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30/05/2024 | FRANCE | N°23/02103

France | France, Cour d'appel de Caen, 3ème chambre civile, 30 mai 2024, 23/02103


AFFAIRE : N° RG 23/02103 - N° Portalis DBVC-V-B7H-HIWQ



ARRET N°









ORIGINE : Décision du Juge aux affaires familiales de CAEN du 27 juillet 2023

RG n° 21/02714









COUR D'APPEL DE CAEN

TROISIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 30 MAI 2024



APPELANT :



Monsieur [Z] [D]

né le [Date naissance 6] 1964 à [Localité 3] ([Localité 3])

[Adresse 2]

[Localité 11]



représenté et assisté de Me Jérémy VILLENAVE, avocat au barreau d

e CAEN





INTIMEE :



Madame [E] [W]

née le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 3] ([Localité 3])

[Adresse 9]

[Localité 4]



représentée et assistée de Me Marlène DESOUCHES-EDET, avocat au barreau de...

AFFAIRE : N° RG 23/02103 - N° Portalis DBVC-V-B7H-HIWQ

ARRET N°

ORIGINE : Décision du Juge aux affaires familiales de CAEN du 27 juillet 2023

RG n° 21/02714

COUR D'APPEL DE CAEN

TROISIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 30 MAI 2024

APPELANT :

Monsieur [Z] [D]

né le [Date naissance 6] 1964 à [Localité 3] ([Localité 3])

[Adresse 2]

[Localité 11]

représenté et assisté de Me Jérémy VILLENAVE, avocat au barreau de CAEN

INTIMEE :

Madame [E] [W]

née le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 3] ([Localité 3])

[Adresse 9]

[Localité 4]

représentée et assistée de Me Marlène DESOUCHES-EDET, avocat au barreau de CAEN

DEBATS : A l'audience publique du 09 avril 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 30 Mai 2024, sans opposition du ou des avocats, M. GARET, Président de chambre, a entendu seul les observations des parties sans opposition de la part des avocats et en a rendu compte à la Cour dans son délibéré

GREFFIERE : Mme FLEURY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. GARET, Président de chambre,

Mme DE CROUZET, Conseiller,

Madame LOUGUET, Conseiller,

ARRET prononcé publiquement le 30 mai 2024 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour et signé par M. GARET, président, et Mme FLEURY, greffier

FAITS ET PROCEDURE

Suivant acte notarié du 1er avril 1987, Mme [E] [W] et M. [Z] [D] ont acquis ensemble un immeuble situé [Adresse 2] à [Localité 11] (Calvados).

Ils se sont mariés le [Date mariage 5] 1988, sans faire précéder leur union d'un contrat de mariage.

Le couple s'étant séparé, le juge aux affaires familiales de Caen, par ordonnance de non-conciliation du 18 mai 2017 rectifiée le 28 septembre 2017, a notamment attribué à M. [D], à titre onéreux, la jouissance du logement familial sis [Adresse 2] à [Localité 11].

Le divorce des époux a finalement été prononcé par jugement du 13 décembre 2019.

Suivant acte du 12 août 2021, Mme [W] a fait assigner M. [D] devant le juge aux affaires familiales aux fins d'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de leur régime matrimonial.

Par jugement du 27 juillet 2023, le magistrat a pour l'essentiel :

- déclaré recevable la demande en partage ;

- ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision existant entre Mme [W] et M. [D] ;

- ordonné, sur les poursuites de la partie la plus diligente et en présence de l'autre partie ou celle-ci dûment appelée, la vente sur licitation aux enchères publiques à la barre du tribunal judiciaire de Caen du bien immobilier sis [Adresse 2], cadastré section A n°[Cadastre 8] et [Cadastre 7] d'une contenance totale de 20 a 94 ca ;

- fixé le montant de la mise à prix à 400.000 € ;

- désigné Me [S] [I], notaire à [Localité 3], en qualité de séquestre pour recevoir le produit de la vente et le conserver jusqu'au partage sauf avance sur partage unanimement convenue par les indivisaires ou judiciairement octroyée ;

- dit que M. [D] est redevable d'une indemnité d'occupation depuis le 18 mai 2017 et jusqu'au jour du partage ;

- dit qu'il appartiendra au notaire de calculer le montant de l'indemnité d'occupation en fonction de la valeur locative de l'immeuble, estimée à 5 % de la valeur vénale de l'immeuble, et après abattement de 20 % ;

- constaté l'accord des parties pour la reprise par Mme [W] de tous les objets dépendant de la succession de sa mère, et plus particulièrement des tableaux signés "[W]" ainsi que la vaisselle ;

- rejeté la demande de M. [D] d'attribution du véhicule Mercedes Classe E immatriculé [Immatriculation 10] ;

- commis Me [S] [I], notaire à [Localité 3], pour procéder aux opérations de liquidation partage;

- désigné le juge commis du tribunal judiciaire de Caen pour surveiller le déroulement des opérations ;

- réservé les autres demandes et les dépens.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 5 septembre 2023, M. [D] a interjeté appel limité de cette décision.

Il a notifié ses dernières conclusions le 2 avril 2024, et Mme [W], les siennes, le 29 février 2024.

La clôture de la miseen état a été prononcée par ordonnance du 3 avril 2024.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

M. [D] demande à la cour de :

- le déclarer recevable et bien fondé en son appel;

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

* ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision existant entre Mme [W] et M. [D],

* ordonné, sur les poursuites de la partie la plus diligente et en présence de l'autre partie ou celle-ci dûment appelée, la vente sur licitation aux enchères publiques à la barre du tribunal judiciaire de Caen du bien immobilier sis [Adresse 2], cadastrée section A n°[Cadastre 8] et [Cadastre 7] d'une contenance totale de 20a 94ca,

* fixé le montant de la mise à prix à 400.000 €,

* désigné Me [S] [I], notaire à [Localité 3], en qualité de séquestre pour recevoir le produit de la vente et le conserver jusqu'au partage,

* dit que M. [D] est redevable d'une indemnité d'occupation depuis le 18 mai 2017 et jusqu'au jour du partage,

* dit qu'il appartiendra au notaire de calculer le montant de l'indemnité d'occupation en fonction de la valeur locative de l'immeuble, estimée à 5 % de la valeur vénale de l'immeuble et après abattement de 20 %,

* rejeté la demande de M. [D] d'attribution du véhicule Mercedes Classe E immatriculé [Immatriculation 10],

* commis Me [S] [I], notaire à [Localité 3], pour procéder aux opérations de liquidation partage,

* fixé à la somme de 2.000 € le montant de la provision à valoir sur les émoluments du notaire, à verser par les parties à parts égales au notaire, ou à défaut, par la partie la plus diligente, dans un délai de deux mois à compter de la précédente décision,

* réservé les autres demandes et les dépens.

Statuant à nouveau dans cette limite,

- rejeter la demande de Mme [W] de faire procéder à la vente par licitation de l'immeuble situé [Adresse 2] à [Localité 11] ;

- attribuer l'immeuble à M. [D], moyennant pour lui le versement d'une soulte à Mme [W], soit 200.000 € ;

- dire et juger que l'indemnité d'occupation due par M. [D] à compter du 18 mai 2017 jusqu'au partage définitif sera calculée sur la base de 5 % de 400.000 €, avec un coefficient de réfaction de 20 % ;

- dire que le notaire devra procéder à un partage en nature du mobilier dépendant de la communauté, excepté le véhicule Mercedes Classe E d'une valeur de 3.900 € qui sera attribué à M. [D] ;

- débouter Mme [W] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions contraires;

- condamner Mme [W] à régler à M. [D] une somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel;

- condamner Mme [W] aux entiers dépens de première instance et d'appel, subsidiairement en cas de partage des dépens, dire n'y avoir lieu à recouvrement des dépens auprès de M. [D] par le Trésor public en cas d'admission de Mme [W] au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Au contraire, Mme [W] demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 27 juillet 2023, sauf en ce qu'il a désigné Me [I] ;

Statuant à nouveau,

- désigner aux lieu et place de Me [I], Me [T];

- condamner M. [D] au paiement de la facture du serrurier ainsi que de celle de l'huissier de justice rendu nécessaire pour la visite du bien indivis, s'élevant à une somme totale de 924,73 €;

En tout état de cause,

- débouter M. [D] de l'intégralité de ses demandes;

- condamner M. [D] au paiement d'une indemnité de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [D] aux dépens d'appel;

- dire que les dépens de première instance seront employés en frais privilégiés de partage dont distraction au profit de Me Desouches-Edet.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande d'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage :

Par application de l'article 815 du code civil, nul ne peut être contraint à demeurer dans l'indivision, le partage pouvant toujours être provoqué.

En vertu de l'article 840 du même code, le partage est fait en justice lorsque l'un des indivisaires refuse de consentir au partage amiable ou s'il s'élève des contestations sur la manière d'y procéder.

En l'espèce, il est constant que les parties détiennent plusieurs biens en indivision, dont en particulier l'immeuble sis à [Localité 11] (bien acquis avant le mariage) et le véhicule Mercedes Classe E immatriculé [Immatriculation 10] (indivision post-communautaire), dont M. [D] sollicite d'ailleurs l'attribution préférentielle.

Si M. [D] demande l'infirmation du jugement en ce qu'il a ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de cette indivision, pour autant force est de constater qu'il ne développe aucun moyen propre à s'y opposer.

A l'inverse, Mme [W] démontre, en particulier par le message de son notaire en date du 26 mai 2020, qu'il n'a pas été possible de procéder à un partage amiable, M. [D] n'ayant jamais répondu aux sollicitations qu'il avait reçues en ce sens, et ce, malgré de multiples relances.

Face à la résistance de M. [D], Mme [W] s'est même trouvée contrainte de solliciter judiciairement l'autorisation de faire procéder à l'estimation de l'immeuble ainsi qu'à l'inventaire des meubles, suivant deux ordonnances rendues sur requête.

Dans ces conditions, c'est à bon droit que le premier juge a ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage des rapports pécuniaires entre les ex-époux, et le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Il le sera également en ce qu'il a désigné un notaire pour y procéder de même qu'un juge commis conformément aux articles 1364 du code de procédure civile, la complexité des opérations à venir le justifiant.

Il ne sera réformé qu'afin de préciser que Me [T] remplacera Me [I], notaire désormais en retraite, et ce conformément à l'ordonnance de changement déjà prise le 18 octobre 2023.

Sur la demande d'attribution préférentielle de l'immeuble sis à [Localité 11] :

Pour débouter M. [D] de cette demande, le premier juge a essentiellement retenu que celui-ci ne justifiait pas de sa capacité financière à s'acquitter d'une soulte correspondant à la moitié de la valeur de l'immeuble, qu'il a estimée à quelques 450.000 €.

M. [D] conteste cette appréciation, faisant notamment valoir que le magistrat n'a pas tenu compte de ce qu'il justifiait de la vente d'un autre bien immobilier lui ayant procuré une somme supérieure à 217.000 €, ajoutant que sa mère lui a en outre fait donation d'une somme de 58.000€, de sorte qu'il dispose de fonds suffisants pour assurer à la fois le paiement de la soulte due à Mme [W] et de l'indemnité d'occupation qu'il reconnaît devoir à l'indivision.

Il argue aussi de ce qu'il a financé sur ses fonds personnels des travaux d'entretien du bien indivis, lesquels lui ouvriront droit à récompense sur le fondement de l'article 815-2 du code civil, et qu'il sera en droit également de demander une rémunération en contrepartie du temps personnel qu'il a employé à la gestion du bien, notamment en réalisant l'entretien du jardin.

Il fait enfin valoir que le marché immobilier ayant évolué, la valeur du bien se rapproche davantage de 400.000 €, soulignant d'ailleurs qu'il est contradictoire pour le premier juge d'avoir retenu une valeur de 450.000 € tout en fixant la mise à prix du bien à 400.000 €.

Au contraire, Mme [W] sollicite la confirmation du jugement de ce chef, faisant valoir en effet :

- que M. [D] ne justifie pas de la valorisation du bien à hauteur de 400.000 € alors en effet qu'il produit une évaluation déjà datée puisque du 22 septembre 2020 qui mentionne une fourchette de prix comprise entre 403.000 € et 428.000 €, que l'estimation notariée qu'elle communique elle-même mentionne un prix de 480.000 € et que, compte tenu de son emplacement entre [Localité 3] et la mer, le bien a dû voir sa valeur augmenter depuis ;

- que dans la mesure où il ne travaille pas et qu'il ne perçoit que le RSA, M. [D] ne justifie pas de sa capacité à financer, outre le paiement d'une indemnité d'occupation à l'égard de l'indivision à hauteur de quelques 112.000 € et le remboursement par moitié des différentes taxes et assurances dont elle s'est elle-même acquittée, le paiement de la soulte à lui revenir, et ce en dépit même des fonds qu'il a pu percevoir en 2021, dans lesquels il a d'ailleurs sans doute déjà dû puiser pour pouvoir vivre ces dernières années.

Sur ce, la cour rappelle qu'en application des articles 831, 831-2, 1476 et 1542 du code civil, le conjoint divorcé peut demander l'attribution préférentielle du local indivis qui lui sert effectivement d'habitation.

Pour autant, cette attribution préférentielle n'est jamais de droit, et l'article 832-3 du code civil dispose qu'à défaut d'accord amiable, la demande d'attribution préférentielle est portée devant le tribunal qui se prononce en fonction des intérêts en présence.

En l'espèce, il ressort des pièces communiquées aux débats :

- que l'immeuble dont M. [D] sollicite l'attribution a été acquis par M. [D] et Mme [W] antérieurement à leur mariage, à savoir le 1er avril 1987, au prix de 200.000 francs qu'ils ont payé chacun par moitié, de sorte qu'ils en sont propriétaires indivis par moitié ;

- que les seules estimations du bien dont la cour dispose font état, pour celle communiquée par M. [D] et établie par une agence immobilière en septembre 2020, d'une valeur de l'ordre de 415.000 € (sa pièce n°2), et pour celle produite par Mme [W] et effectuée par une étude notariale en août 2020, d'une valeur de l'ordre de 480.000 € (sa pièce n°7), de sorte, qu'à l'instar du premier juge, il convient de retenir, à défaut d'estimation plus récente versée au dossier, une valorisation médiane de l'ordre de 448.000 €, ce qui impliquerait, en cas d'attribution préférentielle à M. [D], le paiement d'une soulte de l'ordre de 224.000 € à Mme [W] ;

- qu'il est constant par ailleurs que M. [D] qui occupe exclusivement le bien indivis depuis la séparation conjugale, est redevable envers l'indivision d'une indemnité d'occupation dont le montant, calculé sur la base de l'estimation retenue de 448.000 €, s'élèverait, selon la méthode de calcul usuelle en la matière et non contestée par les parties (consistant à se référer à la valeur locative du bien estimé à 5 % de sa valeur vénale et à y appliquer un abattement de 20 % pour tenir compte de la précarité de l'occupation) à 1.493,33 € par mois (448.000 € x 5 % / 12 mois - 20 %), soit du 18 mai 2017 jusqu'au jour du présent arrêt, la somme totale de 126.066 € (1.493,33 x 12 mois x 7 ans + 1.493,33 x 13/31 (du 18 mai au 30 mai 2024) à une somme de 126.066 €, d'où une somme de 63.033 € à payer par M. [D] à Mme [W];

- que l'allégation de M. [D] selon laquelle il aurait financé sur ses fonds personnels des travaux d'entretien sur le bien indivis lui ouvrant droit à récompense n'est corroborée par aucun élément versé aux débats, la consistance de ces travaux n'étant pas même seulement énoncée ; qu'en tout état de cause, sans préjudice des comptes restant à faire entre les parties, cette allégation ne saurait être prise en considération pour apprécier la capacité de M. [D] à financer l'attribution préférentielle qu'il réclame;

- que M. [D] n'établit pas plus la gestion du bien qu'il revendique pour en obtenir une rémunération par l'indivision en vertu de l'article 815-12 du code civil;

- qu'à l'inverse, Mme [W] est elle-même susceptible de prétendre au remboursement de certaines sommes par l'indivision (taxes foncières, assurances etc) et ce, conformément aux prévisions de l'article 815-9 du code civil, des comptes restant à faire entre les parties au vu des justificatifs qu'il leur appartiendra de fournir en temps utile devant le notaire désigné;

- que le seul décompte de l'office notarial mentionnant un prix à revenir à M. [D] de 217.051 € sur la vente d'un autre immeuble lui appartenant avec sa mère et devant intervenir le 14 octobre 2021 (sa pièce n°1) ne permet pas à la cour, en l'absence d'autres pièces justificatives, de s'assurer qu'il dispose encore de cette somme à ce jour, ce d'autant qu'il ne conteste pas l'affirmation de Mme [W] selon laquelle il est sans emploi et allocataire du RSA;

- que M. [D] ne justifie pas non plus de ce que, comme il l'affirme, sa mère lui aurait fait donnation d'une somme de 58.000 €.

Ainsi et eu égard à l'ensemble de ces éléments, M. [D] ne démontre pas qu'il dispose de la capacité financière d'assurer à la fois le paiement de la soulte, calculée sur la base d'un juste prix de l'immeuble indivis, et de l'indemnité dont il est redevable au titre d'une occupation privative depuis plus de 7 ans.

Par suite, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [D] de sa demande d'attribution préférentielle de cet immeuble.

Sur la demande de licitation de l'immeuble indivis sis à [Localité 11] :

M. [D] fait grief au jugement d'avoir ordonné la licitation de l'immeuble, tandis que Mme [W] conclut à la confirmation du jugement de ce chef.

Sur ce, la cour rappelle qu'en vertu de l'article 1377 du code de procédure civile, le tribunal ordonne, dans les conditions qu'il détermine, la vente par adjudication des biens qui ne peuvent être facilement partagés ou attribués.

En l'espèce, la consistance du patrimoine indivis, mobilier compris, ne permet pas d'envisager la constitution de deux lots de valeur égale, dont l'un contiendrait l'immeuble de [Localité 11].

Par ailleurs, cet immeuble, qui ne comporte qu'une seule maison d'habitation, n'apparaît pas non plus partageable en nature, aucune des parties ne sollicitant au demeurant une telle répartition du bien. (cf pièce n° 7 de Mme [W]).

Enfin, pour les motifs exposés ci-dessus, l'immeuble ne saurait être attribué à M. [D] seul, tandis que Mme [W] n'en sollicite pas l'attribution.

Par suite, il apparaît que seule la licitation de l'immeuble indivis permettra de procéder à son partage.

Quant à la mise à prix de 400.000 €, si elle est effectivement inférieure à sa valeur vénale telle que retenue ci-dessus, une telle minoration, au demeurant usuelle en matière de vente aux enchères publiques, est nécessaire pour rendre la vente plus attractive.

La décision attaquée sera donc confirmée en ce qu'elle a ordonné sa vente aux enchères avec une mise à prix à hauteur de 400.000 € en ce comprises toutes les modalités de sa mise en oeuvre, et ne sera dès lors réformée qu'afin de substituer Me [T] à Me [I], en qualité de séquestre pour recevoir le produit de la vente et le conserver jusqu'au partage, sauf avance sur partage unanimement convenue par les indivisaires ou judiciairement octroyée.

Afin d'éviter toute difficulté d'exécution à venir, elle sera en outre complétée afin de préciser que l'immeuble en cause est situé à [Localité 11].

Sur l'indemnité d'occupation due par M. [D] au titre de la jouissance privative du bien indivis :

L'article 815-9 du code civil dispose en son second alinéa que l'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité.

En l'espèce, il est constant que M. [D], qui s'est vu attribuer la jouissance à titre onéreux de l'immeuble indivis par l'ordonnance de non-conciliation du 18 mai 2017, a maintenu son occupation privative des lieux après le prononcé du divorce, ce dernier y résidant même toujours actuellement.

Le principe de cette indemnité et la date de son point de départ à compter du 18 mai 2017 ne sont dès lors pas contestables ni contestés.

De même, la cour observe que, pour déterminer le montant de l'indemnité, les parties proposent toutes deux d'appliquer la même méthode de calcul, à savoir se référer à la valeur locative du bien comme correspondant à 5 % de sa valeur vénale puis y appliquer un abattement de 20 % pour compenser le caractère précaire de l'occupation du bien du fait de sa nature indivise.

En définitive, seule la valeur vénale du bien à retenir demeure litigieuse, M. [D] se référant à une valeur de 400.000 €, tandis que Mme [W] sollicite la confirmation du jugement en ce ce qu'il a dit qu'il appartiendra au notaire de calculer le montant de l'indemnité en fonction de la valeur locative de l'immeuble qui sera finalement retenue, Mme [W] considérant en effet qu'il est normal que le notaire liquidateur procède à ce calcul en fonction du prix qui résultera de l'adjudication effective de l'immeuble.

La cour partage cette dernière analyse, considérant en effet, en l'absence d'accord des parties quant à la valeur de l'immeuble, qu'il est nécessaire d'attendre la vente de l'immeuble pour déterminer au plus juste le montant de l'indemnité d'occupation due par M. [D].

Rien ne le prohibe d'ailleurs, ce d'autant que des comptes restent à faire entre les parties et que la liquidation des intérêts pécuniaires des ex-époux n'est pas achevée à ce jour.

Le jugement sera donc confirmé en ce sens. Toutefois et afin de lever toute ambiguïté, il sera complété afin de préciser que la valeur vénale à retenir devra correspondre au prix issu de la vente aux enchères publiques à intervenir.

De même et en tant que de besoin, il convient de préciser que l'indemnité d'occupation cessera d'être due par M. [D] à compter de la date à laquelle il libérera effectivement les lieux.

Sur la demande de M. [D] tendant à obtenir l'attribution préférentielle du véhicule automobile Mercedes Classe E immatriculé [Immatriculation 10] :

Pour débouter M. [D] de cette demande d'attribution au prix de 3.900 €, le premier juge a relevé en substance que les parties divergeaient sur la valeur à retenir puisque Mme [W] estime quant à elle le véhicule à 10.590 €.

M. [D] conteste cette appréciation, considérant que le prix revendiqué par Mme [W], qui correspond à une cote argus, ne tient pas compte de l'état réel du véhicule, contrairement à l'estimation, réalisée par un garagiste, qu'il produit lui-même.

Selon lui, il appartiendra en tout état de cause au notaire liquidateur de déterminer la valeur du véhicule si la cour ne le fait pas et, ensuite, d'organiser des lots de partage en fonction de cette valorisation afin de lui attribuer le véhicule, rappelant qu'il est tout à fait en capacité de verser une éventuelle soulte.

A l'inverse, Mme [W] sollicite la confirmation du jugement attaqué de ce chef, observant en effet que le document produit par M. [D] ne constitue pas une évaluation, mais une fiche de reprise du véhicule.

Elle ajoute que M. [D] est dans l'incapacité de bénéficier de l'attribution du bien alors même qu'il ne peut déjà pas verser la soulte concernant la maison.

Sur ce, la cour rappelle que par application combinée des articles 1476 et 831-2 du code civil, un ex-époux peut demander l'attribution préférentielle d'un bien mobilier, en l'occurrence d'un véhicule automobile, dépendant de l'indivision post-communautaire, dès lors que ce bien lui est nécessaire pour les besoins de la vie courante.

Par ailleurs, cette attribution préférentielle n'est pas subordonnée à la fixation préalable du prix du bien indivis, ni à l'établissement préalable d'un compte entre les parties, le juge devant statuer sur la demande d'attribution, en fonction des intérêts en présence, même en cas de divergence des parties sur la valeur du bien à attribuer.

Ce n'est donc qu'au moment des comptes définitifs qu'il appartiendra aux parties de se mettre d'accord sur le prix à retenir, quitte à devoir saisir à nouveau le juge en cas de désaccord persistant.

En l'espèce, il ressort des éléments du dossier :

- que Mme [W] ne conteste pas la nécessité pour M. [D] de disposer de ce véhicule pour les besoins de la vie courante ;

- qu'elle ne revendique pas elle-même l'attribution dudit véhicule;

- qu'il a été précédemment démontré que M. [D] était titulaire d'un capital amplement suffisant pour s'acquitter de la soulte à revenir à Mme [W] au titre de ce véhicule, et ce, même s'il fallait retenir la fourchette haute de son évaluation, la soulte n'excédant pas, même en cette hypothèse, une somme de 5.295 € (soit la moitié de 10.590 €);

- qu'en persistant à réclamer l'attribution préférentielle du véhicule en dépit du désaccord qui existe quant à son prix, M. [D] prend seulement le risque de devoir lui régler, le cas échéant en moins prenant sur sa part à venir dans la liquidation globale de l'indivision, une somme supérieure à celle qu'il envisageait de débourser pour acquérir le véhicule, ce qui relève de sa seule responsabilité, sans que Mme [W] puisse s'en plaindre elle-même.

Aussi et eu égard à ces éléments, il sera fait droit à la demande de M. [D] tendant à l'attribution préférentielle du véhicule, le jugement devant être infirmé en ce sens.

Sur les autres demandes :

Il ressort des éléments du dossier que face à l'opposition persistante de M. [D], Mme [W] s'est trouvée contrainte de solliciter le prononcé de deux ordonnances sur requête, ainsi que l'intervention d'un serrurier afin de pouvoir faire procéder à l'estimation de l'immeuble indivis ainsi qu'à l'inventaire du mobilier.

Dès lors, il y a lieu de condamner M. [D] à lui verser la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, tout en la déboutant de sa demande en paiement des factures correspondantes, celle-ci ayant le même objet.

Enfin, eu égard à la nature familiale du litige, les dépens de première instance et d'appel seront employés en frais privilégiés de partage, ce qui exclut l'application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Statuant contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition :

- infirme le jugement déféré en ce qu'il a :

* désigné Me [S] [I] en qualité de séquestre pour recevoir le produit de la vente sur licitation ainsi qu'en qualité de notaire commis pour procéder aux opérations de liquidation partage;

* rejeté la demande d'attribution préférentielle du véhicule Mercedes Classe E immatriculé [Immatriculation 10] formée par M. [D];

- statuant à nouveau de ces chefs et y ajoutant :

* désigne Me [T] aux lieu et place de Me [I], en qualité de séquestre pour recevoir le produit de la vente sur licitation ainsi qu'en qualité de notaire commis pour procéder aux opérations de liquidation partage;

* ordonne l'attribution à titre préférentiel du véhicule Mercedes Classe E immatriculé [Immatriculation 10] à M. [D], à charge pour le notaire commis de fixer sa valeur au jour le plus proche du partage;

- confirme les autres dispositions appelées;

- y ajoutant :

* dit que M. [D] est redevable envers l'indivision d'une indemnité d'occupation du bien immobilier indivis sis à [Localité 11] depuis le 18 mai 2017 jusqu'au jour où il justifiera avoir libéré les lieux ou, à défaut, jusqu'au jour du partage, et dit que la valeur vénale de l'immeuble à retenir pour le calcul de cette indemnité correspondra au prix qui résultera de la vente aux enchères publiques à intervenir;

* dit que le bien immobilier dont s'agit est sis [Adresse 2] à [Localité 11] (Calvados), cadastrée section A n°[Cadastre 8] et [Cadastre 7] pour une contenance totale de 20 a 94 ca ;

* déboute Mme [W] de sa demande tendant à voir condamner M. [D] au paiement de la facture du serrurier ainsi que de celle de l'huissier de justice s'élevant à un montant total de 924,73 €;

* déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

* condamne M. [D] à payer à Mme [W] la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

*dit que les dépens de première instance et d'appel seront employés en frais privilégiés de partage;

* dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LE PRÉSIDENT

Estelle FLEURY Dominique GARET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : 3ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 23/02103
Date de la décision : 30/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-30;23.02103 ?
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