,97 euros

Soulte à recevoir de M. [P] [M] : 21 431,97 euros

Somme à prélever sur les liquidités disponibles (articles 1 et 2) : 13 153,19 euros

Total égal au montant de ses droits : 119.018,03 euros

* M. [P] [M] :

Un terrain à bâtir composant l'article 12 de la masse estimé à : 140 450 euros

Sous déduction d'une soulte à verser à M. [C] [M] : -21 431,97 euros

Total égal au montant de ses droits : 119.018,03 euros

* M. [I] [M] :

Le terrain à bâtir composant l'article 5 de la masse estimé à : 50 000 euros

Les parcelles de terres agricoles sises à [Localité 29] figurant à l'article 10 de la masse estimées à : 56 895 euros

Soulte à recevoir de Mme [O] [M] : 12 123,03 euros

Total égal au montant de ses droits : 119.018,03 euros

* M. [B] [M] :

Les terres agricoles sises à [Localité 29] figurant à l'article 9 estimées à 42 720 euros

Les parcelles de terres sises à [Localité 24] figurant à l'article 8 de la masse estimées à 95 890 euros

Ensemble : 138 610 euros

A charge de verser une soulte à M. [C] [M] de -19 591,97 euros

Reste net égal au montant de ses droits soit 119.018,03 euros

- débouter M. [B] [M] de sa demande d'attribution préférentielle des parcelles, commune de [Localité 29] , cadastrées section AB n°[Cadastre 15] (13a 39 ca), ZN n°[Cadastre 19] (2ha 94a 63ca), ZN n°[Cadastre 20] (02ha 74a 92 ca), ZN n°[Cadastre 10] (07ha 20a 50ca) et ZC n°[Cadastre 5] (38a 10ca) et, commune de [Localité 24], W n°[Cadastre 22] (12ha 78a 50ca) ;

- débouter M. [B] [M] de sa demande de rémunération de l'activité exercée pour la réalisation du lotissement sur les terres indivises ;

- dire que M. [B] [M] devra verser à l'indivision le montant des fermages depuis le 24 mai 2013 jusqu'à la date du partage et rendre compte à l'indivision de l'occupation par son fils [S] d'une partie du corps de ferme située [Adresse 4], et cadastrée section AB n°[Cadastre 9] ;

- déclarer Mme [O] [M] et M. [B] [M] irrecevables en leurs demandes d'attribution de créances de salaire différé sur la succession de leur père ;

- subsidiairement, si ces demandes étaient déclarées recevables, débouter Mme [O] [M] et M. [B] [M] de leurs demandes d'attribution de créances de salaire différé sur la succession de leur père ;

En tout état de cause,

- rejeter l'appel incident formé par Mme [O] [M], M. [I] [M] et M. [B] [M] ainsi que leurs demandes ;

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a fixé sa créance de salaire différé au passif des successions de M. [V] [M] et de Mme [K] [A] veuve [M] selon le calcul suivant : 2080 x SMIC horaire en vigueur au jour du partage x 2/3 x 11 ans ;

- débouter Mme [O] [M], M. [I] [M], M. [B] [M], M. [P] [M] et Mme [X] [M] épouse [E] de l'ensemble de leurs demandes formulées à son encontre ;

- condamner in solidum Mme [O] [M], M. [I] [M], M. [B] [M], M. [P] [M] et Mme [X] [M] épouse [E] au versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance ;

- condamner in solidum Mme [O] [M], M. [I] [M], M. [B] [M], M. [P] [M] et Mme [X] [M] épouse [E] au paiement des entiers dépens de première instance et d'appel.

Aux termes de leurs dernières écritures notifiées le 16 février 2024, Mme [O] [M], M. [I] [M] et M. [B] [M] demandent à la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions à l'exception de celles relatives à la créance de salaire différé de M. [C] [M] ;

- réformer les dispositions du jugement ayant fixé la créance de salaire différé de M. [C] [M] au passif des successions de M. [V] [M] et de Mme [K] [A] selon le calcul suivant : 2080 x le SMIC horaire en vigueur au jour du partage x 2/3 x 11 ans ;

- débouter M. [C] [M] de sa demande de fixation d'une créance de salaire différé ;

- condamner M. [C] [M] à leur payer unis d'intérêts une indemnité de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- le condamner aux entiers dépens de première d'instance et d'appel.

La déclaration d'appel et les conclusions des parties ont été régulièrement signifiées, M. [P] [M] et Mme [X] [M] épouse [E] qui n'ont pas constitué avocat.

Pour l'exposé complet des prétentions et de l'argumentaire des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture de l'instruction a été prononcée le 6 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de partage de Monsieur [C] [M]

L'appelant sollicite la réformation du jugement en ce qu'il a rejeté sa demande de partage des biens de l'indivision successorale et réitère cette demande en cause d'appel, en proposant un projet de répartition des droits de chacun des indivisaires.

Toutefois, dès lors que les intimés contestaient ce projet, celui-ci ne pouvait être entériné par le tribunal, qui a ordonné l'ouverture des opérations de compte liquidation partage des indivisions successorales de Monsieur [V] [M] et Madame [K] [A] son épouse et a désigné un notaire pour y procéder.

Ces dispositions ne sont d'ailleurs pas remises en cause par les parties.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [C] [M] de sa demande de partage des biens de l'indivision successorale existant avec ses coïndivisaires selon la répartition proposée par lui.

Sur l'attribution de parcelles de terres à Monsieur [B] [M]

Monsieur [C] [M] sollicite la réformation du jugement en ce qu'il a attribué à son frère [B], les parcelles indivises cadastrées section AB N°[Cadastre 15], Z N°[Cadastre 20], Z N°[Cadastre 10] situées sur la commune de [Localité 29] et W N°[Cadastre 22], située sur la commune de [Localité 24], au motif que ce dernier n'aurait jamais fait valoir cette demande à l'occasion de l'établissement des projets de partage.

Cet argument est inopérant puisqu'aucun texte ne prévoit l'irrecevabilité d'une demande d'attribution préférentielle qui n'aurait pas été formulée au stade de l'élaboration du projet liquidatif, et qu'au surplus, il est acquis qu'elle peut être présentée pour la première fois en cause d'appel.

Dès lors qu'il n'est pas contesté par Monsieur [C] [M] que son frère, [B] remplit les conditions prévues aux articles 831 et 832 du code civil, lui permettant de demander l'attribution préférentielle à charge de soulte, de parcelles qu'il exploite, ce dont au surplus il justifie, le jugement sera confirmé en ce qu'il a fait droit à cette demande.

Sur la demande en paiement de fermages par Monsieur [B] [M]

Monsieur [C] [M] sollicite la réformation du jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande de paiement par son frère [B] à l'indivision, de fermages au titre des biens qu'il occupe ou exploite depuis le décès de leur mère, survenu le [Date décès 14] 2013, sans contre partie.

Ce dernier se prévaut de l'existence d'un bail rural à titre onéreux, en contrepartie duquel il affirme s'acquitter de diverses charges (impôts fonciers, assurances).

Il ajoute avoir réalisé dans l'ancienne porcherie à ses frais exclusifs un logement de type F1, sans aucune indemnité ni demande d'indemnisation, qui ne saurait davantage donner lieu selon lui, au paiement d'une indemnité d'occupation.

Il incombe à celui qui se prévaut d'un bail verbal d'en rapporter la preuve par tous moyens étant ici rappelé que son existence ne peut être reconnue sans contrepartie.

Il n'est pas réellement contesté que Monsieur [B] [M] exploite les parcelles indivises depuis la cessation d'activité de Madame [K] [A].

S'il affirme s'acquitter en contrepartie de la mise à disposition de ces parcelles, des charges incombant normalement au propriétaire telles qu'impôts fonciers et cotisations d'assurance, il ne justifie du paiement de ces dernières que depuis 2017, alors que Madame [A] est décédée le [Date décès 14] 2013 et qu'il ne verse aux débats aucune pièce pour les années antérieures.

En outre, s'il produit des avis de taxes foncières, il apparaît que ceux-ci lui ont été adressés par Maître [H], notaire, sans qu'il soit précisé si c'est au titre de preneur à bail ou de gérant de l'indivision successorale, l'ensemble de ses avis étant également postérieur au décès de Madame [A], et libellé à son nom en qualité d'usufruitière, ce qu'elle était effectivement depuis le décès de son époux.

Ces pièces sont donc insuffisantes à établir l'existence d'un bail verbal, tout comme les factures d'entretien relatives au remplacement de tuiles ou d'ardoises par l'entreprise Devaux datées de 2018 et 2020, qui peuvent tout aussi bien correspondre à un entretien pour le compte de l'indivision.

Monsieur [B] [M] est donc redevable d'un fermage pour les lieux qu'il occupe depuis le décès de sa mère en 2013.

L'appelant n'établit pas par ailleurs la réalité de l'occupation du corps de ferme par son neveu, Monsieur [S] [M].

Il sera donc débouté de sa demande tendant à ce que son frère [B], rende compte à l'indivision de l'occupation par celui-ci d'une partie dudit corps de ferme.

Le jugement qui a débouté Monsieur [C] [M] de sa demande au titre des fermages dus par son frère [B], sera donc infirmé, mais confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande tendant à ce que ce dernier rende compte à l'indivision de l'occupation par son fils, [S], d'une partie du corps de ferme située [Adresse 4] à [Localité 29].

Sur la demande de rémunération de [B] [M]

Le tribunal a fait droit à la demande de Monsieur [B] [M] tendant à l'obtention d'une rémunération pour avoir géré pour le compte de l'indivision, la réalisation d'un lotissement sur les parcelles indivises constructibles, ayant permis de vendre 2 ha de terres pour un montant de 735.885,00 €.

Monsieur [C] [M] conteste ce droit à rémunération, au motif notamment que son frère [B] aurait refusé de donner suite à un premier projet ce qui aurait entraîné une perte de temps et d'argent, et que les indivisaires ne l'ont pas formellement chargé de réaliser l'opération de lotissement.

Aux termes de l'article 815-12 du code civil, l'indivisaire qui gère un ou plusieurs biens indivis, a droit à la rémunération de son activité.

En l'espèce, il résulte des nombreuses pièces versées aux débats par Monsieur [B] [M] et notamment des correspondances émanant de son conseil, du cabinet de géomètres-experts, de la DDE du Calvados, de la Région, de la convention passée avec le syndicat d'assainissement, de la Mairie, du Cabinet d'Ingénieurs-Conseils qui a réalisé l'étude de sol préalable, qui sont toutes adressées à son nom, qu'il s'est effectivement chargé de 2007 à 2012, des différentes démarches en vue de la réalisation d'un lotissement pour le compte de l'indivision peu important qu'il n'ait pas été donné de suite à un précédent projet, dont il conteste au demeurant avoir eu connaissance.

La participation de Monsieur [C] [M], en sa qualité de conseiller municipal, sur le sujet du lotissement, lors de délibérations du Conseil municipal, d'une part n'implique pas qu'il soit intervenu pour le compte de l'indivision, et d'autre part, n'est pas de nature à remettre en cause, la gestion réalisée par son frère, [B], et dont il justifie.

Il sera enfin relevé, qu'aucune pièce n'est produite, démontrant que les membres de l'indivision se seraient opposés à sa gestion par ce dernier.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a dit que Monsieur [B] [M] a droit à une rémunération pour la réalisation du lotissement '[Adresse 27]' sur les terres indivises cadastrées section A N°[Cadastre 3], qui sera fixée à l'amiable entre les parties lors des opérations de compte liquidation partage ordonnées.

Sur les créances de salaires différés d'[O] et [B] [M]

Monsieur [C] [M] ne conteste pas réellement le droit de ses frère et soeur, [B] et [O] à une créance de salaire différé, mais sollicite la réformation du jugement en ce qu'il l'a débouté de la fin de non-recevoir tirée de la prescription d'une telle demande sur la succession de leur père, qui ne figurait pas dans le dispositif de ses conclusions.

Subsidiairement, il conclut au rejet de cette demande en ce qu'elle porte sur la succession de son père uniquement.

Madame [O] [M] et Monsieur [B] [M] soutiennent qu'ayant travaillé successivement sur les exploitations de leur père puis de leur mère, ils sont recevables à agir sur l'une ou l'autre des successions dans le délai de cinq à compter du décès du survivant.

Le tribunal ayant relevé que la fin de non-recevoir tirée de la prescription, ne figurait pas dans le dispositif des conclusions de Monsieur [C] [M], qui seul le saisit en vertu de l'article 768 du code de procédure civile, ce que ne conteste d'ailleurs pas celui-ci,

c'est à juste titre qu'il n'a pas statué sur celle-ci.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Monsieur [C] [M] se prévalant de nouveau de cette fin de non-recevoir devant la cour, de façon régulière, il convient de l'examiner.

Il est acquis que lorsque chacun des parents a été successivement exploitant de la même exploitation, leur descendant peut se prévaloir d'un contrat unique pour exercer son droit sur l'une ou l'autre des successions, à condition que ce contrat ait reçu exécution au cours de l'une et l'autre des deux périodes.

Dans cette hypothèse, le point de départ du délai de prescription est fixé au jour de l'ouverture de la seconde succession.

Il n'est pas contesté par l'appelant que ses frère et soeur ont effectivement travaillé sur l'exploitation gérée successivement par leur père, puis par leur mère après le décès de celui-ci, ce dont au demeurant les intimés justifient (Cf.pièces N°83, 84, 85).

Les demandes de créances de salaires différés d'[O] et [B] [M] sur la succession de leur père est donc recevable.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a fixé leurs créances à ce titre sur les successions de leurs deux parents, comme suit :

- Madame [O] [M] : 2080 X SMIC horaire en vigueur au jour du partage X 2/3 X 10 ans,

- Monsieur [B] [M] : 2080 X SMIC horaire en vigueur au jour du partage X 2/3 X 7 ans et 41 jours,

ce calcul n'étant pas remis en cause par l'appelant.

Sur la créance de salaire différé d'[C] [M]

Les intimés forment un appel incident en ce que le tribunal a fait droit à la demande de créance de salaire différé formée par leur frère [C] qui n'a travaillé comme aide familial sans rémunération, que sur l'exploitation de leur père, de telle sorte que sa demande est prescrite.

L'appelant affirme qu'il a dû, dès l'âge de 14 ans, remplacer son père sur l'exploitation, en raison de problèmes de santé de celui-ci, pendant onze années.

Si le principe d'une créance de salaire différé n'est pas contesté par les intimés, force est de constater ainsi qu'ils le soutiennent, que la période concernée en porte sur une durant laquelle, seul Monsieur [V] [M] avait la qualité de chef d'exploitation.

Monsieur [C] [M] ne peut donc se prévaloir du principe dégagé en cas d'exploitation successive par les deux parents, rappelé ci-dessus.

Le point de départ de la prescription de sa créance de salaire différé, étant fixé au jour de l'ouverture de la succession de son père, soit le 15 septembre 1979, sa demande de créance de salaire différé est prescrite.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a fait droit à sa demande à ce titre.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

L'équité commande de ne pas faire droit aux demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Compte tenu de la nature de l'affaire, les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de partage, le jugement étant confirmé en ce qu'il a ordonné l'emploi des dépens en frais généraux de partage, mais sans bénéfice de distraction au profit des avocats.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Caen du 11 janvier 2021 dans la limite des chefs dont elle est saisie, sauf en ce qu'il a débouté Monsieur [C] [M] de ses demandes tendant à ce que Monsieur [B] [M] verse à l'indivision successorale, le montant des fermages depuis le 24 mai 2013 jusqu'à la date du partage, et a fixé une créance de salaire différé au profit de Monsieur [C] [M],

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT que Monsieur [B] [M] devra verser à l'indivision successorale, le montant des fermages dûs pour les parcelles qu'il exploite depuis le 24 mai 2013 et jusqu'à la date du partage,

DÉBOUTE Monsieur [C] [M] de sa fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes de créances de salaires différés de sa soeur [O] [M] et de son frère, [B] [M] sur la succession de leur père, [V] [M], décédé le [Date décès 8] 1979,

DÉCLARE prescrite la demande de créance de salaire différé de Monsieur [C] [M],

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes, en ce compris celles formées en application de l'article 700 du code de procédure civile,

DIT que les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de partage.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

M. COLLET G. GUIGUESSON


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/00913
Date de la décision : 04/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-04;21.00913 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award